Alors qu’on attendait une suite à l’excellent Trash 2, l’annonce de son abandon il y a un peu moins d’un an et demi en avait déçu plus d’un·e. Ce qu’Izotope n’avait pas dit alors, c’est qu’il préparait un Trash 3 qui nous arrive aujourd’hui, bien décidé à ravir le titre d’arme de distorsion la plus massive du marché…
N’étant ni particulièrement orienté vers la simulation d’ampli pour guitare/basse, ni pensé spécialement pour le clipping plus ou moins discret qu’on utilise au mixage, Trash est plus volontiers tourné vers un usage créatif. Outre les multiples algos de distorsion que proposait sa V2, outre ses filtres, son delay et sa section de traitements dynamiques, ce qui faisait sa grande originalité tenait surtout dans son processeur à convolution accompagnée d’une banque de réponses impulsionnelles complètement barrées : en vis-à-vis des conventionnelles réverbes et enceintes, on y trouvait tout un tas de bruits complètement barrés, allant des cris d’animaux aux bruitages les plus divers, qu’il s’agisse de bruits d’eaux, d’appareils divers et variés ou de voyelles… À la faveur de ces dernières, il était possible d’obtenir des choses qu’aucun autre processeur de distorsion sur le marché n’était en mesure de produire, et notamment dans le registrer de l’über-distorsion : bref, un outil vers lequel on se tourne quand même une fuzz poussée dans ses retranchements semble un peu trop sage…
Pour cette V3, Izotope a eu à cœur de conserver ce qui faisait l’identité de son plug-in, et même de le mettre plus en avant. Si la convolution se taille désormais la part du lion, nous allons voir que pas mal de choses ont changé par ailleurs, à commencer par l’interface…
Purple haze
Exit l’interface grise skeuomorphique de la V2 : Izotope nous propose avec Trash 3 un tout nouveau flat design cohérent avec le reste de sa gamme, et faisant la part belle au noir et au pourpre, ce qui n’est pas sans rappeler les partis-pris esthétiques d’un de ses principaux concurrents : le Saturn 2 de Fabfilter. L’organisation de l’interface est quant à elle extrêmement limpide : au sommet, passé le gestionnaire de presets et le réglage du dry/wet, on trouve une interface héritée d’Ozone permettant de définir jusqu’à trois bandes de traitement, laquelle surplombe les deux principaux processeurs du logiciel : le module de distorsion et le processeur à convolution, avec la possibilité de changer leur ordre d’un simple clic.
Dans chacun de ces derniers, on s’aperçoit que l’éditeur a poussé les choses un peu plus loin en proposant un quadruple traitement et un pad X/Y permettant de doser l’impact de ces derniers sur le son. Vous pouvez donc choisir quatre types de distorsion et quatre réponses impulsionnelles et jouer des multiples combinaisons que tout ce petit monde vous offre.
Un clic suffit pour placer changer l’ordre de ces deux éléments et gouter au bonheur de bâtir des murs sonores en passant une grosse réverbe par exemple dans la plus sale des distorsions…
En dessous enfin, trois modules nous attendent : Enveloppe s’occupe de la dynamique et propose de définir l’attaque et le relâchement de la compression du signal ainsi que sa modulation, Filter propose un filtre coupe-haut que Scream permettra de faire résonner tandis que heat ajoutera de la vie au traitement (plus on pousse ce réglage, plus le comportement du filtre connait des fluctuations, ce qui le rend plus vivant). Enfin, on dispose d’une section d’entrée/sortie accompagnée d’un précieux autogain et d’un non moins précieux limiteur pour pouvoir détruire le signal sans craindre de se détruire les oreilles…
Ultime petit détail qui a son importance : on dispose d’un petit cercle bleu dans plusieurs modules. Ce dernier est un suiveur d’enveloppe qui permet de faire varier le traitement du module en fonction de l’amplitude du signal entrant, de manière à rendre le traitement plus organique, plus vivant. Sur le module Trash, il permet même d’automatiser le parcours du point entre deux positions sur le pad x/y : de la sorte, on peut ainsi morpher entre deux algos de distorsion et réserver un sort particulier aux transitoires. C’est là une excellente idée qui permet vraiment de sophistiquer la vilaine sauce du plug-in, même si, comme nous allons le voir, cette dernière demeure le fait d’un cuisine assez simple…
Les abonnés absents…
L’interface a beau en effet être très clair et très bien organisée, on se rend vite compte que Trash 3 n’est pas un Trash 2 plus évolué, mais une refonte complète du concept du logiciel visant une épure très discutable. De nombreux modules sont en effet passés à la trappe de l’un à l’autre, ce qui rend à la fois le logiciel plus simple d’accès mais réduit forcément sa polyvalence. Des deux EQ/filtres de la V2 ne subsiste ainsi qu’un coupe-haut et du compresseur/gate que la section enveloppe tandis que le delay d’autrefois s’est fait la malle. En dehors de la possibilité de permuter l’ordre du module de distorsion et du module de convolution, il est à noter également que la suite des traitements est désormais fixe… De fait, on a beau se dire que Trash 3 gagne de la sorte en simplicité, qu’il perd le côté usine à gaz de Trash 2, on n’en est pas moins assez déçu de constater que ce qu’on gagne d’un côté (le quadruple traitement côté distorsion et convolution), on le perd de l’autre. Il n’est donc pas fonctionnellement meilleur que son prédécesseur, il est juste plus simple à prendre en main.
En regard de la concurrence, Trash 3 pêche en outre sur plusieurs points. Sans forcément lui reprocher de gérer les problèmes de phase comme l’excellent Spicerack de Process Audio parce qu’il est moins tourné vers l’utilitaire de mixage que l’outil de sound design, on ne pourra s’empêcher de regretter le peu de possibilités offertes du côté des modulations : en dehors du suiveur d’enveloppe dont nous parlions, qu’on ne peut pas assigner à n’importe quel paramètre et qui est absent du module à convolution, on ne dispose d’aucun autre modulateur, qu’il s’agisse d’une enveloppe, d’un LFO ou d’un séquenceur à pas qui permette de faire varier un paramètre dans le temps. Et c’est d’autant plus dommage que les nouveaux pad X/Y permettent de morpher d’une distorsion à l’autre, d’une réponse impulsionnelle à l’autre, de sorte qu’ils se prêterait merveilleusement à des modulations sophistiquées. Il faudra donc faire ça à la main dans sa STAN avec de bonnes vieilles automations, ce qui contraste avec la richesse du Dist Coldfire d’Arturia sur ce point précis. Dès lors, on utilisera Trash 3 parce qu’il peut produire une quasi-infinité de distorsions passionnantes, des plus sages aux plus sauvages, des plus jolies aux plus crades, mais on le rangera dès qu’on cherchera quelque chose qui puisse animer le signal au gré de patterns complexes, sachant que l’abandon du delay n’arrange pas l’affaire…
TrRRrraaAAAaassSSSsshhHHhh !
D’aucuns feront toutefois remarquer à juste titre que ce qu’on demande à une distorsion, c’est de distordre et sur ce point, il n’y a rien à redire. Voyez ce que Trash 3 permet de faire pour vous rassurer sur l’à-propos du plug-in, d’abord sur une batterie acoustique :
- DRUMS-Dry00:10
- DRUMS-Dystopian00:10
- DRUMS-DeepHits00:10
- DRUMS-ConvolutedAmbience00:10
- DRUMS-LiveALittle00:10
- DRUMS-NoiseArt00:10
- DRUMS-RainDrops00:10
Puis sur un pattern électronique :
- eDRUMS-Dry00:10
- eDRUMS-DirtyMids00:10
- eDRUMS-DigitalBurns00:10
- eDRUMS-CropCircle00:10
- eDRUMS-EndlessWarmth00:10
- eDRUMS-ResonantPulse00:10
Et enfin un rhodes puis un synthé :
- eKEYS-Dry00:10
- eKEYS-Crunchy00:10
- eKEYS-ConsoleInRed00:10
- eKEYS-CinematicPad00:10
- SYNTH-dry00:10
- SYNTH-EndlessWarmth(2)00:10
- SYNTH-ResonantPulse(2)00:10
- SYNTH-SubmergedVolt00:10
Voyez comme on peut aussi jouer sur le comportement du filtre pour obtenir des choses très intéressantes :
- DRUMS-Whistler00:10
- eDRUMS-Whistler00:10
- SYNTH-ResonantPulseFilterNut(2)00:10
Cependant que l’interaction entre le suiveur d’enveloppe, le filtre et la convolution permet de se rapprocher d’effets à modulation :
Avouons-le donc : Trash 3 est une belle bête hargneuse et l’éventail de distorsions qu’il propose est tout bonnement hallucinant. On lui reprochera juste de ne pas réussir à faire oublier son prédécesseur ; quantité d’entre nous se seraient juste contentés en effet d’un Trash 2 avec une jolie refonte ergonomique, sachant que l’ajout du quadruple traitement sur la convolution et la distorsion aurait été la magnifique cerise sur le gâteau. Il faudra se contenter de la cerise sur le palet breton : ce n’est déjà pas si mal mais laisse suffisamment sur sa faim pour voir de quoi sera fait Trash 4…
De ce point de vue, chacun appréciera le prix proposé par l’éditeur en regard des avancées et reculs de cette version : le plug est proposé autour de 100 euros, ce qui s’avère raisonnable, et peut même être acheté avec un rabais de 20% pendant sa période de lancement tandis que les utilisateurs de Trash 2 peuvent mettre à jour pour un peu plus de trente euros… Il sera dur de ne pas craquer à ce prix-là car, en dépit des réserves que nous avons émises, Trash n’a pas de réel concurrent en dehors des grosses berthas modulaires façon Melda MXXX/Kilohearts Multipass, lesquelles sont autrement plus puissantes mais assurément moins simples à prendre en main…
Au minimum, on téléchargera la version gratuite de l’effet qui, pour du gratuit, s’avère vraiment excellente : on perd bien sûr quantité de fonctions de la version payante dont la section convolution qui fait le plus grand intérêt de Trash, mais on se retrouve malgré tout face à un des meilleurs processeurs de distorsion du monde gratuit, que rien n’empêche d’utiliser avant ou après un processeur à convolution… Enfin, on notera que la bête sort aussi sur iPad où ses deux pads X/Y prendront tous leur sens ergonomiquement…
Conclusion
Il faut le reconnaître : Trash n’a rien perdu de son originalité sur le marché des processeurs de distorsion car son usage de la convolution, plus développé encore dans cette version, lui permet de proposer des choses qu’on ne trouve pas chez les concurrents et auxquels les sound designers seront loin d’être insensibles. La possibilité de pouvoir solliciter quatre algos de distorsion et quatre traitements à convolution pour chacun des trois bandes offre indubitablement un monde de possibilités. Si on le juge toutefois en regard de son prédécesseur, on ne peut que regretter le taillage à la serpe dont le plug-in a été victime sur le plan fonctionnel et qui fait que Trash 3 n’est pas nécessairement meilleur que Trash 2, il est juste différent, partageant avec lui un air de famille plus qu’un héritage, avançant sur certains points et reculant sur de nombreux autres. De fait, il ne saurait prétendre au titre de processeur de distorsion ultime qu’il a bien failli être, tout en figurant, pour son parti pris original, parmi les armes que tout bon sound designer se doit d’avoir dans son arsenal…