Editorial du 20 juillet 2013 : commentaires
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Los Teignos

Bien embêtés qu’ils sont les organisateurs du Festival de Montreux… Pour faire la réclame de la garderie d’enfants du Festival en dernière page d’un magazine, un de leur graphiste n’a rien trouvé de mieux que d’utiliser une photo de Grégory Villemin, petit garçon de 4 ans assassiné dans les Vosges il y a bientôt trente ans de cela.
Evidemment, du côté des organisateurs, on se confond en excuses, évoquant l’inexpérience d’un jeune graphiste en formation qui aurait récupéré la photo sur Google Images sans savoir qui était l’enfant.
Evidemment, du côté de la famille, on attaque en justice histoire de monnayer le préjudice causé, et on dénonce un odieux complot ourdi par les organisateurs mêmes, pour faire – je cite l’avocat – "un coup médiatique"…
Evidemment, on se doute que ce modeste Festival suisse ayant reçu au cours des 50 dernières années des inconnus aussi divers que Miles Davis, Ella Fitzgerald, Gilberto Gil, Quincy Jones, Talk Talk, David Bowie, Herbie Hancock, Peter Tosh, Keith Jarett, Pink Floyd ou Santana a bien besoin de faire un tel coup médiatique pour soigner son image. A plus forte raison d’ailleurs quand on connait le programme cette année : George Benson, Brian May ou encore Deep Purple, dont le célèbre Smoke on the Water raconte précisément l’incendie qui eut lieu à Montreux suite au concert de Frank Zappa en 1971…
Au-delà de la taille de la bourde et du risible argumentaire d’un avocat bien décidé à faire son coup médiatique à lui, on en profitera surtout pour s’interroger sur la pertinence des lois sur les droits d’auteurs et le droit à l’image, quand on sait qu’en 2008, Google estimait le nombre d’images disponibles sur le web à 1000 milliards et que, cinq ans plus tard, les utilisateurs d’Instagram postent chaque jour 40 millions de nouvelles photos sur ce seul réseau…
40 millions chaque jour.
Plus d’1 milliard par mois.
Près de 15 milliards de photos pour une année.
Sur Instagram seulement.
15 milliards auxquels on ajoutera encore plus de milliards provenant de Flickr ou Picasa, pour n’en citer que deux…
Etes-vous sûr de n’être sur aucune d’elle, vous ou vos proches ? Etes-vous sûr qu’aucune d’elle ne vous appartient et qu’elle n’a pas été utilisée à des fins commerciales sans votre consentement ? Non, vous ne l’êtes évidemment pas.
Pas plus que vous n’êtes sûr d’apparaître sur aucune vidéo postée sur Youtube, Dailymotion ou Vimeo. Pas plus que vous n’êtes sûr qu’une de vos compos ne traine pas sur Soundcloud, Bandcamp, Facebook ou iTunes sous un autre nom que le vôtre.
Du coup, sans présager de la réponse, j’en viens bien humblement à poser la question que, curieusement, on refuse obstinément d’aborder depuis le début des débats sur les droits d’auteurs à l’heure du numérique : est-ce qu’une loi qui est inapplicable en pratique est une loi pertinente ? Est-ce que les droits de la propriété intellectuelle, qui défendaient jusqu’ici la minorité des créateurs, sont encore valables à présent qu’Internet, le numérique et la démocratisation des outils font que nous sommes des centaines de millions à nous prévaloir de ce titre ?
Je le dis bien sincèrement : je n’ai certainement pas de réponse toute faite. Mais je trouve juste étonnant que, de la naissance d’Hadopi au récent rapport Lescure, personne ne semble s’être jamais posé cette question, comme s’il était admis qu’une révolution comme Internet ne devait rien changer à nos lois qui sont très bien comme ça, si inapplicables qu’elles soient, et grâce auxquelles un infographiste va probablement être entendu par un juge qui, on s’en doute, n’a pas mieux à faire que de réparer des préjudices au nom du droit à l’image…
Fort heureusement, si le droit à l’image est en question pour des raisons pratiques, le droit à la musique est quant à lui inaliénable. Et je compte bien sur vous pour en user et en abuser cette semaine encore : peut-être en posant vos doigts sur les touches virtuelles des pianos True Keys de VI Labs, ou encore en explorant la magie du Zynaptiq Unfilter, un soft capable de restaurer le spectre d’un signal après traitement. Et plus certainement encore en regardant cette vidéo sur Pierrick Devin, l’ingé son qui a mixé le titre de Lilly Wood & The Prick produit par Pierre Guimard. Juste passionnant.
Sur ce, bon week et à la semaine prochaine.
Los Teignos
From Ze AudioTeam
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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?
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NOBLOGO

je suis assez vieux pour avoir connu l'"affaire Grégory" mais pour autant j'aurais été incapable de reconnaître l'enfant dans ce graphisme.
D'une façon assez perverse que j'estime propre au système médiatique contemporain, la chaîne 1 internaute qui alerte la famille / 2 la famille et son avocat qui portent l'affaire sur la place publique / 3 les mass-médias qui relayent complaisamment "l'info" produit le scandale.
je suis aussi assez vieux pour savoir que la presse française détient presque une licence d'exploitation officielle de cette affaire depuis 30 ans. La tragédie des Vuillemin est en partie le fruit de l'attitude obscène de la presse. Il y a un téléfilm assez édifiant à ce sujet.
la collision de la photo et de son utilisation sont assez terribles. Les médias ont fait bien pire depuis 1984, des journalistes charognards aux comiques drôles. La démarche de l'avocat, si tant est qu'il en est l'instigateur, est stupide et instrumentalise la bourde. A moins qu'il ne s'agisse, venant du festival, du même type d'humour que dans "C'est arrivé près de chez vous", le film qui a révélé B. Poolvoerd. Une blague sur l'affaire Grégory qu'on ne pourrait sans doute pas raconter publiquement aujourd'hui, mais qui n'a jamais été attaqué par la famille de l'enfant.
Je pense en tous cas que le juge de l'affaire a un passionnant débat à livrer.

malhomme

J'en reste à UNE chose "un infographiste non professionnel et débutant". Pour faire la comm de Montreux on gagne 3 francs 6 sous en prenant "un infographiste non professionnel et débutant".
SERIEUX ? Ca ne choque personne ?
J'ai 46 ans et je n'aurais pas reconnu le petit Grégory.
http://soundcloud.com/in-mobile

clic

un droit à l'image concerne la personne qui a fait la photo, le sujet de la photo, et celui qui l'exploitera. Par exemple : une société de carte postale achète à un photographe la photo d'une maison typique Bretonne, pour laquelle le photographe a eu l'autorisation des propriétaires de la maison pour l'exploitation de la dite photo. Lorsque la maison est vendu à de nouveaux propriétaires, la société de carte postale n'a plus le droit légale d'utiliser cette photo, si le photographe n'a pas obtenu de droit des nouveaux propriétaires. Ceux-ci on légalement le droit de s'opposer à la vente de la carte postale.
le droit a l'image de la personne photographie s'applique dans des cas très précis et la maison bretonne n'a besoin d'aucune autorisation pour être reproduite la mode des procès suite à ce type de plainte c'est éteinte après quelques condamnations pour procédures abusives.
Je suis photographe auteur et l'expérience m'a prouvé que dans le pire des cas une lettre d'avocat a suffit a obtenir le paiement des droits.
J'en reste à UNE chose "un infographiste non professionnel et débutant". Pour faire la comm de Montreux on gagne 3 francs 6 sous en prenant "un infographiste non professionnel et débutant".
on confie rarement ce genre de boulot à un stagiaire par contre on lui dit "trouve moi des images libre de droit sur le net" et on lui collera la faute sur le dos si on se fait prendre quand il sera déjà parti
[ Dernière édition du message le 23/07/2013 à 21:26:21 ]

celtwyn

le droit a l'image de la personne photographie s'applique dans des cas très précis et la maison bretonne n'a besoin d'aucune autorisation pour être reproduite la mode des procès suite à ce type de plainte c'est éteinte après quelques condamnations pour procédures abusives.
Je suis photographe auteur et l'expérience m'a prouvé que dans le pire des cas une lettre d'avocat a suffit a obtenir le paiement des droits.
Ok pour les procédures abusives, j'ai pas du avoir la totalité de l'histoire

et c'est vrai que l'avocat est en général efficace. On obtient non seulement le paiement de ses droits, mais en plus les indemnités, qui rapportent selon le degré du vol (impression papier, appropriation ou détournement du copyright...) plus que le prix initiale de la photo... Au final il est beaucoup plus rentable d'acheter une photo que de la voler, surtout si le photographe s'en aperçoit et que son avocat s'en occupe...


clic

les fraudeurs savent ce qu'ils risquent aux auteurs d'être vigilant c'est l'intérêt d'avoir une loi protectrice

YJH

Merci
YJH

Los Teignos

Los Teignos, votre plume est si acérée et si professionnelle : pouvez-vous le faire savoir à Vanity Fair, Télérama, l'Express, le Point, le Nouvel Observateur, M Le Monde ou toute autre publication de votre choix imprimée en rotative couleur avec un énorme tirage pour faire remonter le niveau de la presse écrite ! Il y a aussi le New York Times.
Merci
YJH
Je rougis jusqu'aux oreilles, ce qui avec mon Tee-shirt jaune me donne l'air d'un footballeur Lillois. Merci pour ces compliments.
Et sinon, pour étayer les débats concernant cet édito, j'en profite pour vous soumettre une infographie que j'ai reçu depuis :

Un bon petit vertige pour les législateurs et les flics qui doivent gérer le machin...
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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?
[ Dernière édition du message le 29/07/2013 à 10:05:20 ]

Will Zégal

Reste la question du copyright, ce qui est totalement différent.
Personnellement, je pense que le droit d'auteur (en général) est allé beaucoup trop loin et qu'il est aujourd'hui plus nuisible qu'utile.
Mais tant qu'il existe...
Mais, pour moi, le vrai problème de cette affaire n'est pas là. Trois réactions qui m'ont semblé justement vues :
Bonjour, piocher sur Google images c'est une faute professionnelle. un graphiste doit avoir quelques notions de droit et de copyright, non ?
je trouve plus que déraisonnable et malheureux de la part d'un tel festival de faire appel à un stagiaire pour réaliser ce genre de travail.
J'en reste à UNE chose "un infographiste non professionnel et débutant". Pour faire la comm de Montreux on gagne 3 francs 6 sous en prenant "un infographiste non professionnel et débutant".
SERIEUX ? Ca ne choque personne ?
Pour moi, le problème de cette affaire est là : qu'un gros festival qui a des moyens prenne des stagiaires pour économiser un vrai salaire et les stagiaires font des conneries. Normal puisqu'ils sont là pour apprendre.
Non seulement le travail est confié à un stagiaire, mais celui-ci fait un stage bidon puisqu'il n'a visiblement pas de maître de stage pour l'encadrer, lui enseigner (c'est normalement le rôle d'un stage) et contrôler son boulot.
C'est quoi le prochain gag ? Un grill qui se cassera la gueule sur les artistes ou un line array sur le public parce qu'il aura été monté par des stagiaires pour économiser des salaires d'éclairagistes et de roadies qualifiés ?
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