Partenaire du tremplin Music On Stage 2017 organisé par Star’s Music, Audiofanzine revient sur le déroulement de l’événement et sur quelques rencontres intéressantes faites à cette occasion.
Écriture, répétition, concert, enregistrement : ce sont a priori autour de ces quatre activités que tourne, dans l’idéal, toute la vie d’un musicien. À l’heure d’Internet et de l’autoprod, bien d’autres choses viennent toutefois s’inscrire dans le quotidien d’un groupe ou d’un artiste qui n’a pas été encore pris sous l’aile d’une maison de disque. De la communication sur les réseaux sociaux au merchandising, de la réalisation de clips ou de pochettes au booking de concerts, de la compta au webmastering ou aux relations presse : il faut désormais savoir tout faire, bien au-delà de la musique, pour faire avancer son projet. Là-dedans, les tremplins sont un exercice intéressant pour les artistes et groupes car, outre un éventuel prix à gagner, c’est l’occasion de se confronter au regard de professionnels, de valider la direction poursuivie, mais aussi de faire parler un peu de soi et de faire un bon concert en cas de victoire.
C’est précisément dans cet état d’esprit qu’un millier de groupes et d’artistes ont posé leur candidature au tremplin Music On Stage 2017, organisé par les magasins Star’s Music en partenariat avec de nombreux acteurs, dont Audiofanzine. Une bonne occasion de voir comment se déroule un tremplin de l’intérieur et de faire quelques rencontres ô combien intéressantes.
La dure loi du casting
Si la présélection des groupes s’est faite par le biais de MP3 ou de vidéos, ce n’est vraiment qu’au Studio bleu que les choses vont se corser pour les dix finalistes qui ont dû se plier aux dures lois du casting. Chaque groupe disposait d’à peine une demi-heure pour s’installer et faire la balance, et d’une grosse vingtaine de minutes pour balancer un miniset face au seul public du jury sous les néons d’une salle de répet. Pas le temps de se chauffer, de prendre l’ambiance de la salle ni de s’appuyer sur un public : il faut répondre présent de son mieux, gérer son trac comme on peut dans ce qui se trouve à mi-chemin entre un concert et un entretien d’embauche, malgré toute la bienveillance du jury.
L’exercice est difficile et, reconnaissons-le, ingrat pour les groupes qui ne seront pas retenus à l’arrivée mais auront parfois traversé la France pour cette seule demi-heure d’audition. Il a toutefois le mérite de révéler assez vite les qualités et défauts des différents prétendants. Au-delà du style musical, au-delà même de la qualité des compos et des pains ou des faussetés traînant ça ou là, on ne s’étonnera guerre de constater que les groupes les plus expérimentés sont ceux qui s’en sortent le mieux, parce que les titres sont en place, d’une part, mais aussi parce qu’on sent une réelle connivence entre les musiciens, une cohésion de groupe, et que l’effort disparaît sous le plaisir de jouer.
Même si la performance qui s’offre au jury est le fruit de centaines voire de milliers d’heures de travail, quelques groupes parviennent en effet à rendre tout cela fluide et spontané, à transformer la salle de répét en salle de concert, prenant possession du lieu et allant chercher le jury comme n’importe quel autre public. Et ça paye face à d’autres formations qu’on sent parfois trop appliquées, distantes et concentrées sur le désir de bien faire, usant de gimmicks scéniques qu’on remarque comme des traits de fusain mal recouverts par l’huile du tableau, et dans lesquelles on se surprend à écouter le jeu d’un musicien en particulier parce que la mayonnaise d’ensemble a du mal à prendre.
À l’issue de la journée d’audition et à la lueur de ces considérations, les délibérations ne prêtent pas à de grands débats et les noms des trois vainqueurs sortent assez facilement du chapeau : Jet Banana, Nazca et Space Alligators.
Outre la satisfaction de voir leur travail récompensé, il reste à ces groupes à profiter de leur prix : une séance de coaching vocal avec Guillaume Coignard, une séance de coaching numérique avec Mathieu Rousselot de Tunecore et un concert dans la belle salle du Divan du Monde à Paris.
Veni, classici, vici
Trois vainqueurs donc, à commencer dans l’ordre alphabétique par Jet Banana, un quatuor de Meaux qui revendique des influences 60’s/70’s anglaises comme américaines (Beatles, Stones, Led Zep mais aussi Motörhead
ou Brian Jonestown Massacre) et qui produit un power rock mêlant énergie Grunge et mélodies pop avec beaucoup d’à propos et d’attitude.
Changement d’ambiance avec les Lyonnais de Nazca : 2 filles et 2 garçons dont les titres résolument acoustiques naviguent entre folk et musique des quatre coins du monde mêlant harmonies vocales, ukulele et percussions au sein de compos réellement solaires et oniriques. En français, anglais ou espagnol, le groupe nous fait voyager sans que l’on ne puisse jamais bien situer l’ailleurs où il nous emmène sur une carte. Et c’est tout ce qui fait le plaisir de la ballade.
On revient enfin au rock avec les Lillois de Space Alligators qui s’aventurent quant à eux sur les terres de Franz Ferdinand ou Kings of Leon mais aussi… Gush ! Le power trio propose ainsi des compos aussi élégantes qu’énergiques dans le plus pur style britannique et avec ce qu’il faut de perlimpinpin disco pour faire taper du pied.
C’est donc un beau programme qui s’annonce pour le divan même s’il faut avant cela passer par la case coaching dans les beaux locaux du centre de formation Abbey Road Institute France (qui ne sont autres que le Studio Omega). Au menu pour commencer : coaching vocal avec Guillaume Coignard.
Profession de voix
Chanteur à la base (on le trouve au casting de nombreuses grosses comédies musicales) mais aussi choriste (Vanessa Paradis, Benjamin Biolay et Grand Corps Malade), Guillaume est aussi et surtout prof de chant, directeur et coach vocal (Izia Higelin, Anaïs Delva, Asha, etc.). Il a enfin participé à quelques gros télé-crochets en tant que coach (Star Ac, Rising Star) et comprend parfaitement les problématiques de l’artiste comme ceux de l’industrie dans laquelle il évolue.
Bref, un homme aux nombreuses casquettes qui va, l’espace d’une heure pour chaque groupe, prodiguer quelques conseils à des chanteurs qui sont pour la plupart complètement autodidactes et doivent gérer bien d’autres choses au quotidien que leur seul rôle de vocaliste. Un coaching qui prend d’ailleurs parfois la forme d’une piqûre de rappel sur le travail de base à fournir au quotidien, comme le souligne Navid de Nazca : « Ce sont des choses que l’on sait devoir faire : s’échauffer, avoir de la rigueur dans le travail. Mais entre nos métiers et le fait de devoir gérer plein de choses dans le projet musical, on oublie parfois de faire nos vocalises, nos gammes, etc. »
C’est sur ces aspects mais aussi sur le difficile art du chant et les différents métiers qu’exerce Guillaume que nous avons pu revenir en sa compagnie.
Du buzz au biz
Après avoir donné de la voix, nos trois groupes ont rendez-vous avec le conseiller d’orientation en la personne de Mathieu Rousselot. Brand Manager pour la plateforme de mise en ligne de musique Tunecore, Mathieu a auparavant travaillé chez Wagram comme chez Deezer et bénéficie donc d’une bonne vue d’ensemble de l’industrie du disque, et des étapes nécessaire à l’évolution d’un projet. L’occasion est donc donnée à chacun de faire le point sur ses ambitions, sachant que les groupes n’en sont pas tous au même point. Même si cela se traduit par une certaine précarité, Jet Banana est ainsi la seule formation dont les membres se consacrent à plein temps au projet tandis que chez Nazca ou Space Alligators, il faut arriver à composer avec les impératifs d’une « autre » vie professionnelle… qui ne manque pas forcément d’intérêt. Les Space Alligators tirent ainsi autant qu’ils peuvent sur la corde du temps libre tandis que seuls deux des quatre membres de Nazca ont pu assister au coaching car il n’est pas possible de poser des jours comme on le souhaite dans l’éducation nationale. Une situation parfaitement résumée par Gauthier (Space Alligators) : "Quand on a le temps de tout gérer, c’est beau. On peut se dire : c’est notre projet et il ne repose que sur nous. Mais à présent qu’on a moins le temps [NDR : Nathan, le batteur, encore récemment étudiant a rejoint ses deux accolytes dans la vie active de sorte que, comme ses collègues, il dispose de moins de temps pour gérer la logistique et la com du groupe], on se dit que c’est bien de vouloir tout gérer, mais qu’on est moins efficace sur le live et la musique alors que c’est ce qui est le plus important pour nous.
Tous s’accordent donc sur un point : l’évolution du projet passe par le fait de s’entourer pour se décharger du gros travail qu’implique le fait de s’autoproduire. Même chez Jet Banana qui consacre tout son temps à son projet, on reconnaît en effet que l’on passe souvent bien plus de temps à s’occuper des à-côtés de la musique (communication, réalisation de clips, organisation, etc.) qu’à jouer et écrire de la musique (plus de 80% parfois). Pouvoir se décharger de certaines tâches devient ainsi une priorité, même s’il faut apprendre à déléguer et s’il faut bien comprendre le rôle de chaque intervenant. Mathieu Rousselot expliquera ainsi au groupe que ce n’est pas le label qui est en charge de la promotion des artistes mais bien le distributeur. L’info est d’autant plus précieuse que, comme le souligne Fred, le chanteur du groupe « Il faut bien cibler les raison que l’on a de faire quelque chose avant de se lancer connement dans le truc. C’est comme pour l’enregistrement : on n’enregistre pas un CD juste pour le fait de l’enregistrer, ce qu’on a fait comme bourde à nos débuts. Ca doit être fait pour une bonne raison. » Et s’inscrire dans un retro-planning serait-on tenté d’ajouter.
Entre deux séances de coaching, nous en avons profité pour interviewer Mathieu Rousselot au sujet des mutations perpétuelles du monde de la musique et du rôle des artistes au milieu de tout cela.
Sauter à pied joint sur le Divan
La plus grande récompense, c’est toutefois au Divan du Monde que les trois groupes iront la chercher, une salle qui a vu défiler les Gainsbourg, Balavoine et autres Dalida et construite sur l’emplacement d’un cabaret où se pressaient autrefois Degas, Toulouse-Lautrec et même Charles Baudelaire. Demeuré pendant quelques années un lieu d’accueil pour les artistes de World Music, la salle entame d’ailleurs un retour vers la chanson française et le concert final de ce Music on Stage sera donc la dernière occasion pour entendre chanter en anglais au Divan avant longtemps.
En coulisse, la tension est palpable et, entre concentration et déconnade, chacun cherche à évacuer son trac comme il peut à mesure que la salle se remplit : les batteurs tapent nerveusement sur tout ce qui est à portée de main ou de baguette, on procède à quelques répétitions de chœurs… Vient enfin le moment aussi redouté qu’attendu de rentrer dans l’arène.
C’est aux Space Alligators qu’a été confié le soin d’ouvrir le bal. Les trois mousquetaires ne déçoivent pas et envoient un set parfaitement exécuté où le groupe se lâche nettement plus qu’au casting. L’énergie est là, communicative, et la qualité d’écriture des compos fait le reste. Un rock élégant servi par trois performers au taquet qui donnent tout ce qu’il faut donner. Un vrai régal à voir.
Nazca n’aura pas à souffrir de la comparaison et nimbés de lumière blanche, les quatre lyonnais posent d’entrée de jeu les bornes du vaste territoire musical qui est le leur. Des percus aux accents tribaux aux harmonies vocales délicates tissées par les chanteuses, on navigue entre ciel et terre en suivant le fil d’un ukulélé, d’une guitare ou d’un celesta. Le paysage défile et les chansons ont cette évidence qui fait qu’on a le sentiment de les connaître dès la fin du premier refrain. Un parfait bol d’air avant de repartir dans le déluge sonore qui suit.
C’est aux Jet Banana que revient l’honneur de clore le concert et de prononcer ce qui sera le dernier mot anglais avant longtemps dans la salle du Divan : Fireball ! Fidèle à ce qu’il avait montré lors des castings, le groupe envoie le boulet avec maestria et beaucoup de présence. Une reprise de Led Zep ? Même pas peur, le plus remarquable étant que les titres du groupe tiennent sans rougir la comparaison. Il y a tout ce qu’on peut attendre d’un concert rock : de bonnes chansons, de la dinguerie, du charisme et ce qu’il faut d’énergie pour faire bouger la tête ou lancer un pogo dans la fosse.
Bref, la fin idéale pour un tremplin qui a parfaitement rempli son rôle en mettant un coup de projo sur 3 groupes ô combien prometteurs.
On les suivra donc de près sur leurs espaces respectifs : C’est ici que ça se passe pour Jet Banana, là pour Nazca et encore là pour Space Alligators.
Un immense merci à :
Jet Banana, Nazca et Space Alligators
Guillaume Coignard et Mathieu Rousselot
Toute l’équipe de Star’s Music et notamment Julie de Smedt et Marion Cornudet
Abbey Road Institue France
Le Divan du Monde