réactions à la news Commentaires sur la news : The Velvet Sundown, AI AI AI

et donc tu l'as acheté? Il doit valoir une blinde pour son caractère unique, du coup

Très bien vu, la consanguinité. Le gros animal de Platon, celui qui se nourrit de ses propres déjections.

En explorant les grandes plateformes de streaming, Le Monde a identifié plus de cinquante « groupes » susceptibles de générer leur musique à l’aide d’une IA. [...]. Deezer, qui utilise un instrument interne pour les repérer, estimait en janvier l’arrivage quotidien à 10 000 morceaux. Il est aujourd’hui d’environ 20 000 nouveaux titres, juge la société française, soit 18 % de la musique mise en ligne chaque jour sur la plateforme.

Un phénomène potentiellement sous-estimé – il est possible d’échapper à la vigilance de cet outil – et qui concerne toute l’industrie : les services Spotify ou Apple Music, qui n’ont pas souhaité s’exprimer sur le sujet, partagent sensiblement les mêmes catalogues.

Derrière ces millions de morceaux générés par IA se trouve bien souvent Suno, une start-up américaine dont la popularité a explosé depuis son lancement, en décembre 2023, et qui permet de créer une chanson en donnant simplement quelques instructions. Entraîné sauvagement sur des millions de morceaux et visé par plusieurs actions en justice pour violation de droits d’auteur, ce service compte aujourd’hui plus de 50 millions de visites mensuelles. Dans sa version payante, il donne aux utilisateurs tous les droits commerciaux sur les chansons qu’ils génèrent [...]

L’année 2025 est prolifique pour Etta Mae Hartwell. En quelques mois, la jeune chanteuse de soul a sorti deux albums et une compilation, disponibles sur les principales plateformes de streaming, comme Spotify, Deezer, Tidal ou Apple Music. Et sur YouTube, où elle accumule plus de sept millions d’écoutes, elle récolte des commentaires dithyrambiques. Mais quelque chose cloche. Sur un forum de discussion, un internaute émet des doutes : « Tidal m’a recommandé cette artiste hier, mais je ne trouve aucune info sur elle. Est-ce une vraie personne ? »

De fait, Etta Mae Hartwell n’existe pas. Sa voix – mais aussi les instruments qui l’accompagnent –, a été entièrement générée à l’aide d’un outil d’intelligence artificielle (IA) par Ersan Genç, un passionné résidant en Turquie. L’homme, qui cherchait initialement à « expérimenter pour le plaisir », gère d’ailleurs plusieurs musiciens fictifs du même genre, dont une autre chanteuse de soul anglophone nommée Layla Vaughn.

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Ces dernières années, les plateformes de streaming avaient déjà pris l’habitude de se battre contre les petits malins qui cherchent à se faire un peu d’argent en mettant en ligne de faux albums, à base de sons de pluie ou de bruit blanc. « Mais ce n’était pas de la musique, explique Aurélien Hérault, directeur de l’innovation chez Deezer. Or, grâce à l’IA, maintenant, on peut générer des catalogues qui sont complètement réalistes. Plus la peine de s’embêter à enregistrer des bruits de tondeuse ou des bruits aigus, il suffit d’aller sur Suno et on fait un catalogue complet qui ressemble aux Beatles. »

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L’immense majorité des personnes se cachant derrière ces faux groupes et interrogées par Le Monde n’ont pas de formation musicale. Mais toutes défendent une forme de création artistique, avec un argument qui revient sur toutes les lèvres : elles rédigent elles-mêmes les paroles. « Toutes mes chansons sont à 100 % écrites par moi-même – aussi bien les textes que la direction créative », assure ainsi le créateur du faux groupe de rock Eurozia, qui affirme vivre en Suède.

Chacun défend un projet initialement nourri par l’envie de créer et de partager. « Je voulais donner vie aux chansons que j’avais écrites sans le coût trop élevé qu’impliquerait le fait de recruter des chanteurs et des musiciens », retrace Terry LeDoux, cerveau d’Unbound Music, un groupe factice de rock américain. [...]

Certains se montrent transparents, comme Terry LeDoux, clarifiant sur leur page que la musique est générée par IA. Mais d’autres ne se donnent pas cette peine. « Va te faire foutre », nous a ainsi répondu, laconique, la personne à l’origine du groupe de « dark country » DV8, qui ne mentionne nulle part son origine synthétique et dont le nom renvoie à un ancien groupe de rock alternatif américain.

Or le risque de voir son identité usurpée sur les plateformes de streaming est réel. En témoigne l’exemple d’Atomship, un groupe de metal qui a cessé son activité depuis au moins cinq ans. Au mois de mai, sur leur page Facebook, ces musiciens américains ont averti que trois albums avaient été publiés en quelques mois en s’appropriant leur nom, tous identifiés par Deezer comme recourant aux IA génératives.

Si tous ces morceaux parviennent à se frayer un chemin jusqu’aux géants comme Spotify et Apple Music, c’est grâce aux distributeurs DIY (« Do it yourself »), conçus pour les amateurs. Sur la cinquantaine de groupes identifiés par Le Monde, l’immense majorité provient de Distrokid, leader mondial avec un catalogue de deux millions d’artistes, qui se vantait en 2021 de distribuer entre 30 % et 40 % des nouveaux morceaux mis sur le marché. Sollicitée à plusieurs reprises, la société n’a pas répondu aux questions du Monde.

Alors, chez Deezer, on se demande si le flux croissant de morceaux synthétiques ne pourrait pas, à terme, ensevelir tout le reste. « Est-ce qu’on a envie d’avoir 50 000 titres par jour générés par IA disponibles sur les plateformes ? Peut-être que la réponse est oui, mais peut-être aussi qu’il faut trouver un juste milieu », s’interroge Aurélien Hérault.

Si sa plateforme a exclu les morceaux générés par IA des playlists officielles du service, nerf de la guerre du streaming, ce n’est pas le cas partout, comme l’a constaté Giampaolo Pasquile, producteur du label JustPushPlay. [...]

D’après lui, pas d’autre choix que de s’y mettre à son tour : « J’avais peur de perdre mon entreprise, et au lieu de m’inquiéter, j’ai voulu voir comment ça fonctionnait de l’autre côté. » Son projet soul inspiré des années 1970, The Smoothies, créé à l’aide de Suno, part d’un réel amour pour le style musical et contient, assure-t-il, des pistes jouées et enregistrées personnellement. Il concède que la centaine de morceaux de ce groupe fictif représente aujourd’hui 20 % de ses revenus.