Trois ans après l’excellent MicroFreak, Arturia présente une version polyphonique de son fort sympathique synthé hybride. Voyons ce que le MiniFreak nous réserve, avec ses fonctionnalités étendues et sa nouvelle robe…
Arturia fait partie des rares concepteurs de synthés qui nous gratifient régulièrement d’un OVNI (Objet Vibrant Non Identifié). Ce fut le cas en 2012 avec le MiniBrute, suivi du MatrixBrute en 2016, puis le MicroFreak en 2019, pour finir par le PolyBrute en 2021. Dans chacun de ces synthés, il y a beaucoup de matière grise, que ce soit au plan des technologies, des fonctionnalités, de l’interface utilisateur ou du format. Au plan sonore, les synthés Arturia ont leur propre caractère, ce qui les différencie des grands concurrents historiques ou des concepteurs dits « boutique ». À tel point qu’aujourd’hui, la société grenobloise s’est forgé une solide réputation internationale de développeur de matériel audio (synthés, BAR, contrôleurs, interfaces audio) en plus d’une offre logicielle tout aussi abondante.
Après le MicroFreak testé dans nos colonnes, dont le micrologiciel est désormais passé en V4, ce qui lui a apporté bien des améliorations, le MiniFreak vient enrichir la gamme naissante de synthés hybrides de la marque, mélangeant différentes sources numériques à un filtre analogique multimode, avec de nombreux outils pour faire évoluer le son en temps réel. À la suite d’une opération complexe de contrôle mental à distance soigneusement préparée, combinant marabouts, prières divines et sacrifices de VST sur l’autel des dieux de la synthèse, nous avons réussi à arracher le MiniFreak des redoutables griffes de Red Led, notre puissant et vénéré Rédac’Chef. Vite, testons le premier (en V1.0.0) avant que le second ne se réveille et ne nous mette son terrible coup de genou…
Plates-bandes
Le MiniFreak est un synthé compact tout plat (578 × 231 × 55 mm pour 3 kg), avec une coque constituée d’un dessus plastique et d’un dessous métal, ce qui lui confère une parfaite rigidité. Exit le clavier capacitif original mais râpeux du MicroFreak, pour un mini-clavier dynamique à 37 touches slim assez courtes. Sa réponse est vraiment bonne, supérieure même à notre Reface CP, qui se défendait pourtant déjà bien. D’autant qu’ici, on a droit à la vélocité et à la pression mono. Bref, ce clavier est parfaitement adapté au jeu polyphonique proposé par le moteur interne. À gauche, on trouve deux rubans capacitifs, capables d’agir suivant trois modes distincts : pitchbend à rappel & modulation, macro 1 & 2 (assignables à 4 paramètres) et séquenceur & arpégiateur. La position de modulation est indiquée par des rangées verticales de diodes arc-en-ciel, donc la couleur varie suivant le mode, sympa !
La façade comprend bon nombre de commandes pour faciliter l’édition directe, parmi lesquelles 12 potentiomètres rotatifs (plutôt bien ancrés), 15 encodeurs crantés (dont 6 à poussoir pour sélectionner une fonction ou un réglage secondaire), 13 touches circulaires et 30 touches rectangulaires capacitives. Les modules sont organisés sur trois rangées : audio en rangée supérieure (oscillateurs, filtres, effets), modulations en rangée centrale (Glide, LFO, enveloppes) et modules supplémentaires en rangée inférieure (mode d’assignation des deux rubans capacitifs, arpégiateur, séquenceur, commandes de transport). Cette rangée est formée de boutons tactiles permettant d’éditer rapidement les 16 pas x 4 sections du séquenceur ou régler l’arpégiateur (motif, transposition). En haut à gauche, la matrice de modulation est représentée par des LED aux intersections source/modulation, avec un encodeur poussoir pour sélectionner et éditer les cordons. Au centre trône un mini écran OLED (nom de programme, valeur des paramètres, graphiques…). S’y ajoutent 2 touches de transposition du clavier sur +/- 3 octaves, une touche de maintien, une touche Chord/tempérament et l’incontournable touche Shift.
Navigation aux instruments
Quelques mots d’ergonomie. Si le synthé privilégie les commandes directes, on passe parfois par les menus pour accéder à quelques paramètres de synthèse additionnels et aux réglages globaux (accordage fin, Midi, synchro, réponse des potentiomètres, accordage, courbes de vélocité/pression, gammes microtonales, micrologiciel, calibrage des modules analogiques), rien de plus normal. Chose curieuse, on ne trouve toujours pas de réglage de transposition globale de la machine par demi-ton, l’ajout de cette fonction est prévu. L’appel des programmes se fait avec un unique encodeur poussoir, pas toujours très pratique quand on veut passer rapidement entre deux numéros éloignés, d’autant qu’il ne reboucle pas en fin de liste. Ce serait bien qu’Arturia ajoute un mode de sélection directe via la rangée de boutons capacitifs (par exemple en trois appuis) ou crée une liste de favoris. Le tri par catégorie est en revanche présent, tant mieux. Si le mode Panel et la fonction Preset Init sont bien prévus (initialisation totale ou partielle, par module, excellent !), il manque en revanche la fonction Compare. On se rabattra sur la prise automatique d’instantanés en cours de programmation pour y revenir calmement plus tard, avant sauvegarde. On trouve aussi des fonctions utiles de copie/inversion de modules.
La connectique, très complète, est regroupée à l’arrière : sortie casque, sortie stéréo (prises L&R symétriques, bravo !), entrée audio et entrée pour pédale de maintien, tout cela au format jack 6,35. Viennent ensuite 3 prises mini-jack pour l’horloge (entrée/sortie/reset). Puis l’interface Midi, offrant un trio complet DIN (merci !) et une prise USB B (notes, CC, export des programmes, mais pas audio, ce qui est compréhensible vu que le son finit dans des VCF/VCA). On termine la visite guidée par un interrupteur secteur et une borne pour adaptateur 12V/1A (bloc extrêmement cheap à embouts interchangeables, ce n’est pas ce qu’on préfère). On peut regretter la disparition des prises CV/Gate/pression présentes sur le MicroFreak, on apprécie en revanche très largement l’amélioration de la connectique dans tous les autres domaines.
Larges territoires
Le MiniFreak est un synthétiseur hybride polyphonique 6 voix (et 12 en paraphonie). Chacune des voix comprend deux oscillateurs numériques, un VCF et un VCA. En mode paraphonique, chaque voix fait appel à un seul oscillateur, les VCF et VCA étant partagés par paire de voix (1+7, 2+8… 6+12). Le synthé est totalement programmable. On dispose pour cela de 512 mémoires, dont 256 préchargées d’usine. Par rapport au MicroFreak que nous avions testé au tout début de sa carrière, plusieurs choses nous ont frappés très positivement. Déjà, les niveaux de sortie sont élevés, surtout en connexion symétrique. Ensuite, les sorties stéréo apportent une grande ampleur, on n’est plus du tout dans la même catégorie. Cette sensation de largeur est liée à l’ajout d’une section effets stéréo permettant de créer des ambiances dont n’est pas capable le MicroFreak. C’est particulièrement vrai sur les nappes planantes et les textures éthérées.
Le MiniFreak offre aussi une vaste palette de sons plus classiques, tels que cordes, cuivres, synthés poly divers. Le VCF multimode à 2 pôles joue bien son rôle dans le domaine, ça change des filtres 4 pôles passe-bas habituels. On trouve également une panoplie impressionnante de sons vocaux, organiques, résonateurs en tout genre. On sent qu’au niveau des oscillateurs, les possibilités sont nombreuses et sérieuses. Enfin, il nous semble que les basses sont bien plus puissantes que sur la version mono. Certains programmes sont très démonstratifs en la matière, que ce soient des basses filtrées ou FM, le MiniFreak tabasse dur ! Absentes de marque, les tables d’ondes n’ont pas été invitées à la fête, le MiniFreak ne possède pas, à l’heure actuelle (V1.0.0), de moteur de ce type. Arturia nous a annoncé vouloir l’intégrer remis au goût du jour avec import de tables utilisateur via le logiciel MiniFreak V (cf. encadré), ce qui placerait le MiniFreak en concurrence directe de synthés hybrides spécialisés en la matière, on pense à Waldorf notamment. C’est le seul regret de ce tour de piste par ailleurs ultra positif.
- MiniFreak_1audio 01 FM Pad01:19
- MiniFreak_1audio 02 Bass Dice01:50
- MiniFreak_1audio 03 Karpad00:53
- MiniFreak_1audio 04 Nasty FX01:18
- MiniFreak_1audio 05 Super Saws00:39
- MiniFreak_1audio 06 Double Noise01:03
- MiniFreak_1audio 07 Six Couennes Soeurs01:14
- MiniFreak_1audio 08 Picky Chords00:36
- MiniFreak_1audio 09 VA-ed00:37
- MiniFreak_1audio 10 X-Harp01:12
Oscillateurs maison
Pour créer les sons, le MiniFreak utilise deux oscillateurs numériques multifonctions indépendants par voix. On dispose de 14 modèles de synthèse disponibles pour chacun des deux oscillateurs, 1 modèle réservé au second oscillateur et 6 modèles mettant en jeu les 2 oscillateurs (interactions ou traitements du premier par le second, nous y reviendrons). Pour chaque modèle, on accède à trois paramètres spécifiques éditables et modulables via la matrice. Le type de modèle est lui aussi modulable en temps réel, ça peut être très drôle. Allez, on lance le défilé : « Basic Waves » est un modèle qui transforme en continu une onde carrée en doubles dents de scie en passant par une onde dents de scie simple ; on peut jouer sur la largeur d’impulsion de l’onde carrée ou le déphasage des deux dents de scie ; on peut aussi mélanger un suboscillateur sinus à l’octave inférieure. « SuperWave » superpose plusieurs ondes identiques (dents de scie, carré, triangle ou sinus) ; on peut les désaccorder et jouer sur leur volume relatif.
« Harmo » génère des ondes additives sinus ou triangle dont on peut varier les amplitudes puis le déphasage avec un chorus. « KarplusStr » est une modélisation physique Karplus-Strong permettant de simuler des frottements ou pincements de cordes ou des percussions passées dans un résonateur ; on peut régler l’action de l’archet, la position de frappe et le déclin du résonateur. « Noise » est un générateur de bruit complexe, allant des couleurs classiques aux particules, avec la possibilité d’ajouter une forme d’onde sinus, triangle ou carrée. Un peu à part, le modèle « Audio In » permet de substituer l’entrée audio au premier oscillateur, afin de traiter un signal externe par toute la chaine de synthèse ; il intègre un Wavefolder et un décimateur, avec ajout de bruit numérique. Ça part bien !
Oscillateurs tiers
Les sept modèles d’oscillateurs suivants sont tirés du code open source des modules Plaits créés par Mutable Instruments. « VAnalog » mélange une impulsion variable et une onde dents de scie/triangle variable, que l’on peut désaccorder jusqu’à 2 octaves, pour un son VA puissant et riche. « Waveshaper » combine Waveshaper et Wavefolder avec réglage progressif de symétrie, dans la plus pure tradition West Coast. Les quelques réglages permettent une étendue sonore considérable. « Two Op. FM » est un algorithme FM simple à deux opérateurs sinus, dont on peut régler le ratio, la quantité de modulation et le feedback. « Formant » fait appel à la synthèse granulaire pour générer deux formants dont on peut régler le rapport de fréquences, la fondamentale et la largeur, pour obtenir différentes voyelles. « Chords », disponible uniquement pour le second oscillateur et désactivé en mode paraphonique, génère 11 types d’accords prédéfinis de 2 à 4 voix, avec différents renversements et plusieurs dizaines de formes d’ondes (dont une table d’ondes). « Speech » génère des formants de voix modulés (parlés) basés sur la technologie Speak & Spell développée par Texas Instruments dans les 70’s, dont on peut changer le genre et choisir les mots préenregistrés (non modifiables). Enfin « Modal » est un résonateur type Karplus-Strong dont on peut éditer la matière, la brillance et le déclin, idéal pour créer des percussions métalliques ou boisées, ou encore des cordes pincées ou frappées.
Passons maintenant à trois modèles ajoutés en cours de développement du MicroFreak, créés par Noise Engineering à partir du module Virt Iter Legio. « Bass » mélange deux ondes déphasées, sinus et cosinus, avec ajout d’harmoniques par saturation et traitement par un Wavefolder qui module les phases via un générateur de bruit. « SawX » produit une dent de scie dont la phase est modulée par un bruit blanc, créant des effets de chorus plus ou moins denses. Enfin « Harm » est un générateur d’harmoniques alternatif au modèle maison « Harmo », intégrant un rectifieur et une modulation de phase par un générateur de bruit. Ces trois modèles complètent parfaitement la panoplie de modèles déjà vertigineuse.
Oscillateurs combinés
Comme le MiniFreak possède deux oscillateurs, les concepteurs d’Arturia ont eu l’excellente idée de permettre d’intermoduler les oscillateurs ou traiter le premier par le second. Évidemment, on ne peut utiliser ces modèles polyphoniques 6 voix en paraphonie 12 voix. « FM/RM » permet de moduler le second oscillateur par le premier, en fréquence et en anneau, simultanément. On peut choisir l’onde du second oscillateur en continu, puis doser séparément la FM et la RM. « Multi Filter » est un filtre numérique multimode résonant dans lequel le premier oscillateur est injecté, capable de fonctionner en modes LP, HP, BP et réjection de bande, avec des pentes de 1–2–4–6 pôles. On peut en régler la fréquence de coupure et la résonance (sauf en mode 1 pôle). « Surgeon Filter » est un filtre multimode ultra précis fonctionnant comme un EQ paramétrique dynamique, dont on peut régler la fréquence d’action et la largeur de bande. « Comb Filter » est un filtre en peigne classique, permettant de moduler des bandes de fréquences. « Phaser Filter » est un ensemble de filtres All Pass modulables, capable de créer de 1 à 6 bandes (2 à 12 pôles). Enfin, « Destroy » combine un Wavefolder, un décimateur et un réducteur de bits. So punk !
Les autres réglages disponibles pour chaque oscillateur concernent le pitch (sur +/- 4 octaves par octave, demi-ton ou centième) et la modulation du pitch, continue ou quantifiée suivant différents tempéraments prédéfinis. Avant d’entrer dans le filtre, on peut régler les niveaux ou la balance, au choix, des deux oscillateurs. Lorsque le second oscillateur est utilisé en tant que filtre, ce réglage est une balance des signaux traités/non traités. Franchement une excellente section, qui ne peut certes pas importer des modèles tiers comme un Minilogue XD, mais qui offre suffisamment de diversité pour couvrir des territoires sonores très vastes, avec peu de réglages, mais des réglages très pertinents et très sensibles. Il ne manque à ce stade que le modèle Wavetable du MicroFreak et aussi une synchro dure entre les deux oscillateurs.
Couleurs analo
La sortie des oscillateurs est envoyée dans un VCF multimode à 2 pôles. Inspiré du filtre SEM Oberheim, il offre les modes passe-bas, passe-bande et passe-haut (mais pas de réjection de bande ni variables d’état continues). Il sonne beaucoup moins agressif que le filtre Steiner-Parker du MiniBrute, un choix pertinent compte tenu du côté polyphonique du synthé et des sources qui peuvent être bien agressives si on le souhaite. Certains le trouveront trop sage, pas assez sélectif ou colorant, nous le trouvons tout à fait complémentaire aux filtres numériques qui peuvent se substituer au second oscillateur. La fréquence de coupure peut varier de 20 Hz à 20 kHz via le potentiomètre dédié. Elle est directement modulable par l’enveloppe ADSR (modulation bipolaire) et la vélocité via un potentiomètre en façade. Le réglage de la vélocité nécessite le maintien de la touche Shift (à gauche), ce qui est fort peu pratique pour tourner le potentiomètre (à droite) et jouer en même temps, un double-clic pour bloquer la position Shift serait bienvenu. Pour la moduler avec les deux LFO, le suivi de clavier, la pression, la molette, l’enveloppe cyclique, les deux macros ou le séquenceur, il faut passer par la matrice, normal, c’est son rôle.
La résonance n’écrase pas le reste du spectre audio quand on la pousse et est capable de faire entrer le filtre en auto-oscillation. Il se produit alors une onde sinus dont on peut régler le volume en fin de course de résonance et le pitch avec la fréquence de coupure. Elle nous semble beaucoup moins hurlante que sur le MicroFreak. La résonance est modulable via la matrice, après assignation à l’une des neuf destinations libres (nous y reviendrons). En sortie de filtre, le signal passe par le VCA final, lui-même modulé dans le dur par l’enveloppe ADSR (ni dosable ni débrayable) et la vélocité. Il n’y a pas de réglage de panoramique, les VCA sont mono. En mode paraphonique, chaque voix dispose de sa propre enveloppe ADSR et d’une enveloppe AHR par paire de voix. Un compromis tout à fait compréhensible. Les voix peuvent aussi être jouées à l’unisson (mono/paraphonique/polyphonique), avec activation de 2 à 6 voix et désaccordage. Sans oublier les modes legato, en mono comme en unisson.
Ça commence à bouger
Le MiniFreak améliore les possibilités de modulation du MicroFreak, cette fois en polyphonie. Pour commencer, on trouve un Glide polyphonique avec réglage de vitesse ou de pente (temps fixe ou synchronisé au tempo). On dispose ensuite de deux LFO à cycle libre ou redéclenché par le clavier/séquenceur/autre LFO/enveloppe cyclique (en mono ou polyphonie). Ils partagent deux potentiomètres à fonctions doubles, le reste se faisant via le menu (touche Edit). Ils peuvent osciller de 0,015 à 100 Hz ou se synchroniser au tempo suivant différentes divisions temporelles (de 8 mesures à 1/32, y compris les valeurs ternaires et pointées). Les vitesses d’oscillation sont matérialisées par deux LED. Les LFO offrent les ondes sinus, triangle, rampe, carré, S&H, aléatoire, dent de scie exponentielle, rampe exponentielle et Shaper (16 ondes Presets et 8 ondes que l’utilisateur peut sculpter sur 16 pas). Il manque des paramètres de retard, fondu ou phase, pourtant utiles et banals. Il existe aussi un vibrato à onde triangle dont on peut doser la vitesse et l’effet dans le menu.
Passons à l’enveloppe ADSR. La plage de réglage des segments de temps est importante, on peut aussi les passer en mode percussif pour obtenir une belle pêche. Cette enveloppe est libre ou redéclenchée par le clavier/séquenceur. Elle est assignée à la coupure du filtre (réglage bipolaire) et au VCA. On insiste, on aimerait vraiment qu’Arturia permette un dosage ou une déconnexion de cette enveloppe du VCA, vu qu’elle est aussi connectée au VCF (avec dosage). On trouve une seconde enveloppe, cyclique, de type A/H/D. On peut changer l’ordre des segments et régler la courbe des segments A/D (via la touche Shift + potentiomètre idoine). Elle offre trois modes de déclenchement : standard, Run (= LFO en cycle libre), Loop (= LFO dont le cycle est redéclenché par une note jouée/séquencée, en modes mono/poly/legato/LFO). Un bon complément à l’ADSR.
Ça bouge encore
Gros point fort du MicroFreak, une matrice de modulation permet d’assigner 7 sources prédéfinies (enveloppe cyclique, ADSR, LFO1, LFO2, pression/vélocité, molette et clavier) à 13 destinations (Pitch 1+2, Wave 1, Timbre 1, coupure du VCF, ainsi que 9 destinations assignables via 3 pages de 3 colonnes). Cela représente donc 91 cordons disponibles à tout instant ! L’édition est facilitée par la grille sérigraphiée et l’encodeur dédié. Ce dernier permet, d’une part, d’alterner entre les points virtuels de patch (une diode s’allume à l’intersection source/destination) et d’autre part, de modifier la quantité de modulation (bipolaire) quand on appuie dessus. L’écran affiche les paramètres concernés et la quantité de modulation.
Pour réinitialiser une valeur, il suffit de maintenir l’encodeur plus d’une demi-seconde. Pour assigner une destination à l’une des 3 pages de 3 colonnes libres, on appuie sur le bouton de la colonne souhaitée (Shift pour choisir la page) puis on tourne le potentiomètre du paramètre à assigner parmi ceux disponibles en façade ou via le menu pour ceux qui n’ont pas de commandes directes. Cela concerne le désaccordage de l’unisson, la quantité des LFO et de l’enveloppe cyclique, le VCA et le vibrato (quantité et fréquence). Un point d’insatisfaction, l’impossibilité d’ajouter des sources aux 7 prévues, en particulier dans le domaine audio (oscillateurs notamment), ce que certains constructeurs intègrent désormais dans leurs matrices, tels que Sequential.
Section effets
En sortie de VCA mono, le MiniFreak est équipé de trois multieffets numériques, chacun capable de générer des algorithmes avec plusieurs variations (nombre entre parenthèses) : chorus (5), phaser (6), flanger (4), réverbe (6), retard (12), distorsion (6), réducteur de bit, EQ 3 bandes, Peak EQ, compresseur multibande (4). Les effets gourmands tels que réverbe, retard et compresseur ne peuvent avoir qu’une instance. Les algorithmes basés sur les temps peuvent être synchronisés à l’horloge. Les effets sont placés en série (FX1 => FX2 => FX3), mais le retard et la réverbe possèdent des routages spécifiques, en insertion ou envoi. Chaque effet dispose d’un réglage son sec/son traité (ou d’un dosage d’envoi dans le mode éponyme).
L’édition est facilitée par quelques commandes directes, partagées entre les trois effets et sélectionnables avec un bouton dédié. Des LED permettent de visualiser les effets activés et l’effet en cours d’édition, par nuance d’intensité. Le premier encodeur sélectionne le type d’effet et sa variation, les trois suivants étant contextuels. Une section réussie au plan qualitatif et ergonomique, qui permet de tester rapidement différents réglages, sans se perdre dans une pléthore de paramètres. Nous avons en particulier apprécié les combinaisons très classiques chorus + retard + réverbe, créant de vastes espaces stéréo polyphoniques. En revanche, l’effet vocodeur initié sur le MicroFreak est pour le moment resté sur le quai du développement…
Ça bouge toujours
Pas avare de bonnes idées, Arturia a doté le MiniFreak d’un arpégiateur et d’un séquenceur. On peut en régler le tempo et la division temporelle directement en façade. Les deux modules sont aussi équipés d’un facteur de swing, d’un réglage de Gate, d’un maintien et des fonctions Spice/Dice, permettant de faire varier les temps et les espacements de Gate de manière aléatoire, suivant une quantité modulable avec le ruban capacitif. Les notes arpégées/séquencées peuvent être transmises en Midi, selon un réglage utilitaire global. Découvrons l’arpégiateur. Il peut fonctionner sur une plage de 1 à 4 octaves, selon 8 motifs dépendant de l’accord joué : haut, bas, haut/bas, aléatoire, suivant l’ordre joué, avant avec probabilités, accord et motif. Dans ce dernier mode, l’arpégiateur génère un nouveau motif aléatoire à chaque note jouée, avec des répétitions liées à la plage d’octaves sélectionnée. On trouve des fonctions supplémentaires, telles que répétition de pas, ratchet double, octaves aléatoires et transformation aléatoire de note au sein du motif. On peut aussi envoyer le motif d’arpège en cours vers le séquenceur en appuyant sur la touche Record pendant que l’arpège tourne, bien vu !
Passons au séquenceur polyphonique 6 voix. Chaque programme stocke sa propre séquence de 64 pas avec tous les réglages associés (tempo, division, Gate, swing…). Le clavier permet de déclencher/stopper une séquence et la transposer en temps réel (mode Stop). On peut aussi lancer la séquence en boucle et la transposer à la volée (mode Play). La programmation peut se faire en pas à pas, séquence à l’arrêt. On entre un accord sur un pas au choix, et quand toutes les notes sont relâchées, le séquenceur mémorise les notes et leur vélocité, puis passe au pas suivant. On peut aussi créer des silences ou lier les pas avec les touches Hold/Tie, immédiat ! On peut aussi enregistrer en temps réel, séquence tournante. L’édition ultérieure se fait précisément par pas ou en Overdub, au choix. Mieux, une séquence peut enregistrer 4 lignes de mouvements de paramètres (modules de synthèse, modulateurs, contrôleurs, effets) en pas-à-pas ou temps réel, puis les éditer précisément, l’écran graphique donnant une visualisation claire des événements en cours. Il est aussi possible de lisser les mouvements entre chaque pas. Un séquenceur qui a bien progressé, auquel on pourrait souhaiter quelques fonctions aléatoires et ratchets.
Encore plus chic !
Le MiniFreak représente un net pas en avant par rapport au MicroFreak : qualité audio supérieure, sorties stéréo, moteur à deux oscillateurs intermodulables, deux LFO, matrice de modulation plus puissante, trois effets intégrés, mini-clavier sensible à la vélocité et à la pression, sans oublier la polyphonie de 6 voix. Il en reprend les qualités, les modèles d’oscillateurs innovants, le VCF multimode, les possibilités de modulation, l’arpégiateur et le séquenceur, avec une prise en main toujours directe. On perd toutefois les sorties CV/Gate/pression. Dans la version 1.0.0 du micrologiciel, l’oscillateur à tables d’ondes et le vocodeur ne sont pas intégrés. D’après les équipes d’Arturia, c’est au programme, avec des moteurs remaniés. De même, elles prévoient d’ajouter la transposition globale par demi-ton et d’améliorer les modulations du VCA final.
Vu les possibilités offertes pour à peine deux fois le tarif du petit frère, sans oublier la version virtuelle gratuite bien mieux qu’un simple éditeur, le MiniFreak est une proposition de valeur sérieuse, qui ravira les amoureux de la synthèse, avec sa panoplie sonore étendue sortant des sentiers battus, tout en étant capable d’évoquer les grands classiques, doté d’un caractère sonore bien à lui. Le succès du MicroFreak a encouragé Arturia à étendre une première fois sa gamme de synthés hybrides vers le haut, souhaitons que cela continue après le MiniFreak. D’ici là, il repart haut la main avec l’Award qualité/prix 2022 !