Si le Pro-Q de Fabfilter règne depuis plusieurs années sur le monde des égaliseurs logiciels, il semblerait qu’à force de fonctions innovantes, la concurrence soit sur le point de renverser le roi. Dernier rival en lice, SplitEQ arrive avec des arguments d’autant plus sérieux qu’il émane d’Eventide, des gens qui n’ont jamais eu l’habitude de rigoler sur le terrain de l’innovation…
![Test de l’Eventide SplitEQ : Split is Banana](https://img.audiofanzine.com/img/fr/article/cover/4226.jpg?fm=pjpg&w=704&h=396&fit=fill&s=7b4b0d012814cb51ee3b3c870a0f5e6c)
Il faut bien l’admettre : en accouchant avec Pro-Q d’une ergonomie quasi parfaite, Fabfilter a non seulement poussé ses concurrents à se mettre au niveau sur ce point, mais aussi à réinventer l’égaliseur en imaginant des fonctions inédites. Cela nous donne d’un côté des égaliseurs « intelligents » comme en proposent Sonible, Soundtheory, Oeksound ou Izotope, mais aussi des égaliseurs proposant des concepts originaux : pitch tracking avec SurferEQ chez SoundRadix, modulations dans tous les sens avec Shade chez UVI, égalisations complémentaires avec Claro chez Sonnox, etc.
Et c’est dans ce bouillonnant contexte que nous arrive SplitEQ, le dernier joujou d’Eventide qui n’est autre qu’un cousin éloigné du multieffet Physion sorti il y a quelques années, comme nous allons le voir.
Un EQ comme les autres…
C’est donc dans le bandeau du bas que tout se passe, l’occasion de se rendre compte que les filtres qui nous sont proposés sont classiques (coupe-bas et coupe-haut, low et high shelf, cloche, notch, tilt, passe-bande) avec des pentes allant de 6 à 96 dB… Rien de bien étonnant jusqu’à ce le regard s’attarde sur la partie droite de l’interface où deux vu-mètres sont proposés : un nommé Tonal, et l’autre nommé Transient. Et nous voici au cœur de l’originalité de SplitEQ.
Une séparation
Bref, c’est vraiment un détail qui change tout, d’autant que cette séparation transitoire/tonal se retrouve dans tout le soft, y compris dans l’écoute solo des bandes… De nombreux presets permettent en tout cas d’embrasser les vastes champs d’application qui sont ceux de SplitEQ : outre les problématiques de masquage que nous venons d’aborder, on pourra l’utiliser pour restaurer (declicker, deesser, etc.), rééquilibrer une prise (atténuer une cymbale trop agressive sur une batterie), élargir ou rétrécir l’image stéréo ou l’enhancement (donner plus de corps à un kick, d’attaque à une guitare acoustique, de mordant à une voix). Quantité de presets sont d’ailleurs fournis par Eventide qui vous serviront de bases pour apprivoiser cet incroyable EQ.
Même si le mieux sera toujours pour vous de télécharger la version d’évaluation pour vous faire une idée, voici quelques exemples sur une reprise de Weezer.
Sur la batterie un peu trop « boomy » on mon goût, j’ai utilisé un shelf pour largement retirer du grave et du bas médium sur la partie tonale (les résonance de la batterie donc), tout en reboostant les graves du kick. Il en résulte une batterie nettement plus lisible :
![](https://img.audiofanzine.com/images/u/audio/492851.png)
- DRUMSdry00:11
- DRUMSwet00:11
Pour la basse un peu trop floue elle-aussi, j’ai pu retirer du grave dans le tonal et baissé le niveau global de ce dernier, tout en montant le niveau des transitoires auxquelle j’applique une petit cloche dans les médiums.
![](https://img.audiofanzine.com/images/u/audio/492842.png)
- BASSdry00:11
- BASSwet00:11
Pour la guitare gauche, j’ai souhaité inhiber un peu les attaques avec un coupe-haut sur les transitoires uniquement. Et histoire que les coups de médiators ne soient pas trop présents dans mes guitares doublées, j’ai bien taillé dans les transitoires de la guitare droite pour obtenir un violoning qui fonctionne avec la guitare gauche.
![](https://img.audiofanzine.com/images/u/audio/492836.png)
- GUITAR1dry00:11
- GUITAR1wet00:11
- GUITAR2dry00:11
- GUITAR2wet00:11
Voyez le mix sans SplitEQ puis après :
![](https://img.audiofanzine.com/images/u/audio/492827.png)
- MIXdry00:11
- MIXwet00:11
Intéressant, non ?
On est donc conquis, au point qu’il faut se prononcer sur l’aptitude de SplitEQ à devenir votre égaliseur de tous les jours, ce qui sera l’occasion de s’attarder sur ses limites et défauts.
GoTo EQ ?
Est-on pour autant face à un outil qui va sonner la retraite pour les EQ traditionnels, Pro-Q en tête ? Loin de là ! Disons qu’il est moins concurrent que complémentaire dans le nouveau paradigme qu’il apporte à la résolution de problèmes car il est dépourvu de quantité de choses proposées par les égaliseurs nuémriques classiques : point d’égalisation dynamique ici, ni de possibilité de piloter le traitement via une entrée latérale (sidechain) ou de communiquer avec les autres occurrences du plug-in, pas de fonction permettant de détecter les masquages ou les pics de résonance, ni de clonage de courbe… Mais surtout, il ne vous aura pas échappé qu’Eventide ne communique pas sur l’usage de SplitEQ en mastering et l’on comprend pourquoi quand on se met à jouer avec les paramètres de séparation un peu trop violemment. Quand on sait qu’un simple coupe-bas déclenche inévitablement des problèmes de phase dès qu’on attaque des pentes un peu trop violentes, vous imaginez bien qu’un algo sophistiqué comme SplitEQ n’est pas irréprochable dans ce domaine si on a la main trop lourde. Et sans même parler de phase, on se retrouve aussi parfois dans des réglages extrêmes avec des artefacts vraiment pas jojo. On ne le reprochera pas à Eventide pour autant car avant de se retrouver confronté à ce genre de soucis, on dispose d’une marge confortable pour que SplitEQ rende de nombreux services. Comprenez juste que nous ne sommes pas en présence d’un outil qui va remplacer votre EQ en toutes occasions, mais d’un outils qui rendra certaines choses plus simples au quotidien, comme Soothe sait le faire par exemple…
Bref, Pro-Q et ses copains ont encore bien des choses à faire valoir, et SplitEQ a pour sa part une bonne marge de progression, même s’il ne sera pas forcément évident d’ajouter des fonctions s’il ne veut pas tourner à l’usine à gaz… Disons pour le moins qu’on aimerait bien voir corrigé les petits détails ergonomiques mentionnés plus haut…
Conclusion
Si les EQ « intelligents » sont encore loin de convaincre tout le monde, il ne fait aucun doute qu’à la faveur d’un algo de séparation à la hauteur de la réputation d’Eventide, SplitEQ apporte une nouvelle dimension à l’égalisation. C’est véritablement un nouvel outil qui permet d’apporter des réponses efficaces et élégantes aux classiques problématiques de mixage, tout comme Soothe a pu en apporter sur le problème précis des résonances… Bref, il ne fait aucun doute que SpliEQ est promis à un beau succès et qu’on gagnera à explorer tous les avantages que sa démarche procure en vis-à-vis d’EQ plus classiques. Award innovation ? Oui ! Et un double même, assorti des félicitations de la maison à Eventide !