Voici quelques secrets permettant d'obtenir un mix large, spacieux et professionnel qui sonne avec n'importe quel système de diffusion.
Les mixs larges et spacieux au son plus gros que nature sont reconnaissables dès la première écoute. Un bon mix est une production qui sonne bien avec différents systèmes de diffusion et permet d’entendre chaque instrument clairement et distinctement. Pourtant, à l’écoute des nombreuses démos que je reçois dès leur sortie de home studio, je constate de façon toujours renouvelée que le mix parfait n’est pas si facile à réaliser… en fait, c’est même très difficile. Voici donc quelques conseils pour obtenir un son large et ouvert quel que soit le genre musical.
Allez droit au but
Éliminez autant d’étages actifs que possible entre la source et l’enregistreur. Certes, les équipements en bypass n’interviennent pas sur le son mais se trouvent malgré tout sur le flux de signal et introduisent souvent de légères dégradations. Par combien d’étages de préamplification passent les signaux ligne en raison de la paresse du technicien aux manettes ? Tant que faire se peut, envoyez les sources directement dans l’enregistreur en évitant même tout détour par la console. Pour les signaux micro, utilisez un préampli dédié de très haute qualité et raccordez-le directement à l’enregistreur plutôt que de faire passer le signal par la console et ses étages de préamplifiaction.
Certes, à l’oreille, vous ne pourrez quasiment pas constater l’avantage sonore du câblage direct avec l’enregistreur en écoutant chaque instrument isolément. Pourtant, à l’échelle de toutes les pistes de l’arrangement, l’effet cumulé de ce câblage qui réduit le flux de signal à l’essentiel apporte une amélioration significative en terme de clarté sonore.
Mais vous objecterez peut-être que, personnellement, vous voulez un son sale bien dans l’air du temps ? Enregistrez malgré tout avec une fidélité maximale : vous pourrez toujours salir les signaux ultérieurement lors du mixage.
L’arrangement
Passez votre arrangement au crible avant de penser au mixage. Les arrangements des projets solo tendent au « désordre » parce que vous aurez tendance à « surjouer » au moment d’enregistrer les premières pistes afin de remplir l’espace sonore encore vide. Plus tard, au fur et à mesure de l’avancée de l’arrangement, vous constaterez qu’il ne reste plus assez de place pour les overdubs.
Voici quelques suggestions concernant la gestion des pistes :
- Une fois l’arrangement étoffé, rejouez les premières pistes que vous avez enregistrées. Efforcez-vous de jouer ces pistes de façon aussi sobre que possible afin de laisser de la place aux overdubs que vous avez ajoutés. Comme beaucoup d’entre vous, je compose en studio. Ce procédé donne souvent un côté hésitant et indécis au morceau parce qu’on n’est pas totalement sûr de la direction à prendre avant d’enregistrer. Le fait de rejouer des parties données permet souvent de simplifier et d’améliorer la musique.
- Essayez de construire le morceau autour de la voix ou de l’instrument principal au lieu de finaliser la section rythmique puis de poser les voix dessus. Souvent, il est avantageux de commencer par enregistrer des pistes de batterie, de basse et de guitare rythmique (ou de claviers) très simplifiées. Elles serviront de témoins à l’enregistrement des voix définitives. Vous pourrez ensuite enregistrer la section rythmique définitive en tenant compte des nuances des prises de voix.
- Comme l’a dit Sun Ra, tout est question d’espace : plus vous épurez votre jeu, plus vous donnez d’importance à chaque note. Le résultat est un son global aéré et spacieux.
Travail sur les pistes
Avant de mixer, écoutez chaque piste isolément, recherchez les bruits indésirables et supprimez-les. Ces imperfections à peine audibles peuvent sembler négligeables. Pourtant, multipliées par la vingtaine de pistes de l’arrangement, elles peuvent engendrer un son global assez confus.
Si vous ne souhaitez pas vous perdre dans les méandres de l’édition audio, vous pouvez vous contenter d’effacer les parties à supprimer. Les logiciels de MAO possèdent des options d’édition plus ou moins sophistiquées pour régler ces problèmes. Par exemple, ils permettent tous de couper et de coller des segments audio. Si votre outil logiciel ne possède pas de plugin de réduction de bruit performant, vous devrez ouvrir la piste dans un éditeur audionumérique, appliquer le traitement approprié puis réimporter la piste dans le séquenceur.
Notez que certains programmes d’enregistrement peuvent travailler de concert avec un éditeur audio donné. Dans ce cas, il suffira certainement de double-cliquer sur la piste pour pouvoir l’éditer directement.
Égalisation
Le spectre audio n’est pas un espace infini. Vous devez faire en sorte que chaque son trouve une place appropriée sans devoir lutter contre d’autres instruments. Confiez ce travail aux égaliseurs. Par exemple, si un instrument rythmique interfère avec un instrument mélodique, réduisez la réponse en fréquence de l’instrument rythmique dans la partie du spectre audio qui recoupe celle de l’instrument mélodique.
L’une des erreurs les plus fréquentes des chanteurs et des musiciens réside dans le fait qu’ils commencent par se mettre en avant dans le mix et remettent à plus tard ce qu’ils considèrent comme des « détails », notamment la partie de batterie. Pourtant, il est généralement préférable de commencer par mixer la batterie car elle couvre une grande partie du spectre audio (du grave avec la grosse caisse jusqu’à l’aigu avec les cymbales) et a tendance à prendre une importance croissante dans les productions actuelles. Vous pourrez ensuite rechercher les espaces restés libres afin de placer les autres instruments. Par exemple, une grosse caisse très proéminente peut ne pas laisser suffisamment de place à la basse. Dans ce cas, accentuez la basse vers 800 ou 1.000 Hz pour faire ressortir ses attaques et sa brillance. Les deux instruments se chevaucheront moins car ces fréquences ne font généralement pas partie des zones importantes du spectre de la grosse caisse.
Considérez que le morceau correspond à l’ensemble du spectre audible et décidez de la place de chaque instrument dans cet espace (voir illustration 1). Pendant le mixage, j’utilise souvent un analyseur de spectre, non pas parce que mes oreilles n’autorisent pas de jugement fiable, mais parce qu’il exerce mes facultés auditives en m’indiquant précisément la place que chaque instrument occupe dans le spectre audio. L’analyseur de spectre m’indique également les accumulations de niveau excessif dans certaines bandes de fréquences.
Ill. 1 : les instruments sont répartis à différents endroits du spectre audio (bien sûr, de nombreux facteurs entrent en jeu et cette illustration n’est qu’une approximation grossière). Utilisez les égaliseurs pour répartir l’énergie sonore des différents instruments de sorte qu’ils occupent l’ensemble du spectre audible plutôt que de les confiner à certaines bandes de fréquences.
Si vous voulez qu’un instrument ressorte réellement du mix, essayez d’amplifier légèrement ses fréquences entre 1 et 3 kHz. Mais ne faites pas ça avec tous les instruments : l’idée directrice reste de différencier les instruments les uns des autres en amplifiant/atténuant des fréquences données.
Pour mettre un instrument en retrait dans le mix, vous pouvez utiliser un simple filtre coupe-haut pour assombrir légèrement sa réponse plutôt que de vous lancer dans une égalisation compliquée utilisant plusieurs filtres. De même, utilisez un filtre coupe-bas sur les instruments qui « louchent » vers le bas du spectre, par exemple une guitare ou un piano, pour atténuer leur grave et laisser ainsi plus d’espace à la basse et à la grosse caisse qui sont essentielles au groove.
Compression
Dans la quête du gros son, le fait de limiter la plage dynamique grâce à la compression peut engendrer un mix plus « étriqué » (mais aussi plus fort). Si vous utilisez la compression, appliquez-la de préférence à chaque canal plutôt qu’au mix global. La compression est un sujet à part (lisez l’article « La compression démystifiée »). La chose la plus importante est d’éviter l’écueil qui consiste à compresser jusqu’à ce que l’effet soit audible : optez pour une compression minimale afin d’atténuer uniquement les variations dynamiques incontrôlées.
Si vous décidez de compresser l’ensemble du mix, excluez certains signaux de la compression pour ne pas écraser le son exagérément. Cela permet de restaurer un peu de dynamique naturelle tout en conservant un son global compressé et dense.
Mastering
Le mastering est la cour suprême de l’audio : si cette juridiction ne vous donne pas gain de cause, aucun recours en votre faveur ne sera possible… Les ingénieurs de mastering professionnels arrivent parfois à transformer un mix confus et grossier en produit fini propre et bien défini. Cependant, il n’y a pas de miracle et les chiens ne font pas des chats ! Le mastering n’est que la dernière étape du processus de production : il optimise le mixage pour lui permettre de jouer dans la cour des grands ou, au pire, lui donner de la cohérence.
Le but principal de cet article est de montrer qu’il n’existe pas de recette miracle : le bouton « Appuyez ici pour un mix large et ouvert » n’existe pas ! Un bon mix est le résultat cumulé de nombreuses étapes de travail, notamment celles évoquées plus haut, qui, mises bout à bout, permettent d’obtenir un son global cohérent. Le souci du détail est donc toujours payant.
Originellement écrit en anglais par Craig Anderton et publié sur Harmony Central.
Traduit en français avec leur aimable autorisation.