Troisième plug-in des Finlandais d’Oeksound, Bloom n’est ni un égaliseur au sens traditionnel du terme, ni un compresseur multibande auquel il ressemble pourtant, mais serait conçu pour jouer sur l'équilbre tonal. De la part de pas mal d’éditeurs, la promesse sentirait bon le mauvais marketing, mais de la part des auteurs de l’excellent Soothe, on la prend forcément très au sérieux…
Peu d’éditeurs peuvent se vanter d’avoir sorti des logiciels qui sont devenus de véritables classiques dès leur sortie. C’est pourtant le cas d’Oeksound dont le Soothe a immédiatement séduit l’intégralité de ceux qui l’ont essayé parmi les professionnels, parce qu’au petit jeu de la chasse aux fréquences qui tournent et du deharshing, il permettait de réaliser en quelques secondes ce qui prenait parfois des heures à faire avec un EQ traditionnel. Dans un métier où le temps se facture, chacun a en effet vu le grand intérêt de s’équiper d’un outil aussi simple et performant, cependant qu’Oeksound, en un seul plug-in, s’est taillé une réputation d’éditeur à suivre de près. Et force est de constater que nous n’avons pas été déçus par la suite des événements, qu’il s’agisse des belles améliorations apportées par Soothe 2 comme par la sortie de Soothe Live ou encore de Spiff tourné quant à lui vers le traitement des transitoires. Dans ce contexte, inutile de dire que l’arrivée de Bloom, quatrième plug-in des Finlandais, a de quoi faire lever plus d’un sourcil, d’autant que le concept du logiciel est, une nouvelle fois, un brin énigmatique…
Ce que Bloom n’est pas et ce qu’il est
Selon Oeksound, Bloom serait « ce que nous souhaiterions qu’un égaliseur fasse ». Voici un programme simple donc, même si l’examen de l’interface permet de vite comprendre que nous ne sommes pas face à un simple EQ. Dans un beau rose chamallow, le logiciel reprend les partis-pris ergonomiques des autres plug-ins de l’éditeur, avec un design vectoriel épuré et des contrôles qui n’ont rien de dépaysant. C’est ainsi qu’on se retrouve avec quatre bandes paramétriques dont on peut choisir la fréquence centrale : lows, low-mids, hi-mids, highs.
Vu comme cela, cela pourrait ressembler à un compresseur multibande, d’autant qu’en vis-à-vis du gros potard permettant de doser la quantité de traitement, on dispose de paramètres d’attaque et de relâchement. Il n’est en rien toutefois, et bien qu’un mystère entoure la technologie exacte sur laquelle repose Bloom, c’est bien plus à un EQ que nous avons à faire dans les faits. En effet, bien qu’en poussant Amount dans ses retranchements, on puisse amener Bloom à écraser la dynamique du signal, ce dernier se contentera la plupart du temps de travailler sur l’équilibre du timbre, sans qu’on perçoive quelque compression ou expansion que ce soit.
Il y a fort à parier que nous soyons face à une espèce d’EQ dynamique composé de dizaines de bandes et se calant sur une courbe de référence, comme peut le faire l’excellent Gulfoss par exemple. Toutefois, on dispose ici de nettement plus d’options que dans le plug de Soundtheory et sa logique Tilt, grâce à l’orientation par bande de l’interface, mais aussi la possibilité de travailler en M/S par exemple… En plus de cela, on dispose de bornes permettant de limiter le traitement à une partie du spectre comme de filtres coupe-haut/coupe-bas en sortie, d’un dry/wet, de la possibilité de compenser le gain du traitement et d’un aperçu très clair de ce que le plug-in ajoute ou retire comme matière sonore. Attaque et relâchement définissent quant à eux la vitesse à laquelle l’algo travaille… Bref, c’est simple et même si l’on est surpris de ne pas trouver un bouton Delta comme habituellement avec Oeksound, on notera la possibilité d’écouter chaque bande indépendamment.
Voyons ce que tout cela donne à l’usage…
Sound good maker
Bloom s’utilise d’une certaine façon comme on voudrait utiliser un EQ : l’idée, c’est de prononcer ou d’inhiber telle ou telle partie du spectre du signal pour modifier son équilibre tonal. Là où il fait très fort toutefois, c’est qu’il s’avère extrêmement musical dans les résultats qu’il produit : tout semble plus clair, plus poli, plus rond. Et c’est là une première grosse différence avec un EQ traditionnel : avec un boost dans les haut-médiums ou dans les aigus, un égaliseur traditionnel a vite fait de sonner agressif, de donner un côté harshy au signal ou d’exacerber les sibilances, là où Bloom parvient toujours à conserver un équilibre, comme si un Soothe s’attachait en arrière plan à ce que rien ne tourne mal.
Voyez ce que ça donne sur une batterie lorsqu’on calme un peu le bas proéminent de la grosse caisse et redonne de la brillance à la caisse claire et à la charley, ce qui se traduit forcément par une pièce qui remonte :
- DRUMSdry(2)00:16
- DRUMSwet(2)00:16
Bloom peut aussi s’avèrer utile pour redonner un peu de corps à une prise guitare jouée à l’évidence trop près du chevalet :
- GUITARdry(2)00:10
- GUITARwet(2)00:10
Notez que sur une prise terne, le simple fait d’insérer le plug-in sans plus de réglage équilibre un peu les choses. La position médiane sur les bandes n’implique pas en effet qu’aucun traitement ne se produit, juste que le logiciel produit un son qu’il estime équilibré. Rien n’empêche toutefois d’aller chercher encore plus de brillance ensuite :
- PIANOdry00:15
- PIANOdefault00:15
- PIANObright00:15
Et ça marche également très bien sur un mix un peu fermé comme ici, où tout semble mieux défini ensuite, plus clair, même si du coup, il me semble devoir revenir au mix pour calmer les attaques de guitares qui remontent un peu trop du coup :
- MIXdry(2)00:22
- MIXwet(2)00:22
Précisions-le : dans la dernière partie de sa course, le mode Amount permet de rentrer un peu plus dans le plug et d’avoir alors un signal qui s’écrase sur le plan dynamique, sachant que le paramètre Squash Cal semble plus ou moins se comporter comme un seuil à parti duquel cet écrasement a lieu. J’avoue ne pas avoir été forcément convaincu par l’intérêt de la chose de prime abord, avant de la combiner avec le Dry/Wet pour faire du traitement parallèle, comme on le ferait avec un 1176 en mode All-buttons. Et forcément, cela permet des choses intéressantes, comme d’aller chercher plus de son de pièce sur une batterie :
- DRUMS2dry00:12
- DRUMS2wet00:12
Tandis que la possibilité de travailler en Mid/Side permet de subtilement renforcer la spacialisation d’un son, en boostant les côtés sans toucher au centre, ce qui profite ici à la réverbe…
- VERBdry00:05
- VERBwet00:05
Et si l’on croise tous ces paramètres avec la possibilité de piloter le traitement en side-chain, on comprend vite à quel point Bloom sera en mesure de se montrer utile, sur une prise comme sur un bus ou un master où il parvient à ramener un semblant d’équilibre à un signal récalcitrant à tout EQ ou compresseur multibande traditionnel (qui n’a jamais perdu des heures de son temps avec une prise pourrie où toute résolution d’un problème à l’EQ se solde par l’apparition d’un autre problème ?)…. Bref, il est dur de ne pas admettre l’efficience de l’outil, même s’il ne sera pas forcément aussi incontournable que l’est Soothe pour certains.
En effet, si Soothe permet de raccourcir un processus obligatoire dans tout mixage en proposant un workflow très supérieur à celui d’un EQ traditionnel pour cette tâche, lorsqu’il s’agit de modifier le timbre d’un instrument, bien des mixeurs préfèrent s’en remettre à la pâte sonore produite par du bon vieux matos analogique et à toutes les jolies harmoniques qu’il est capable d’ajouter au signal, sachant qu’on dispose aujourd’hui de plug-ins assez doués pour reproduire ces machines de légende. Il n’y a donc rien d’évident à ce que ces derniers changent leurs habitudes pour un plug-in qui ne met pas en avant un caractère particulier, même si ce serait passer à côté d’un fameux couteau suisse capable de en certaines occasions de rattraper des situations désespérées, comme son concurrent Gulfoss. D’ailleurs, il n’est pas certain non plus que les possesseurs de ce dernier ne voient pas Bloom comme un doublon de l’EQ de Soundtheory, même si là encore, l’ergonomie comme les nombreux paramètres du plug d’Oeksound en font un outil qui me semble plus polyvalent, ou du moins plus malléable à l’usage grâce à l’approche par bandes plutôt que par Tilt. Bref, le mieux est encore que chacun télécharge la version d’évaluation pour se faire son idée et voir ce que Bloom peut lui apporter dans différents contextes…
Conclusion
Une nouvelle fois, Oeksound propose un outil à la fois simple et efficient. Mixage, mastering, voire restauration : le panel d’utilisation de Bloom est large, au point qu’il pourrait vite devenir le couteau suisse de beaucoup, qu’ils soient pros ou amateurs… Certes, le tarif est relativement élevé en regard de la moyenne des plug-ins mais on soulignera qu’Oaksound compte parmi ceux qui se creusent la tête pour proposer du neuf là où quantité d’éditeurs n’en finissent plus de modéliser des LA-2A, des Pultecs et des 1176 qui ne font pas grandement avancer les choses. Le mieux sera donc de télécharger la démo du logiciel pour se faire son propre avis sur le rapport qualité/prix de la bête !