Les plugins d'EQ, on en a tous déjà quelques-uns non ? En quoi ce nouveau Pulsar se distinguera-t-il des autres ? Est-ce que nos mix seront meilleurs avec lui qu'avec l'égaliseur intégré à notre DAW ? Réponses...
Émulation d’un quadragénaire
Vous n’aviez pas assez de plugins d’EQ sur votre disque dur ? Pulsar vous en propose un nouveau… Mais pas n’importe lequel puisqu’il s’agit d’une émulation du GML 8200, pionnier de l’égaliseur paramétrique et référence absolue du genre. On connaît plutôt bien les plugins de chez Pulsar, et dans l’ensemble, on les aime beaucoup. La marque française (basée dans les Alpes, qui nous sont chères) propose déjà, avant cette nouvelle sortie, cinq jolis plugins qui sont tous des émulations de machines analogiques assez identifiées. On compte trois compresseurs, un écho/delay, et déjà un premier égaliseur, le Massive qu’on avait testé ici, il y a bientôt un an. Pourquoi un deuxième EQ maintenant ? Quelle valeur ajoutée représentera ce 8200 ? On va creuser ces questions ici.
L’égaliseur analogique auquel se réfère notre plugin, c’est donc le GML 8200 créé par George Massenburg, et commercialisé à partir de 1982. C’est un des grands classiques des studios depuis les années 1980, très souvent présent sur les bus master. Avec ce modèle, George Massenburg est considéré comme l’inventeur de l’EQ paramétrique. Un incontournable, donc ! Attardons nous un peu plus sur cette belle machine : un égaliseur stéréo, cinq bandes paramétriques en fréquence et en largeur. À chaque bande sa couleur, ce qui donne ce design extérieur caractéristique du début des 80's et reconnaissable entre tous. La conception est plutôt simple à l’intérieur, pas de lampes, mais des op-amps ou transistors, les cinq filtres pour chaque voie sont connectés en parallèle, un système « t bridge » est utilisé pour régler les fréquences, ce qui permet une grande linéarité dans le rapport de phase.
Le Massive, précédent EQ proposé par Pulsar, est quant à lui une émulation du Massive Passive, appartenant à la famille des Pultec… donc un égaliseur passif à lampe, pas aussi linéaire dans sa gestion des phases, qui se distingue plus par son caractère que par sa transparence. Ces deux plugins nous proposent par conséquent deux approches très différentes, bien que toutes deux ancrées dans le patrimoine et l’histoire de la production musicale, de l’égalisation. On choisira le Massive pour sa couleur, et le 8200 pour sa précision. Ce nouveau produit pourra davantage être envisagé comme un égaliseur de correction, chirurgicale si besoin. En ce sens, les deux égaliseurs proposés à ce jour par Pulsar sont complémentaires, et si on sait bien les utiliser, chacun pourra faire sa part du travail.
Un plugin qui fait Tilt
Mais attention, le Pulsar 8200 ne se contente pas de répliquer strictement son illustre modèle. La marque a souhaité ajouter quelques fonctionnalités dont certaines s’écartent un peu de la machine créée par George Massenburg… pourquoi pas, puisqu’on est dans le tout numérique, autant en profiter pour ajouter quelques atouts à cet égaliseur. En plus des 5 filtres classiques, on trouvera donc cinq rotatifs en plus pour chaque canal : un coupe-bas et un coupe-haut aux extrémités, Sub et Air qui agissent uniquement en boost, et enfin Tilt qui oriente l’ensemble de la courbe (tous filtres pris en compte) vers le grave ou vers l’aigu. Voilà beaucoup de possibilités, on est toujours dans ce cas en droit de se demander si c’est nécessaire, mais à coup sûr cela va nous permettre d’aller loin dans le détail de notre égalisation. Autre ajout de Pulsar, qu’on aime beaucoup : l’autogain. Cela va nous permettre d’évaluer la pertinence de notre réglage d’égalisation sans être trompés par la différence de niveau lorsqu’on active et désactive le 8200. Un rotatif de Gain Scale nous permettra aussi de revenir en proportion sur les filtres appliqués, et de réduire les différences sur une échelle de 100 à 0. Cela peut permettre de pousser un peu fort les filtres lorsqu’on les travaille puis de modérer ces réglages ensuite. Toujours dans les options qui nous plaisent, on peut quitter la classique configuration L/R pour travailler en Mid/Side : un des canaux s’appliquera alors au centre de la stéréo tandis que le second affectera ce qui est latéralisé. Si on veut utiliser ce plugin sur un bus master, cela peut être très intéressant. Enfin, plus étonnant : Pulsar s’est permis d’ajouter un De-esser au 8200 ! Après tout, certains racks d’égalisation en ont aussi (en pense à notre Lil’freq), on espère que Mr Massenburg ne leur en tiendra pas rigueur. Pour compléter la liste des fonctionnalités, on peut choisir de délier les deux canaux stéréo, et d’éteindre ou allumer indépendamment les filtres des deux canaux, que ce soit en stéréo ou en M/S. Enfin, comme c’était déjà le cas avec le Massive, la marque française nous propose une fenêtre qui permet de visualiser la courbe de fréquences, à l’image de ce qu’on voit dans beaucoup de plugins d’EQ. Dans cette belle idée que Pulsar aime appeler « le meilleur des deux mondes » (sous-entendu analogique et numérique), cette fenêtre affiche également un analyseur de spectre en transparence sous la courbe. On peut aussi choisir de se passer de cette fenêtre, si on est un puriste de l’égaliseur paramétrique ou qu’on ne veut pas se laisser influencer par la représentation graphique.
L’EQ qui ne manque pas d’Air
Après toutes ces observations, on se lance dans l’utilisation du 8200. Quelques stems ou mix de morceaux que nous avons produits pour des librairies musicales vont nous servir de cobayes. Tout d’abord, voyons ce qu’on peut faire sur un bus batterie, avec les stems basse et batterie d’un morceau rock. Cette batterie un peu terne manque d’impact autant que d’assise, on va donc commencer par aller gonfler le bas du spectre. La bande grave (tout comme la bande aiguë) est en shelf par défaut, mais on peut changer avec le rotatif de largeur si on préfère travailler en cloche. On obtient assez vite un résultat satisfaisant avec cette bande grave, déjà très effective autour de +3dB, alors qu’on peut aller de –15 à +15. Les hauts médiums nous serviront à trouver l’impact qui manquait, autour de 5 kHz, là encore le filtre est très efficace à +3dB, et l’Air vient compléter cette démarche ; tout comme le Sub, il agit sur une échelle de 0 à 20, en shelf à fréquence fixe, mais il faut l’accentuer un peu plus que les filtres pour le sentir vraiment. En l’occurrence, on aurait pu faire la même chose avec le filtre aigu, mais c’est tout de même un outil supplémentaire et pas inintéressant. Quand on ouvre les autres pistes avec, on se rend compte que l’équilibre fréquentiel de cette batterie tend maintenant trop vers le haut, remise dans son contexte. Plutôt que baisser les filtres aigus, on saisit l’occasion de tester le Tilt : par défaut, il est situé sur 0, une marche de 1,5 nous est proposée vers le haut ou vers le bas. En bougeant de quelques dixièmes vers la gauche, on obtient un équilibre plus pertinent par rapport au reste des instruments, on gardera ce réglage. Ce Tilt, sur lequel on pouvait avoir des doutes, s’est avéré utile et convaincant dès la première utilisation ; parfois, un rotatif qui permet d’orienter dans le bon sens, plutôt que remettre en question les différents réglages patiemment travaillés au préalable, c’est une bonne solution !
Batterie sans l’EQ 8200, puis avec :
Essayons à présent sur un bus voix, qui nous permettra d’utiliser d’autres fonctions. On garde quelques éléments d’accompagnement en playback, mais on ne travaillera que sur le bus voix. Cette voix est nettement trop chargée en bas médiums, et manque d’ouverture. Le filtre LM va donc nous servir pour nettoyer un peu les fréquences gênantes, avec là encore un résultat très vite satisfaisant. Les deux filtres les plus bas sont paramétriques sur une bande de fréquences allant de 15 Hz à 800 Hz, le filtre médium de 120 Hz à 8 kHz, et enfin les deux plus hauts de 400 Hz à 26 kHz. Pour gagner en clarté sur ce bus voix, on utilise le filtre aigu autour de 10 kHz, combiné à l’Air qui est situé encore plus haut. Tous ces outils sont très faciles à prendre en main, et on obtient vite les améliorations qu’on espérait. Mais en ayant à ce point augmenté tout le haut du spectre de la voix, on trouve les sifflantes un peu trop présentes ; on va alors en profiter pour tester le De-esser. Seul composant de ce plugin qui fonctionne en dynamique, le De-esser est assez rudimentaire en termes de réglages – la fréquence, par défaut à 8 kHz, un sélecteur shelf ou bell, et un niveau d’application de 0 à 100 (sous-entendu en pourcentage, on imagine) – mais il fonctionne bien ! Légèrement en dessous de 50 % le résultat est convaincant. Sur ce bus, on a également appliqué un coupe-bas, dont la pente est plutôt douce. Le coupe-haut comme le coupe-bas ont pour seul réglage celui de leur fréquence, totalement paramétrique entre 1 kHz et l’extrême aigu pour le premier, entre l’extrême grave et 1 kHz pour le second.
Voix sans l’EQ 8200, puis avec :
Pour aller un peu plus loin dans le test, et notamment essayer de travailler en Mid/Side, on va insérer le 8200 sur un master. Dans le canal Mid, on gonfle les grave à l’aide du Sub et du filtre grave qui vient soutenir la basse un peu au-dessus, alors que sur les côtés (Side) on va chercher de l’Air, mais aussi de l’impact autour de 6,5 kHz. Volontairement, on abuse nos filtres pour bien sentir les informations qu’ils font ressortir, en sachant qu’on pourra ensuite réduire un peu leur impact avec le potentiomètre Gain Scale. Ici aussi, on utilise de De-esser pour contrôler un peu les transitoires des percussions, généreusement augmentées sur les côtés, et ça marche bien. Franchement, ce plugin est un très bel outil sur un bus master. Pour vous faire votre idée, je vous propose d’écouter un extrait sans et avec l’EQ, puis avec une automation qui contourne, puis ouvre le 8200 à intervalles réguliers :
Conclusion
Dans notre collection d’égaliseurs en plugin, il y a fort à parier que ce 8200 devienne un de nos préférés. Une fois encore, Pulsar a bien fait les choses, et cette émulation est très convaincante. Les additions proposées par la marque, par rapport au modèle d’origine, sont pertinentes et s’avèrent rapidement utiles quand on utilise ce plug dans un contexte de mixage. Un bon complément dans la collection Pulsar, à côté du Massive. Pour finir, ce produit est proposé pendant un mois au prix très raisonnable de 89 euros.