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« Déjà culte! »

Publié le 18/08/18 à 15:16
Rapport qualité/prix : Correct
Cible : Les utilisateurs avertis
L’OTO biscuit est un appareil assez indéfinissable, dans le sens où c’est un effet qui propose des traitements audio qui n’ont pas vraiment d’équivalent sur le marché. Disons que la définition qui pourrait en être faite est un « filtre/bitcrusher/FX/Lo-Fi » de la jeune société française OTO, incarnée par Denis Cazajeux et Stéphane Briat, qui en a produit seulement 2000 avant d’arrêter la production, à court de certains composants. Il peut aussi se transformer en synthétiseur monophonique à 2 oscillateurs via un mode de boot alternatif, nommé DER OTO, que l’on peut considérer tout de même comme un mode secondaire/alternatif, le principal intérêt étant son utilisation comme effet.

Avant d’entrer dans les détails, il faut souligner que l’objet, sorti de façon relativement confidentielle en 2012, a acquis au fil du temps une réputation impressionnante, auprès des musiciens, des ingénieurs du son, et même des autres fabricants puisqu’il a même été émulé par Softube dans la suite logicielle d'Universal Audio, signe de reconnaissance quand on sait que UA n’émule que des machines prestigieuses. Le Biscuit est un effet « de niche », qui répond à des besoins bien précis : transfigurer le son de façon très artistique/créative dans un registre hybride analogique/numérique. Si bien qu’il est aujourd’hui devenu très recherché, jusqu’à se vendre plus cher d’occasion que son prix de vente d’origine, qui était à l’époque de 500 euros neuf. Déjà culte ! A tel point que OTO envisage un Biscuit 2…Espérons qu’il deviendra réalité !

Il faut dire qu’il est bien né, car OTO machine est la collaboration de Denis Cazajeux avec Stéphane Briat, ingénieur du son de renom !
Un peu de son ? Je vous invite à aller écouter quelques démos du plug-in vendu par Universal Audio, developpé par Softube. Ce n'est pas le son du hardware dont nous parlons aujourd'hui, mais ça vous donnera un aperçu très proche de ce que permet cette machine :

Quelques extraits audio, toujours pas Universal Audio, sur les pistes isolées :

Une interview en anglais intéressante sur la machine par son concepteur :
https://www.rubadub.co.uk/blog/2013/08/15/oto-machines-taking-the-biscuit/
Enfin, Audiofanzine a consacré un morceau de son podcast « les pieds dans le patch » à Denis Cazajeux, l'extrait commence à 1h31min52s


Entrons donc dans le détail : Le Biscuit est la combinaison de:
-Un bitcrusher qui travaille sur 8 bits.
-Un clock reducer
-Un filtre multimode résonant
-Un effet à choisir parmi : un waveshaper, delay numérique 8 bits, pitch shifter, un step filter 16 pas.

Le signal traverse toujours ces 3 étages dans cet ordre-là, ce qui confère une certaine simplicité à son architecture. Tant mieux, car comme on va le voir, l’interface est un peu limite pour maîtriser toutes les arcanes du Biscuit.

La machine bénéficie d’une fabrication (française!) exemplaire : une solide coque acier, des encodeurs en bakélite très solidement ancrés, des boutons caoutchoutés translucides à diodes à rétro-éclairages de couleur variable, dont une commande un true-bypass (on entend distinctement un relais s’enclencher quand on l’active/désactive), une paire d’entrées/sorties (l’appareil travaille en vraie stéréo). L’appareil a également un interrupteur on/off (merci !) et une paire de MIDI In/Out (l’implémentation MIDI de l’appareil est complète, re-bravo). La seule concession, mais compréhensible vu le format, c’est l’alimentation externe 9V que requiert l’appareil. Ce qui l’est moins, c’est que cette alimentation est du 9V…alternatif ! On aurait préféré avoir une alimentation à courant continu, plus compatible avec nos alimentations universelles qui trainent toujours dans nos caisses de câbles…Qu’on se le dire : n’oubliez pas l’alimentation de votre Biscuit, vous auriez du mal à en trouver une fois arrivé sur le lieu de votre prestation.

La première étape de cheminement du signal est le Drive, qui a son encodeur dédié. Il sert à doser la force du signal en entrée, mais aussi la légère saturation du signal dans le domaine analogique. Ce premier réglage est très important, car il conditionne comment vont travailler tous les étages suivants, en particulier le convertisseur 8 bits, et le son peut déjà se voir doter d’une belle coloration, que traduit la diode « bypass » : quand elle se colore, c’est qu’on « rentre » dans le Biscuit de façon costaud, et ça s’entend. Ça part bien !

Les effets suivants sont dosés par les paramètres « naked » et « dressed » : naked dose le signal dry, et dressed dose le signal traité. J’aime toujours les effets où l’on distingue bien le dry et le wet, au lieu d’avoir un seul réglage « mix wet/dry », car on peut très bien vouloir rendre les 2 indépendants : un dry à 50% et un wet à 80%, etc…L’autre avantage est que cela évite d’avoir à gérer un volume de sortie de l’appareil : cela permet d’entrer très fort dans le Biscuit, tout en ayant une sortie à volume mesuré, bien que fortement traité.
La seconde étape est le bitcrusher. L’appareil travaille sur 8 bits, et chacun des pads en façade matérialise chacun des 8 bits. Les opérations menées sur chacun des 8 bits sont nommées « biscuitage » dans le manuel. Attention : les 8 pads n’ont pas un rôle équivalent, car les 8 bits d’un signal n’ont pas non plus la même importance ! Ainsi, le bit tout à fait à gauche est le 1er bit : le désactiver rend le signal défini sur 7 bits et la différence avec le 8 bits, bien qu’audible, reste assez mesurée. Supprimer le 8ème bit (pad tout à fait à droite) a un effet beaucoup plus drastique ! Quel traitement peut-on faire pour chaque bit ? Très simple : l’activer (le pad est blanc), l’inverser (le pad est rouge) ou l’éteindre (le pad est éteint, on réduit le nombre de bits). Activer, on comprend, éteindre également, mais qu’entend-on par « inverser » ? Il s’agit d’avoir un wavefolder sur la partie du signal concernée : on « replie » le signal vers le bas, ce qui crée un crush très numérique et très intéressant. Il y a des raccourcis utiles : appuyer sur les pads 1&2 allume les 8 bits, appuyer sur les pads 1&3 les inverse tous, et appuyer simultanément sur les pads 1&4 les éteint tous : une bonne façon d’aller plus vite. Comme l’effet est très radical, il est possible d’avoir de fortes variations de volumes et le Biscuit possède un compensateur de volume pour remédier à cela.

La 3ème étape, qui semble fonctionner en parallèle de la 2nde, c’est le clock reducer. Le Biscuit échantillonne le signal entrant à 30 kHz, et l’encodeur « clock » permet de réduire très progressivement le nombre de kHz du signal jusqu’à la très basse résolution de 250 Hz. A cette résolution, le signal traité n’a plus qu’un vague rapport avec le signal entrant, mais pour autant, il peut être très impressionnant avec un son à dominante très « gros square », piloté un peu comme un suiveur d’enveloppe par un signal entrant. Génial pour déstructurer un signal entrant d’une façon radicale, ou plus subtile comme le faisait les premiers samplers, et même mieux !
Vient ensuite l’effet principal. On le sélectionne via le bouton « brain » : les 4 pads de droite servent à choisir l’unique effet, parmi Waveshaper, Delay 8 bits, Pitch Shifter et Step modulator. Les 4 pads de gauche servent à paramétrer ces effets : Tap sert à entrer un tempo quand le Biscuit est réglé en master en horloge MIDI, pour les effets qui en ont besoin (Delay, Step modulator). F3 sert à choisir le paramètre à régler, F1/F2 servant à naviguer parmi les paramètres et modifier leur valeur.
Le waveshaper produit des effets tantôt attendus de la part de ce type d’effet, mais tantôt plus inhabituels : la première forme d’onde redresse les parties négatives. La seconde supprime les parties négatives du signal. La 3ème inverse la forme d’onde au-delà d’un seuil. La 4ème crée une quinte en dessous. La 5ème est plus originale : les bits 1 à 4 sont inversées avec les bits 5 à 8. Les waveshaper 6 à 8 produisent des sons de synthé, et l’encodeur Clock règle l’attaque du filtre : un bon moyen de transformer un son entrant en quelque chose de différent (ça marche bien sur les sons de basse). Les différents waveshapers 6 à 8 proposent un son de sortie en dent de scie, dent de scie avec octave inférieure, square avec octave inférieure.
Second effet : le Delay 8 bit. Il s’agit d’un delay évidemment très coloré, qui n’est pas sans rappeler les premiers delay numérique de Korg et Roland…Le tempo peut être synchronisé au tempo MIDI, excellente chose, ou bien saisi via le bouton Tap Tempo quand c’est le Biscuit qui est maître en horloge MIDI. Curieusement, alors que l’ensemble du Biscuit travaille en stéréo, ce delay 8 bits ne semble fonctionner qu’en mono, conformément aux effets 8 bits de l’époque, mais il aurait été intéressant de disposer d’un vrai delay 8 bits stéréo, histoire d’innover un peu. Au niveau des réglages, on peut définir un sub-division du tempo pour les échos, le feedback, et on peut désaccoupler le tempo du delay de l’horloge MIDI (mode « free »). Ce delay numérique agit comme les delays vintage : plus le tempo des échos est long, plus la fréquence d’échantillonnage baisse et retrouve le signal avec de l’aliasing.
Le Pitch Shifter fait le job qu’on attend de lui, et lui aussi est mono, en produisant un son dont le pitch est effectivement décalé par rapport au signal entrant, son réglage principal étant bien entendu les différents offset de pitch, de 2 octaves inférieures jusqu’à 1 octave supérieure en passant par des tierces et des quintes. On est en dans le pitch shifting cohérent avec le reste de la machine, c'est-à-dire un peu sali : on n’est pas ici dans la haute fidélité. Ce qui pêche souvent dans le pitch shifting, c’est la latence du traitement. Et, de fait, elle est ici perceptible, ce qui nous amènera le plus souvent à l’utiliser avec un signal 100% wet (« dressed » à 100%, « naked » à 0%).
On termine par le Step Filter : il est bien entendu synchronisable au tempo, et permet de mémoriser, puis restituer pour chaque pas, le niveau de cutoff du filtre. On peut même changer de filtre à chaque pas ! Du coup, quand on règle le paramètre « Freq » en façade, ça n’a plus d’effet, le step filter prend la main sur ce réglage. On peut aller jusqu’à 16 pas, et on peut choisir le nombre de pas du cycle. On choisit également une subdivision du tempo (comme pour le delay 8 bits). Une fois les réglages de chaque pas effectués, on teste et, selon le résultat souhaité, on peut aller modifier un ou plusieurs pas, sans toucher aux autres. Difficile de faire plus simple. Il y a 3 modes de lecture : forward (normal), alternate (aller/retour) ou random (aléatoire).
On finit par le filtre analogique qui achève la chaîne de traitement. Celui-ci est analogique et multimode : on peut changer le type de filtre avec en appuyant sur la diode filter qui prend la couleur du filtre sélectionné : vert pour LPF, orange pour BPF et rouge pour HPF. Ce filtre est juste magnifique, l’un des filtres les plus beaux qu’il m’ait été donné d’utiliser ! Il s’agit d’un 12 dB/oct (2 pôles), il ne colore pas le signal (on l’a déjà bien assez coloré avant ! dans le domaine analogique (Drive) comme numérique (bit crushing et clock reducer)). Mais pour un 2 pôles, il a une réponse super efficace : ça filtre, avec un grand F ! Il est radical, le HPF est vraiment scintillant jusqu’à l’effacement total, par exemple. Comme on a crée un signal souvent complexe et très riche en haute fréquence (aliasing volontairement procuré par le clock reducer), ou en basse (bit reducer qui crée des ondes très basiques et très massives), ce filtre a une matière très riche à travailler, ce qu’il fait à merveille ! Il est résonant, mais sans auto-oscillation, il filtre sans dénaturer le signal d'origine.

Un mot sur le MIDI, ce serait dommage d’éluder ce mode, puisque c’est un gros point fort de la machine. L’appareil répond sur les canaux MIDI 1 à 16, mais c’est forcément le même canal en émission et en réception. Un second menu midi active/désactive les filtres MIDI, permettant de n’utiliser/interpréter que certains messages : les Control Change, les messages d’horloge, les Program Change et les messages de note (pour le mode Pitch Shifter et les 3 dernières ondes du Waveshaper qui produisent des sons de synthés). Un Local on/off permet en cas d’utilisation avec un séquenceur MIDI d’éviter le phénomène de boucle MIDI qui plante nos séquenceurs. Enfin, on peut dumper un preset, ou tous les presets, ou les sélectionner par message de Program Change, pratique en live quand on doit changer les programmes de plusieurs appareils MIDI d’un seul coup.
Pour l’implémentation des paramètres MIDI, c’est simple : toutes les commandes en façade répondent à leur propre CC MIDI, y compris les pads qui commandent les 8 bits. On peut même modifer les paramètres des effets en MIDI via d’autres Control Change.
On résumera l’affaire pour le MIDI avec une seule phrase : l’ensemble de la machine est contrôlable à 100% en MIDI, vraiment à 100% ! Chapeau bas !

J’adore le Biscuit comme traitement. Il permet de faire ce que beaucoup vénèrent sur les vieux samples/beat boxes comme les SP1200 de façon tout aussi subtile, mais aussi de façon bien plus radicale, les plages de réglage étant extrêmes ! (un signal sur 1 seul bit à 0,25 kHz ? C’est possible !). Il peut aussi être utilisé comme simple filtre analogique, ce qu’il fait particulièrement bien avec son merveilleux filtre analogique 2 pôles hyper efficace ! Les plages de réglages sont très vastes, on peut aller du très subtil au traitement de sound design meurtrier ! Son implémentation MIDI complète rend l’automation complète et simple, ses commandes émettant des signaux MIDI en Control Change et les interprète: c’est simple, ça marche !
En interne, on a 16 mémoires pour sauvegarder ses programmes. C’est relativement peu en soi, mais suffisant pour ce type d’effet « de complément » dont on se sert de façon ponctuelle. Les options de synchronisation MIDI sont simples et complète (maître, esclave, etc…). L’appel des programmes est un peu alambiqué (appui simultané sur Brain + Filter, et choix d’un pad), mais ne présente pas de problème particulier.

J’ai particulièrement aimé sur le Biscuit (comme effet) :
-Les résultats hors normes qu’il permet d’atteindre : une machine unique !
-La qualité de tous les traitements audio
-Leur très grande flexibilité avec des plages de réglage vastes.
-Un travail en vraie stéréo (en entrée/sortie)
-La qualité et la musicalité du filtre exceptionnelle : efficace et musical
-Des attributs de machine haut de gamme ! un True Bypass, un bouton on/off, des prises MIDI…et une qualité de fabrication irréprochable.
-Implémentation MIDI complète (automation, synchro MIDI…) : un effet facile à intégrer dans une configuration MAO, quasiment aussi souple à utiliser qu’un plug-in une fois ses contrôleurs mappés.
-Un manque de commandes en façade compensé par des poussoirs qui changent de couleur et aident à se repérer
-Un effet terriblement attachant, singulier, créatif : une machine géniale dotée d’une forte personnalité.

On peut ne pas aimer :
-Le delay 8 bits et le pitch shifter qui sont mono
-L’alimentation secteur externe et, surtout : sur courant alternatif.
-Un effet qui excelle dans son domaine, mais qui ne peut pas se suffire à lui-même : un effet de complément.
-Les options/paramètres sont nombreux, et les commandes moins : il faut toujours avoir une feuille de paramètres sous le nez comme pense bête, sinon, c’est ardu.
-Le nombre de mémoires limité (même si souvent suffisant pour ce type d’effet).
-Combinaison de touches pour appeler les programmes.
-Le prix neuf déjà élevé à la base, le prix d’occasion encore plus désormais !

Utilisation alternative : synthétiseur monophonique + séquenceur DER OTO.
Le Biscuit propose un mode de boot alternatif à partir des derniers OS : le mode DER OTO, qui lui permet de booter en mode synthé monophonique numérique à filtre analogique. Denis s'est fait aider pour cette partie par Olivier Gillet de Mutable Instruments. Pour booter dans ce mode, il faut, simultanément à la mise tout tension, appuyer sur Brain+pad4+pad5. Pour retourner en mode Biscuit classique, il faut booter en faisant la même manip. Comment savoir alors dans quel mode on se trouve ? Simple : en mode Biscuit, la machine allume tous ses pads en rouge fugitement. En mode Der OTO, elle boote en les allumant en blanc.
La sérigraphie de base est bien sûr adaptée au mode Biscuit. Mais un Overlay blanc sérigraphié avec les paramètres du mode Der OTO a été commercialisé à une époque, il est indispensable pour se servir de l’appareil en mode DER OTO, et là, problème : il est introuvable. J’ai réussi en m’en procurer un en contactant directement la société OTO, qui en avait encore quelques uns qui traînaient et qui m’en ont envoyé un gratuitement ! La classe, non ?
Si votre Biscuit est un modèle des premières séries, l’OS incluant Der OTO peut être uploadé dans la machine, pas besoin de modif hardware : bonne nouvelle ! Le manuel (en anglais uniquement, hélas) décrit comment upgrader votre Biscuit depuis un MAC comme un PC. Ce mode n’était pas du tout disponible lors du début de la commercialisation du Biscuit, il est apparu 18 mois plus tard, et disponible gratuitement pour tous les utilisateurs, alors que rien n’avait été promis par OTO au départ : quelle générosité, quelle belle surprise pour ses possesseurs à qui on offre un petit synthé monophonique.

Pour accueillir ce nouveau mode alternatif Der OTO, des concessions ont dû être faite sur l’ensemble de la machine :
Un mode snapshot a été sacrifié (il permettait de mémoriser uniquement la partie bitcrusher 8 bits)
Les paramètres MIDI doivent être réglé en mode Biscuit, et non Der OTO (qui n’a pas d’options MIDI).
L’implémentation MIDI du séquencer Der OTO est faible : la plupart des paramètres ne peuvent pas être pilotés en MIDI.
Changer la vitesse du séquenceur en cours d’évolution n’est pas recommandé, ça peut cafouiller.
Il faut commencer par saisir un tap tempo avant de lancer le séquenceur, sans quoi rien ne se passe.
En mode Der OTO, malheureusement, les entrées audio sont désactivées.
En résumé : rien de bien méchant, mais on sent bien que l’OS du Der OTO n’est pas aussi « rock solid » que celui du mode Biscuit.

Maintenant qu’on a décrit les petites limites du mode Der OTO, on va décrire à quoi on a affaire.
Il s’agit d’un synthé monophonique à 2 oscillateurs, un LFO, une enveloppe et un filtre multimode analogique résonant (le même que celui du Biscuit, bien sûr), le tout jouable en MIDI et/ou via un séquenceur interne 16 pas.
Commençons par le début, les oscillateurs : ceux-ci sont presque identiques. On a droit à un signal Saw, un Square (tous deux sans aliasing), un Raw Saw et un Raw Square (à l’ancienne : avec aliasing !), une sinusoïde. « Presque identique » car la dernière forme d’onde diffère pour les 2 oscillateurs : un mode FM pour l’oscillateur 1, et un bruit blanc pour l’oscillateur 2. Le choix se fait en appuyant une fois sur le pad 1 (pour l’oscillateur 1) ou deux fois sur ce même pad (pour l’oscillateur 2) : ce principe de sélection des paramètres est le même pour tous les paramètres des oscillateurs : on appuie 1 fois ou 2 fois, puis on choisit avec l’encodeur Clock. Le choix du paramètre est visualisable par l’éclairage du pad concerné.
Pour le pitch, on règle un pitch global pour les 2 oscillos, et on detune l’oscillo 2 par rapport à l’oscillateur 1 par demi-ton. Un autre paramètre permet de detuner finement les oscillateurs. Enfin, le niveau de chaque oscillo peut être ajusté, sur 7 niveaux seulement.
Ce qui surprend à l’écoute, c’est que chacun des oscillateurs sort à 100% sur une des sorties audio : l’oscillo 1 sur la sortie Left et le 2 sur la sortie right.
Les oscillos peuvent interagir de différentes façons qui ne sont pas sans rappeler le Shruti de Mutable instruments, en moins puissant, toutefois : on peut les sommer, les faire interagir en Ring Modulator, en X-Or (comme sur les Odyssey, mais en numérique), en bitcrushing ou en Swap (un mode de type zip/zap qui agir un peu comme un autobend rapide). Malheureusement, pas de mode synchro d’oscillateurs.
Au niveau de la modulation du pitch, on a un glide réglable sur plusieurs niveaux de vélocité, et le dosage de l’enveloppe sur le pitch des oscillateurs.
Le suivi du clavier sur le filtre est réglable sur 3 niveaux, comme sur un Minimoog (0%, 50% et 100% pour faire de l’auto-oscillation).
L’unique enveloppe est une ADR, non bouclable.
Enfin, le mode de synchronisation du LFO peut être libre (free run), synchronisé sur le front montant, front descandant ou réglé en one shot pour faire une enveloppe simple: souple, pratique.
Avant de passer au mode séquenceur qui va nous permettre d’agiter tout ce petit monde, on a un mode LFO : on le sélectionne en appuyant sur le pad 7, ce qui a pour effet d’activer des fonctions secondaires pour les boutons/encodeurs : choix de la forme d’onde du LFO (triangle, square et sample&hold : la diode Bypass prend alors une couleur différente pour chaque forme d’onde de LFO), vitesse (on ne monte pas très haut…), intensité de la modulation du LFO sur le pitch et sur le VCF.
Même sans se servir du séquenceur, on peut déjà jouer Der OTO en branchant l’appareil en MIDI sur un clavier maître, auquel cas il est un expandeur monophonique.
Mais il est dommage de se priver du séquenceur 16 pas intégré au mode Der OTO. On active toutes les commandes du séquenceur avec le bouton Brain/Seq. On commence par régler le nombre de pas choisi avec la commande Number (pad 8). Ensuite, séquenceur arrêté, on sélectionne chaque pas avec les pads, en appuyant 1 fois pour les pas de 1 à 8 et, si nécessaire, 2 fois pour les pas de 9 à 16. On choisit pour chaque pas : l’octave et la note, ensuite le paramètre length sur 4 niveaux : mute, half (la moitié d’un temps), full (temps complet) et Tie (note liée avec la note précédente). Chaque step peut avoir un accent, et un glide activé / désactivé indépendamment pour chaque pas : on peut donc se faire des pattern façon TB303, au moins dans l’esprit du séquenceur ! (pour le son, c’est une autre histoire).
Ensuite, on est prêt : on règle le tap tempo avec le bouton Bypass, et on démarre la séquence avec le bouton Filter.
Le résultat est efficace et concluant, mais plutôt dans le style synthé numérique/lo-fi. On n’est pas ici dans le registre sonore d’une TB303 ou d’un Moog Mother 32, même si le filtre est analogique et toujours aussi musical.
On peut sauvegarder ses sons et ses séquences, chacun au nombre de 16, et indépendamment, mais il faut savoir que si la sauvegarde des séquences 1 à 8 n’obère en rien le mode Biscuit, la sauvegarde des séquences dans les emplacements 9 à 16 se fera au détriment de presets du Biscuit !

Der OTO en résumé :

On aime :

-Un vrai synthé, complet, qui sonne numérique, mais qui sonne !
-Un séquenceur complet et créatif, inspiré des ténors du genre (accent, glide, mute, length…)
-Pas de chaque séquenceur facile à programmer et à corriger après coup
-Pas d’obligation de se servir du séquenceur, un simple pilotage par clavier MIDI est possible
-Le même (superbe) filtre analogique multimode que le mode Biscuit.
-2 oscillateurs indépendants et les interactions entre oscillateurs
-Synchro MIDI du séquenceur et du LFO.
-Les 4 modes de synchro du LFO
-Le mode Der OTO gratuit et facilement upgradable

On peut ne pas aimer :
-L’overlay Der OTO relativement indispensable et désormais introuvable.
-Quand le Der OTO est piloté par un séquenceur externe, il lui arrive de cafouiller.
-Un synthé qui reste numérique dans sa couleur globale : on aime ou pas.
-L’implémentation MIDI moins complète que le mode Biscuit.
-Les entrées audio désactivées dans ce mode.
-Pas de synchro d’oscillateurs
-Ergonomie pas évidente, nécessite un pense bête imprimé sous les yeux pour le programmer sérieusement (comme en mode Biscuit).
-Le LFO n’est pas hyper rapide.
-Des concessions dans la gestion de la mémoire utilisateur, au détriment du mode Biscuit.
-Aucun effet.
-Chaque oscillo sort sur une des 2 sorties audio (sauf certains modes MIX qui combinent les 2 oscillateurs)
-Contrairement au mode Biscuit, des paramètres de son auraient eu un intérêt à être automatisé par pas (filtres, oscillos, etc…) : on n’est pas chez Elektron ;)