Véritable révolution apparue au siècle dernier, le phénomène home studio est souvent abordé sous le seul angle économique, comme si la seule raison de son existence était d’accéder à des outils de production musicale qui demeuraient jusqu’alors l’apanage des studios pros. Il ne serait ainsi né que d’un simple désir de démocratisation, comme le livre de poche en son temps.
Or, si l’argument pécuniaire a sans doute grandement conduit à l’essor du Home Studio, au point de transformer l’industrie de l’audio en une industrie de masse et de permettre de produire des équipements toujours plus abordables, il est intéressant d’observer que cette évolution du musicien s’inscrit dans une tendance plus globale de nos sociétés contemporaines, amorcée à l’époque romantique : le repli sur soi.
Bien calé dans son fauteuil, le Home Studiste s’auto-suffit, il joue de tous les instruments ou recourt à des instruments virtuels comme BFD plutôt qu’à un batteur, il s’enregistre et se mixe tout seul et de plus en plus, s’auto-diffuse, s’auto-promeut, s’auto-vend. Et le phénomène est loin de ne toucher que les amateurs : quantité de musiciens pro, notamment dans le secteur de la musique électronique, accouchent désormais d’un album complet sans l’aide de quiconque, réfutant cette idée que le Home Studio ne serait qu’un pis-aller du studio pour ceux qui n’ont pas les moyens.
Du coup, même si nombre de musiciens sont encore dans l’échange humain dès qu’il s’agit de faire de la musique, qu’est-ce qui fait que pour une part grandissante d’entre eux, l’accomplissement musical demeure un chemin solitaire. Serait-ce par volonté d’indépendance, arguant qu’après tout, on n’est jamais mieux servi que par soi-même et qu’un démiurge n’a pas à partager le pouvoir avec quiconque dans son univers musical ? N’y aurait-il pas là-dedans une peur ou un refus de l’autre, observable dans bien d’autres compartiments de la société moderne ? Serait-ce que dans la musique, comme ailleurs, l’enfer ce soit les autres ?
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Raleigh RPosteur·euse AFfamé·ePosté le 12/06/2012 à 16:59:56Solitude et musicien. Quelle nouvelle !!! Non, sincèrement, les musiciens n'ont pas le monopole de la solitude ! Ils s'en servent pour capter ces moments où l'inspiration les transperce. Alors oui, aujourd'hui on peut 'tout' faire soi même, mais au fond de nous, nous savons très bien que seul, nous ne sommes rien. Bye
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ShebenNouvel·le AFfilié·ePosté le 12/06/2012 à 17:05:32Grâce à la musique, j'ai rencontré des tas de gens que je n'aurais pas connu autrement. Le HomeStudio n'est qu'une étape dans un long processus, mais pas une finalité en ce qui me concerne.
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Chris MartinsSquatteur·euse d’AFPosté le 12/06/2012 à 17:06:32
Je pense que oui, avec ses avantages et ses inconvénients. La création est souvent un moment solitaire, mais le partage musical doit se faire dans une expérience collective et le côté savant fou enfermé en studio a ses limites en tant que modèle de développement.
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baliPosteur·euse AFfiné·ePosté le 12/06/2012 à 17:09:12
intéressante cette question... et je me la suis souvent posée
Il y un facteur à prendre en compte aussi: le nomadisme.
Depuis que je pratique un peu la musique en amateur, disons une petite vingtaine d'année, j'ai vécu dans une quinzaine d'endroits différents dans un douzaine de villes différentes, pour des périodes plus ou moins longues (de 1 an ou 2 à quelques mois), du fait de mes études et de mes différents boulots.
Après avoir joué "en groupe" dans mon adolescence, je n'ai pas le sentiment d'avoir eu assez le temps (au sens propre) pour renouer ensuite des liens avec un collectif assez stable pour envisager un travail collectif en profondeur. Et je trouve que renouer du lien est d'autant plus difficile que le temps passe et que je vieillis
J'ai donc vu dans la MAO un moyen de continuer à faire un peu de musique au gré de mes déplacements.
Mais il est clair qu'à choisir un petit groupe de potes pour critiquer et se stimuler ce serait pas mal !