Le Circuit Tracks est l'évolution du Circuit premier du nom ou "OG", sorti en 2015, que nous avions testé dans nos colonnes. A l'époque, le firmware en était à sa version 1.1, et depuis de nombreuses mises à jour demandées par les utilisateurs ont été proposées, comme la possibilité d'importer ses samples, d'éditer ses patchs avec des éditeurs sur ordinateur dédiés, la mise à disposition de packs de patchs / sessions / samples pour remplacer ceux d'origine, de multiples améliorations du séquenceur etc. Ce qui devait être limité et plus ou moins dédié à des débutants est alors devenu plus ouvert, au point d'intéresser tous les aficionados des configurations "DAW-less" sans ordinateur pour la scène ou la production. Avec ce Circuit Tracks, proposé actuellement à 380 euros, Novation a fait évoluer également la partie hardware et revisité le concept original. Regardons de plus près ce que cela implique.
Mettons nous sur les rails
Ce nouveau produit est donc une groove machine ou groovebox de 240 × 210 × 40 mm, un outil de production musical parfaitement autonome avec une batterie intégrée (annoncée à 4 heures d’autonomie), qui peut servir de séquenceur, de synthétiseur avec le moteur du Novation MiniNova, de lecteur de sample, de contrôleur MIDI avec ses encodeurs rotatifs et sa grille de 4 × 8 pads familiers pour les utilisateurs de Launchpads, un outil de performance live, et encore d’autres choses si on le connecte par USB à un ordinateur, ce qui permet de le mettre à jour, de transférer des sons, et d’en faire une interface MIDI.
En ouvrant la boite, on trouve le joujou avec un câble USB, une prise d’alimentation universelle et puis c’est tout, pas de manuel imprimé ou de petit pense-bête des fonctionnalités principales malheureusement.
Toute la connectique est présente à l’arrière, avec les éléments déjà présents sur le Circuit OG : deux sorties jack 6.35 mm, une sortie casque, le slot Kensington MiniSaver, un port USB, le bouton d’allumage qu’il faudra enfoncer plusieurs secondes pour allumer la machine. Le Circuit Tracks propose en plus un port pour carte microSD, deux nouvelles entrées audio 6.35 mm, la suppression de l’entrée alimentation (le port USB joue ce rôle à présent), le remplacement de l’entrée et de la sortie MIDI au format 3.5 mm par une entrée et une sortie MIDI au format DIN classique, avec un port THRU supplémentaire qui peut aussi être configuré comme deuxième sortie et une sortie sync pour synchroniser le tempo de plusieurs machines.
Le port USB a d’ailleurs un certain nombre d’usages dans la machine. Il permet de communiquer avec un ordinateur comme entrée et sortie MIDI (ce qui permet par exemple de jouer d’un instrument virtuel via la surface de contrôle, de lancer des clips dans Ableton Live, de brancher un clavier maitre sur le Circuit Tracks uniquement mais de recevoir les notes sur l’ordinateur, de séquencer le Circuit Tracks avec des clips présents sur l’ordinateur, de récupérer directement les informations de tempo etc.), il recharge la batterie interne, et donne accès aux fonctionnalités de l’application Components dont nous parlerons plus loin. Toutes ces fonctionnalités font que la machine peut servir d’élément central dans un set d’instruments, d’autant plus que les entrées audio pourront être traitées avec les effets proposés. A notre grand regret par contre, le port USB ne permet pas de jouer le rôle d’interface audio, donc d’envoyer et de recevoir des données audio. Pour faire le mixage d’un morceau réalisé avec le Circuit Tracks, il faudra se contenter des sorties analogiques.
Enfin, le Circuit Tracks propose en plus de ses 8 encodeurs rotatifs, qui permettront d’agir sur le son du moteur de synthèse et de lecture de samples et envoyer des messages MIDI à des appareils externes, un potentiomètre de volume général, un autre de « master filter » qui agit directement sur la sortie audio (passe-bas à gauche de la position centrale à cran, passe-haut à droite), et une vingtaine de boutons pour accéder aux fonctionnalités du produit.
Mise en place
Après avoir enregistré la machine sur notre compte Novation, on accède à une liste de téléchargements pour le Circuit Tracks, le manuel utilisateur en PDF dans toutes les langues (y compris le français !), l’application Novation Components qui permet de faire communiquer l’ordinateur et le Circuit Tracks, le driver Novation USB pour Windows, un accès à des vidéos tutoriel sur une page dédiée, et un bundle de logiciels et de samples.
Au moment du test, nous avions accès à un pack de samples Loopmasters de 3 Go, et à des accès temporaires via le Novation/Focusrite Sound Collective aux plug-ins Tracktion RetroMod 106, GForce Micromonsta, et Zampler Sounds Zampler RX (en gros, tous les deux/trois mois l’éditeur donne un code qui permet d’acquérir un nouveau plug-in, mais l’offre expire au bout d’un certain temps et on vous en propose une nouvelle dans la foulée). Pour la documentation, elle ne concerne au moment du test que le Circuit Tracks lui-même, mais pas l’application Components qui a juste une page sur le site internet. Il n’y a pas encore non plus de « Programmer’s Guide », qui indiquait les références CC et NRPN pour modifier les paramètres de la machine via MIDI sur le Circuit OG, même si d’après l’éditeur sa publication ne saurait tarder et que peu de choses ont changé à ce niveau-là entre les deux machines.
Une fois tous ces éléments téléchargés, il est l’heure d’allumer le Circuit Tracks, et aussi de le brancher sur l’ordinateur pour réaliser une éventuelle « update » du firmware. Depuis sa sortie, il y a déjà eu en effet plusieurs mises à jour importantes qui ont été publiées, avec des correctifs de bugs et des améliorations (notamment sur la taille des samples que l’on peut stocker), et l’application Components permet assez simplement de mettre à jour la machine en vous guidant dans toutes les étapes à réaliser.
On remarque d’ailleurs que le Circuit Tracks est reconnu comme un disque dur à la connexion à l’ordinateur, qui contient quelques informations de démarrage et un lien HTML vers la page du site de Novation donnant accès aux téléchargements et aux tutoriels vidéo. Cette fonctionnalité, appelée « Easy Start Tool » et qui peut d’ailleurs être désactivée dans les paramètres de la machine, ne permet pas toutefois d’avoir accès au contenu musical lui-même ou à l’arborescence de la carte microSD malheureusement.
Ces données musicales sont organisées sous la forme de « packs », qui est lui-même constitué de 64 échantillons sonores ou samples mono dont la durée totale ne doit pas excéder 3 minutes, de 128 patchs pour le moteur de synthèse, et de 64 slots pour les projets, l’équivalent des sessions dans le Circuit OG, c’est-à-dire vos séquences, réglages de mixage etc. C’est à ce moment là qu’on constate une autre des grosses différences entre le Circuit Tracks et sa version précédente. Grâce à la carte microSD, il est possible d’avoir sur sa machine stockés jusqu’à 32 packs, contre un seul sur le OG, et un seul également sur le Tracks sans carte microSD.
Notons que toutes les cartes microSD ne sont pas compatibles, et que de nombreux utilisateurs ont fait part de problèmes dans leur utilisation. C’est pourquoi Novation recommande sur une page dédiée de n’utiliser que certaines références en classe 10, formatées en FAT32. De mon côté, la première carte microSD que j’ai essayée ne fonctionnait que par intermittence après avoir enlevé puis remis plusieurs fois la carte dans le port à l’arrière. Puis j’ai acheté une des références recommandées, et depuis je n’ai jamais eu le moindre problème avec.
Prise en main du Circuit Tracks
Au démarrage, le Circuit Tracks affiche son niveau de batterie, ou indique si il est branché, et charge le dernier pack et le dernier projet de ce pack qui ont été utilisés. A la toute première utilisation, c’est le pack d’usine de Novation qui est sélectionné avec un des 16 projets d’exemple.
On est alors invités à créer de la musique en choisissant éventuellement un autre pack, puis un slot de projet, en utilisant uniquement les patchs et les samples accessibles dans le pack en cours avec les onglets « Presets ». On pourra assigner un patch à la piste de synthé numéro 1, et un autre patch sur la piste numéro 2. Sur les 4 pistes drums, il est possible au choix d’utiliser uniquement un sample par piste, ou bien de jouer un sample différent parmi les 64 sur chaque pas de chaque piste (une fonctionnalité sur laquelle on reviendra qui se nomme le « Sample Flip »), avec toutefois une limite de 4 samples joués en même temps en tout (un par piste).
Tous les onglets d’édition sont accessibles en utilisant un des boutons de part et d’autre des pads de jeu, parfois en appuyant deux fois sur le même bouton ou en restant appuyé sur « Shift » plus sur le bouton pour y accéder directement. Le fait de pouvoir faire les deux choses, et de ne pas avoir à gérer de menu déroulant rend le workflow avec la machine très agréable une fois qu’on a pris connaissance des possibilités et des fonctionnalités. Cela se fera obligatoirement en lisant le manuel au départ, qui nous semble-t-il est un passage obligatoire pour saisir les subtilités du mode de fonctionnement de la groovebox, au moins pendant les premières heures d’utilisation.
Ensuite, le choix des patchs et des samples pour générer de la musique ne se fait qu’à l’oreille, en allant dans les onglets de navigation de patchs et de samples associés à chaque piste, et en appuyant sur les pads qui permettent de les sélectionner et de les écouter. Pour les patchs, selon qu’une seule note d’exemple ou plusieurs sont jouées, on peut déterminer si le patch en question est mono ou polyphonique. Et en utilisant l’application Components (sur laquelle on reviendra également plus tard), on a accès à quelques infos supplémentaires telles que le nom et la catégorie avec le Circuit Tracks branché sur l’ordinateur, et l’application Components ouverte avec le pack en cours chargé à l’intérieur.
Chaque patch peut néanmoins sonner différemment en utilisant les 8 potentiomètres de macros, ce qui permet d’affiner le résultat sonore, voire d’apporter des modifications importantes au caractère du patch dans le séquenceur via de l’automation. Si les résultats avec des modifications de ces macros ne conviennent toujours pas, on peut alors soit aller chercher un autre patch, soit modifier ce patch dans l’application Components. Cette modification sera alors enregistrée dans le projet en cours, mais ne changera rien aux 128 patchs accessibles avec le navigateur de presets. En effet, chaque projet enregistre séparément tous les paramètres du moteur de synthèse, et pas simplement une référence vers un des patchs accessibles, ce qui est plutôt bienvenu si on a des besoins spécifiques en sound design.
Voilà pour le concept de base, qui est aussi celui du Circuit OG, sans écran sur la machine, et inchangé ou presque avec le Circuit Tracks.
Notons également que le Circuit Tracks est livré avec trois packs d’usine. Le premier a été créé par Novation en partenariat avec Red Means Recording et Taetro. Il contient 16 projets d’exemples qui permettent de se rendre compte de ce que permet la machine sur le plan sonore et d’apprécier l’utilisation des fonctionnalités disponibles pour jouer ce qui ressemble à des morceaux complets. Le second a été réalisé par DLR, tandis que le troisième a été conçu avec Shadow Child. Pour aller plus loin, il vous faudra télécharger d’autres packs existants (gratuits sur la page Facebook des utilisateurs de la machine, ou payants comme indiqués dans ce sujet), créer les vôtres en compilant du contenu personnalisé, ou convertir manuellement des packs pour le Circuit OG en packs pour le Circuit Tracks (sans les projets qui sont incompatibles). Cette conversion ne se fait pas du tout de manière automatique pour le moment, mais cela n’empêchera pas de pouvoir profiter de tout ce qui a été partagé sur les différents groupes d’utilisateurs du Circuit OG présents sur la toile, les patchs étant parfaitement compatibles d’une machine à l’autre. En effet, le moteur de synthèse du Circuit Tracks est une version inchangée de celui présent sur la machine originale.
Vous pouvez écouter ci-dessous des démos issues des projets d’usine de Novation, ainsi que des packs payants de From Goa to Psytrance et Bass Pressure, disponibles sur le site de Isotonik Studios et réalisés par Antonio Valladolid González (toutes les démos de ce test ont été enregistrées sur la sortie du Circuit Tracks sans effets additionnels à part un peu de limiteur).
- Third Party Test – Novation 100:29
- Third Party Test – Novation 200:48
- Third Party Test – Novation DLR00:35
- Third Party Test – Goa To Psytrance01:18
- Third Party Test – Bass Pressure01:09
Composer en un éclair
Comment se sert on du Circuit Tracks ?
A l’intérieur d’un projet, on gère des séquences de notes ou « patterns » d’une part (8 maximum par piste), et le mixage de notre morceau d’autre part, sur 8 pistes donc : les 2 pistes de synthé, les 4 pistes de samples, et 2 pistes supplémentaires exclusives au Tracks.
Dans le séquenceur, on peut commander via MIDI des instruments externes, en utilisant les sorties MIDI physiques (le THRU pouvant être configuré comme sortie supplémentaire) ou bien le MIDI par USB. Chaque piste étant assignée à un canal différent, il est d’ailleurs tout à fait possible de commander en fait autant d’appareils externes différents que de pistes, donc jusqu’à 8. Côté mixage, les deux pistes supplémentaires proviennent des deux entrées audio mono, et possèdent les mêmes contrôles et effets que les autres que nous allons voir ensuite. On pourra y router évidemment la sortie mono de deux instruments pilotés avec les patterns MIDI sus-cités, mais aussi y envoyer le canal gauche et le canal droit d’une table de mixage, qui contiendrait le mixdown de plein d’autres éléments synchronisés parfaitement avec le Circuit Tracks grâce à la sortie synchro analogique ou à une master clock, ou encore des instruments standalones, un sampler, même une guitare électrique branchée dans une pédale de préamp etc.
Puis une fois qu’un patch a été sélectionné, il est possible d’en jouer via un clavier externe en MIDI, ou directement avec les pads grâce à l’onglet « Notes », qui fait apparaître sur deux lignes de pads le contenu du pattern en cours, et sur les deux autres lignes des LEDs qui représentent un clavier virtuel dont on peut jouer en direct. On pourra alors lancer la lecture de tous les patterns actuellement sélectionnés pour chaque piste en appuyant sur le bouton « Play », et enregistrer ce que l’on est en train de jouer avec le bouton « Record ».
Sur une piste MIDI ou synthé, le clavier virtuel propose par défaut un accès à une octave par ligne, avec les notes définies en fonction du réglage choisi dans un autre onglet, accessible avec le bouton « Scales ». Celui-ci nous donne accès à 16 gammes différentes, donc 16 assignations possibles des pads à des notes, qui sont d’ailleurs visibles sur deux lignes représentant la gamme chromatique, qui permet également de définir la tonalité, donc la note associée à la colonne de pads à la plus à gauche. D’ailleurs, la 16ème gamme disponible est en fait la gamme chromatique, ce qui transforme les deux rangées de pads de l’onglet « Notes » en une représentation de type clavier de piano avec touches blanches en bas et touches noires en haut, ce qui limite par la même occasion à une octave seulement la tessiture du contrôleur, contre deux pour les autres gammes. On pourra bien sûr changer l’octave en cours avec des boutons flèches basse et haute, ou appuyer deux fois sur le bouton « Notes » pour aller dans l’onglet « Notes Expand », ce qui enlève la visualisation de la séquence et double le nombre d’octaves accessibles directement pour le jeu, ce qui pourra s’avérer utile pour enregistrer en direct une séquence ou pour jammer avec les autres pistes.
Le contenu du pattern pourra d’ailleurs être enregistré au choix en direct ou en entrant sur chaque pas les informations voulues manuellement. Pour chaque pattern, on a accès en théorie à 16 pas dans un premier temps, puis 32 en appuyant sur le bouton « 1–16 17–32 » qui double le nombre de pas disponibles au premier appui et permet de visualiser ensuite successivement chaque série de pas, avec une couleur d’illumination différente selon l’endroit où on est actuellement situé. Pour entrer des notes, il suffira de rester appuyé sur le pad de la séquence, et de sélectionner une ou plusieurs notes dans la partie performance, puis de relâcher le pad du pas. On pourra alors dupliquer ce pas à d’autres endroits, supprimer le contenu d’autres pas, jouer sur la durée du pas avec l’onglet « Gate », sur sa vélocité avec l’onglet associé, transposer d’un ou plusieurs octaves toutes les notes enregistrées sur le pattern avec la touche « shift » + les flèches, utiliser la fonctionnalité « Tie/Drone » pour lier les notes consécutives entre elles, et même décaler le début de la note de 1 à 6 « micro-steps », ce qui donne accès à plus de possibilités rythmiques.
D’ailleurs, à l’enregistrement, les notes jouées sont calées par défaut sur les micro steps les plus proches, mais on peut aussi faire en sorte d’avoir une quantification sur les notes sans micro steps. Pour se faire, une option accessible avec « Shift » et le bouton d’enregistrement pourra être activée ou désactivée. Et on pourra s’aider de la nouvelle piste de clic, activable avec le bouton associé, dont on peut régler le volume.
Enfin, on pourra enregistrer de l’automation sur certains réglages du mix et sur les encodeurs rotatifs de macros. Sur les pistes de synthétiseur, ils commandent des modifications du son qui sont spécifiques à chaque patch et qui peuvent avoir un effet très brutal sur le son au point qu’il en devienne méconnaissable, ce qui participe à la variété des sons disponibles pour un pack donné. Pour les pistes MIDI, les macros donnent accès à des « MIDI templates » que l’on peut définir par projet, qui correspondent en fait à des équivalences encodeurs vers index MIDI CC, ce qui permet d’enregistrer par exemple de l’automation sur la fréquence de coupure d’un filtre de synthétiseur externe. Il existe dans la mémoire 8 slots de templates, qui correspondent à autant de machines et de choix de paramètres sur ces machines à automatiser, et ceux-ci peuvent être personnalisés avec l’application Components.
Du fun avec les samples
Du côté piste de samples, les choses se passent de manière assez similaire, à quelques exceptions près. Tout d’abord, on n’est pas limité à un seul patch ou sample plutôt dans ce contexte. Il est possible de jouer un sample différent sur chaque pas en utilisant la fonctionnalité de « Sample Flip », ce qui a pour effet de colorer le pas quand une note est jouée en rose plutôt qu’en bleu. On ne peut pas par contre indiquer directement la durée de la note, le sample est toujours joué jusqu’à la prochaine note ou son extinction. On pourra jouer avec les encodeurs rotatifs, automatisables ici aussi, qui permettent d’ajouter des effets sur les notes, bien que seulement 4 pour le moment aient un impact : pitch, durée du decay sur l’enveloppe de volume (ce qui remplace l’indicateur de durée de note), distorsion et égalisation supplémentaire. Ainsi, on pourra varier les sons joués sur une même piste, mais on sera toujours limité à 4 sons joués en même temps (un par piste).
De plus, il est possible de jouer les samples sur chaque pas mais aussi sur chaque micro step. Ainsi, en théorie, un pattern ne donne pas simplement accès à 32 pas maximum mais 32 × 6 = 192 pas ! Côté synthétiseur, il n’est pas possible de jouer la même note sur chaque micro step, mais il est possible d’en caser plusieurs différentes sur un micro step à part, ce qui permettra de compresser des mélodies sur moins de patterns, ou de transformer un accord en « strumming » façon jeu sur une guitare acoustique.
Notons d’ailleurs que les sons que l’on peut utiliser dans cette section peuvent être de différent types, puisque les seules contraintes imposées sont la monophonie et le temps total cumulé de tous les samples sur un pack qui ne doit pas dépasser 3 minutes. On pourra ainsi utiliser des sons de batterie électronique, mais aussi des enregistrements d’instruments mélodiques, des percussions, des bruitages en tout genre, des voix, ou même des boucles qu’il faudra lancer en début de pattern dans un morceau avec un tempo compatible. On pourra alors jouer sur la hauteur de note avec l’automation, un peu à vue certes, mais suffisamment pour s’ajouter des possibilités mélodiques supplémentaires par rapport aux limitations sur les autres pistes, par exemple si on ne souhaite pas utiliser d’instrument externe.
Il aurait été pratique ici de pouvoir utiliser par exemple une combinaison de la touche « Shift » et du potentiomètre de pitch pour tomber toujours sur des valeurs de demi-tons entières… De manière générale, on regrettera que certaines manipulations dans la partie samples du Circuit Tracks ne soiennt pas toujours facilitées par l’ergonomie, ce qui on l’espère sera peut-être amélioré plus tard avec des mises à jour, avec aussi des effets supplémentaires proposés sur les 4 encodeurs rotatifs non utilisés actuellement. Par exemple, comme la lecture des samples se fait toujours en entier, à moins de jouer avec le contrôle de durée de decay, il peut se passer des choses un peu gênantes pendant la lecture d’une longue boucle, comme le fait que le bouton mute ou même le bouton stop ne coupe pas le volume de la piste…
Mode song
Quelques mots à présent sur le mode « song » du Circuit Tracks, qui comme de nombreuses grooveboxs ne déroge pas à la règle de proposer différentes manières de construire des morceaux autrement que simplement en jouant des notes et en enregistrant des patterns.
Tout d’abord, précisons qu’il est possible de fixer le tempo d’un morceau en l’indiquant bpm par bpm dans un onglet spécifique avec le facteur de swing du projet, ou bien d’utiliser la fonctionnalité de tap tempo, ou encore d’utiliser l’entrée MIDI pour utiliser une master clock externe. On pourra ensuite envoyer la sortie sync analogique pour que le Circuit Tracks spécifie le tempo à utiliser à d’autres appareils. Notons également qu’il existe un onglet setup qui permet de spécifier le comportement du Circuit Tracks avec les entrées/sorties MIDI et le choix de la vitesse relative à la fréquence de clock spécifiée pour le signal envoyé sur la sortie sync.
On pourra sauvegarder le travail en cours en utilisant le bouton « Save » deux fois à la suite, ce qui peut servir de sécurité, ou permettre de choisir un slot de projet parmi ceux disponibles autre que celui où on était placé à l’origine. Notons qu’on peut durant cette étape intermédiaire choisir une couleur avec un encodeur qui s’illumine à l’occasion pour permettre de différencier plus facilement vos morceaux dans l’onglet « Projects » associé.
Ensuite, nous avons vu comment spécifier des notes dans un pattern, mais pas encore ce que nous faisons de ces patterns. Dans l’onglet du même nom, on peut visualiser sur 2 pages les 8 patterns accessibles par piste. Appuyer sur un pad permet de sélectionner un pattern, pour le modifier, ou pour le jouer en cours de lecture du morceau, comme dans la STAN Ableton Live où on doit attendre la fin de la lecture du pattern précédent pour que le sélectionné soit lancé. Il peut d’ailleurs être lancé directement en maintenant la touche « Shift » puis en appuyant sur le pad, ce qui ne jouera pas la première note du premier pattern mais une note qui correspond à la position de la tête de lecture dans le pattern précédent. On peut imaginer utiliser cette spécificité pour lancer des breaks par exemple.
Dans le Circuit Tracks, il est possible de lancer la lecture de plusieurs patterns en même temps à la suite grâce au « chaînage ». Il suffit pour cela de rester appuyé sur le pad qui correspond à un pattern sur une piste, puis de sélectionner un autre pattern sur la même piste. Tous les patterns situés entre le premier et le dernier seront alors toujours joués successivement, du haut vers le bas. On ne pourra pas jouer de cette manière des patterns à la suite qui ne sont pas contigus dans l’affichage. Cette fonctionnalité permet de nombreuses choses, comme d’étendre des mélodies sur plusieurs patterns (donc d’avoir plus de pas disponibles), et de s’amuser avec des chaines de différentes tailles de patterns avec un nombre de pas différents sur différentes pistes, pour faire des arrangements intéressants et variant dans le temps.
Ajoutons enfin le concept de « scènes » qui sont une capture ou « snapshot » de l’état actuel de la vue patterns, et qu’on va pouvoir enregistrer dans l’onglet « mixage » dans un des 16 slots disponibles pour cette fonctionnalité. En capturant des patterns sélectionnés seul ou des chaines de patterns, il devient possible d’écrire de manière précise une structure complexe pour notre morceau, avec des patterns et des chaines dans différents ordres, consécutifs ou non. Et tout comme les patterns, le lancement d’une scène ne pourra se faire après appui que lorsqu’on aura joué une fois tout le contenu de la scène en cours, et les scènes pourront être « chainées » ce qui permettra à un morceau complexe de se jouer pratiquement tout seul à l’ouverture d’un projet. Par contre ici on ne pourra pas forcer le passage d’une scène à une autre. Les 16 projets d’exemple sur le premier pack d’usine du Circuit Tracks utilisent cette fonction abondamment, ce qui permet à la découverte de la machine d’appuyer sur « Play », et d’écouter à chaque fois un morceau plutôt construit avec une structure qui va beaucoup plus loin que des patterns qui s’enchainent linéairement.
Enfin, on pourra ajouter qu’il est possible de sélectionner un nouveau projet en cours de lecture… Le tempo utilisé sera alors celui du projet en cours et non celui du nouveau, et la sélection ne sera effective qu’à la fin de la lecture de la séquence de patterns en cours, sauf si on reste appuyé sur « Shift » ce qui lancera le changement instantanément. Cela ouvre des possibilités intéressantes, comme de découper un morceau sur plusieurs projets, chacun avec ses scènes spécifiques, d’avoir plus de patterns disponibles, et de pouvoir changer de patch d’un projet à l’autre sur les pistes de synthé, quand l’automation des macros ne permet pas d’avoir la variété des sons recherchés.
Par contre, les scènes n’enregistrent pas l’état des boutons mute de la section mixage. De plus, lorsqu’on veut « séquencer » le fait qu’on ne veuille rien jouer sur une piste, le plus simple reste de sélectionner un pattern vide. Or, lorsqu’on commence à remplir le projet de notes, on peut facilement se retrouver à devoir utiliser tous les patterns disponibles d’une piste, et donc cette possibilité disparait, et on devient obligés de jongler avec l’appui sur les scènes et sur les boutons mute de chaque piste pour dérouler la structure de notre idée musicale…
Mixage et effets
Quelques mots à présent sur la partie mixage et effets.
Dans l’onglet « Mixer », en plus des scènes on a accès pour chaque piste à un bouton mute, un contrôle de volume, et un contrôle de panoramique (ces deux derniers ont automatisables). Ils sont indispensables pour réaliser le mixage des morceaux, pour les arrangements comme on l’a vu, ou pour harmoniser les volumes des moteurs de génération sonore internes avec le volume des entrées audio. Je me suis souvent retrouvé à devoir baisser les volumes partout pour se mettre au niveau des entrées, qui peuvent être un peu faiblardes en fonction du matériel utilisé et de la connectique disponible, et j’aurais apprécié pouvoir appliquer un gros boost de gain en entrée. De même, le niveau de sortie maximal est loin d’être fou sur les sorties jack, même si ça pourrait être pire, et que sur la sortie casque on a une bonne marge.
Parlons maintenant des effets, d’une importance significative sur le Circuit Tracks. Tout d’abord, il est important de préciser qu’il y a un « master compressor » / limiteur appliqué systématiquement par défaut sur la sortie audio. Celui-ci peut être activé ou désactivé dans l’onglet « Advanced Setup » qui est accessible en maintenant la touche « Shift » allumée au démarrage de l’appareil (et qui donne également accès à la désactivation du « Easy Start Tool », à la fonctionnalité « Save Lock » pour empêcher la sauvegarde des projets pendant un gig par exemple, ou qui permet de configurer la sortie MIDI Thru en deuxième MIDI OUT). Celui-ci a globalement comme effet d’augmenter le volume de sortie de 1 à 2 dB et d’écraser un peu la dynamique, comme le ferait un limiteur placé sur le master bus, pour créer un effet « glue ». A priori, je recommanderais de le laisser toujours activé sauf si on souhaite exporter un morceau piste par piste dans une STAN pour en faire un mixage proprement.
Ensuite, un autre effet plutôt ludique est le « master filter », qui s’applique aussi directement sur la sortie audio, et qui est tout le temps accessible via le potentiomètre cranté associé. En position centrale, il ne fait rien sur le son, sinon il ajuste la fréquence de coupure au choix d’un filtre coupe haut à gauche et coupe haut à droite (le fameux effet filtre « DJ »). Il semblerait que ce filtre soit un peu résonant, et qu’il est plus sensible que sur le Circuit original. Il fait bien son effet (…) pour créer des transitions, mais s’applique systématiquement sur le master bus, et pas sur certaines pistes seulement au choix, ce qui lui aurait donné plus de polyvalence dans l’utilisation. J’espère du coup qu’une prochaine version du firmware permettra de choisir la cible du filtre…
On trouvera également un délai et une réverbération, dont on pourra pour chaque piste régler le niveau d’envoi (automatisable !), et le caractère en sélectionnant un préset parmi 16 pour le délai (qui correspondent simplement à différents temps de délai synchronisés avec le master tempo avec quelques variantes sur le comportement stéréo) et 8 pour la réverbération avec plusieurs types disponibles (hall, chamber etc.). Le preset sélectionné sera alors appliqué pour chacune des pistes, car le moteur audio ne propose qu’une instance de chaque effet par projet. Et tous les effets pourront être coupés en même temps en appuyant sur un pad spécifique.
Personnellement, je trouve que le délai fonctionne très bien, pour donner un peu de profondeur à un son, pour rajouter une couche de sound design supplémentaire, ou pour faire du slapback au tempo et doubler les notes jouées. Les réverbérations font le taf aussi. Mais je trouve qu’ils manquent un peu de caractère, et j’ai parfois du mal à trouver une réverbération qui fonctionne bien avec les pistes de drums.
Enfin, un effet inattendu mais rapidement indispensable je dois dire est le compresseur « sidechain ». Il permet d’appliquer sur chacune des pistes synthé et entrées audio uniquement un effet de compression, dont l’entrée auxiliaire ou « sidechain » n’est pas le son de la piste lui-même mais celui d’une autre piste parmi les 4 pistes de samples. L’utilisation première de cet effet est bien évidemment d’appliquer sur un son de lead ou de basse un effet de pompage commandé par la piste drums sur lequel sera joué le kick, technique bien connue dans les musiques électroniques pêchues mais pas que. Pour se faire, on pourra sélectionner un des 7 presets du compresseur, qui pourra être différent pour chacune des 4 pistes mélodiques, ou le désactiver, puis sélectionner via 4 pads la piste de samples que l’on veut utiliser pour commander le sidechain. Petit regret, on aurait aimé pouvoir appliquer la compression sur une des pistes de samples au moins, étant donné qu’on peut y placer du contenu mélodique comme on a pu le voir.
Sur les démos suivantes, vous pourrez entendre différents sons joués à travers chaque effet avec le preset qui change en cours de lecture.
- Delay Test01:38
- Reverb Test 101:06
- Reverb Test 201:23
- Sidechain Test00:47
Enfin, le Circuit Tracks propose d’autres effets, pas toujours directement, mais bien présents et utiles. Comme je le disais précédemment, chaque piste de sample a 4 réglages individuels automatisables sur le pitch, l’enveloppe, de la distorsion et de l’égalisation. De plus, le moteur de synthèse pleinement accessible via un ordinateur et dont on peut enregistrer les réglages dans un patch permet d’appliquer sur les deux premières pistes mélodiques du filtrage en tout genre, de la distorsion, ainsi que du chorus ou du phaser (l’un ou l’autre).
Court circuiter MIDI à quatorze heures
D’ailleurs pour terminer sur la partie effets, nous avons remarqué dans le manuel « Programmer’s Guide » du Circuit OG qu’il était possible d’accéder via des messages MIDI CCs et NRPNs à un certain nombre de réglages « cachés » sur le projet (la version Circuit Tracks du guide n’est pas encore disponible au moment du test).
Pour commencer, sachez qu’on peut modifier avec du MIDI les réglages du patch de synthé en cours (j’imagine que la communication avec l’application Components se fait par ce biais), et qu’on peut aussi contrôler certaines informations et événements sur les projets du Circuit Tracks (lecture, stop, changement de patch de synthé, tempo, chargement d’un autre projet, réglages des effets et macros etc.).
Et apparemment, il serait également possible de modifier la résonance du filtre master, les paramètres d’enveloppe du compresseur sidechain, le feedback ou le slew rate des délais par exemple, le decay et le damping des réverbérations etc. Il est dommage que ces paramètres là ne soient même pas disponibles sur l’application Components, même si là tout de suite j’ai pas l’impression que je souhaiterais vraiment y avoir accès non plus, même directement sur le Circuit Tracks, pour ne pas surcharger le workflow de la bécane qui est très fonctionnel comme il est. Il me semble que certains éditeurs tierce partie le proposaient pour le Circuit OG, ça pourrait peut être faire partie de futurs ajouts dans Components…
Watt else
Mais revenons un moment à nos séquences, car il y a quelques éléments que j’ai volontairement laissés pour la fin de cette revue de la bécane côté hardware. On va constater certaines améliorations ou ajouts depuis les premières versions du firmware Circuit OG et / ou accessibles uniquement sur le Circuit Tracks, en allant dans l’onglet « Pattern settings ». Pour commencer, on peut y changer l’index du premier et du dernier pas à jouer dans une séquence donnée. Cela permettra de faire choses intéressantes dans un contexte live, produire des morceaux plutôt ternaires avec 24 pas seulement ou avec des signatures rythmique alambiquées, même si cela nécessitera un peu de calcul mental supplémentaire pour compter le nombre de pas à utiliser.
Ensuite, toujours au même endroit, on pourra changer la vitesse de lecture des pas, de 4 fois plus lent que le mode par défaut à deux fois plus rapide, avec des intermédiaires ternaires. Cette fonction a de multiples intérêts très importants. Le but premier est de pouvoir désynchroniser la référence rythmique de patterns entre eux, qui auraient des réglages différents là dessus, pour créer plus de variations de séquences. Mais surtout, cela permet d’utiliser moins de patterns pour caler plus de notes, par exemple pour ajouter des variations au bout de plusieurs mesures sur des parties de drums, pour faire durer un pad ou un drone plus longtemps sans avoir besoin de chainer des patterns vides, le tout en utilisant les pas supplémentaires disponibles grâce aux micro-steps, qui étant d’ailleurs entre chaque pas au nombre de 6 et pas de 4 ou 8 peuvent dans certains cas poser problème, si on veut vraiment y aller franchement dans la compression des notes dans un seul pattern.
Autre propriété intéressante, on pourra changer le mode de lecture des pas enregistrés dans la séquence, pour les jouer soit dans l’ordre, soit dans un sens inversé, soit en deux fois d’abord en sens direct puis en sens inverse, et enfin de manière aléatoire. Ce qui nous amène à – pour moi – la grosse « killer feature » du séquenceur version Circuit Tracks dont je me sers tout le temps qui est le fait de pouvoir ajouter de l’aléatoire un peu partout dans les séquences de notes, ce qu’on peut faire très bien également avec un choix impair ou en nombre premier du nombre de pas à jouer.
Il existe aussi une fonction accessible avec le bouton « Mutate » qui permet de réorganiser aléatoirement les pas d’un pattern, sans pouvoir revenir en arrière sur un résultat malheureusement (à moins de quitter le projet en cours puis de revenir dessus sans enregistrer les changements). Le mode de lecture aléatoire permet de faire la même chose d’une manière non destructrice quelque part, mais avec un nouveau résultat à chaque lecture du pattern, tandis que la fonction « Mutate » fait une modification et la maintient en place à chaque lecture. Les deux auront des intérêts en fonction du contexte… Et enfin, nous avons le dernier onglet appelé « Probability », qui permet d’assigner à chaque pas pour chaque piste une probabilité de déclenchement entre 12.5% et 100%. C’est une fonctionnalité que j’ai utilisée abondamment dans tous les projets que j’ai créés depuis que j’ai reçu la machine pour réaliser des variations rythmiques bienvenues qui apportent de la variété dans les séquences.
Au passage, il n’existe pas dans le Circuit Tracks de fonctions « arpéggiateur » à proprement parler. Toutefois, il est aisé de remplir un pattern de pas issus d’une gamme ou d’un accord, et de jouer avec le mode de lecture, la gamme sélectionnée dans l’onglet « Scales », et les probabilités pour obtenir un résultat équivalent. On peut également programmer des séquences dans la partie synthétiseur comme nous le verrons plus tard.
Le courant passe entre nous
Terminons ce tour du propriétaire hardware en remarquant que le Circuit Tracks n’est pas simplement un éditeur de séquences figées, qui s’utiliserait en live simplement en appuyant sur « play » et en lançant des scènes.
En effet, cette groovebox assez complète peut aussi servir de contrôleur pour un séquenceur sur ordinateur, de séquenceur MIDI, ou de synthétiseur dont on jouerait avec un clavier externe. J’ai même vu sur Youtube un tutoriel pour le Circuit OG (qui s’applique aussi ici) qui montre comment créer un « light show » en connectant la machine à un ordinateur, et en activant l’onglet « Notes Expand ». En appuyant sur les pads de la dernière ligne en bas, on déclenche via MIDI / USB une séquence de notes, qui va être jouée par l’ordinateur sur les Circuits, ce qui va allumer des pads avec des formes et des animations préenregistrées !
Ensuite parce que concrètement, il parait difficile de pouvoir séquencer ou enregistrer tout ce que l’on peut faire pour créer un morceau. En enregistrant un projet, il faut noter quelque part quels sont les appareils externes et les presets utilisés sur ces machines. Pendant la lecture, il est obligatoire de jouer avec certains paramètres des effets et de l’onglet de mixage, les mouvements du master filter ne peuvent pas être automatisés par exemple.
Mais surtout parce que le Circuit Tracks peut être vu comme une machine attrayante pour la « performance live » et qu’il serait dommage ne pas d’intéresser à cet aspect des choses en soi. En effet, il y a plein de manipulations intéressantes à produire pour créer un morceau ou une « jam » à partir d’une base enregistrée dans un ou plusieurs projets, en jouant des pads et boutons pendant la lecture : utilisation du potentiomètre du master filter évidemment, manipulation des macros, activation et désactivation du délai et de la réverbération en utilisant simplement un seul pad, jeu avec les panoramiques et les volumes de send FX, modulations harmoniques en changeant les paramètres de l’onglet « Scales » en cours de lecture, jeu avec la vitesse de lecture des patterns, déclenchement instantané de patterns en utilisant la touche « Shift » pour jouer des breaks etc.
Certaines fonctionnalités sont même dédiées à ce mode d’utilisation du Circuit Tracks. Par exemple, selon qu’on réalise un appui court ou un appui long sur les pads, on peut déclencher des modes de fonctionnement différents sur le bouton d’enregistrement, visualiser temporairement le contenu de certains onglets, ou bien changer de patch ou de sample dans l’onglet des presets sans activer l’écoute du nouveau réglage. L’onglet « Note Expand » est très utile en performance également, pour avoir une large tessiture du synthé disponible, ou pour pouvoir jouer avec un maximum de samples différents sur une piste. Notons également qu’il est tout à fait possible de changer de patch manuellement ou bien avec un contrôleur MIDI pendant la lecture d’un morceau. On peut ainsi imaginer jouer certains patterns avec par exemple le patch numéro 12 du pack, et d’autres patterns avec le patch disons numéro 21, chacun ayant ses automations associées enregistrées dans les patterns. On peut même imaginer jouer avec la patch via Components pendant l’enregistrement du résultat !
Et une fonction accessible avec un des boutons portant le nom de « View Lock » permet de visualiser le contenu d’un pattern donné même si ce n’est pas celui qui est joué, ce qui donne lieu à des synergies intéressantes avec d’autres spécificités de la machine. Par exemple, le fait que le bouton Mute désactive la lecture des patterns d’une piste mais n’empêche pas d’en jouer, et le fait qu’on puisse jouer des notes en restant appuyé sur un pas enregistré dans un pattern, ont donné l’idée à des utilisateurs de la machine d’enregistrer dans un pattern des pas uniquement composés d’accords différents. Un tel pattern n’a absolument aucun intérêt à être joué lui-même. Par contre, en appuyant sur les pas en cours de lecture, on pourra jouer nous-mêmes de ces accords avec la musique, soit en « live » si le bouton mute de la piste est activé, soit en enregistrement si la fonction « View Lock » est utilisée sur le pattern des accords, et qu’un autre pattern ou une chaine de patterns sont actuellement sélectionnés en lecture !
Je me suis par exemple créé un projet qui joue la base rythmique basse + batterie du morceau Thriller de Michael Jackson, avec une piste toujours mutée pour les accords, et un pattern dans lequel chaque pas correspond à un des accords du morceau. En cours de jeu, je peux simplement rester appuyé sur le pas de mon choix pour jouer l’accord associé en suivant le reste de la musique. De plus, en fonction de la gamme et de la tonique sélectionnées dans l’onglet « Scales », on peut créer des variations supplémentaires puisque cette manipulation a pour effet de transposer toutes les notes enregistrées dans les patterns…
On peut faire des choses intéressantes dans ce style avec la partie samples également. J’ai remarqué qu’il n’était pas possible de jouer du sample positionné sur un pas sur les pistes drums simplement en appuyant sur le pas, car cela a pour effet de supprimer le pas en question… Sauf si on se trouve sur l’onglet « Velocity » ! Cela ouvre alors un certain nombre de possibilités mélodiques. On peut ainsi imaginer créer un pattern composé uniquement de pas avec le sample actuellement choisi (pas de sample flip), sur lequel on enregistre une unique automation avec le réglage du pitch. On pourra alors dans cet onglet jouer d’un sample avec des pitchs différents enregistrés, par exemple pour suivre le schéma de la gamme chromatique comme sur les pistes de synthétiseur ! Le travail d’écriture des automations pouvant être un peu fastidieux, on pensera à organiser et à enregistrer des projets contenant ce travail pour le réutiliser à différents endroits. Par contre, j’aurai aimé une section dédiée de « groove FXs » comme on peut le voir sur certaines BARs ou grooveboxes concurrentes, par exemple pour créer du stutter ou des répétitions en maintenant un pad en cours de jeu.
L’application Components
Allons voir à présent comment les choses se passent au niveau connexion avec un ordinateur. Après avoir installé les drivers USB Novation sur Windows, et connecté le Circuit Tracks en USB, celui-ci est donc potentiellement vu comme un disque dur, et un contrôleur MIDI. On peut alors utiliser la nouvelle application Components de Novation, au format standalone, ou à l’intérieur du navigateur Chrome, pour faire un certain nombre de choses : les mises à jour du firmware, la sauvegarde des packs/patchs/samples du Circuit Tracks, l’envoi de ces mêmes éléments vers le Circuit Tracks à partir de l’ordinateur, la création de templates MIDI, la création et l’édition de packs et de patchs de synthé, et un accès à différentes documentations.
Au démarrage, elle nous demande de choisir le produit que l’on veut manipuler parmi une liste d’appareils compatibles, Circuit OG compris, puis elle détectera automatiquement la présence du produit lui-même et potentiellement d’un nouveau firmware disponible sur le site de Novation. On pourra alors se logger avec notre compte Novation pour avoir accès à une liste de packs qui sont enregistrés sur un cloud mis à disposition des utilisateurs : l’application affiche en effet sur le côté gauche une liste de packs enregistrés par nos soins pour un compte donné dans « my packs », ainsi qu’une autre liste « Novation packs » avec les trois packs d’usine. Cela permettra de faire régulièrement des sauvegardes de notre travail sur la bécane et d’avoir accès à ces packs de n’importe où. Notons d’ailleurs que cette version de Components est sortie en même temps que le Circuit Tracks, et qu’elle apporte son lot de nouveautés et de redesign graphique pour les utilisateurs du Circuit OG.
Par contre, à l’utilisation, je dois dire que tout n’est pas parfaitement clair de prime d’abord, d’autant plus que la documentation associée est assez succincte : quelques vidéos Youtube, une page de texte avec quelques informations et puis c’est tout. De plus, toute la documentation ainsi que l’application sont en anglais seulement. Ainsi, il m’est arrivé à de multiples reprises de ne pas savoir exactement ce qui va se passer quand j’enregistre un pack ou un patch, suis-je en train de le porter sur le Circuit Tracks, de l’enregistrer dans le cloud ou bien de le récupérer sur mon disque dur ? La manipulation pour supprimer des packs dans le cloud est un peu cachée aussi par exemple, et il n’y a pas de moyen direct d’extraire les samples d’un pack, bref j’ai trouvé personnellement que l’ergonomie de l’application est un peu confuse, et la documentation plutôt insuffisante.
Autre point noir à propos de Components, il n’est pas possible pour le moment d’importer dans un Circuit Tracks un pack issu du Circuit OG comme je l’ai dit précédemment, en tout cas pas directement et seulement de manière incomplète et assez rédhibitoire, ce qui est dommage au vu de ce qui a été proposé par des utilisateurs et par Novation depuis sa sortie à ce niveau. Pendant ce test, j’ai eu l’occasion de faire un portage des 7 packs d’usine de Novation pour le Circuit OG vers le format Tracks. Pour se faire, il a fallu exporter chaque patch de synthé à la main en deux clics vers mon disque dur (64 fois), puis exporter tous les samples dans un fichier syx (impossible de récupérer les fichiers WAV directement), puis d’utiliser un outil tierce partie qui extrait les fichiers séparés, puis créer un nouveau pack Circuit Tracks et faire directement un drag and drop de tous ces éléments (64 samples et 64 patchs) dans Components. Les projets du pack Circuit OG par contre ne sont pas exportables et incompatibles.
Après quelques manipulations pour comprendre le mode de fonctionnement de tout ça, je me suis alors créé quelques packs à partir de patchs que j’ai pu trouver sur le groupe Facebook des utilisateurs des Circuits, ou d’autres que j’ai conçus de toute pièce. J’ai compilé quelques samples que j’utilise sur Ableton Live par la même occasion. Notons qu’il est possible de différentes manières de piocher des patchs et des samples d’autres packs et de les inclure dans les vôtres, ou de remplacer directement des éléments ponctuels dans les packs présents sur le Circuit Tracks. Et me voilà fin prêt à conquérir le monde dans la seconde de la musique électronique avec ma petite groovebox ! Sauf que… Le transfert des données vers le Circuit Tracks, vraisemblablement via MIDI, peut être assez long en fonction de la taille des samples, et on attend parfois pendant 1 minute que tout se fasse sans accroc à chaque sauvegarde.
On regrettera enfin que certaines manipulations soient compliquées pour organiser les packs et les éléments sur la carte microSD voire impossibles. Par exemple, je n’ai pas trouvé comment supprimer un pack à partir de Components. Heureusement, certaines manipulations sont possibles en lisant la carte microSD directement sur l’ordinateur comme on peut le constater dans la documentation.
Un moteur de synthèse survolté
Parlons pour terminer cette découverte de la machine des possibilités du moteur de synthèse entièrement numérique du Circuit Tracks, auquel nous avons accès complètement dans l’application Components, ce qui nous permettra d’enregistrer des patchs à inclure dans un pack, ou de modifier le patch en cours dans un projet donné pour une des pistes de synthèse comme nous l’avons vu. Celui-ci est donc très fortement inspiré du Novation MiniNova, dont il est plus exactement une version simplifiée avec un peu moins d’oscillateurs, d’effets et d’enveloppes, et nécessiterait un test complet si on voulait vraiment en faire le tour de manière exhaustive. La machine nous donne accès à deux instances de celui-ci (un patch pour chaque piste de synthé) avec une polyphonie de 6 voix maximum.
Il propose une architecture de synthèse soustractive on ne peut plus classique, avec deux oscillateurs, une source de bruit et un ring modulator pour les sources, avec contrôles de volumes dédiés, un filtre, deux LFOs, trois enveloppes, une section d’effet avec volumes d’entrée et de sortie qui donne accès à une modulation (soit chorus soit phaser), un EQ paramétrique 3 bandes avec réglage de gain et de fréquence, et une distorsion qui peut être de 7 types différents dont deux bitcrushers (n’oublions pas d’ailleurs les effets accessibles dans le Circuit Tracks en plus). Chaque patch peut être au choix monophonique, auto-glide (mono avec un portamento forcé au début de chaque note) et polyphonique, avec réglages de l’octave et des temps de portamento et d’auto-glide.
Au niveau des modulations, le moteur de synthèse est plutôt fourni, puisqu’il propose une matrice assez conséquente avec 20 slots, qui permettent à deux sources (vélocité, note jouée, LFOs, enveloppes) de moduler un paramètre de destination avec une étendue donnée, ainsi que l’accès aux 8 encodeurs rotatifs « macro » accessibles depuis le Circuit Tracks, qui ont chacun 4 slots de modulation et qui peuvent eux-même jouer sur l’étendue des 20 slots de la matrice de modulation. Cette section est donc à la fois intéressante pour les possibilités, et parce qu’elle donne accès à ce qui permettra à l’utilisateur de faire du sound design sans son ordinateur.
Le Circuit Tracks suggère d’ailleurs d’attribuer à chaque potard une fonctionnalité compatible avec son libellé pour simplifier l’édition, même si ce n’est pas une règle à suivre impérativement. De mon côté, pendant la rédaction de ce test, j’ai créé quelques patchs ou modifié des existants auxquels j’ai ajouté un accès au portamento, ou aux paramètres de détuning, qui pouvaient me manquer sur certains patchs d’intérêt. En assignant un LFO au pitch, puis la quantité de modulation à une macro, il est aussi possible de transformer cette macro en on/off pour un mode séquence, en utilisant des formes d’ondes de LFO spécifiques. Ceux-ci sont d’ailleurs assez intéressants, car en plus des paramètres de synchronisation et des sinus / triangle / dent de scie / carré classiques, ils proposent des formes d’ondes permettant en modulant le pitch de jouer les notes d’une gamme ou d’un arpège d’accord, différentes variations de séquences aléatoires avec des hauteurs ou des durées variables, des paramètres qui permettent de décaler dans le temps le début du déclenchement du LFO avec une note de manière plus ou moins progressive etc. Quant aux enveloppes ADSR, elles sont on ne peut plus classiques mais efficaces, les deux premières ayant par défaut une assignation à un paramètre de volume et de filtre, avec une dépendance supplémentaire au réglage de la vélocité, et pour la troisième un contrôle de délai avant démarrage.
Enfin, parlons bien évidemment des oscillateurs, disponibles au nombre de deux, qui peuvent être modulés en anneau et auxquels on joint une source de bruit. Ils ont chacun des contrôles classiques sur le tuning en demi-tons et centièmes de demi-tons, en plus du réglage d’octave global, et possèdent un certain nombre de points d’originalité. Pour commencer, on peut obtenir un rendu de type « unison » ou « supersaw » en jouant sur deux contrôles appelés « Detune » et « Density », qui permettent de multiplier le nombre de voix virtuelles jouées sur chaque oscillateur, et de modifier le tuning relatif de chaque voix pour créer cet effet massif reconnaissable entre mille. Ensuite, on peut choisir la forme d’onde, de type « classic » ou « virtual analog » d’abord (sinus, triangle, dents de scie, carré, avec réglage du « pulse width » et quelques intermédiaires), ou bien parmi une liste de tables d’ondes du plus conventionnel au plus barré. Dans ce cas, il est possible de naviguer au sein des formes d’ondes disponibles avec un contrôle modulable appelé « index », et de choisir à quel point on veut interpoler la forme d’onde entre les étapes intermédiaires qui sont pour chaque table au nombre de 9.
Et surtout, nous avons une originalité ici, qui est le paramètre « V-Sync » pour « virtual sync ». C’est une technique qui remplace le « hard sync » que l’on trouve régulièrement dans les synthétiseurs à deux oscillateurs, permettant de mettre à zéro la phase de l’oscillateur 2 quand un cycle d’oscillateur 1 se termine. Cela permet de créer du contenu harmonique intéressant tout en maintenant le pitch de l’oscillateur 1, quelque soit le pitch de l’oscillateur 2, dont la variation génère des timbres différents par exemple grâce à un LFO. Ici, une copie virtuelle de l’oscillateur en cours est utilisée pour arriver au même résultat, d’où le nom du paramètre. Si sa valeur est un multiple de 16, cela produit des harmoniques bien identifiés, à l’octave ou à la quinte, et des choses plutôt discordantes sinon, à la manière d’une synthèse FM… Ce qui nous amène à des questions d’ordre esthétique !
Une supernova ?
On sait maintenant qu’on peut faire à peu près ce qu’on veut au niveau son avec les 4 pistes de drums, en considérant les limites de polyphonie, de l’ergonomie etc. On sait également qu’on peut utiliser n’importe quel instrument hardware ou software de l’extérieur en utilisant les deux pistes MIDI et les deux entrées audio supplémentaires. Cela permet d’ajouter des couches sonores supplémentaires si seulement deux pistes de synthé est insuffisant, et de combler éventuellement des vides dans ce que le moteur de synthèse est capable de faire. J’ai pu constater que de nombreuses personnes s’en servaient avec des machines qui apportent des possibilités complémentaires, notamment des samplers pour jouer différents sons, des romplers avec des instruments acoustiques, des synthétiseurs analogiques, ou simplement des synthétiseurs plus ou moins dans la même gamme de prix et qui peuvent être synchronisés avec comme le Arturia Microfreak qui inclut des types de synthèse différents ou la gamme des Korg Volca. Rien n’empêche d’ailleurs le Circuit Tracks de commander des instruments virtuels dans votre STAN préféré… Se pose donc la question de savoir si le Circuit Tracks est suffisamment polyvalent à ce niveau-là, si il est typé, si il a des forces, des singularités et des faiblesses… C’est ce dont nous allons parler à présent.
Mon expérience avec le synthétiseur du Circuit Tracks a été un peu chaotique au départ je dois l’admettre. Lorsque j’ai créé mes premiers projets, que je suis allé écouter le rendu des projets d’exemple du pack d’usine, et que j’ai commencé à m’amuser avec les 128 patchs inclus, je dois dire que par moments je me suis senti un peu frustré quand j’étais à la recherche d’un son particulier et que je n’arrivais pas à le trouver, y compris en jouant avec les macros. Le concept de base du Circuit OG et du Circuit Tracks incite à partir de sons existants pour construire de la musique plutôt qu’à créer de la musique et à chercher les sons qui vont avec je dirais. Ce qui ne m’a pas empêché de faire quelques morceaux ou reprises amusants en utilisant uniquement ces patchs là, et en m’imposant la contrainte du pack d’usine et du nombre limité de patterns…
- Beverly01:48
- Ibiza Bass Line01:37
- Vaporwave Islands02:36
Comme je le disais plus tôt, les choses se sont un peu améliorées en rajoutant des packs sur mon Circuit Tracks. Mais tout de même, je ne trouvais pas le résultat toujours adapté à ce que je voulais faire comme musique par moments. J’ai pu constater sur la page Facebook des utilisateurs de Circuits ou sur le reddit associé des témoignages qui allaient un peu dans ce sens, des gens qui se plaignent d’un rendu un peu « cheezy » et reconnaissable, et de sons qui se ressemblent. Puis j’ai réalisé qu’en fait ce qui me manquait c’était de passer du temps à faire mes propres sons, de mettre les contrôles sur les macros qui font le plus sens pour moi, notamment ce fichu portamento ou des contrôles sur le pitch pour faire des drops, et d’y aller mollo sur les choses que personnellement j’aime moins, comme d’avoir des séquences de pitch sur plein de presets ou trop de modulation de tout et n’importe quoi sur les sons.
Je me suis également rendu compte qu’un projet donné peut utiliser un patch créé / ouvert dans Components même si il n’est pas présent dans la liste des 128 patchs accessibles, à partir du moment où on édite le patch en question sur la piste qui nous intéresse et qu’on sauvegarde le projet. Une fois cette idée intégrée dans mon workflow, je me suis alors beaucoup moins senti limité, et j’ai vraiment pu commencer à explorer les possibilités sonores du moteur de synthèse. Faire ses propres sons sur cette machine me semble être un passage obligé, et quelque chose de rassurant.
De toutes façons dans les synthés numériques, la question des presets revient toujours. Certains les adorent et n’utilisent que ça, et donc ne sont pas contents si le synthétiseur n’est pas livré avec des presets qui vont dans leur sens à eux, ou quand il n’y en a pas 25000 minimum livrés avec. D’autres les détestent purement et simplement. La grande majorité heureusement a une approche entre les deux extrêmes en fonction du contexte ou de ce qui inspire. Mais le truc ici c’est que cette problématique se pose sous un jour nouveau, puisque dans un pack donné on est de toutes façons limités par les patchs disponibles, parfois au nombre de 64 seulement voire moins si le pack est issu d’un travail réalisé sur le Circuit OG et que le designer l’a porté au format Circuit Tracks sans rajouter de nouveaux patchs sur les autres slots disponibles…
J’ai donc réalisé ici quelque samples qui permettent de se rendre compte des possibilités. Dans les faits on peut vraiment faire de tout avec le moteur du MiniNova, même on manque de synthèse FM ou de méthodes de synthèse plus exotiques. Pour la FM on peut ruser pourtant en utilisant certaines des formes d’ondes disponibles qui ont peu de ce grain en plus, et surtout en utilisant des grosses tartines de V-Sync et de Drive, pour obtenir ce côté qui accroche un peu l’oreille ou des sonorités pleines d’inharmonicité. J’ai pu ainsi jouer avec des sonorités typiquement FM de cloches, basses et piano électriques par exemple.
- VSync Bass01:11
- VSync Keys00:18
Je trouve aussi que le filtre manque un peu de caractère, j’ai l’impression que les équipes de Novation ont opté pour quelque chose d’assez simple ici, ce qui explique l’ajout d’une section Drive dans la partie filtre pour ajouter de la couleur, ou aller sur les territoires des synthétiseurs axés autour du waveshaping. J’aime beaucoup le phaser et le chorus, qui peuvent être légers ou plus marqués selon ce qu’on veut. Avec l’égaliseur et les distorsions on peut obtenir des sons assez agressifs si on le souhaite. Toutes les possibilités importantes de modulation sont vraiment les bienvenues bien évidemment. Et pour tout ce qui sonne « gros », j’aime bien les formes d’ondes classiques, qui sonnent un peu plus brillantes que leurs équivalentes « wavetables », avec beaucoup de density et de detuning.
Les enveloppes ont l’air d’être plutôt claquantes et permettent de faire des trucs amusants avec l’attaque à zéro, un decay très faible et un peu de V-Sync. Les sons disponibles avec les wavetables un peu atypiques ont un gros potentiel que j’ai pour le moment à peine eu le temps de découvrir. Et les distorsions de type bitcrusher ont plein d’applications possibles, même avec le volume au minimum elles ont un effet sur le son, elles seront très utiles pour une esthétique plutôt chiptune, surtout avec quelques samples bien sentis comme sur le pack dédié de Isotonik et un peu de probabilités. On fera attention par contre à ne pas oublier que les délais et réverbérations sont accessibles par projet et pas dans le patch lui-même.
Au passage, j’ai créé quelques sujets sur AudioFanzine pour répertorier des morceaux sur Youtube avec des Circuits tous seuls ou connectés à d’autres machines, et apprécier les possibilités sonores ou les configurations de machines intéressantes :
Dernière chose à dire sur le moteur de synthèse, je regrette qu’il n’y ait pas à proprement parler de vrai navigateur de presets dans Components. Chaque patch a beau avoir un nom, et une catégorie associée (bass, lead, keyboard, bell, poly etc.), ainsi qu’un type (mono, auto-glide et poly), il n’y a aucun moyen de rechercher parmi tous les patchs disponibles sur la machine, dans notre Cloud ou sur le disque dur un patch qui correspond à un tag ou un argument de recherche. On peut certes sauvegarder ses patchs préférés sur le disque dur dans un dossier dédié manuellement, en faire un pack même, cela se fait un peu à la marge. On aurait aimé aussi avoir des infos qui s’affichent sur le navigateur de patch du Circuit Tracks lui-même, avec un niveau de luminosité ou des couleurs différentes selon le type et la catégorie de chaque patch, en rendant cela optionnel dans l’Advanced Setup.
Conclusion
C’est l’heure du bilan de ce (long) test. En effet, difficile de parler du Novation Circuit Tracks en seulement quelques mots, au vu de l’étendue des fonctionnalités et des usages possibles.
Je souhaiterais d’abord dans cette conclusion répondre à quelques questions qui sont restées en suspens. Pour commencer, que penser du Circuit Tracks quand on possède le Circuit OG et qu’on envisage d’acheter la nouvelle machine ? Les nouvelles fonctionnalités, notamment l’accès à plusieurs packs via la carte microSD, la connectique supplémentaire, les deux pistes MIDI, les probabilités dans le séquenceur ou l’ergonomie revisitée peuvent justifier qu’on repasse à la caisse, à mes yeux en tout cas de personne qui n’a jamais possédé la machine originale. D’ailleurs je me garderais bien de suggérer aux personnes concernées de revendre l’ancienne mouture pour acheter la nouvelle, tant l’utilisation des deux machines ensemble et synchronisées d’une manière ou d’une autre pourrait s’avérer intéressante ! Je pourrais également leur proposer d’aller voir la concurrence plutôt que le Tracks si ils ont du budget pour une nouvelle machine et qu’ils cherchent quelque chose de vraiment différent pour complémenter le Circuit OG, le Circuit Tracks ne révolutionnant pas non plus l’usage qu’on en faisait.
Pour un nouveau venu dans le monde des groove machines par contre, j’aurais du mal à suggérer autre chose qu’un Circuit Tracks par contre – même pas un Circuit OG d’occasion – tant tout y est facile, accessible, avec une marge de complexité présente sous le capot pour les « power users » et ceux qui ont déjà l’habitude de la création sur ordinateur, et un côté pédagogique prononcé que je n’ai pas eu l’impression de voir dans d’autres machines de cette gamme de prix.
Autre question à laquelle je souhaiterais répondre, je pense que la machine peut être intéressante pour beaucoup de personnes quelque soit leur genre musical de prédilection (y a pas que la synthwave dans la vie), soit comme bloc notes d’idées qui pourront être ensuite développées et enrichies ailleurs, soit comme outil de production standalone, en prévoyant un export piste par piste des projets dans la machine pour réaliser le mixage final, voire simplement un export de l’ensemble. Je pense également que des musiciens éloignés des musiques électroniques pourront être intéressés par un outil permettant de composer rapidement des sections rythmiques, des accords et des lignes de basse pour de l’accompagnement.
Pour moi, je dois dire que la découverte de cette machine, que j’ai achetée avant de proposer à AudioFanzine d’en faire le test, a été un énorme coup de coeur. J’ai été assez sensible aux choix qui ont été faits pour rendre l’utilisation du Circuit Tracks aussi plaisante et efficace que possible, les contraintes comme le fait qu’il y ait pas d’écran étant assumées jusqu’au bout et plus loin encore, et qu’on s’en sort en cas de difficultés en interagissant avec la machine via Components.
On se surprend à penser plus souvent à la théorie musicale avec ce nombre de pistes limitées et la place prise dans le workflow par l’onglet « Scales ». J’ai également bien rempli des slots de projets pendant la rédaction de ce test, j’ai encore des concepts de packs en tête en attente de temps libre pour être fabriqués et téléchargés sur mon Circuit Tracks, j’ai un dossier disque dur rempli de patchs perso, et j’ai apprécié pouvoir le poser n’importe où chez moi pour pouvoir créer vite fait bien fait quelques « beats » ou enregistrer des mélodies. Et j’ai été assez admiratif quand j’ai vu ce que des personnes expérimentées peuvent faire avec, comme jouer des sets de musiques électroniques de plusieurs heures avec le Circuit Tracks en place centrale et différents joujoux autour. Enfin je dirais que cette machine m’a permis de redécouvrir certains de mes synthétiseurs hardwares, qui séquencés et traités avec les effets de compresseur sidechain, réverbération et délai m’ont semblé tout de suite beaucoup plus intéressants qu’avant…
Après tout n’est pas parfait non plus. L’application Components est difficile à prendre en main et nécessiterait un peu de rafraichissement et de documentation supplémentaire. Le Circuit Tracks n’exprime son potentiel qu’après quelques heures de pratique et de lecture de son manuel pour se familiariser avec son concept et son workflow. Il possède des limitations sur l’édition des patchs, le nombre de patterns par piste, et surtout les 2 pistes seulement de synthétiseur qui risquent d’être insuffisantes en fonction des besoins et du style de musique de prédilection des intéressés. Au fil de mon utilisation, j’ai eu beaucoup de mal à me contenter des patchs proposés sur les différents packs que j’ai pu télécharger, et quand je travaille sur un morceau je me sens quasiment obligé d’aller éditer les patchs utilisés avec l’ordinateur. La contrainte du « pas d’écran » ne pose pas de problème pour moi à l’utilisation, mais peut être ennuyeuse pour se repérer dans le contenu des packs. Le fait de n’avoir que 8 patterns par piste rend compliqué la création de morceaux avec beaucoup de mélodies et de changements de tonalités. Et la partie samples semble rudimentaire avec seulement 4 effets, ou l’absence de pas entiers pour le contrôle de pitch. En sachant la sortie du Circuit Rhythm imminente, j’ai parfois eu l’impression que certaines fonctionnalités potentielles de cette section ont été volontairement écartées du Circuit Tracks pour être proposées sur la prochaine groove machine dédiée au sampling de Novation. J’espère que l’équipe derrière les Circuits blindera le Circuit Tracks de fonctionnalités du Rhythm et inversement d’ici les prochains mois sur les demandes des utilisateurs (surtout que ça m’empêchera pas de vouloir essayer les deux en même temps).
En tout cas, le Circuit Tracks est pour moi une réussite, dont j’attends avec impatience les évolutions dans les prochains mois voire les prochaines années. L’équilibre entre la simplicité d’utilisation et la profondeur accessible du produit est particulièrement singulier à mes yeux, pour une machine qui permet de faire beaucoup de choses avec un encombrement limité, et qui dépoussière le concept de la groovebox qui n’a pas toujours été synonyme avec ergonomie encore aujourd’hui. J’ai vraiment eu très envie de mettre la note de 9 au produit, mais j’attends de voir comment l’équipe de Novation va continuer à travailler dessus et si certaines de mes interrogations seront entendues.
Par contre, j’ai souhaité accorder au Novation Circuit Tracks un Award Innovation, car c’est un point d’entrée à la musique électronique génial pour les débutants, un outil plaisant et central pour les autres, et que ça récompensera aussi le travail effectué sur le Circuit OG qui a permis à la nouvelle mouture d’exister telle qu’elle est. Bravo à Novation pour la prise de risques dans la suppression de l’écran d’une groovebox et pour tout ce qui en a découlé !