Editorial du 2 mars 2013 : commentaires

Partant d’une bonne idée à la base, le programme de conférences TED est peu à peu devenu une espèce de gros show hype auquel il est bon de participer pour se faire une place d’expert autoproclamé dans le Who’s Who des nouvelles technologies. Dans une scénographie qui doit beaucoup aux Keynotes de Steve Jobs, quantité de visionnaires y présentent ainsi, sans cravate et dans des chemises de couleurs vives, les formidables révolutions qui feront notre futur, à grand renfort d’anaphores convenues et de petits mots d’humour pour faire marrer l’auditoire.

Sans surprise, c’est au sein de ce fameux programme TED que le sympathique Peter Gabriel est venu présenter un projet bien plus perché que n’importe quel morceau de Genesis : "Que se passerait-il, a-t-il demandé rhétoriquement,  si nous pouvions découvrir de nouvelles interfaces -audio, vidéo- qui nous permettraient de communiquer avec les espèces remarquables avec lesquelles nous partageons notre planète?"

(silence tout aussi rhétorique)

Ce qui se passerait, on le découvre d’abord dans une vidéo de Peter jammant à distance avec un bonobo. Et on en a ensuite le détail par Vint Cerf, un des pères d’Internet, la psychologue pour dauphins Diana Reiss et le professeur du MIT Neil Gershenfeld. L’initiative vise  simplement à connecter les animaux à Internet, à leur permettre de rejoindre le réseau des hommes, parce que Diana est persuadée qu’ils auraient alors "le respect qu’ils méritent" et parce qu’aux yeux de Vint, ce serait aussi "l’occasion rêvée pour apprendre à communiquer avec des extra-terrestres."

Assurément, la chose ouvre de bien belles perspectives financières aux fournisseurs d’accès Internet ou encore à Facebook qui, en ouvrant des comptes pour chaque bébête du globe, pourrait très probablement passer le trilliard de membres. On serait curieux de voir aussi ce que le dauphin aurait à dire à un bonobo sur Skype après s’être flashés sur Meetic… Mais il y a tout de même, derrière ce projet réjouissant, un drôle parfum qu’on n’avait plus senti avec autant de vigueur depuis des décennies : un mélange d’impérialisme et de colonialisme avec des pointes d’eugénisme. Comme si, non content d’être son super superprédateur, l’homme devait absolument se mettre à humaniser l’animal, auquel il ne manquait que la parole, pour faire son bien à lui sans que lui même n'ait jamais rien demandé. Comme si tout le règne animal sauvage se devait de suivre la voie tracée par les chiens savants ou ces animaux qu’on déguise en homme pour distraire les enfants. Comme si l’avenir de l’animal était dans l’homme et sa civilisation, sa culture et son réseau et que c’était une belle chose de ramener l’animal dans le petit monde des hommes, de le plier à notre anthropomorphisme égocentrique.

Comme j’écris ça, mon chat me regarde avec sa gueule de chat. Et je sens bien qu’il se contrefout de ce que je suis en train d’écrire. Sûr que si je lui apprenais à jammer avec un bonobo, il éprouverait un vif intérêt pour le test du synthé Yamaha MX49, le petit clavier MIDI iRig Keys, le synthé virtuel Rayblaster de Tone2 ou encore l’interview passionnante du chef monteur son Fred Dubois, qui nous parle de son boulot sur Taken 2 (à voir absolument). Mais voilà, mon chat reste impassible : il se fout du cinéma, de la musique, des bonobos, d’Internet et probablement même de moi. Et c’est bien sur ce détail qu’il m’est le plus supérieur : je ne me vois donc pas lui enlever ce précieux avantage existentiel.

Sur ce, bon week et à la semaine prochaine

Los Teignos
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