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Editorial du 5 mars 2011 : commentaires

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Sujet de la discussion Editorial du 5 mars 2011 : commentaires

"La mer  […] a des reflets d'argent"

Tirée d'une des plus célèbres chansons françaises, cette phrase prendrait presque, dix ans après la mort de Charles Trenet, des allures de prophétie. C'est que ça bataille dur au pied de l'urne funéraire, entre Georges El-Assidi, ancien secrétaire personnel et unique héritier du chanteur, et Michel Paradis, un Québécois de 61 ans qui affirme être le fils de ce dernier. Ca bataille dur pour quoi ? Pour les reflets d'argent justement, soit quelques propriétés immobilières et l'ensemble des droits sur les chansons de Trenet. Une fortune, quoi…

Facétieuse, la justice a repoussé son audience au 21 juin prochain. On saura donc bientôt si, à la faveur des tests ADN pratiqués sur la demi-sœur du chanteur, l'affaire Trenet parvient à atteindre les mêmes sommets de macabre et de grotesque que l'affaire Yves Montand, il y a de cela quelques années (encore que Charles ait eu la sagesse de se faire incinérer, lui)…

Reste un truc qui me gêne. Je dois être vraiment idiot, inculte ou quelque chose du genre, mais je n'arrive pas à comprendre : alors qu'on est censé* avoir eu un débat sur la propriété intellectuelle pour mettre au point HADOPI, comment se fait-il que personne n'ait remis en cause cette aberrante possibilité de pouvoir léguer ou céder ladite propriété ? Je veux dire : lorsque j'achète un disque de Prince, de Juliette ou de Matthieu Chedid, je comprends le principe des royalties. Quelqu'un a écrit une musique, quelqu'un a écrit des paroles et une partie du fruit de la vente leur revient parce qu'on estime que c'est là leur travail et qu'ils doivent être rémunérés pour cela.

Là où j'ai plus de mal à comprendre, c'est avec Michael Jackson, Barbara ou encore Jimi Hendrix qui sont tout ce qu'il y a de plus morts. Au nom de quoi donnerais-je de l'argent à leurs héritiers ? Pour récompenser les uns d'avoir été de bons avocats, ou pour féliciter les autres d'avoir été déposés par la cigogne dans les testicules ou les ovaires d'un artiste ou de l'un de ses proches ? Quelle légitimité morale ont-ils de vivre d'une oeuvre qui n'émane pas de leur propre intellect ?

Je le dis sans malice, et je veux bien croire qu'il y a une raison évidente à cette disposition de la loi. Mais j'ai beau examiner le problème sous tous les angles, je ne vois aucun bon sens là-dedans, ni rien qui donnerait à qui que ce soit mauvaise conscience en téléchargeant illégalement la musique d'un artiste mort. Et, ce faisant, je m'étonne que le soi-disant débat HADOPI se soit plutôt concentré sur les modalités d'une punition que sur la vraie question que pose le téléchargement illégal : la façon dont nous percevons et gérons la propriété intellectuelle est-elle pertinente ?

Evidemment, si l'oeuvre des artistes tombaient dans le domaine public sitôt ces derniers décédés, ce qui serait une aubaine pour la démocratisation de la culture serait une catastrophe pour le maintien de l'Ancien Régime : au lieu de recompiler Joe Dassin, Claude François ou Dalida tous les 5 ans, les maisons de disques serait obligées de risquer un peu plus d'argent sur des artistes vivants, Yoko Ono serait obligée d'écrire au moins une bonne chanson dans sa vie et Georges El-Assidi devrait devenir le secrétaire de quelqu'un d'autre…

En attendant que ça change, si jamais ça change et ce n'est pas prêt de changer, j'espère que vous avez pris vos dispositions testamentaires, non pas pour léguer vos compos à vos enfants ou vos proches, mais pour leur léguer votre matos. Parce qu'avec ça au moins, il pourront trouver leur propre voix et la faire entendre sans vivre dans l'ombre de votre génie créateur. Et que pourriez-vous léguer alors ? Un logiciel pour faire des runs de cordes comme Orchestral String Runs (oui, des "runs", moi non plus je ne connaissais pas, mais Sleepless explique très bien ce que c'est dans son article). Ou dans un tout autre genre, des pédales d'effet 100 % analogiques signées Red Witch : ça peut toujours servir… Mais le mieux que vous puissiez transmettre, et ça de votre vivant, c'est votre science de la production audio, et notamment tout ce que vous savez au sujet de l'utilisation créative des noise gates et que vous allez apprendre pas plus tard que maintenant en lisant le dossier de Craig Anderton sur ce sujet…

Sur ce, bon week et à la semaine prochaine.

Los Teignos
From Ze AudioTeam

 

* Spéciale dédicace à Loofani, Lidocain, Spawn-X et PieRRoMaN : voyez comme je m'améliore. ;-)

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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?

 

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Qu'on hérite d'une usine ou d'un single, il faut bien les gérer pour générer des revenus, même si toucher des royalties semblent plus confortables que faire face à la concurrence ou innover.

Néanmoins, là où Los Teignos dit vrai selon moi, c'est que le statut de l'œuvre d'un mort doit changer, comme un propriétaire ne devrait plus avoir le droit de spéculer sur ses logements vides, comme des cols blancs ne devraient pas se nourrir avec l'argent du travail des autres.

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Salut Los teignos : Juste une réaction d'un vieux (53 A) musicien amateur qui n'a jamais eu à monnayer ses talents de musicos (Heureusement quelque part !) mais qui a une expérience politique (Locale) et syndicale assez importante.

Je referai pas la loi HADOPI ici. En effet le téléchargement illégal est, en cas de généralisation, un gros problème pour les artistes, quelle que soit la musique véhiculée, du RAP à la soupe variété la plus indigeste.

Il n'empêche, si un artiste veut vivre il doit : Chanter, jouer, composer, faire des concerts et des salles petites ou grandes et enfin vendre cette musique. Le CD étant dépassé (Pour les jeunes j'entends car moi j'en reviens à mes vieux vinyls sur ma Thorens entièrement manuelle...) ces mêmes jeunes télchargent...

Comme ils n'ont pas de fric ils le font, trés souvent, illégalement, gratuitement en fait, dans la bibliothèque du voisin qu'il setrouve en Australie ou a 5 mns de chez lui...

Une fois ceci dit, il y a effectvement un blème et tu le dis trés bien ! (Je tutoi si tu me le permets) Si Cabrel, Noah, Goldman, Johnny, Sanson ou autres toujours vivants (Ou presque !!!) doivent pouvoir toucher les droits afférents à leur oeuvre, comment légitimer que les gamins de M Jackson, Claude François, Joe DASSIN etc etc touchent des petites fortunes en royalties sur des morceaux qu'ils n'ont ni composés, ni chantés.

Je te suis à 100 % sur ce thème. Cependant 1 bémol : En même temps ils participent (parfois et plus ou moins) au souvenir laissé par leur père ou leur mari. Donc il est légitime qu'ils reçoivent un "héritage" de celui-ci.

Etant obstinément et définitivement de Gauche (Vu ce que le nain est en train de commettre...) je compare celà, un peu, aux droits de succession, où l'on voudrait faire croire que c'est pour le petit peuple que l'on assoupli la règle et remonter le plafond d'exonération aux particuliers. Celà est exact certes. Dans le même temps on notera que les gros richards bénéficient des mesures aussi souples, sauf que celà se solde en millions d'€ économisés pour eux... Cherchez l'erreur.

Je pense donc pour en revenir à HADOPI, qu'il faudrait que les descendants puissent toucher "quelque chose" de leur mère ou père artiste, mais que celà reste dans le raisonnable et ne leur permette pas de vivre de cette seule ressource, comme les mômes de riches vivent du seul héritage de leurs parents...Il ne doit pas y avoir discrimination à la naissance !

Voilà c'est dit, c'est tout à fait faisable en plus. L'argent récupéré pouvant être redistribué aux artistes intermittents par exemple... (Il existe d'autres possibilités à étudier)

Allez continuez tous car c'est plutôt bien ce que vous faites et toi reste toujours TEIGNOS, car c'est pas avec des mous du genou que l'on avancera, que ce soit en musique ou pour le reste. Allez vive le Rock n roll, A+ et Merci de ce que vous faites et de m'avoir accordé cette tribune.     

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Intéressant ce débat! Comme l'a parfaitement illustré Musimil, et comme beaucoup d'autres, je ne vois pas non plus pourquoi on devrait pouvoir transmettre à ses enfants un patrimoine immobilier, des placements financiers, des oeuvres d'arts "en dur" comme des peintures mais pas des droits de propriété sur des compositions musicales!

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Citation de Los Teignos :

Là où j'ai plus de mal à comprendre, c'est avec Michael Jackson, Barbara ou encore Jimi Hendrix qui sont tout ce qu'il y a de plus morts. Au nom de quoi donnerais-je de l'argent à leurs héritiers ? Pour récompenser les uns d'avoir été de bons avocats, ou pour féliciter les autres d'avoir été déposés par la cigogne dans les testicules ou les ovaires d'un artiste ou de l'un de ses proches ? Quelle légitimité morale ont-ils de vivre d'une oeuvre qui n'émane pas de leur propre intellect ?

Cela fleure bon le populisme.

 

Citation de Los Teignos :

 

Comprenez bien que je ne remets pas le concept d'héritage en question. Mais à mon sens, on ne peut céder ou vendre qu'un objet physique. Le fait d'appliquer cela à un objet intellectuel est à ce point peu évident que c'est une invention très récente dans l'humanité et que bizarrement, il est plus ou moins contemporain de l'industrialisation de l'art...

 

J'aime beaucoup cette phrase : à mon sens, on ne peut céder ou vendre qu'un objet physique. C'est la meilleure définition pour la dévalorisation de la chose intellectuelle. Vous voulez bien hériter d'une maison, d'espèces sonnantes et trébuchantes, mais d'une oeuvre culturelle, non ? Etonnant et curieux raisonnement. C'est aussi le fruit d'un travail et je ne vois pas en quoi les héritiers devraient en être écartés.

Après, qu'effectivement, qu'on ne puisse pas passer un disque de Georges Brassens (pour ne citer que lui) en milieu scolaire me semble totalement exagéré. Et ce type de disposition doit-être aménagé.

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salut

j'adore tes éditoriaux, Los Teignos, mais là tu exagèes! En effet, Yoko Ono a écrit plusieurs bonnes, voire très bonnes, chansons dans sa vie. En voilà au moins une :

https://www.youtube.com/watch?v=E9tR3RjUU_g (chantée par Yoko)

https://www.youtube.com/watch?v=bj1JAZO2kX0&feature=related (idem mais chantée par John)

Allez, sans rancune ;-)

Yann BOYER

PS : je ne laisserai hélas aucune royalties à mes enfants...

 

Yann BOYER

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Pour finir cet edito.. gand LUXE!

Je citerai le grand Philosophe de la Folie des grandeurs: Louis de Funes.

Les Riches c'est fait pour être,  trés trés riche et les pauvres trés trés pauvres!!icon_exorbite.gif

Et sur ce je vous chante une chanson douce de H. Salvador....  bonne nuit les petits....poum poum poum..

 

Le marchand de sable est passé..

 

DJ
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C'est ça, va jouer au golf et laisse les pauvres philosopher icon_wink.gif

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Comme l'écrivent deb76 et Cpierredon, il n'est pas difficile d'assimiler l'héritage de droits intellectuels à celui de biens immobiliers ou autres. Sachant aussi que ces droits ont une durée de vie limitée, avant que les oeuvres ne passent dans le domaine dit public.

Remettre les principes de l'héritage en cause, pourquoi pas? Mais je suppose que les plus ardents sur le sujet sont précisément ceux qui, pour l'instant peut-être, n'ont pas d'enfants, et aussi rien à léguer (ce qui est à peu près mon cas). Quelle est la réelle différence entre le fait que ces droits se rapportent à des choses immatérielles ou leur contraire?

Déjà que l'édito sur Apple et surtout S.Jobbs était limite acceptable, je trouve que tu fais dans le dur là. J'ai toujours apprécié ton humour et ton verbe, mais à moins d'une visée politique (remettre les principes de l'héritage en cause), et pourquoi pas, j'ai du mal à suivre. Je dois être très con!

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Citation :

Cela fleure bon le populisme.

Je ne crois pas ou alors nous ne sommes pas d'accord sur la définition de ce mot...

 

Citation :

J'aime beaucoup cette phrase : à mon sens, on ne peut céder ou vendre qu'un objet physique. C'est la meilleure définition pour la dévalorisation de la chose intellectuelle.

Bien au contraire. Il me semble que la chose intellectuelle est sans doute ce qui a le plus de valeur, au point d'être inestimable, au sens strict du terme. Vendre, céder ou léguer de la propriété intellectuelle, c'est pour moi comme vendre l'océan Atlantique, le Mont Saint Michel ou la Lune. Ce n'est pas vendable : à 1 €, ou à 1 milliard. Parce que ce qu'une fois que l'auteur est mort, ça appartient à tout le monde et ça n'appartient à personne.

Je trouvais sidérant qu'à une époque, Michael Jackson ait pu toucher des royalties sur les chansons des beatles parce qu'il "en avait acquis les droits" et je ne rappellerai pas dans le détail ce qu'il est advenu des royalties sur le Boléro de Ravel après qu'un haut cadre de la SACEM s'est démerdé pour les détourner à son profit. Parce que la loi permet ça.

Alors 'La Mer' de Charles Trenet, c'est pareil : maintenant qu'il est mort, ça appartient autant à son secrétaire qu'à son prétendu fils canadien, qu'à une petite fille de 8 ans qui va la chanter en rentrant de l'école (sans rien payer à la SACEM, quel scandale!) ou à un peintre en bâtiment qui siffle en travaillant. Ca fait partie du patrimoine culturel mondial... Et la loi préfèrera accorder une rente à vie à celui qu'elle désignera comme son héritier plutôt que de favoriser la diffusion de l'oeuvre d'art en la rendant au domaine public.

Comme si le but de l'oeuvre d'art n'était pas, avant toute chose, d'être diffusée... Non désolé, une oeuvre d'art et une propriété immobilière, ce n'est pas tout à fait la même chose : l'une participe de l'enrichissement personnel, l'autre concourt à l'enrichissement du genre humain.

On m'objectera que le legs de la propriété intellectuelle n'empêche pas sa diffusion. Non, ça n'empêche pas. Ca la complique juste et parce que ça maintient le prix de l'oeuvre à ce qu'il était du vivant de l'artiste, ça la réserve à la portion de gens qui pouvait déjà se la payer. Jean Giono disait du livre de Poche qu'il était la plus grande invention du siècle parce qu'il démocratisait la littérature. On sera bien peiné de savoir qu'en dépit de son soucis de démocratisation, aucune de ses oeuvres ne soit librement consultable sur Gallica...

Et pour reprendre la phrase qui gêne deb76 en d'autres termes : on peut recevoir ou vendre de l'avoir, percevoir un salaire pour du faire, mais on ne peut pas être payé à être. D'où mon problème avec l'héritage, hors avoir. Toucher des droits d'auteurs pour un héritier, c'est être salarié pour quelque chose qu'on n'a pas fait. Et ça, c'est bizarre.

On m'objectera encore que ce que je remets en cause, ce sont les rentes de manière générale. Alors soit : sans être Trotskiste ou quoiquecesoïste (parce que je le redis, la dynamique de notre civilisation repose sur le désir, et que le désir se nourrit des différences, et donc des différences de richesse), je remets en cause le système des rentes, parce ce que je ne conçois pas qu'on vive autrement que de ce qu'on fait, et en tout cas je ne conçois pas qu'on vive de ce que l'on est (c'est amusant, à relire cette obsession du faire, de me découvrir Sartrien au détour d'un forum). Du coup, être actionnaire ou hériter de la propriété intellectuelle, de mon point de vue, c'est un peu la même chose.

Et qu'on ne me sorte pas que cet héritage est la juste compensation de la dure vie d'enfant d'artiste car la loi s'exerce sur bien d'autres cas que celui des artistes (les inventeurs par exemple) et qu'il est sans doute aussi difficile d'être fils de plein de gens que fils d'artiste : fils de politique, fils de chômeur, fils de flic, fils de taulard ou fils de pute. En outre, je souligne que je ne conteste pas uniquement le leg de parent à enfant mais également la possibilité d'acquérir les droits sur une oeuvre qu'on n'a pas créée : Michael Jackson qui touche les droits des Beatles...

J'attends sincèrement vos réponses là-dessus, car je ne doute pas qu'il y ait des faiblesses dans mon argumentation.

(Je précise pour ceux qui en douteraient que l'édito partait d'une vraie incompréhension et non d'une incompréhension rhétorique et je suis heureux de pouvoir lire autant de réactions de qualité qui font un tantinet avancer le schmilblick, du moins le mien...)

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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?

 

[ Dernière édition du message le 06/03/2011 à 01:16:06 ]

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Citation :

ou à un peintre en bâtiment qui siffle en travaillant.

y en a de moins en moins ......

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J'ajouterai encore l'exemple de Jacques Demy dont certains films n'ont pas été diffusés pendant près de 20 ans à cause de batailles entre ayant-droits : une sorte de castration de la mémoire de l'auteur. Qui de moins de 30 ans a vu 'une chambre en ville', pour le coup? Combien de générations cantonneront l'envergure du cinéaste à deux sœurs jumelles nées sous le signe des gémeaux ?


Par ailleurs, pour en finir avec la vision 19ème qu'ont certains de l'artiste, façon Bohême d'Aznavour, avouons qu'il est loin le temps où être artiste était quelque chose de mal vu, qui condamnait à la marginalité et à la pauvreté, à échanger une toile contre un bol de soupe. Naviguant entre Télérama et Télé 7 jours, la doxa a institué l'artiste comme un modèle social et une industrie en a fait son combustible, au point de faire de l'art le premier loisir de l'humain (le cinéma et la musique en l'occurrence).


En vis à vis de l'extrémisme d'un Platon qui voulait bannir les poètes de la Cité, je ne sais franchement pas quoi penser de cette évolution qui a amené autant de bonnes choses que de mauvaises. Une chose est sûre en tout cas : la position de l'artiste en occident aujourd'hui est plus comparable a celle d'un footballeur que d'un marginal. Une grosse masse n'en vit pas au point d'être parfois dans l'obligation d'avoir un autre emploi, un certain nombre en vivent chichement et une petite élite en vit grassement. L'artiste comme le footballeur est cependant un héros de notre société moderne, au point que les gamines qui autrefois voulaient devenir secrétaires comme Maman veulent aujourd'hui être chanteuses.


De fait, je rejette formellement l'idée du leg de la propriété intellectuelle comme une forme de compensation pour un enfant qui aurait dû sûbir la souffrance d'avoir un parent artiste.

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Quand on te lit on a l'impression que les héritiers Peugeot ont plus de légitimité pour continuer à profiter du travail de papa que les enfants Dassin... J'ai du mal à voir la différence : dès lors où on accepte le principe de vendre la musique ça devient un business plus ou moins comme les autres. Après on peut toujours imaginer une société ou les artistes seraient des fonctionnaires qui livreraient directement leur travail au domaine public. On peut aussi nationaliser les entreprises à la mort du fondateur... Mais y a des trucs du genre qui ont été essayé sans grand succès...

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... et les chansons des Beatles (toutes ! - "Northern Songs") qui appartiennent à Michael Jackson et ses héritiers ?...

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Citation de Los Teignos :

Comme si le but de l'oeuvre d'art n'était pas, avant toute chose, d'être diffusée... Non désolé, une oeuvre d'art et une propriété immobilière, ce n'est pas tout à fait la même chose : l'une participe de l'enrichissement personnel, l'autre concourt à l'enrichissement du genre humain.

Hmmm... Beaucoup de grands peintres et d'artistes ont travaillé à la commande, dans un but avant tout alimentaire. Ce n'est que quand on a la panse bien remplie que l'art peut devenir un divertissement ou une passion. Pas sûr qu'il y ait beaucoup de grands peintres au Biafra...
Et pour ce qui est de l'enrichissement du genre humain, c'est tellement subjectif qu'on peut y flanquer absolument tout ce qu'on veut, depuis la dernière chansonnette de machin-chose jusqu'à la cathédrale de Knocke-le-zoute, en passant par le jardin de ma voisine ou les croutes peintes par mon neveu. Et au final, qu'il y ait eu enrichissement personnel ou non, rien à cirer, non ? A moins que ce soit sale ? Immoral ?

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Robert Poutre est peintre en bâtiment, enfin, il l'était. Parce qu'après plus de quarante années de bons et loyaux services passés dans les vapeurs de solvants, il aurait pu jouir d'une retraite méritée dans son HLM. Sauf que les solvants ont raison de sa santé et qu'à l'âge de 63 ans, il se meurt d'un cancer des poumons. Il aurait bien aimé léguer à ses enfant une maison, même petite. Sa chère épouse a passé sa vie à élever leurs six enfants, pas facile avec le seul salaire de Robert, la petite dernière n'a que sept ans. Robert est inquiet pour son avenir.

Benjamin Paille lui est un homme heureux. Dans sa jeunesse, il voulait être chanteur. Et s'il n'a pas eu la carrière dont il rêvait, il n'a malgré tout pas envie de se plaindre car s'il n'a écrit qu'une chanson, une seule, cette ritournelle lui a rapporté gros. Qui aurait pensé que cette musique simpliste et ce refrain idiot : "Remets-en une si t'as d'la thune !" serait sorti du cadre des fins de bals de noces, aurait été vendue à plus d'un million d'exemplaires en six mois et serait toujours quinze années après sa sortie dans les cent titres les plus diffusés en radio ? Il sait que ses enfants sont à l'abri du besoin et ça, Ben, ça le rassure.

JM

Tous droits réservés sur ce post à Jan ou ses ayants droits, pour tous pays.

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Citation de Los teignos :

Du coup, être actionnaire ou hériter de la propriété intellectuelle, de mon point de vue, c'est un peu la même chose.

J'avais pas lu ça tout à l'heure... Notre système capitaliste (le pire système à l'exclusion de tout les autres comme dirait je ne sais plus qui) repose sur l'actionnariat, et sur le papier, sans être bien calé en économie ça me parait simple et pas "mal".

- d'un côté des compositeurs de musique, des geotrouvetous, des visionnaires mais qui n'ont pas forcément d'argent (ou pas l'envie d'hypothéquer la maison)

- de l'autre des gens qui ont de l'argent, des compétences financières (banques, entreprises, individus... ou maison de disques)

Les deuxièmes financent les premiers, prennent les risques financiers, deviennent en partie propriétaire de l'entreprise créée, des compositions, etc. l'ont dans l'os en cas de déroute et gagnent des sous si ça marche (sinon quel intérêt). Y en a qu'on essayé autre chose... ils ont eu des problèmes!


 

 

 

[ Dernière édition du message le 06/03/2011 à 17:12:40 ]

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Citation de Los Teignos :

c'est amusant, à relire cette obsession du faire, de me découvrir Sartrien au détour d'un forum

Le faire, dans sa définition praxis ?

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Citation :

Le faire, dans sa définition praxis ?

Praxis, oui, encore qu'avec mes études de lettres, mon approche de la pensée de Sartre et de sa distinction Hexis/Praxis soit relativement floue.

Citation :

Quand on te lit on a l'impression que les héritiers Peugeot ont plus de légitimité pour continuer à profiter du travail de papa que les enfants Dassin...

Je n'accorde pas plus de légitimité aux uns qu'aux autres en ce qui concerne la propriété intellectuelle : si M. Peugeot est l'auteur d'une invention dans le domaine automobile, je conteste le fait qu'il puisse léguer cette dernière à ses héritiers parce qu'une oeuvre de l'esprit est selon moi chevillée à son auteur et ne peut être transférée.

Je n'ai en revanche aucun problème sur l'héritage en biens de Peugeot ou de Joe Dassin : que les uns héritent d'usines, que les autres héritents de manuscrit. Qu'ils les vendent ou qu'ils en fasse des musées, ou qu'ils n'en fasse rien. Ca n'a rien de critiquable de mon point de vue. Encore une fois, je le dis : je n'ai aucun problème avec les cuillères en argent. Je dis juste qu'une oeuvre de l'esprit n'est pas une cuillère.

Citation :

Notre système capitaliste (le pire système à l'exclusion de tout les autres comme dirait je ne sais plus qui) repose sur l'actionnariat

Là, tu marques un point en effet car, c'est la limite de mon raisonnement : coincé entre le refus d'un système socialo-communiste (je ne crois pas à l'état tout puissant, et certainement pas à l'artiste fonctionnaire : je croirais même plutôt à l'artiste asocial, s'il fallait choisir) et le refus d'une des bases du capitalisme : la rente, l'importance de l'investisseur. Il me semble toutefois que la création de la licence Creative Commons ou la notion d'Open Source, apparues au sein d'un système capitaliste, prouvent qu'on peut explorer d'autres voies dans la gestion de la propriété intellectuelle sans pour autant remettre en question tout le système.

Citation :

Hmmm... Beaucoup de grands peintres et d'artistes ont travaillé à la commande, dans un but avant tout alimentaire. Ce n'est que quand on a la panse bien remplie que l'art peut devenir un divertissement ou une passion. Pas sûr qu'il y ait beaucoup de grands peintres au Biafra...

C'est un autre débat, mais je ne crois pas que le confort et l'art soient nécessairement liés. De mon point de vue, un artiste est un artiste parce qu'il ne peut pas faire autrement : comme une sorte de handicap communicationnel, comme si c'était là sa seule façon d'être au monde (je précise que, selon ce critère, je ne me considère pas comme un artiste). Et je ne suis pas si sûr qu'il n'y ait pas d'artistes au Biafra : ils vivent moins longtemps, voilà tout. De Proust à Van Ghog en passant par Mallarmé, je ne crois pas qu'on puisse tirer de moyenne : l'inconfort n'est pas vecteur d'art, pas plus que le confort. Ca se joue ailleurs : dans ce handicap dont je parlais, et qui ne se résous que dans la création.

Quand au travail alimentaire que tu soulignes justement, il montre dans beaucoup d'exemples à quel point l'art est distinct des avantages matériels qu'il peut procurer : avec le recul du temps, si Michel Ange est reconnu comme un artiste, c'est parce qu'il a su transcender la commande qui lui était faite sur le plafond de la Chapelle Sixtine pour l'élever au rang d'oeuvre d'art. Bref, tous les peintres peuvent bien faire de l'alimentaire, ce n'est pas ce qui fait d'eux des artistes, mais ce n'est pas non plus ce qui les prive de ce statut.

Et pour revenir au sujet qui nous occupe, je viens de tomber sur ce cours très intéressant qui retrace l'historique du concept de droits d'auteur en France . Ce n'est pas partisan et c'est très accessible : La propriété intellectuelle, par Antoine Compagnon, prof à la Sorbonne.

Où l'on apprend que les concepts de propriété intellectuelle ont été l'objet de vastes débats sous l'Ancien Régime mais qu'il n'ont pas été beaucoup discuté depuis.

Et où l'on apprend que, pour l'essentiel, les lois que nous utilisons aujourd'hui ont été conçues sous l'Ancien Régime, pour répondre à des conflits d'intérêts.

Cela ne veut certes pas dire que ces lois sont mauvaises, mais vu qu'à mon sens, la révolution des télécommunications que nous connaissons (avec surtout l'apparition d'Internet qui fait de chaque internaute un auteur et un média en puissance, et rend caduc le concept de loi nationale) est la chose la plus importante qui se soit produite pour l'humanité depuis l'invention de l'imprimerie et la diffusion du livre, qui a amené 5 siècles de bouleversements politiques et sociaux, ça mérite qu'on s'interroge non?

Et le fait qu'un français sur cinq télécharge de la musique illégalement mérite aussi qu'on s'interroge : sur la façon d'appliquer la loi, sur la façon de communiquer sur la loi, et sur la loi même... Dont la loi sur le leg des droits d'auteurs...

 

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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?

 

[ Dernière édition du message le 07/03/2011 à 10:53:22 ]

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Sauf erreur, il me semble que pour tout ce qui est création musicale, à la mort de l'auteur, l'héritier conserve les droits d'auteur durant 50 ans (75 ?), ce qui indique que le but est probablement de permettre à l'héritier de bénéficier, sa vie durant, des fruits du travail de ses parents. Pour moi, il n'y a là rien d'anormal ou d'injuste. Le souci de tout parent de léguer un héritage à ses enfants a simplement été pris en compte. Logique...

Et le fait qu'il y ait une limitation dans le temps (50 ou 75 ans), indique que le législateur a voulu différencier ce qui est artistique de ce qui est matériel. Contrairement à une création musicale, un bien matériel ou immobilier ne tombera jamais dans le domaine public.

Bref, ça me semble être un bon compromis. L'héritier direct n'est pas lésé et "l'ensemble de l'humanité" non plus (elle doit juste attendre que le premier concerné ait effectivement bénéficié de sa part du gâteau). Bien sûr, je ne parle que du principe, équitable à mon sens, pas de toutes les dérives et magouilles tordues qui peuvent en découler mais ça, c'est une autre histoire...

L'existence d'internet ne change rien à l'affaire. Si on accepte le principe de propriété, de propriété intellectuelle et d'héritage, alors il faut adapter les outils technologiques à ces principes et non l'inverse. Néanmoins, 100% d'accord avec ce qui a été dit dans un précédent post, ce qui est culturel et artistique devrait également être accessible à ceux qui ont moins de moyens. Les impôts sont proportionnels aux revenus ? Hé bien, hop, pour tout ce qui est artistique, même chose, tarifs dégressifs en fonctions des revenus ! Why not ?

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Citation :

Je n'accorde pas plus de légitimité aux uns qu'aux autres en ce qui concerne la propriété intellectuelle : si M. Peugeot est l'auteur d'une invention dans le domaine automobile, je conteste le fait qu'il puisse léguer cette dernière à ses héritiers parce qu'une oeuvre de l'esprit est selon moi chevillée à son auteur et ne peut être transférée.

Ingérable ! A partir de quand s'agit-il d'une oeuvre de l'esprit ? Jusqu'à quel point une sculpture, une texte, un tableau, un monument ou une construction d'habitation est une oeuvre de l'esprit ? Les réalisations d'un architecte (en ce compris son imagination, son talent) sont-elles plus des oeuvres matérielles que de l'esprit ? Où est la frontière ?

On en revient au fait que rien et tout fait partie du patrimoine de l'humanité, et donc si on veut pousser le bouchon un peu loin et ne pas léser l'humanité entière de tout ce qui est créé (car dès qu'il y a création, il y a oeuvre de l'esprit), alors il faut rejeter le principe même de propriété.

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Citation de Los Teignos :

Praxis, oui, encore qu'avec mes études de lettres, mon approche de la pensée de Sartre et de sa distinction Hexis/Praxis soit relativement floue.

Une solution pour pallier à ça, les 755 pages en corps 8 (c'est petit) de la Critique de la raison dialectique de Sartre à la nrf.... C'est dans le livre 1 dans De la Praxis au pratiquo-inerte, ouvrage que Sartre a écrit en s'enfilant bon nombre de pillules ou plutôt par tubes de Corydrane, pour avoir une pensée affinée, précise et agissant comme un véritable accélérateur de la pensée. 
En terme d'objet culturel, elle pèse son poids cette Critique de la raison dialectique... Tiens au fait, quels sont les héritiers/ayant droits de Sartre ? Où est-il dans le domaine public...