Acoustic Research EB101

Parfois on est pauvre. On n'y peut rien. La vie est chère, le travail souvent long et les charges lourdes.

Nous aimons alors nous tourner vers la musique pour nous consoler. Mais comment, avec peu d'argent, savourer la musique dans la meilleure qualité possible ?

Depuis le retour du tourne-disque, les fabricants n'ont eu de cesse, de nous offrir des produits peu chers, capables de performances justes recevables, destinées à étancher cette soif. Mais celui qui veut pousser plus loin sa recherche de qualité se retrouve souvent bloqué.

Le tourne-disque dont il est question, est désormais en possession d'un membre de ma famille et m'avait été demandé par cette personne, car il n'était pas convaincu, sur le plan sonore, par la qualité des tournes-disques neufs. il m'a donc demandé de lui trouver quelque-chose de bien pour écouter les vieux disques qui prenaient la poussière dans sa cave.

Après une longue recherche, je trouvai, finalement, ce Acoustic Research EB101.


Parlons des sous :

Un gros point fort dudit tourne-disque est son prix, relativement acceptable sur le marché de l'occasion. Là où il est difficile de repartir avec un Thorens TD166 Mk2 sous le bras pour 330 Euros, il est facile, pour le AR, de trouver des exemplaires largement sous les 300 Euros. Un prix d'occasion correct étant 150 Euros pour une version dotée de son bras d'origine et d'une mécanique bien conservée. La version dont nous parlons ici était flanquée d'un excellent système Pickering XSV 4000 et était dans un état flambant neuf, littéralement oublié sur le rayon d'un collectionneur pendant 30 ans. Nous parlons d'un tourne-disque qui était considéré, à son époque, par des magazines sérieux comme un très bon tourne-disque haut de gamme.


Parlons des chiffres :

Parce-qu'on n'en parle jamais assez. Mais sachez que ce tourne-disque possède un pleurage et scintillement sous la barre des 0.05%, ce qui le tiers d'un Rega Planar 1 d'aujourd'hui, et toujours la moitié moins élevé que tout Pro-Ject Carbon et autre Rega RP3. La barre des 01.% étant considérée comme ce qui est à peu près audible pour l'homme, et la barre des 0.075%, était considérée comme ce que devait, à l'époque de la Norme DIN, être le maximum d'un lecteur vinyle qui se réclamait de l'appellation HiFi.

Le rapport signal/bruit est excellent. Les bruits de fonds restent à moins 72dB. Ce qui, là aussi, est excellent.

Aujourd'hui, pour ces valeurs, il vous faut facilement taper dans du acoustic solid et autres Scheu de la catégorie +2000 Euros le lecteur seul. Ca calme.

Certains parmi-vous me diront alors, qu'une valeur ne fait pas le son. Mais justement, un tourne-disque n'a pas véritablement à sonner. Et si il le fait, c'est qu'il a un défaut. D'ailleurs, pour les plus curieux d'entre-vous ; vous trouverez une interview en anglais du concepteur de ce tourne-disque, qui déclare dans cette dernière, "que même avec un fusil sur la tempe, il aurait été incapapble de concevoir un tourne-disque qui sonne d'une certaine façon"


Parlons du bestiau :

On est devant un tourne-disque non-automatique, flanqué d'un bras Jelco de la série 250 fabriqué sous licence (d'après la rumeur).

Le Châssis est intégralement suspendu sur une structure en acier, qui, elle-même, est maintenu en flottement par trois ressorts pré-tendus. Ceci permet de rallonger considérablement le chemin des vibrations du moteur, qui sont, du coup, parfaitement découplées du roulement et, du coup, du plateau.



Notons que l'efficacité du découplage est assez relative. On n'atteint pas la stabilité de ce qui se pratique sur la Sota Sapphire. Malgré-tout, ce petit plus en profondeur sonore et en noirceur dans le fond est bien réel. Cependant, le côté "prise de tête" pour le réglage de ladite table est bien réel. Car pour tendre ces ressorts, et, du coup, corriger les problèmes d'assiette, il faut visser par le fond, avec la plaque inférieure démontée.

On notera qu'il existe milles et unes possibilités de customiser le fonctionnement de ce tourne-disque. On peut encore trouver des ressorts et on en trouve différents types, permettant diverses adaptations (plateau plus lourds, plus de souplesse). Certains emballent les ressorts dans de la mousse. Certains changent le matériau du support de plateau (Acrylique au lieu d'acier)... et j'en passe.

Tout cela aura une conséquence sur le son. Ceci fait de ce tourne-disque, une magnifique base d'expérimentation pour les bricoleurs et amateurs de tuning.

Le plateau est annoncé à 1.8kg par le fabricant, mesuré à 1.92 kg sur ma version. Le tout est posé sur un sous-plateau en aluminium (ou acier) taillé dans la masse et flanqué d'un roulement à bille d'une qualité vraiment saisissante. Pour que vous puissiez bénéficier d'un truc du genre sur votre platine Rega d'aujourd'hui, il faudra vous tourner vers des tuners du genre de Groovetracer, et laisser 275 dollars sur la table. Ca vous donne un ordre d'idée de quel jusqu'au-boutisme a été appliqué ici.



Idem pour le pulley d'entrainement, en acier lui-aussi.


Notons les points faibles de cette platine :

- les pieds ne sont pas réglables en hauteur, ce qui ne permet pas de corriger l'assiette dudit lecteur. Il faudra rajouter une base réglable pour rétablir l'assiette si ceci doit être fait.

- le moteur, parfois, a besoin d'un remplacement après une vingtaine d'années. On peut toujours en trouver, mais c'est une opération difficile qui demande un gros investissement personnel.


Comment ça sonne :

Eh bien, d'emblée, la EB101 fait forte impression.

Les premiers tours de plateau laissent entrevoir une table très effacé et laissant énormément de place à ce que le disque injecte dans la cellule.

Le fond derrière la musique est bien noir, sombre, sans shouuuuuushouuuuu en bas fond. Ce fondement permet a un grave bien détouré de s'exprimer. Il n'a pas tout à fait l'autorité qu'on trouve sur la Sota Sapphire ou le Nottingham Ace Space, mais peut déjà offrir un sacré bon coup de savate.

On débouche dans un médium très bien retranscrit, très riche et cohérent, sans s'écrouler dans les arrangements complexes (plutôt une qualité à donner au Pickering si vous voulez mon avis).

L'aigu n'est pas du genre affiné, il est plutôt présent et, toujours, riche en informations diverses. C'est assez atypique pour une platine vinyle et pourra en surprendre quelques-uns. Du coup, l'aventure est moins relaxée qu'avec d'autres ensembles.

Le tout a un caractère très proche de ce que pourrait offrir un CD, mais avec tous les avantages de ce que permet un bon disque vinyle.

Notez, cher lecteur, qu'il est toujours difficile de donner son avis sur une chaine étrangère, et je vais, à l'avenir, encore avoir l'occasion d'effectuer d'autres essais sur ma chaine. Donc, ici aussi, je vous prie de voir ceci comme un premier avis, qui va encore évoluer et s'affiner avec le temps.


Mot de la fin :

Le Acoustic Research EB101 était un bon lecteur en son temps ; et ses qualités d'alors n'ont pas pris une seule ride. Beaucoup moins courante en occasion que les sempiternelles Thorens, elle n'est pas en reste et sera, pour celui qui veut pousser son aventure des disques un peu plus loin et qui ne rechigne pas à acquérir une platine plus pointue à régler, une parfaite acquisition.