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Editorial du 25 octobre 2014 : commentaires

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Sujet de la discussion Editorial du 25 octobre 2014 : commentaires

Décembre 1993 : le collectif Act Up enfile un préservatif géant sponsorisé par Benetton sur l’Obélisque de la Concorde à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le SIDA. C’est ce qu’on appelle de la com’.

Octobre 2014 : Paul McCarthy installe sur la place Vendôme un plug anal vert de 24 mètres à l’occasion de l’ouverture de la Foire Internationale d’Art Contemporain. C’est ce qu’on appelle de l’art.

Vu comme ça, la différence entre com’ et art ne sautera pas plus aux yeux qu’à l’esprit : dans les deux cas, on a affaire à un objet oblong, en plastique, évoquant basiquement la sexualité humaine. Est-ce transgressif? Non, pas plus en tout cas qu’un enfant de 5 ans qui prendrait un délicieux plaisir à répéter ses premiers gros mots. Et certainement beaucoup moins que quantité d’oeuvres littéraires du 18e siècle, sur le registre de la sexualité.

Mais la chose fait débat parce que, tel un génie qu’on voudrait incompris, tel un révolutionnaire dénonçant courageusement une vérité que la société serait ‘trop prude’ pour entendre, McCarthy aurait été agressé par un ‘inconnu’ lui reprochant son ‘travail’. A n’en pas douter, cette affaire d’artiste martyr est bien commode pour promouvoir la FIAC, et doter d’un petit côté subversif ce showroom d’un Art Contemporain dont le marché a décuplé en seulement dix ans, parce qu’il est devenu l’un des plus sûr et consensuel moyen de défiscaliser les revenus d’une entreprise, mais aussi de spéculer de manière autrement moins risquée qu’avec des titres boursiers.

Il est vrai que depuis que le roublard Warhol a montré, en saccageant le pop art anglais, comme il était simple d’émasculer l’art pour en fait un produit de grande consommation, on n’est plus forcément très sûr de savoir la différence entre un publicitaire et un artiste, ou entre une oeuvre et son prix. Défendant la cause de sa mascotte, la directrice du FIAC précise : « A quoi sert l’art si ce n’est de troubler, de poser des questions, de révéler des failles dans la société ? ». Ce ne serait que cela? Vraiment? Ou s’agirait-il de fixer des critères définitoires aussi bas pour s’assurer que tout ce qui figure au FIAC trouvera preneur auprès de ses acheteurs? Que les côtes monteront gentiment pour que l’année soit plus festive encore dans les bureaux des directeurs financiers? Quel est donc cet art qui s’expose sur la symbolique Place Vendôme? Quel est donc ce supermarché condescendant qui prend des airs de musée et fait payer son entrée 40 € sous prétexte de rendre l’Art accessible à tous? Et quels sont donc ces artistes qui n’ont pas honte de participer à pareille mascarade? Qui pensent pour certains avoir accompli leur devoir en mettant un chiffre sous une oeuvre qui pose des questions, alors que le travail de l’artiste, son devoir, se situe justement dans la quête de la réponse, et qu’une oeuvre qui ne porte pas trace forte de ce cheminement n’est jamais rien qu’un travail préparatoire? Qu’a-t-on érigé Place Vendôme, enfin, si ce n’est un 4x3 gonflable si convenu et rustique dans son propos qu’il aurait pu être signé par un Jacques Séguéla qui se serait attribué le travail d’une classe d’Art Plastique de Terminale?

A n’en pas douter, les Marchands du Temple sont bien en place. Et il ne sera pas commode de les déloger vu qu’ils ont désormais l’aura du clergé comme l’appui de la plus haute bourgeoisie. Il restera au Tiers Etat à peindre ses toiles dans son coin, à sculpter dans son garage, loin de l’ogre industriel et mercantile qui les renifle de loin. Ou bien sûr à faire de la musique, en se servant du clavier plat de CME, le XKey, ou encore de cette étonnante pédale qui transforme une guitare en orgue, en écoutant le tout sur les nouvelles enceintes Alpha de Focal, vraie bonne surprise de cette fin d’année.

Sur ce, bon week et à la semaine prochaine.

Los Teignos
From Ze AudioTeam

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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?

 

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141
Citation :
Bon d'accord, j'ai tort mais deux choses : Pourquoi craignez vous alors qu'une bulle financière éclate et ratatine le marché de l'art. Votre problème de l'argent public distribué à tort sera résolu.

Moi j'en m'en fou que la bulle éclate. Au contraire, ça m'amuserait plutôt, voire même ça me réjouirait.

Citation :
D'autre part la musique se porte sans doute très bien mais il semblerait - je dois être mal informé - que bons nombres de musiciens se portent assez mal.

C'est parfaitement vrai. En même temps, j'aimerais savoir quand dans ces dernières décennies les vrais créateurs en dehors de quelques happy few ayant réussi à devenir aussi mainstream se sont vraiment bien portés.

Ce n'est pas le téléchargement qui a tué les musiciens (si on considère qu'ils sont morts, ce qui n'est pas mon cas), c'est le choix de l'industrie du disque de ne plus faire que des produits et du marketing. Les ravages de ce choix ont été masqués par une période où le remplacement des discothèques de vinyls par des CD a donné un âge d'or aux maisons de disques, mais cette politique date de bien avant le téléchargement illégal. Rappelez-vous Nougaro viré de sa maison de disque parce qu'il ne vendait pas assez.

Citation :
Et puis vous oubliez ceux qui créent et qui sont des passionnés.

Désolé, je ne crois pas qu'on "oublie". Ce n'est pas parce qu'on critique le marché de l'art hors de prix, les réseaux type Fiac (et j'y ajoute les Frac et un certain nombre de musées) qu'on jette tous les artistes avec l'eau du bain.

S'il t'arrive de fréquenter des artistes aux réussites modestes (voire qui survivent péniblement), d'aller dans les ateliers et galeries qu'on trouve un peu partout, d'aller aux expos et foires hors trucs haut de gamme pour friqués en mal de défiscalisation ou de signes extérieurs de richesse, tu sais comme moi que l'art contemporain qui se fait et qui se vend à la population en général n'a pas grand chose à voir avec ce qu'on voit à la Fiac ou que des musées achètent.

Et là, ça me pose problème : pourquoi une telle fracture ? Ça signifierait qu'on aurait un art anodin, facile d'accès et à des prix "populaires" d'un côté et de l'autre, un art haut de gamme, assuré par une poignée d'artistes à la renommée internationale, réservée à une élite dont le goût n'aurait d'égal que la taille du portefeuille (boursier) et dont la moindre oeuvre vaut plus qu'une vie de smic qui, seul, aurait de l'intérêt pour les institutions ?
142
Citation :
Il me semble que la réflexion est certes intéressante mais attention aux idées un poil...


Je soulignais l'histoire des films hollywoodiens, non parce qu'elle me semble renfermer une quelconque vérité dans l'absolu sur l'art lui même, mais qu'elle sert visiblement la construction d'un stéréotype assez étrange : j'imagine que c'est un dommage collatéral d'une politique qui a coupé l'art du public... Loin de moi l'idée de dire en tout cas que l'art est pour les riches ou les pauvres, les intelligents ou les imbéciles, si tant est que ces termes relatifs veuillent dire quelque chose.

Et pour revenir sur le sujet central de cet édito en rebondissant sur vos propos : oui, l'art contemporain a souvent fait scandale a son époque. Mais le scandale seul ne fait pas pour autant l'art et c'est ce qui m'a personnellement choqué avec l'oeuvre de McCarthy qui n'a rien de bien subversive ni scandaleuse.

Ce qui m'a choqué moi, ce n'est pas l'allusion balourde à un sextoy pour dénoncer la société de consommation de manière bien adolescente (ce n'est pas grossier, c'est juste basiquement puéril), c'est plutôt l'échafaudage médiatique qui entend nous faire croire que cette oeuvre est subversive juste pour la crédibiliser comme oeuvre d'art, et faire de la réclame pour son auteur comme pour la Foire à laquelle il participe : "Rendez vous compte, on veut museler McCarthy parce que c'est un génie de l'art!". Ben non, personne ne veut spécialement le museler parce que la brave homme donne la patte Place Vendôme sans trop aboyer sur la main qui le nourrit et qu'il peut bien gonfler 140 sapins que personne ne sera vraiment indisposé par son 'discours'. Rendez-vous compte que pour dénoncer le commerce, il se fait vendeur de chocolats. Quel courage! Quel génie! Ou quel produit?

Si tant est qu'il ait le talent de le faire, McCarthy ne peut en effet pas vouloir dénoncer la société de consommation et participer à la FIAC puisque elle EST la société de consommation. La seule voie honnête qu'il aurait pu suivre pour cela était la révolte : je n'ai pas vu l'ombre de cette dernière dans cette oeuvre ni dans le discours de "l'artiste". Ah si seulement, avec la toile de son sapin, il avait recouvert toutes les les vitrines des bijoutiers qui sont Place Vendôme, il aurait été plus crédible. Mais il ne l'a pas fait : parce que personne ne l'aurait laissé faire et que les gens qui achètent ses oeuvres sont précisément les gens qui tiennent ses boutiques ou les visitent. On ne mord pas la main qui nourrit. Surtout quand elle nourrit tout un système. Alors on leur vend des chocolats.

Voilà personnellement ce que j'ai vu dans ce sapin. Du mensonge et de la lâcheté en forme de pub pour un business. Le vrai scandale est là, et il n'a rien d'artistique, mille fois hélas.

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[ Dernière édition du message le 30/10/2014 à 21:39:57 ]

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Je vous rejoins parfaitement sur ce plan et, d'ailleurs, l'histoire de l'art montre souvent que les artistes reconnus et encensés à leur époque - que ce soient les peintres, les sculpteurs, les musiciens, ont sombré corps et âme sans laisser de grandes traces (Salieri à l'époque de Mozart par exemple et bien d'autres). Je me demandais seulement si ça valait la peine de s'indigner contre certains parce que, de même que l'asticot qui parle du suicide d'un pays, ces gens là cherchent la reconnaissance par la polémique et il me semble que la plus belle vacherie consisterait justement à les passer sous silence, eux et les cultureux en costume trois pièces qui gravitent autour. On peut imaginer - disons pudiquement que ce n'est pas exclu - qu'il existe quelque part un Mozart en herbe, un Van Gogh qui se cherche. Or parce que nous sommes tous en partie aveuglés par notre univers culturel normé, par notre environnement contraignant, il se peut qu'on ne puisse pas les repérer facilement, qu'on les mélange par erreur avec les faiseurs. Une toile de Van Gogh a bouché pendant un certain temps le trou d'un poulailler. Il a vendu je crois une seule toile de son vivant et à son frère parce que les honnêtes gens de l'époque trouvaient ça moche. D'où la méfiance de certains avant de porter un jugement. Mais peut-être est-ce important de repérer aussi les formes patentes de tricheries ... Dont acte. En tous les cas, globalement, vos éditoriaux me mettent en joie et j'approuve le plus souvent.
Michel Moglia
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Et je suis bien content pour ma part d'avoir des lecteurs de cette trempe. J'ai encore découvert plein de choses grâce aux commentaires de cet édito.

Merci les gens.

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Et moi j'ai suivi ce forum en espérant voir de nombreux plugs anal en action. Ben je reste sur ma faim icon_facepalm.gif:bravo:
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Hors sujet :
Un disciple vint interroger Lao Tseu sur les manières de nourrir le principe vital.
Lao Tseu lui répondit qu'il ne s'intéressait qu'a ce qui ne lui semblait grand, qu'il n'était donc qu'un brigand.
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Citation de le :
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Hors sujet :
Un disciple vint interroger Lao Tseu sur les manières de nourrir le principe vital.
Lao Tseu lui répondit qu'il ne s'intéressait qu'a ce qui ne lui semblait grand, qu'il n'était donc qu'un brigand.

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Hors sujet :
Qui ça ?

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Hors sujet :
Le pire c'est que demain arrive un nouvel edito et qu'on a pas encore fini avec celui là.


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Hors sujet :
Franck Lepage a droit un long et passionnant article dans le dernier numéro de Causette !

https://soundcloud.com/mark-twang-granville/albums

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Citation :
Et ça me choque d'autant plus quand la plupart des médias et des intellectuels défendent cela comme une chose vertueuse, comme une preuve de vivacité de l'Art, alors que de mon point de vue, le ver est dans le fruit.

Or ce fruit, je l'aime car si, à bien des égards, l'humanité a produit bien des choses discutables au cours de son histoire, l'art demeurait jusqu'alors ce qu'elle avait accompli de plus beau, de plus élevé. Salir ça m'attriste profondément et mon indignation motivant cet édito venait de là.


Mais il n'y a là rien de nouveau. Certains esprits vulgaires n'ont pas d'autre ressource, pour exister ou en avoir le sentiment, que de réduire l'ensemble de ce qui se présente à leur portée aux catégories qu'ils connaissent ou pensent maîtriser.
Ne nous étonnons pas que les marchands aient fait de l'idée d'art une marchandise propre à rien d'autre que conforter l'idée vulgaire et pécuniaire qu'ils se font de tout valeur, et qu'ils prouvent la validité de leur supposition stupide en l'utilisant de la manière qu'on sait.
Aussi bien, ce n'est pas grave ni nouveau: De tous temps les crétins, à propos d'art et d'oeuvres, se sont enthousiasmés de tout ce qu'il pouvait y avoir là-dedans de secondaire et de circonstanciel, y compris à propos d'oeuvres de valeur véritable: le style, la nouveauté, le format, la technique employée, le réseau d'appuis de l'artiste, sa renommée, et toutes ces fadaises.
Un vieux proverbe dit avec obstination "quand le doigt montre la lune, l'imbécile regarde le doigt", montrant ainsi que les sociétés humaines ne cessent de trébucher sur les mêmes tapis culturels, depuis toujours.

On a malheureusement oublié l'hilarant épisode artistico-financier des portraits de tulipes en Hollande au 16e siècle, je crois, qui pourrait nous montrer avec drôlerie que les cons d'aujourd'hui ne sont ni différents ni plus originaux que ceux d'hier, nonobstant le sentiment aigu que nous avons fatalement de notre grande originalité, et qu'ils sont toujours punis de la même façon...

Allez, bisous. Ne nous déchirons point à propos de sottises. Laissons les sots faire leurs affaires entre eux, et continuons, pour nous, à nous appliquer au travail difficile d'aiguiser notre sensibilité à certain parfum d'outre-monde...
Au bout du compte, comme toujours, la muse reconnaîtra les siens.

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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.

[ Dernière édition du message le 03/11/2014 à 10:59:44 ]