Après la Mixbox, Rodec persiste dans le mixeur 2 voix avec la Scratchbox, une console dont le nom affiche clairement la couleur, pour le plus grand bonheur des pousseurs de vinyles hip hop.
On connaissait la firme belge pour la qualité de ses mixeurs 19 pouces orientés électroniques et club, ainsi que leur implantation en quasi-monopole dans les clubs flamands et allemands. Une tentative de mixeur 2 voix avait été effectuée il y a quelques temps avec la MIXBOX MKII, mais la forme des ses faders et son positionnement tarifaire n’avait pas réussi à inquiéter les ténors de la catégorie, j’ai nommé Vestax et Numark. En se plaçant, tel ses tables Electro (MX, CX, BX) sur du haut de gamme, RODEC sort la tête, et nous propose un produit d’exception changeant la citrouille en carrosse ou la « MJC » en « finale du DMC ».
Dès l’ouverture du carton, une magnifique surprise survient : pas de polystyrène ! Eh oui, les privilégiés qui auront l’une des 50 premières unités mises en vente auront droit à un sac de transport offert, un immense flyght-case de toile fort bien aménagé et taillé sur mesure pour la Scratchbox.
Après un petit échange avec les services de GSL France (le distributeur), il s’avérerait qu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, 25 unités soient déjà parties. Parfait pour motiver l’achat compulsif face à la concurrence…
Sortons à présent la table de son cocon. D’un poids de 4Kg et mesurant 254×398×84mm, la ScratchBox surprend surtout par sa longueur proche des 40 cm et inhabituelle pour une mixette 2 voies (et demi !) sur 10 pouces. Ses entrées sont décomposées en 2 phonos, 4 line (cd, lecteur mp3 ou autre) et 1 micro. Autre détail intéressant, concernant ses mensurations : les 84mm de hauteur, soit la hauteur exacte des platines vinyles Technics MK2 (sans surélévation des pieds en caoutchouc). L’ensemble créé ainsi un plan de travail parfait : c’est plutôt bien vu !
En façade
Après un test de monté/descente/balancé des faders & crossfader (test donnant envie de brancher la table de suite) deux points attirent le regard sur la surface : la différence de surface entre le haut et le bas de la table et les correcteurs de fréquence.
La surface basse de la table est surplombée par une plaque de couleur noire sur laquelle est imprimée la sérigraphie des pistes. Au début, en tapotant sur cette fine excroissance, on la prend pour un vulgaire morceau de plastique et on est presque déçu de sa résonance.
Mais après réflexion et démontage, de multiples avantages sautent aux yeux :
- La plaque, qui est métallique au final mais extrêmement fine, donne d’abord accès au changement du crossfader et des 2 voies ainsi qu’à leur branchement, un accès unique qui simplifie la maintenance.
- Sous cette plaque, une autre sérigraphie illustre ensuite les différentes connexions possibles en cas de maintenance ou changement de configuration : pas besoin, donc, de se balader avec le manuel.
- Enfin, quand vous avez usé les inscriptions présentes à force de scratcher (généralement ce n’est que d’un côté suivant si l’on tient à droite ou à gauche), vous pouvez changer la plaque et retrouver une table propre comme au premier jour. Notez que vous pouvez aussi repeindre l’ancienne histoire de personnaliser votre Scratchbox comme les batteurs le font avec leur grosse caisse.
Passons au deuxième point : Les correcteurs de fréquence. Ceux-ci sont décomposés en 3 fréquences (basse, médium, aigu) et ne sont pas rotatif comme à l’habitude. De fait, ils ressemblent plutôt à l’égaliseur d’une chaîne stéréo. Ils ont une amplitude de +10db/-21db assurant une coupure totale des fréquences. Un cran indique la position 0db, et c’est bien nécessaire…
En fait, la table est tellement longue que l’on a du mal à savoir quel est le niveau exact des EQ. Pour ce faire, on est obligé de s’avancer pour avoir une vue de dessus parfaite, ce qui peut s’avérer contraignant en mix, dans des conditions d’obscurité prononcée.
En continuant le passage en revue des potentiomètres et autre boutons, on note un ensemble cohérent et très ergonomique :
- Le cross fader assurant le mix de la voie 1 et 2 et qui jouit d’une fluidité extrême.
- Les faders qui glissent aussi facilement : on les lance depuis le bas de la piste et ils arrivent tout seuls comme des grands en haut. Nickel ! On apprécie le maintient des boutons sur leur support. Rien de plus énervant en effet que d’avoir des boutons baladeurs en plein mix. Ici, on est même obligé de faire levier avec un petit tournevis pour les faire sortir. Ajustement serré garanti !
Sur le côté gauche de la table, nous avons la demi-voie. Un petit plus qui s’avère toujours pratique pour brancher des équipements supplémentaires : une voie indépendante avec un fader très court (d’où l’appellation demi-voie), des EQ sur 2 fréquences uniquement (basse et aigu), un PFL, un gain et une diode de saturation. On regrettera seulement que cette voie n’accepte pas de Phono en entrée mais seulement un Micro ou un CD. Un bouton de routing permet par contre d’envoyer le son de cette piste vers la piste 1, 2 (ou même vers le mix complet). Ainsi, vous récupérez le son de cette 3ème voie sur le crossfader et même l’équalisation et les paramètres d’effet.
Pour les accrocs de session à plusieurs DJ, notons que juste au-dessus du Channel 3, on dispose d’un bouton de réglage de l’entrée « SESSION » afin de rajouter une régie ou un autre équipement… Le mix à 2 DJ et 4 platines (ou plus) est ainsi possible. Et pour peu que la régie supplémentaire bénéficie aussi d’une entrée, vous pourrez convier une personne de plus… et plus si affinités !
Sur le côté droit de la façade, on retrouve le réglage du PFL et du volume des 2 sorties présentes (master 1 et 2). On apprécie le changement facilité de l’écoute de la voie 1 ou 2 via un petit fader placé à l’horizontale. Pas besoin d’activer une écoute et de désactiver l’autre : on glisse de gauche à droite sur le même contrôleur. L’ergonomie est parfaite et procure l’avantage de donner une ébauche auditive du mix que vous allez réaliser. Notons aussi la présence du PFL MIX, permettant l’écoute des sorties MASTER pour se rendre compte de ce qui est diffusé en salle.
Autre point d’ergonomie recherchée : tout bouton d’activation (on/off) est jumelé à une diode qui s’allume en vert en cas d’utilisation, ce qui s’avère essentiel pour arrêter le bouton concerné dans un endroit sombre.
La partie centrale est la plus condensée. Elle est découpée en 2 parties identiques et verticales, une par voie. Elle comprend le réglage de la balance, l’activation de l’entrée FX (effet) par voie, entrée réglable via un petit fader central déterminant le niveau d’insertion dans le mix. Juste au-dessus (et trop au-dessus, d’ailleurs), on retrouve les EQ si peu pratiques et déjà cités. Enfin, surplombant la surface de mix, nous trouvons les gains (appelés ici LEVEL) et le vumètre. Ce dernier est très précis et, chose rare, il permet de voir le niveau de sortie globale ou par voie.
La partie haute de la table comprend les switches de sélection Phono/Line et un switch de routing, ce qui n’a rien de très conventionnel. Je m’explique : ce bouton permet d’inverser la source et sa voie, c’est à dire qu’une fois activée, la source 1, branchée sur la voie 1, est diffusée sur la 2, et inversement. Si l’on rajoute à cela l’inversion possible des faders et crossfader, la Scratchbox a vite fait de devenir un vrai test pour dyslexique… Trêve de plaisanterie, je n’ai personnellement pas vu l’utilité d’une telle fonction en Mix. Au début, je pensais que c’était pour se retrouver sur sa bonne main en scratch, mais ce rôle est déjà parfaitement rempli par l’inverseur de crossfader. Si quelqu’un à une idée d’application, qu’il n’hésite pas à en faire part sur le forum…
Globalement la façade est fort bien pensée. Tous les boutons témoignent d’une grande qualité de fabrication et se révèlent très ergonomiques, même si les EQ, en dépit d’une qualité sonore certaine, ne remplaceront pas la facilité d’utilisation du rotatif.
Face arrière…
Comme à l’acoutumée, on retrouve les entrées/sorties sur ce côté. Précisons que toutes les entrées/sorties ne sont pas présentes car il est possible d’ajouter, en option, des connectiques numérique, ce qui, admettons-le, est plutôt sympathique…La face arrière se décompose (de droite à gauche) :
- Du bouton de mise en marche.
- De la prise d’alimentation (non standard).
- D’une entrée micro.
- D’un emplacement pour une entrée numérique et de son bouton de niveau sonore (option).
- D’une série d’entrées au format RCA comprenant 4 line et 2 phono, ainsi que le connecteur de mise à la masse. On regrettera d’ailleurs que ce dernier soit placé sous les connecteurs et non au dessus pour faciliter l’accès.
- D’une sortie enregistrement au format RCA.
- D’un emplacement pour rajouter une sortie numérique (option).
- Des connexions en jack 6.35 pour l’insertion d’effet.
- De la sortie master 1 dispo soit en XLR, soit en RCA.
- De la sortie master 2 en RCA.
On remarquera que toutes les entrées/sorties ont leur nom sérigraphié au-dessus des connexions, et ceci dans les 2 sens, en haut et en bas, pour faciliter la reconnaissance de celles-ci, et ce quelque soit notre position.
… et face avant !
S’il devient de plus en plus difficile de différencier une table électro d’une table orientée pour le scratch sur le papier, un seul coup d’œil sur l’avant de la console permet souvent de déterminer sa vocation. En effet, pour passer les scratchs ou les passe-passes le plus facilement et sans être gêné par la prise ou le cordon du casque, on retrouve généralement, sur les tables hip-hop, les composantes du casque et/ou du PFL sur l’avant. C’est bien le cas ici…
Par contre, Rodec a aussi inséré à cet endroit les réglages de course et d’inversion des faders et crossfader, des réglages d’une précision encore jamais vue d’ailleurs. De la course douce et très progressive aux courses réduites au millimètre, toutes les nuances sont là. On regrettera juste que les voyants d’inversion ne soient pas placés en façade, ou au moins plus dégagés.
Côté casque, le PFL est de haute qualité et très puissant. On apprécie aussi la possibilité de brancher aussi les mini-jack en sus des 6,35.
Finissons le descriptif de cette face par les 2 poignées chromées qu’on pourrait prendre pour un gadget, mais qui se révèlent très utiles. Rappelons en effet que la table est quasi solidaire (par ses dimension) des platines. Lorsque vous voulez ajouter une source, si en plus de devoir déplacer la table vous devez déplacer les platines, cela devient contraignant. Or, grâce aux poignées, vous pouvez tirer la table le plus simplement du monde…
Options
Une des chose appréciable et favorisant l’achat de matériel de haute qualité et professionnel, c’est son évolutivité. Comme annoncé précédemment, il est possible d’ajouter une entrée et une sortie numériques mais on peut aussi remplacer les faders et crossfader par des versions optiques de la marque référence Infinium. Les composants d’origine offrant une qualité de son et de toucher déjà impressionnante, on se prend alors à rêver de ce que permettrait ce genre d’évolution… L’intérieur de la table attend d’ailleurs avec impatience ces options. Preuve en est qu’en la secouant, vous entendrez les connecteurs disponibles et prêts à être branchés rebondir sur le châssis.
Utilisation Live
L’utilité du sac de transport est confirmée dès la première prestation. Un carton se porte à 2 mains, tandis qu’avec le sac sur le dos, on a les membres libres pour porter ses disques et téléphoner… Mutualisation maximum !L’impression de confort et de précision se fait rapidement ressentir et la qualité sonore, le point fort de Rodec sur toute sa gamme, ne manque pas à l’appel. La gène procurée par la position des EQ est accentuée par la position de la prise casque qui joue au « chasse morpions » : c’est plus qu’agaçant et on regrette qu’un jack coudé ne soit pas livré avec la table. Ceux qui ont la chance d’avoir un casque doté d’une prise mini-jack seront toutefois dans des conditions moins oppressantes pour mixer.
A l’usage, on note aussi qu’il faut parfois monter le gain assez haut (3/4) dans certaines session de scratch sur disque usé, alors que la moitié suffit sur d’autres tables. Enfin, on est surpris par la haute température de l’alimentation, en fin de set, lors du démontage. Il faut dire qu’en montant les gains, on demande plus de ressources et par conséquent plus de courant…
Conclusion
Situé en haut de gamme dans un créneau quasi-nouveau pour Rodec (tant le passage de la Mixbox est passé inaperçu), la Scratchbox est une jolie réussite. On est certes quelque peu décontenancé par ses dimensions au début, mais son ergonomie, ses composants et sa sonorité offrent vite un plaisir de mix incomparable. A 999 €, la belle devrait ainsi satisfaire les utilisateurs pro les plus exigeants.
Notons qu’il existe un sosie « fonctionnel et tarifaire » chez Vestax : la PMC08PRO. Ce constructeur est peut-être plus renommé, mais dans la mesure où la plupart des DJ Hip-Hop ou R’n’B tournent sur Vestax ou Numark, on préférera justement la Rodec pour personnalité sonore qui donnera à vos mixtapes un son unique.
Et si vous avez peur de ne pas trouver de pièces de rechange, rassurez-vous : c’est GSL France (Gemini) qui distribue Rodec, et côté implantation/distribution, c’est sans aucun problème !
Un investissement sûr et évolutif… Que demander de mieux ?