Avant de nous attaquer à l’autre gros morceau de ce dossier, à savoir la gestion de la dynamique, je vous propose un petit intermède qu’il ne faut cependant pas prendre à la légère…
In the loop
Tout d’abord un rappel qui me semble nécessaire. Comme je vous le disais lors d’un précédent article, vous êtes maintenant dans une boucle où chacune des étapes nécessite un léger réajustement des étapes précédentes. Moralité, après notre campagne d’égalisation, il convient de revenir à l’étape relative à la gestion des panoramiques et des faders de volume. En effet, le travail effectué à l’aide des EQs doit avoir facilité l’articulation entre les éléments de notre puzzle sonore. Du coup, il y a de grandes chances pour que la balance faite lors de la mise à plat ne soit plus tout à fait à propos. Attention cependant, il ne s’agit pas ici de grandes manœuvres, simplement de quelques légers ajustements de-ci de-là qui devraient suffire. Si vous comparez maintenant le résultat actuel avec les rendus effectués aux étapes précédentes, vous devriez constater un gain significatif en clarté et en définition. Il n’est pas forcément impérieux de faire à nouveau un rendu en l’état pour référence ultérieure ; ceci dit, ça ne mange pas de pain et c’est toujours intéressant de pouvoir rapidement jeter une oreille à l’évolution de votre titre au fur et à mesure de l’avancée du mix.
De la poule ou de l’œuf…
La prochaine étape tournera autour de la gestion de la dynamique. Et qui dit dynamique dit avant tout compression. D’où l’utilité de se poser la question de l’ordre des traitements. De l’égaliseur ou du compresseur, qui vient en premier ? À l’instar du célèbre paradoxe, il n’y a pas de véritable réponse tranchée. Certains ingénieurs du son en herbe ne jurent que par la compression en premier, alors que d’autres ne démordront pas du fait que l’inverse est beaucoup plus judicieux. Les ingénieurs du son chevronnés, quant à eux, savent pertinemment qu’il n’y a pas de règle aussi claire, la seule vérité est celle qui fonctionne pour le cas particulier sur lequel on travaille. C’est pourquoi, afin de prendre des décisions en toute connaissance de cause, il est utile de comprendre les avantages et les inconvénients de ces deux façons de faire.
Égaliser avant de compresser peut être contreproductif. En effet, si l’on amplifie une certaine zone du spectre, ces fréquences auront alors plus de chances de déclencher l’action du compresseur. De fait, elles risquent d’être « écrasées » par ce dernier, et donc de moins ressortir, ce qui est exactement l’inverse du résultat escompté. Et n’allez pas croire qu’en boostant encore plus l’égalisation, cela règlera le problème puisqu’alors le compresseur agira d’autant plus dans le sens inverse.
Fort de ce constat, nous pourrions nous dire qu’il suffit de placer l’égaliseur après le compresseur pour éviter ce phénomène. Sauf que bien évidemment, un autre problème apparait. Si l’on considère la compression d’un point de vue basique, elle sert à réduire la dynamique d’un signal en minimisant l’écart entre les niveaux les plus forts et les niveaux les plus faibles. Du coup, toutes les fréquences indésirables présentes dans le signal s’en trouvent renforcées et il faudra donc appliquer une égalisation d’autant plus drastique pour les éliminer, ce qui nuira forcément au naturel de la prise.
La solution ultime pourrait alors être de placer un égaliseur en amont du compresseur afin de nettoyer le signal, puis un autre juste après la compression pour amplifier les fréquences adéquates. Oui, mais alors nous irions à l’encontre de l’axiome « less is more » au risque de grever le naturel du son…
Cruel dilemme que voilà ! En pratique, la chose n’est cependant pas aussi compliquée. Tout d’abord, comme nous le verrons par la suite, toutes les pistes ne nécessitent pas l’usage d’une compression drastique, d’ailleurs certaines n’en ont tout simplement pas besoin. Dans ces cas-là, il n’y a donc pas vraiment de question à se poser puisque l’influence d’une éventuelle compression « douce » sur l’égalisation sera quasiment inaudible.
D’autre part, après lecture des épisodes précédents, vous devriez savoir qu’il n’est pas forcément utile de booster des fréquences à grand coup d’EQ. À partir du moment où une prise est déjà dans l’esprit du son que vous souhaitez obtenir, un simple nettoyage fréquentiel peut suffire. Encore une fois, le problème n’a donc pas lieu d’être, un égaliseur placé avant la compression remplira parfaitement son office.
Quant à l’usage de deux égaliseurs encerclant le compresseur, il ne faut pas que notre ligne directrice « less is more » ne se transforme en diktat ! Comme le disait Sherlock Holmes : « Lorsque vous avez éliminé l’impossible, ce qui reste, aussi improbable que cela paraisse, doit être la vérité ». Si vous estimez que votre salut ne réside que dans l’emploi d’une double égalisation, alors allez-y gaiement ! Mais n’en faites tout de même pas une règle systématique, bien évidemment.
Enfin, pour conclure, profitez de la souplesse de votre DAW en matière de gestion des inserts de piste. À l’époque du tout analogique, placer un EQ avant ou après un compresseur nécessitait un câblage spécifique, et passer à l’inverse n’était pas une mince affaire. Aujourd’hui, vous pouvez échanger l’ordre des traitements à l’aide de votre souris d’un simple glisser/déposer alors expérimentez ! Ça ne vous coûtera pas plus cher et vous pourrez ainsi choisir la meilleure solution au cas par cas.
Sur ce, rendez-vous la semaine prochaine pour l’ouverture du chapitre consacré au traitement de la dynamique.