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Editorial du 7 juin 2014 : commentaires

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Sujet de la discussion Editorial du 7 juin 2014 : commentaires

Ma chère Lucy,

On vient de m’octroyer 4 heures de repos, peut-être moins, ce qui me laisse le temps de t’écrire comme je te l’avais promis. Je compte sur toi pour dire à nos parents que je vais bien, que je pense à vous tous là-bas et que vous me manquez, comme me manque même cette foutue Angleterre où nous trépignions encore ce lundi, et qui semble désormais un souvenir vieux de dix ans : il faut dire que la journée d’hier aura duré un siècle. De la nuit à la nuit, je ne me souviens même plus qu’il y ait fait jour…

Contrairement à Tom qui a dû débarquer sur la plage et dont je suis pour l’heure sans nouvelles, j’ai eu la chance d’être parachuté derrière les lignes ennemies avec ma section. En dehors de quelques coups de feu échangés à distance avec des patrouilles qui se repliaient, notre progression a été relativement aisée. Seul blessé de notre côté : Ben, le rondouillard dont je t’avais parlé, qui s’est pris une balle dans la fesse en voulant se mettre à couvert. Passé la fusillade, ça a fait marrer tout le monde sauf lui, tu imagines... Pas mal de nos gars manquent encore à l’appel, toutefois. Nous voici donc au repos dans une grange à les attendre jusqu’au petit jour, sous un ciel qui rougeoie au gré des explosions lointaines : et ce ne sont pas les tambours de guerre que j’imaginais, mais des déchirements chaotiques d’un silence de mort. Je pense à Tom, et à quelques autres qui sont devenus mes amis en Angleterre et que j’ai toujours peur de croiser lorsque nous tombons sur un corps inanimé qui porte notre uniforme… Je ne veux surtout pas que Papa ou Maman s’inquiètent, d’autant que notre lieutenant semble être un bon chef, mais à toi je peux bien le dire, petite sœur : j’ai méchamment la trouille, comme pas mal d’autres gars ici. Alors, comme lorsque nous étions gamins, je ferme les yeux et j’imagine un lieu où j’aimerais être en chantonnant dans ma tête : le quai de notre bonne vieille New Orleans, face aux eaux boueuses du Mississipi, un soir de Mardi Gras, à écouter un Band… Let The Good Times Roll... Dans quelques jours, j’espère bien d’ailleurs arriver à Paris où, paraît-il, on peut entendre Django Reinhardt, un guitariste épatant que j’ai découvert en Angleterre. Je n’ai encore rien vu de la France en dehors de ses arbres et du foin de cette grange, mais il y a ce titre, Nuages, qui mérite bien qu’on traverse un océan et qu’on défasse une armée pour l’entendre jouer de ses propres oreilles, pour en ramener un bout avec soi. Quand tout cela sera fini, je me dis d’ailleurs que j’aimerais bien travailler dans ces studios qui font les disques : quel métier passionnant ce doit être ! Enregistrer une guitare, mêler toutes sortes d’instruments comme un alchimiste, amplifier le chant des hommes pour qu'il couvre le fracas des bombes, permettre à la musique de voyager… Et combien de gens passionnants je rencontrerais alors, autour d’une jam session comme on en fait chez nous : tous les instruments, toutes les musiques et moi qui enregistrerais ça pour te le raconter, petite sœur.

La guerre sera bien vite finie, j’en suis certain tandis que le jour poind. Il me faut te laisser. Je t’embrasse et, avec le temps que mettra sans doute cette lettre à t’arriver, te souhaite à l'avance un bon week end. Je tâcherai de t’écrire de nouveau la semaine prochaine.

Los Teignos
de la section Audio

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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?

 

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Remarquable prose, et très sensible !!!

Compliments.

Mich

Harmo un jour, harmo toujours

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Merci Monsieur! pour l'émotion que m'a procuré la lecture de ce texte si justement écrit,
ça fait du bien les jolies choses comme ça,
merci encore,
Cyril

Pourvu que ça dure!

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C'est Témouvant comme tout pour ces Ricains qui découvraient une France hitlèro-pétainiste.Il y avait aussi des Anglais, des Canadiens...des Afro-Américains...tiens mais comment ont-ils pu retourner chez eux ceux-là, affronter la ségrégation raciale, le ku-kux-klan, les injures et crimes racistes, les lynchages?...combien de musiciens noirs en ont-ils pris plein la gueule, se sont-ils retrouvé au fond d'une rivière. En retournant dans le monde Libre ils ont dû regretter d'avoir rendu leurs armes. Il leur fallut attendre 20 ans de plus pour avoir des droits, eux qui nous ont libéré du nazisme comme leurs concitoyens white, ils avaient un sacré blues en rentrant.Il y aurait beaucoup à dire, mais restons consensuel l'histoire a trop de sens multiples, surtout celle écrite par des historiens américains qui se foutent pas mal de la pensée Bisounours qui nous berce si aveuglément.Et puis c'est de bon ton en ce lendemain de comémo continuons de chanter à dada sur mon "D" Day, une fois n'es pas coutume.
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merci pour ce moment entre parenthèse, pas de rancœur, ni amertume,le temps suspendu entre deux bombardements ,avec la musique en toile de fonds puis devant;nous, fan de musique, aurions nous cette capacité en de telles circonstances de penser ainsi ? j'ai la faiblesse de penser que oui.Puisque nous nos bombardements au quotidien c'est la bêtise , la vulgarité gratuite, la violence des mots et des coups; malgré cela on trouve notre salut dans la musique, sous toutes ses formes.
Merci encore d'avoir aussi évité le pathos d'un texte qui pouvait s'y prêter
Salut
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WW2 + musique, ça me fait penser à la première partie de Tommy, le film tiré de l'opéra rock des Who, que j'ai revu récemment avec beaucoup de plaisir

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Un magnifique éditoss encore une fois !

Mais celui ci est encore plus PERCUTANT que les précédant !
Un grand bravo pour cette finesse de l’écriture et cette recherche. Cela comme toujours avec l'actualité tout en étant juste et avec une pointe d'humour bien placé !

Merci a toi, pour a chaque fois fournir des éditoss MAGNIFIQUE !!

Musicalement,

Adios amigos ;)

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La langue, les émotions, l'élégance des sentiments, ... tout ça, c'est de la musique aussi. Et vous, vous connaissez la musique, Los Teignos !
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Bravo, très bel hommage...après ce 70e que j'ai vécu en direct pour habiter près de ces plages Normandes qui font l'actualité, cet édito vient à point
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Putain Los Teignos, si tu joues de la musique aussi bien que tu écris ... Que j'aime te lire ;-)

[ Dernière édition du message le 07/06/2014 à 21:54:45 ]

40
Une petite vision différente : c'est entre du TF1 et du CNN. De la belle pensée politiquement correcte, de la belle pensée unique ! Aucune remise en cause, aucune question, bref je déteste !