Dans la série des micros à large membrane, le AKG 414 est, avec le Neumann U87, l'un des plus connus et reconnus. Retour sur un micro qui n'a cessé d'évoluer depuis sa création et a connu nombre de déclinaisons...
Comme énoncé dans le chapeau, le nombre de versions qu’a connu ce microphone est pléthorique et à chaque période correspond une évolution et un son distinct… Comme il est assez difficile de se lancer dans un comparatif exhaustif de toutes ces versions, nous nous sommes mis d’accord pour axer cet article sur le Akg 414 XLS. Pourquoi ? Tout simplement parcequ’il s’agit d’une des dernières versions, qu’elle est toujours fabriquée par Akg et qu’il est possible d’en trouver d’occasion sans tomber sur les tarifs exorbitants du matériel estampillé vintage.
Historique
Mais avant cela, partons pour un petit tour d’horizon, accrochez-vous, les rebondissements sont multiples!
L’ancêtre du 414 est le AKG C12, apparu en 1953. Microphone à lampe, le C12 fonctionne avec une alimentation externe. Proposant plusieurs directivités (entre autres cardioïde, bidirectionnel et omnidirectionnel) il se différencie de ces concurrents de l’époque par une réponse en fréquences plus étendue dans le haut du spectre, offrant une clarté et une définition très personnelle.
Rapidement, il devient un classique des séances d’enregistrement, aux côtés des U47 et consorts.
C412
A la fin des années soixante, la technologie FET commence à prendre le pas sur les circuit à lampes. Akg suit le mouvement et modifie son C12 pour créer le C412. Gardant la même capsule (la renommée CK12), le microphone est absous de circuit à lampe. Une simple alimentation phantom lui suffit amplement et remplace de facto l’alimentation externe. Atténuateur et switches de directivités sont alors déplacées sur le corps du microphone pour une plus grande ergonomie. Mais le micro n’offre alors que les trois principales directivités (omnidirectionnel, bidirectionnel et cardioïde).
C414
Arrive enfin en 1971 le fameux C414, appelé aussi C414 « comb ». Il reprend les mêmes caractéristiques que son prédécesseur si ce n’est de proposer en plus une quatrième directivité : la directivité hypercardioïde ainsi que, selon les versions, un connecteur DIN ou Cannon (l’ancêtre du xlr).
Nous voici maintenant en 1976. Le C414 devient le C414EB. La prise xlr devient standard et Akg se libère de la suspension intégrée pour une suspension externe. . L’atténuateur comprend dorénavant trois positions (Off, –10dB et –20dB) et un coupe-bas à trois position fait son apparition : 0ff, 75Hz et 150Hz.
C414EB-P48
En 1980, la sensibilité du micro est légèrement améliorée, tout comme son impédance. Le voltage interne est également rééquilibré pour fonctionner avec un « vrai » 48v (auparavant une alimentation 9v suffisait). Enfin, le micro change de couleur, le noir prenant le pas sur la couleur gris-argenté. Le C414EB-P48 est né.
C414B-ULS
Dans le milieu des années 80, Akg développe le C414-ULS (pour « Ultra Linear Series ») dont l’électronique a été modifiée afin d’offrir un signal sur bruit plus élevé. La capsule CK12 est alors remplacée par une capsule à nylon, plus simple à fabriquer et qui induit un son général légèrement plus droit et plus doux (certains diraient plus sombre). Cette version devient à son tour rapidement un standard et surtout l’une des plus grosses ventes de la marque autrichienne.
C414B-TLII
Quelques années plus tard (dans le courant des années 90), Akg sort une nouvelle version, cette fois sans transformateur : le AKG C414B-TLII (pour « Transformer Less »). La grille devient dorée et la capsule légèrement modifiée pour retrouver la brillance originelle que certains utilisateurs réclamaient de puis le C414B-ULS.
Et nous voici arrivés au 21ème siècle. En 2004, Akg en profite mettre les choses à plat et sortir deux nouvelles versions, toutes les deux sans transformateur: le C414B-XLS (avec sa grille argentée) reprenant la couleur générale plutôt droite du C414-ULS et le C414B-XLII (grille dorée), reprenant celle, plus brillante, du C414-TLII (ou d’une certaine façon, du C12 original). Cette brillance est dûe à une légère accentuation des hautes fréquences à partir de 3kHZ. Sur le papier, le XLII serait principalement dédié aux voix et instruments solistes, la clarté du micro leur permettant d’être un peu plus définis et ainsi de mieux passer dans un mix.
Plusieurs innovations apparaissent sur ces deux versions:
- une nouvelle directivité est ajoutée (cardioïde large)
- le coupe-bas possède désormais 4 positions : Off, 40, 80 ou 160Hz
- l’atténuateur passe à 4 niveaux : Off, –6dB, –12dB et –18dB
- le niveau de sortie est 6dB plus fort
- le rapport signal sur bruit est une fois de plus amélioré
- toutes les « tirettes » d’attenuateurs/directivité/coupe-bas sont remplacés par des switches dont le microphone garde la dernière position utilisée en mémoire
- et visuellement les deux microphones offrent une grille un peu plus arrondie, moins anguleuse.
Notez que quelques années plus tard, les C414 abandonnent définitivement le B de leur nom pour les plus directs C414-XLS et C414-XLII. Akg agrémente alors les deux microphones de 4 positions de directivités intermédiaires, les rendant encore plus polyvalents.
C214 et C314…
Mais ce n’est pas fini !
Une toute nouvelle gamme de microphones est depuis apparue pour les budgets plus serrés :
- le C214, une version simplifiée et moins onéreuse du C414-XLII, ne proposant que la directivité cardioïde, un seul étage de coupe-bas (160Hz) et d’atténuateur (-20dB).
- puis le C314, identique au C214 mais avec 4 directivités différentes (cardioïde, hypercardioïde, bidirectionnel et omnidirectionnel)
Ouf… maintenant que les présentations sont faites, passons au choses plus amusantes avec un C414B-ULS et enfin un peu de musique!
Avec une batterie
En plaçant le micro devant une batterie, plusieurs remarques sautent insantément aux yeux et aux oreilles: grâce à sa suspension, le micro se place très facilement. La suspension araignée lui permet quasi toutes les positions (même au micro de tourner sur son axe) et il en devient très aisé de placer le microphone là où bon vous semble.
Les différents atténuateurs apportent également un jeu de gain très large: le micro peut encaisser de grosses puissances sonores et, en fonction de votre réglage, peut délivrer à peu de choses près les mêmes niveaux qu’avec un dynamique: la latitude de jeu au gain de votre pré-ampli préféré n’en devient que plus large et bien plus ergonomique.
Enfin, sans être tout aussi brillant que le XLII, le XLS est bien un micro Akg: lui aussi offre une couleur sonore générale claire et assez ouverte.
Sur les futs
Que cela à l’entrée de l’évent du kick, sur la caisse claire ou sur les toms, le 414 montre toutes ses qualités. L’Akg offre un son ample et bien défini avec une dynamique et un naturel très agréables à l’oreille. Sur la grosse caisse, nous retrouvons un beau bas bien plein et bien rond. Sur la caisse claire, nous aurions peut-être pu jouer avec les filtres pour amoindrir quelque peu l’effet de proximité mais le résultat est très convaincant. L’harmonique de la caisse comme le timbre ressortent très bien et l’équilibre avec la peau de frappe est vraiment agréable. Ce micro est d’ailleurs très souvent utilisé sur la peau de timbre pour laquelle son naturel et sa clarté lui permettent de bien la faire ressortir sans rajout de fréquences malvenues.
Mêmes remarques sur les toms avec une belle attaque cumulée à une résonance très bien contrôlée. Couplé au micro d’overhead, les futs prennent de suite plus de précision et bien plus de présence.
Comme pour la couleur générale du micro, la diaphonie est elle aussi toujours très naturelle: les sons hors-axe captés par le micro ne sont jamais agressifs et très bien tenus : ils ne viennent jamais polluer votre prise de proximité.
- 01a C414 Kick00:17
- 01a C414 Kick + OH00:17
- 01a C414 Kick OH Solo00:17
- 02a C414 Sn00:17
- 02b C414 Sn + OH00:17
- 02c C414 Sn OH Solo00:17
- 03a C414 Tom Hi00:17
- 03b C414 Tom Hi + OH00:17
- 03c C414 Tom Hi OH Solo00:17
- 04b C414 Tom Lo + OH00:20
- 04c C414 Tom Lo OH Solo00:20
Sur les cymbales et en ambiance
Pour les cymbales, les qualités du 414 sont toujours aussi engageantes. Même sans avoir engagé de coupe-bas, la restitution du charleston est agréable. La cymbale est bien pleine et suffisamment définie sans être trop clinquante.
Il en va de même en position d’overhead. Le 414 se distingue pour un son très réaliste et très naturel. L’ensemble futs-cymbales est très bien équilibré, la dynamique très bien respectée et pas une fréquence ne semble prendre le pas sur l’autre. A la même position, le Coles 4038 semble avoir un peu trop d’embonpoint et souffrir d’un son plus pâteux.
Positionné à 1m puis 5m de la batterie et basculé en omnidirectionnel, l’Akg apporte à nouveau juste ce qu’il faut d’ouverture et une belle présence à l’ambiance. Un Neumann U87 placé à ces côtés paraît plus médium et plus ciselé, là où le 414 reste bien droit, plus aéré et avec une gamme de fréquences captées plus large.
- 05a C414 HH00:18
- 05b C414 HH + OH00:18
- 05c C414 HH OH Solo00:18
- 06a C414 position OH00:19
- 06b Coles position OH00:19
- Drums Front 41400:20
- Drums Front U8700:20
- Drums Room 41400:20
- Drums Room U8700:20
Avec des instruments amplifiés
Devant des instruments électriques, le C414 ne nous déçoit toujours pas.
Sur un bon vieil ampeg, avec l’atténuateur enclenché sur –18dB, le 414 s’en sort haut la main. La capsule ne bronche toujours pas. Sur le son clean, la précision du micro est frappante et fonctionne parfaitement. Le bas est bien corpulent et bien copieux, à la limite du trop. Étonnamment, le micro semble moins à l’aise sur le son fuzz avec un son très gras et un peu sourd. Mais au vu des résultats précédents, il ne fait aucun doute que cela est principalement dû au réglage de l’ampli ou du « tone » de la pédale sûrement un peu trop fermé. Un 414-TLII aurait-il alors été plus efficace?
- Bass 41400:27
- Bass Re2000:27
- Bass 414 B00:23
- Bass Re20 B00:23
- Bass 414 Fuzz00:27
- Bass Re20 Fuzz00:27
- Bass 414 B Fuzz00:26
- Bass Re20 B Fuzz00:26
Sur une guitare électrique, il devient évident que nous sommes face à un grand classique. Tout est toujours parfaitement équilibré et la guitare délivre aussitôt un son ample, ouvert et prêt à s’intégrer à un mixage. Le bas est plein et naturel, les médiums sont présents sans devenir nasillards. Alors qu’aucun filtre n’est enclenché, tout est dans le contrôle, rien ne dépasse, la prise est parfaite. Et contrairement à la prise de basse, le 414 se révèle bien méchant sur la guitare fuzz et c’est splendide!
- Gtr Elec 414 Surf00:20
- Gtr Elec Sm57 Surf00:20
- Gtr Elec 414 Arpege00:27
- Gtr Elec Sm57 Arpege00:27
- Gtr Elec 414 PalmMute00:24
- Gtr Elec Sm57 PalmMute00:24
- Gtr Elec 414 Fuzz00:25
- Gtr Elec Sm57 Fuzz00:25
Avec des instruments acoustiques
Devant une guitare acoustique, le 414 relève parfaitement le défi. Si les prises de cymbales ont permis de voir à quel point le micro arrivait à gérer les aigus, il ne fait aucun doute que la prise de guitare acoustique prouve une aussi bonne gestion du bas-médium. La guitare gagne en rondeur et en profondeur. Et le coupe-bas ne vient qu’amplifier ces résultats en filtrant tout le bas du spectre pas forcément indispensable. Réglé à 80Hz, vous remarquerez son naturel face à celui du U87 un peu plus radical (pourtant réglé d’usine à 75Hz). Il serait même possible de le pousser à 160Hz sans foncièrement dénaturer la prise.
- Gtr Ac 41400:15
- Gtr Ac U8700:15
- Gtr Ac Arpege 41400:16
- Gtr Ac Arpege U8700:16
- Gtr Ac 414 LoCut00:13
- Gtr Ac U87 LoCut00:13
- Gtr Ac Arpege 414 LoCut00:16
- Gtr Ac Arpege U87 LoCut00:16
La prise de clochettes n’est plus qu’une formalité pour le 414. A titre de comparaison, écoutez surtout la restitution des harmoniques plus longue et plus stable, plus harmonieuse qu’avec le Neumann. Le son est vraiment beau et toujours aussi naturel.
- Bells 41400:15
- Bells U8700:15
Et la voix ? Et bien, elle se tient parfaitement. Sur du parlé comme sur du chanté. Forcément moins médium que le Neumann (connu pour le mettre en avant), l’Akg garde cette cohérence et cette homogénéité tant appréciée depuis le début de ces tests. Ce n’est pas pour rien que l’on a pu voir tant de photos d’artistes « majeurs » devant ce microphone et qu’il est autant apprécié de chanteurs classique, rock, pop, rap ou métal.
A ce propos, les fréquences de coupures du filtre sont très bien situées pour le timbre de la voix et une fois enclenché à 80Hz, il ne transforme aucunement le son du microphone qui garde une belle corpulence.
- Vx 41400:12
- Vx U8700:12
- Spoken 41400:10
- Spoken U8700:10
- Vx 414 LoCut00:13
- Vx U87 LoCut00:13
- Spoken 414 LoCut00:09
- Spoken U87 LoCut00:09
Conclusion
Depuis plus de soixante ans, le C414 fait partie des grands classiques du milieu audio pro. Et malgré toutes ces multiples versions, chacune a fait montre de ses qualités et aucune n’est jamais venu amoindrir la réputation de la série. Le C414 est un microphone large membrane incroyablement polyvalent et époustouflant de naturel. Qu’importe la source, il vous offrira toujours un son riche, cohérent et élégant. Un classique!