Newsletter Hebdomadaire Audiofanzine du 11 Mai 2024
Le ver dans le fruit ?
Elle est loin l’époque où Apple détournait l’imagerie d’Orwell pour se représenter en libérateur de la dictature windowsienne, celui de la pomme de Newton ou du « Think different! ». À voir le spot de pub vantant le nouvel iPad, il semble en effet que le vent ait tourné au point que le progrès se traduise désormais par une grande usine sans âme qui vive, dans laquelle une presse gigantesque broie la culture humaine - et in fine l’humain - jusqu’au sang pour en faire les produits de la marque… Difficile de ne pas penser tour à tour à Terminator, Matrix ou Fahrenheit 451 en voyant cela. Difficile de ne pas penser non plus à la dimension écologique de ce saccage. Difficile enfin de ne pas reconnaître qu’il y a là-dedans, plus qu'une simple erreur de communication admise suite à la bronca des artistes, une vision du monde de plus en plus décomplexée chez les membres du GAFAM à présent que l'IA leur promet d'être les Docteurs Frankenstein de demain : ce qui refuseront la technologie et le transhumanisme seront broyés, comme cette petite tête jaune à la fin dont les yeux sortent de leurs orbites avec un son rigolo…
Loin de cette propagande numérique qui, on l’espère, sera saluée par le geste le plus centralement digital que chacun puisse faire, on préfèrera faire une haie d’honneur à l’un des plus grands bonhommes de l’audio que la musique ait connu : Steve Albini nous a en effet brutalement quittés cette semaine, après avoir enregistré et mixé tout un pan de la musique allant de PJ Harvey aux Pixies en passant par Nirvana, Jesus Lizard, Songs: Ohia, les Stooges, les Thugs ou The Ex… Au-delà de sa contribution à bien des albums de référence, on se souviendra surtout de sa philosophie de travail particulière. Fondu de matériel analogique et grand défenseur d’une approche visant à capter le son brut des artistes, l’homme se situait à l’opposé d'un CLA, refusant souvent d’être crédité sur les albums comme les royalties, travaillant avec des budgets serrés et revendiquant fièrement surtout le titre humble « d’ingénieur du son » plutôt que celui, trop prétentieux à son goût, de « producteur »…