Pas forcément le plus connu du grand public, le Beyerdynamic M88 est pourtant l'un des dynamiques les plus utilisés par les "professionnels de la profession". Alors qu'une nouvelle version vient de sortir, Audiofanzine se devait de lever un peu plus le voile sur ce fameux micro.
À l’instar de Neumann et autre Sennheiser, BeyerDynamic est une marque allemande spécialisée dans les casques et les microphones. Créée en 1924 (quelques années avant ses concurrents), BeyerDynamic fête cette année son centième anniversaire. Pour l’occasion, la marque a pris le parti de faire peau neuve avec un nouveau logo et en réactualisant une partie de son parc microphones dont la fameuse série « M », comprenant les mythiques M130, M160, M88, M201…
Continuant notre série sur les micros « classiques » sortis depuis plusieurs années, c’est vers le M88 que nous allons aujourd’hui nous tourner. Et plus particulièrement vers le M88TG.
Le M88
Le M88 est donc un microphone dynamique. De par sa forme générale, sa grille ronde et son apparente simplicité (aucun switch ni autre option ne sont présents sur le corps), le M88 pourrait vous faire penser à un SM58. Pourtant, il n’en est rien. Le BeyerDynamic fut développé en 1963, soit environ trois années plus tôt que le Shure et il s’en différencie par plusieurs aspects techniques. Par sa directivité (hypercardioïde) et son effet de proximité induit, par la conception de sa grille de protection, en multicouches, ainsi que, comme nous le verrons sous peu, par son rendu sonore, plus large et plus ample.
Depuis sa conception, le M88 a subi plusieurs modifications et versions. D’abord construit avec une grille argentée et une connectique Tuchel — sous le nom de « M 88N(T) », puis avec un Xlr — rebaptisé « M88N© » pour Cannon, l’inventeur de la prise XLR, le M88 évolua à la fin des années 80 vers le fameux M88TG (pour Tour Group) reconnaissable par sa couleur noire. Le micro devint alors plus robuste, plus solide, avec une grille de protection plus renforcée et un peu plus conséquente. Tout ceci eut logiquement une légère incidence sur le rendu sonore… et lança une fois de plus l’éternelle et sempiternelle question : quelle version est la meilleure ?
Histoire de jeter un peu plus le trouble et de satisfaire ses clients ne jurant que par la version vintage, BeyerDynamic sortit pour ses 90 ans une version anniversaire limitée reprenant exactement le look et la conception du M88N©.
Et c’est dans le courant de l’année dernière que la marque décida à nouveau d’actualiser le micro… en gardant exactement les mêmes composants que la version TG, mais en lui affublant cette fois-ci la fameuse et originelle grille argentée (avec sa conception à trois couches). D’où de nouveaux légers changements de son avec, dixit la marque, une meilleure gestion des plosives et de quoi sur le papier offrir enfin le meilleur des deux mondes et satisfaire toute la clientèle. Ajoutez à cela un nouveau logo tout neuf, une mallette semi-rigide en lieu et place de la trousse habituelle et supprimez la terminaison « TG » : voici venu le nouveau M88 !
La volonté de ces « retro-tests » étant de (re)découvrir des micros déjà bien établis sur le marché, ce n’est pas la version 2023 qui sera testée aujourd’hui, mais bel et bien le M88 TG.
La Batterie
Les futs
Débutons ces tests avec une prise en proximité sur différents futs de batterie.
Placé directement devant l’évent de la grosse caisse, la puissance de son du M88 se fait tout de suite entendre. Le son est gras et bien plein. Nous serions même tentés de dire trop. Car dû à cette directivité hypercardioïde, le M88 possède un gros et puissant effet de proximité. Face aux mouvements d’air générés par le kick, la cellule restitue bien un son rond et bien profond, très fourni en basses fréquences et qui se marie très bien au Coles 4038 placé en overhead. Toutefois, en écoutant la piste en solo, on sent que la cellule est proche de sa limite et l’attaque du kick en est quelque peu étouffée. Afin d’atténuer cette sensibilité, BeyerDynamic préconise l’utilisation d’une bonnette WS59AZ. Pour ceux craignant l’altération du son que cela impliquerait, une seconde solution est de légèrement désaxer votre micro de l’évent et laisser la cellule respirer un peu plus.
Autre solution : placer le micro un peu plus en avant dans votre grosse caisse. Les mouvements d’air sont alors moindres et vous gagnez en attaque. Comme vous pouvez l’entendre sur les extraits audio, le M88 garde toujours sa douce rondeur, mais délivre alors un son bien plus équilibré avec un joli mordant. Les aigus sont à nouveau présents et amènent un clinquant très utile pour accentuer la dynamique.
La présence et la rondeur du M88 se fait d’autant plus sentir après comparaison avec un Re20, micro très souvent plébiscité sur les grosses caisses. L’Electro-Voice est tout aussi probant, mais paraît de facto un peu plus terne, voire même un peu plus carton.
Sur la caisse claire, l’effet de proximité est encore bien présent et grossit instantanément le son. La snare est bien pleine et chaleureuse avec un côté « bûche en bois » qui ravira ou déplaira en fonction de la couleur recherchée. Les aficionados de batteries amples et grasses seront aux anges, les fans de caisses claires piccolos passeront surement leur chemin, trouvant cela peut-être un peu trop pataud, manquant de tranchant et de dynamique. Quoiqu’il en soit, un léger éloignement ou une simple égalisation pour raboter un peu le bas du spectre et accentuer l’attaque pourrait ravir tout le monde, car les médiums et les aigus sont quand même bien là. Malgré cet effet de proximité un peu prédominant, l’équilibre général est très bon et le micro est indéniablement un très bel outil, parfait pour rajouter de la profondeur si votre caisse claire en manque.
Une nouvelle bonne surprise vient une fois le micro installé devant les toms. L’association des aigus précis et assez naturels du micro avec son effet de proximité lui permet de mettre en avant une belle attaque tout en gardant toujours cette belle profondeur si caractéristique du Beyer. Le résultat est vraiment très agréable. Le son est corpulent à souhait et précis. Cette précision révèle d’ailleurs la résonance par sympathie des peaux de frappe, due principalement à l’accordage des futs et facilement négociable avec un gate. Comparé à un Sennehiser 421, nous retrouvons un peu cette même couleur avec une gamme de fréquences captée en forme de sourire, délivrant un beau bas et des aigus bien présents. Cependant, le Beyer sonne un peu plus riche, plus ample et surtout moins creusé.
Dernière remarque : la directivité du micro est un véritable atout sur les toms. Sa diaphonie est très très bien gérée. À la fois pour amoindrir la repisse de cymbales qui, souvent positionnées à proximité des futs, peuvent poser problème lors du mix. Et également, car la couleur des sons hors axe est très agréable et aucune sensation de filtre en peigne ou de déphasage ne se fait réellement sentir avec les autres éléments de la batterie.
- 01a M88 Kick00:19
- 01b M88 Kick + OH00:19
- 01c M88 Kick OH Only00:19
- 02a M88 Kick Inside00:18
- 02b M88 Kick Inside + OH00:18
- 02c M88 Kick Inside OH Solo00:18
- Re20 Kick00:19
- Re20 Kick Inside00:17
- 03a M88 Sn00:17
- 03b M88 Sn + OH00:17
- 03c M88 OH Solo00:17
- 04a M88 Tom Hi00:17
- 04b M88 Tom Hi + OH00:17
- 04c M88 Tom Hi OH Solo00:17
- 05a M88 Tom Lo00:18
- 05a M88 Tom Lo + OH00:18
- 05a M88 Tom Lo OH Solo00:18
Les cymbales et les ambiances
Face à un charleston, le M88 fonctionne également, mais le résultat semble alors moins défini. Il manque un peu de brillance et de clarté pour obtenir une prise idéale. Pas assez ciselé, on sent le micro pas forcément très à l’aise pour retranscrire les instruments plus délicats. La prise n’est pas catastrophique et largement exploitable, mais un peu trop grasse et pas totalement au niveau escompté, surtout après des résultats si convaincants sur les futs.
En position d’overhead, la prise de distance amoindrit forcément un peu plus l’épaisseur à laquelle nous a habitué le microphone. L’effet de proximité se faisant moindre, c’est le côté ouvert et « shiny » du Beyer qui se met en valeur. Cependant, l’équilibre général est toujours aussi musical et très bien restitué, ce qui est plutôt étonnant pour un dynamique, surtout à cette distance. Le clinquant comme la dynamique de la caisse claire sont bien retranscrits : la batterie reste toujours bien corpulente. Sans être une révélation à cette position et rivalisant forcément difficilement avec le Coles, le M88 s’en sort pourtant très bien et pourrait être une séduisante solution pour les plus petits budgets.
Ces remarques se confirment et s’accentuent sur les prises plus lointaines, à 1 m de la batterie ou en room. Le rendu devient dès lors un peu plus dur, plus plat, moins chaleureux. L’éloignement de la source n’est semble-t-il, pas l’option la plus bénéfique pour ce dynamique, plus resplendissant sur des prises de proximité ou semi-proximité.
- 06a M88 HH00:19
- 06b M88 HH + OH00:19
- 06c M88 OH Solo00:19
- 07a M88 position OH00:19
- 07b Coles position OH00:19
- Drums Front M8800:17
- Drums Front U8700:17
- Drums Room M8800:17
- Drums Room U8700:17
Sur des amplis
La Basse
Sur un ampli basse, le M88 reprend toute sa grandeur et apporte une très belle couleur. Sa capacité de restitution dans les graves est toujours aussi impressionnante. Comme pour la grosse caisse, le Beyer offre une très belle assise à l’instrument avec de surcroit des médiums et des aigus bien ouverts et plus présents qu’avec un Re20. Cette ouverture rajoute juste ce qu’il faut d’attaque et de mordant pour retrouver le jeu du médiator et passer efficacement dans un mix.
Sur la prise Fuzz, ce parfait mélange de profondeur, de présence et d’agressivité développe un son plein, très dense et une fois de plus très bien équilibré. Le M88 semble sur cet exercice réellement dans son élément, le rendu étant net et parfaitement maitrisé, sans fréquences inopportunes.
- Bass M8800:27
- Bass Re2000:27
- Bass M88 B00:23
- Bass Re20 B00:23
- Bass M88 Fuzz00:27
- Bass Re20 Fuzz00:27
- Bass M88 B Fuzz00:26
- Bass Re20 B Fuzz00:26
La Guitare électrique
Comme avec la basse, le M88 réagit très bien avec les amplis guitare. Le son est une fois de plus bien ample et harmonieux. Bien que le micro soit collé à la grille de l’ampli, le bas n’est pas trop saillant. De même, l’ouverture vers le haut du spectre aide à la clarté du son sans jamais tomber dans une agressivité malvenue.
Sur l’arpège et le palm-mute, la fameuse courbe en fréquences « en sourire » du micro (mettant en valeur les bas et les aigus) pourrait pour certains sonner un peu creux et manquer de médium, mais c’est principalement une question d’esthétique sonore plus que technique et facilement rattrapable à l’ampli. Par contre, le Beyer se prête décidément parfaitement aux sons de fuzz. Une fois celle-ci enclenchée, nous retrouvons toute l’ampleur du son. Tout le spectre se remplit parfaitement et très musicalement. Même le côté « abeille » de cette distorsion, bien que très incisif, ne rend jamais le résultat trop acerbe ou criard.
- Gtr Elec M88 Surf00:20
- Gtr Elec Sm57 Surf00:20
- Gtr Elec M88 Arpege00:27
- Gtr Elec Sm57 Arpege00:27
- Gtr Elec M88 PalmMute00:24
- Gtr Elec Sm57 PalmMute00:24
- Gtr Elec M88 Fuzz00:25
- Gtr Elec Sm57 Fuzz00:25
Devant des instruments acoustiques
Les Guitares acoustiques
Devant une guitare acoustique, les observations précédentes ne font que se confirmer : la prise est largement utilisable, mais le résultat n’est pas non des plus révolutionnaires. Une fois de plus, la captation d’instruments doux ne semble pas être le grand domaine de prédilection du BeyerDynamic. Le bas et l’effet de proximité sont bien de retour, mais ils paraissent assez brouillons et pourraient potentiellement devenir gênants lors du mix. Quant aux aigus, ils semblent un peu trop ténus et manquent de brillance, surtout en comparaison du U87. A contrario, et comme pour la caisse claire, le Beyer pourrait toutefois tirer profit de ces caractéristiques et se révéler très intéressant pour jouer avec l’effet de proximité et gonfler et arrondir le son de guitares plus cristallines, comme avec des Takamine par exemple.
- Gtr Ac M8800:13
- Gtr Ac U8700:13
- Gtr Ac Arpege M8800:14
- Gtr Ac Arpege U8700:14
Les Clochettes
Étonnement, et histoire de contredire totalement les sensations éprouvées précédemment, sur de petits instruments comme des clochettes et placé à 1,5 m de distance, le M88 apporte alors une très belle définition. La restitution de la dynamique et des harmoniques est très bonne (cf. versus le U87) et l’on perçoit même de façon très délicate la petite distorsion/vibration de la 3e clochette légèrement fêlée. Le résultat est bluffant de finesse pour un dynamique, surtout à cette distance. Le fait que le micro ne monte pas aussi haut que le U87 n’est absolument pas négatif, au contraire, il prouve que la plage de fréquence du micro est très musicale ; les aigus n’importunent pas, la prise ne nécessite aucun coupe-haut ou autre filtre. Pour le coup, le M88 démontre pouvoir aussi faire preuve de délicatesse !
- Bells M8800:15
- Bells U8700:15
La Voix
Pour les prises de voix, le BeyerDynamic se place d’emblée comme le parfait compétiteur des Sm7 et Re20. Même ergonomie, même facilité à s’installer sur un pied, même aisance à le tenir dans la main, même restitution assez naturelle de la voix, que cela soit pour des prises voix live, studio, ou même pour des interviews. Et bien sûr, même gamme de prix.
Sur les extraits audio, vous remarquerez qu’il tient très bien la comparaison avec le U87. Évidemment, le Neumann est plus grandiloquent, moins hargneux et moins creusé dans les médium (somme toute assez normal pour un Neumann qui a plutôt tendance à les accentuer). Mais pour un micro environ 6x plus économique, le résultat est bien plus qu’honorable, pour ne pas dire très bon.
- Vx M8800:13
- Vx U87.00:13
- Spoken M8800:10
- Spoken U8700:10
À propos, sachez que le M88 est depuis longtemps (et souvent) utilisé en reportage radio ou TV. Sa directivité le protège des bruits ambiants inopportuns tout en apportant un joli coffre aux voix des interviewés. Il est d’ailleurs assez étonnant que l’on ne le retrouve pas plus dans le monde du podcast et autres chaines YouTube pour lequel il se plierait à merveille. Seule précaution à prendre : le M88 est très sensible aux bruits de câbles ou de doigts sur son corps, évitez donc de le tripoter pendant vos prises sous peine de vilains bruits parasites !
Conclusion
Le M88 est en conclusion un micro dynamique exceptionnel. Grâce à ce son rond, doux, aéré et très naturel, il se montrera l’outil idéal en lieu et place d’un Re20, Sm7 ou autre 421. Comme la plupart de ces comparses dynamiques, il lui faut de la puissance et de la proximité pour sublimer la source sonore (le temps nous a manqué pour vous parler de son rendu remarquable sur les cuivres !), mais son ouverture sonore et sa directivité le rendent bien plus polyvalent que ses concurrents et pourra même vous surprendre sur certaines sources plus fines. Le M88 ? Das ist Wunderbar !