UVI continue de développer sa gamme d'effets avec un EQ comme on en a encore jamais vu ou entendu...
Pas évident d’amener du neuf sur le marché des égaliseurs logiciels car on trouve non seulement dans les STAN ou le monde du freeware des choses tout à fait convaincantes, mais il faut en outre faire face à l’exhaustivité des poids lourds du marché, qu’ils émanent de Fabfilter ou DMG Audio pour n’en citer que deux. Et pourtant, UVI ose se lancer à son tour en proposant Shade, un EQ qui n’a pas son pareil sur le marché à l’heure où sont écrites ces lignes, parce qu’il ramène l’outil sur un terrain délaissé par la plupart des concurrents : celui de l’effet créatif.
Vous connaissez le principe : on vous fait découvrir tout cela en vidéo, ce qui n’empêche pas ceux qui préfèrent le texte de lire ce qui qui suit…
Encore un EQ ?
Shade se présente en premier lieu comme un « bête » EQ paramétrique à représentation graphique, avec tout ce que l’on est en droit d’attendre d’un tel outil en 2020. On a ainsi droit aux classiques filtres (cloche, passe-bande, coupe-haut, coupe-bas, en plateau, etc.), à la possibilité de travailler séparément sur les canaux droite et gauche ou Mid et Side, le tout dans une interface extrêmement claire et intuitive : double clic pour ajouter une bande ou l’enlever, molette pour régler le facteur Q. Bref, tout cela est très bien réalisé même si tout est aussi très convenu.
Quelques détails viennent toutefois révéler que Shade n’est pas un EQ comme les autres : non seulement, les pentes de ses filtres classiques peuvent atteindre pour certaines un vertigineux 6000 dB par octave (ce qui, vous vous en doutez, va poser bien des problèmes de phase), mais on trouve en outre parmi les 35 types de filtres proposés des choses pour le moins inhabituelles : des filtres à résonnances multiples, des filtres en peigne, etc. Bref, on sent déjà qu’on n’est pas face à un égaliseur pensé pour le mastering mais quelque chose de nettement plus barré. Précisons-le d’ailleurs, il n’existe pas de mode à phase linéaire, et l’on comprend bien pourquoi en découvrant la suite du logiciel…
La suite, c’est une zone en bas de l’interface dédiée à la modulation de n’importe quel paramètre de l’égaliseur. Et c’est là que Shade nous fait rentrer dans une toute autre dimension, quittant le domaine de la sage égalisation pour rentrer dans celui du sound design barré.
Mo, mo, module !
Neuf modulateurs vous attendent ainsi, du classique LFO à l’enveloppe ADSR en passant par un générateur de valeurs aléatoires, un système de macro, un pad XY, un générateur d’enveloppe multisegment ou encore un suiveur d’enveloppe. À la faveur de ces derniers, vous pourrez animer n’importe quel paramètre de n’importe quelle bande, qu’il s’agisse de la fréquence centrale, de la largeur de bande, de la pente du filtre ou encore du gain. Et ça n’a l’air de rien dit comme cela, mais cela permet à Shade de devenir bien d’autre chose qu’un EQ. Via le suiveur d’enveloppe de volume, il pourra ainsi devenir compresseur ou compresseur multibande ou égaliseur dynamique par exemple. Mais on pourra aussi l’utiliser pour travailler l’image stéréo en modulant différement les canaux droite et gauche ou Mid et Side. Enfin, il recouvrira le spectre assez large des effets à modulation : flanger, phaser, etc.
Et on ira vers des choses d’autant plus complexes que les modulateurs sont susceptibles de moduler leurs paramètres entre eux. À la faveur des nombreux filtres proposés et de ces possibilité d’animation, il n’est pas bien dur ensuite d’obtenir des textures sonores extrêmement sophistiquées, avec des sons tirant parfois sur le granulaire, et l’on comprend vite pourquoi le logiciel est équipé d’un limiteur et d’un bouton Dry/Wet en sortiie.
Voyez ces quelques exemples pour vous faire une idée de ce qu’il est possible d’obtenir, sachant que le logiciel est livré avec de nombreux presets de qualité :
- guitardry00:16
- guitarSHADE00:16
- StringsDRY00:16
- StringsSHADE00:16
- bassDRY00:16
- bassSHADE00:16
- hihatDRY00:16
- hihatSHADE00:16
- drumsDRY00:16
- drumsSHADE00:16
- mixDRY00:32
- mixSHADE(2)00:32
Avouez qu’on attendait pas ça d’un égaliseur !
Mais la réussite de Shade tient autant dans sa puissance créative que dans la simplicité de mise en oeuvre de tout cela. Les modulations se font par simple cliquer/glisser ou par menu contextuel, et comme on est dans l’interface familière d’un égaliseur, on ne se sent jamais perdu comme on peut l’être dans d’autres multieffets. Bref, le dernier joujou d’UVI s’avère extrêmement jouissif à l’usage, et l’on comprend bien qu’on est face à un « égaliseur instrument » plus qu’un égaliseur standard, d’où l’absence fort compréhensible du mode à phase linéaire : d’une certaine façon, le but de Shade, c’est justement de mettre le bazar dans la phase pour qu’il en resorte des choses intéressantes sur le plan sonore.
Conclusion
Shade est une tuerie ! Une tuerie parce qu’il permet de faire énormément de choses, des plus sages aux plus extravagantes, mais surtout parce qu’il permet de les faire simplement, et à part quelques fonctions avancées sur la partie égaliseur traditionnel, on voit mal ce qui pourrait lui être reproché. On rêverait d’ailleurs de voir sa section de modulation faire l’objet d’un plug-in de modulation MIDI qui rendrait bien des services pour moduler bien d’autres chose qu’un EQ dans nos STAN. 130 balles pour ça ? C’est amplement mérité car si Shade ne deviendra peut-être pas votre Go to EQ pour le mixage et la mastering, il vous ouvrira bien des portes créatives de la plus belle des manières. Bref, chapeau bas à UVI, qui vient ni plus ni moins de nous sortir l’un des plug-ins de l’année !