Après l’EssenceFM, la société occitane Kodamo présente le Mask1, un synthé numérique doté d’un clavier de cinq octaves embarquant une nouvelle synthèse maison Bitmask…
Dévoilé en 2019, l’EssenceFM a été le premier synthé signé Kodamo. Son interface très bien pensée et son puissant moteur multitimbral nous avaient montré la synthèse FM sous un angle bien plus agréable que tous les synthés FM sortis jusqu’à présent. Au SynthFest 2022, ses brillants et sympathiques géniteurs étaient venus nous présenter un nouveau synthé baptisé Infini. Doté d’un clavier et d’un grand écran tactile, il associait différentes synthèses, dont certaines prometteuses : VA, FM, formants, Bitmask… Associait, car la pénurie de composants a eu raison du projet – souhaitons d’ailleurs que ce ne soit qu’une interruption. Du coup, Kodamo a réorienté son programme de développement, tout en conservant une partie des briques technologiques acquises, telles que la synthèse Bitmask. Le rapport à la synthèse a aussi été redéfini, passant d’une vision complexe à la recherche de l’essentiel. Le Mask1 incarne cette nouvelle philosophie. Levons le voile…
Interface minimaliste
Sonorités originales
![](https://img.audiofanzine.com/images/u/audio/500521.png)
- Mask1_1audio 01 Deep Layer00:38
- Mask1_1audio 02 Palm Prod02:03
- Mask1_1audio 03 Slur Layer00:59
- Mask1_1audio 04 Poly Synth01:58
- Mask1_1audio 05 Classic Split01:01
- Mask1_1audio 06 Poly Low00:52
- Mask1_1audio 07 Meta Morph01:14
- Mask1_1audio 08 Masked Layer00:40
- Mask1_1audio 09 Arco Strings00:52
- Mask1_1audio 10 Demasked !01:02
Génération du signal
Parmi les ondes proposées, certaines produisent des choses surprenantes quand elles sont transposées (motifs rythmiques, bruits numériques type PPG), d’autres sont des fractales, d’autres encore des impulsions, d’autres enfin des classiques (dent de scie, carré, sinus…). Chaque oscillateur peut être accordé par demi-ton (sur 10 octaves) et plus finement. Le numéro de Mask peut être modulé directement par une enveloppe delta dédiée, tout comme le volume de l’oscillateur, qui possède sa propre enveloppe ADSR. Les deux oscillateurs ne peuvent interagir, c’est bien dommage. Un générateur de bruit à fréquence variable complète le tableau des sources sonores, avec sa propre enveloppe ADSR de volume. Il n’y a pas d’enveloppe sur le volume global, mais on peut éditer toutes les enveloppes ADSR en même temps.
Traitement du signal
En bout de chaine, on trouve deux multieffets stéréo (FX1 et FX2) placés en série (fixe), avec réglage de balance pour chacun. Là encore, la simplicité est de mise, puisque le choix se limite à des présélections d’algorithmes non éditables, ce qui est frustrant. L’FX1 offre 16 chorus, 16 distorsions, 16 réducteurs de bits et 16 modulations en anneau (dont certaines oscillant dans l’audio, produisant des formants de voix humaines quand on joue sur la résonance du filtre). L’FX2 produit 16 types de délai (du très long au filtre en peigne), 16 distorsions (identiques à l’FX1) et 16 types de réverbe (de petites pièces à de grandes cathédrales). Lorsqu’on utilise deux programmes (séparés, empilés), les effets sont communs, le second programme ayant sa propre balance vers l’FX1. Idem pour les canaux pilotés en Midi. On ne peut pas dire que cette section soit renversante de complexité, mais la qualité sonore est bien au rendez-vous à tous les étages, avec notamment de très belles réverbes, du niveau d’un Summit ou d’un Analog Rytm.
Modulations sélectives
Les autres sources de modulation sont la vélocité, la pression et la molette. La vélocité est assignable à l’une des destinations suivantes : coupure du filtre, contour d’enveloppe du filtre, volume, Mask, niveau/temps de l’enveloppe de pitch. La pression et la molette sont assignables à l’une des destinations suivantes : quantité/vitesse des LFO ainsi que les destinations des LFO (cf. liste ci-dessus). Là encore, il faut faire des arbitrages lors de la programmation, conséquence directe des choix de simplicité opérés à la conception du synthé. Pas toujours facile…
Arpèges et séquence
Le séquenceur s’apparente quant à lui davantage à un petit Looper global. On arme la séquence avec la touche Rec puis on joue. Les notes sont enregistrées en temps réel avec les modulations et sans quantification, jusqu’à ce qu’on appuie sur Stop. On peut ensuite relire la séquence en boucle et c’est tout. On ne peut ni superposer, ni éditer, ni sauvegarder quoi que ce soit. C’est plus un bloc-notes ou un alter ego live pour tester des choses ou se dédoubler. Signalons que les notes séquencées sont transmises en Midi.
Conclusion
Interview de Stéphane Damo, dirigeant de Kodamo et concepteur du Mask1
Comment est né le projet Mask1 ?
Le projet Mask1 est aussi arrivé en même temps que ma découverte des synthés analogiques. Découverte, le mot est peut-être fort, mais étant né à l’époque de la synthèse numérique, je ne m’y étais pas tellement intéressé. Ça a été une révélation. Et ce n’est pas qu’une histoire de caractère sonore mais aussi d’esthétique, de la nécessité de choisir un nombre limité de contrôles et que ces contrôles soient aussi effectifs et intéressants que possible. En concevant le Mask1, j’ai adopté une approche similaire. Peu de paramètres, mais tous bien étudiés pour donner le meilleur son possible et lui donner une identité sonore propre.
Comment le développement s’est-il passé ?
Le projet Infini est-il passé dans l’au-delà ?
Il est repoussé à une date incertaine. Le problème avec l’Infini, c’est qu’il a été annoncé en plein milieu de la crise des composants. Plusieurs pièces critiques sont désormais chères et difficiles à trouver. Pour le Mask1, j’ai acheté tous les composants en avance pour éviter ce genre de déconvenue.
Qu’est-ce que la synthèse Bitmask ?
Qu’est-ce qu’elle apporte par rapport aux autres synthèses ?
L’interface du Mask1 est très spartiate, quel est le parti pris ?
Les boutons qui permettent de changer de paramètre sont placés à côté de l’encodeur principal, ce qui permet d’éditer une section d’une seule main et de jouer avec l’autre. Ça n’a rien à voir avec certains synthétiseurs des années 80, dont les interfaces semblent proches, alors qu’ils sont en réalité bien plus fastidieux à utiliser.
À qui le synthé se destine-t-il ?
Aux musiciens, professionnels et amateurs, qui aiment jouer du clavier. À ceux qui veulent un synthé capable de créer des sons classiques ou plus modernes, avec une patte sonore unique. Et aussi à ceux qui veulent un synthétiseur plus expressif.
Car l’un des atouts du Mask1, en plus de ses sonorités, est sa capacité à gérer le phrasé, un aspect souvent ignoré en musique électronique. Les notes ne sont pas gérées individuellement, mais en fonction de leurs voisines, pour être liées ou détachées, avec des attaques différentes. Ceci permet au Mask1 d’offrir un rendu plus musical et organique.
Combien d’exemplaires vas-tu produire dans un premier temps ?
J’ai les pièces pour produire 120 exemplaires. Ils seront fabriqués au fur et à mesure, car il faut beaucoup de temps et d’énergie pour tout faire. Ensuite selon la demande, d’autres séries pourront être lancées.
Comment vois-tu l’avenir en matière de composants électroniques ?
Sur certains composants, on est parfois à 20, 30 ou 40 fois le prix d’avant la crise. Il y a toujours des solutions comme changer de composant pour un autre moins connu, moins victime de cette augmentation, mais ça implique de refaire un circuit, parfois de redévelopper la partie logicielle, ce qui peut être compliqué.
Quelles sont les difficultés d’un jeune fabricant français de synthés ?
La principale difficulté selon moi, c’est la force de communication. Aujourd’hui, tout dépend d’internet et des youtubeurs. Kodamo n’a pas autant de poids que les gros constructeurs ni leur budget marketing pour donner envie aux chaines connues de faire des vidéos.
Il y a aussi la crédibilité vis-à-vis des revendeurs partenaires. Ceux qui ont fait confiance à Kodamo ont eu raison car les problèmes sont rares, c’est que du bénéfice pour eux. Mais étonnamment, il y a plus de revendeurs à l’étranger qui ont été motivés pour distribuer mes instruments que des magasins français. J’espère que ça va changer avec l’arrivée du Mask1, pour que les gens puissent l’essayer en boutique.
Et après le Mask1 ?