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LeGrosChat
« Un beau monstre des années 80 ! »
Publié le 09/02/17 à 06:47
Rapport qualité/prix :
Excellent
Cible :
Les utilisateurs avertis
Pourquoi un monstre ?
Eh bien, jetez un petit coup d'oeil aux photos pour une première idée !
D'abord ses mensurations : un grand panneau de 34x44cm en pan incliné (à 8°, pour les amateurs de détails) sur 9cm de hauteur en partie arrière, pour environ 3.8kg sans son alim 12Vcc. Avec ces dimensions, le bestiau rentre tout juste dans un emplacement de rack 2U, serait-ce un hasard ?
Grâce au biseau sous la partie avant du panel on peut incliner la machine pour la caler sur un angle de 20° par rapport au plan de travail. Ça améliore nettement la lecture du petit LCD rétroéclairé quand on est assis devant pour bosser en studio. Pas bête !
OK, c'est donc un tank, ou plutôt un porte-avions , et même éteinte, elle est déjà méchamment impressionnante. Mais c'est une erreur de croire qu'elle est toute en métal. Seuls le fond et une partie des côtés sont en tôle pliée. Le panel est en une sorte d'ABS noir mat épais et rigide, typique au matériel pro Yamaha de cette époque.
Ensuite, on va pas se mentir : une BàR de ce format avec une cinquantaine de boutons en façade dont 24 pads d'instruments, 12 sorties séparées avec chacune leur slider de mixage et surtout une notice en français de 84 pages, on est pas chez Fisherprice.
Là on pose les doudous et on crache la sucette : c'est du sérieux !
Mise en route, test des pads :
Les boutons en plastique dur claquent en s'enfonçant sans effort. La robustesse légendaire des produits Yamaha vintage est bien au rendez-vous avec un astucieux système de butée interne sur les pads, indispensable pour que leurs switchs puissent résister indéfiniment aux zicos qui tapent comme des bourrins. Du coup, ça facilite énormément la précision de la frappe en RealTime car la sensation est franche avec une course faible et un contact sans rebond, même si c'est plus bruyant que des pads en silicone.
J'ai lu dans un autre avis que ce RealTime ne répondrait soit-disant pas "à la milliseconde"... Mort de rire !
On trouve aussi une fonction Swing qui m'a modérément convaincu, destinée bien sûr à "humaniser" les patterns un peu à la façon des Groove/Shuffle des Roland, mais c'est surtout difficile de ne pas apprécier la souplesse de programmation des mesures et leur nombre maxi possible par pattern (théoriquement jusqu'à 99, si le taux de mémoire libre le permet). En effet, le nombre de temps par mesure peut être librement choisi au lieu d'être préprogrammé comme sur beaucoup d'autres BàR concurrentes : les adeptes du jazz et du rock-progressif vont donc se régaler à se tricoter des songs avec des rythmiques impaires parmi les plus furieusement biscornues (à coups de 7/4 et de 11/6 ) et des breaks complètement casse-gueule enfin taillés dans le bronze immuable de la programmation informatique. De quoi motiver les zicos les plus autodidactes d'aller prendre des cours de solfège !
On est donc clairement sur du matos de grande qualité, très bien conçu par et pour de vrais pros, capable de satisfaire les zicos les plus exigeants et construit pour durer des décennies sans craindre les barbares...
Joli bilan jusqu'à présent !
Et les sons ?
Ben voilà, c'est les 80's flamboyantes et la New-Wave dans toute sa splendeur avec New Order, Pet Shop Boys, OMD, Cocteau Twins, Depeche Mode, mais aussi A-Ha, Madonna, Prince et Vangelis dans d'autres genres parmi ses célèbres utilisateurs. Excusez du peu !
C'est très connoté, comme on dit quand on est en smoking avec une coupe de champagne à la main (non, c'est même pas un gros mot ). Et certains râleurs vont même hurler que c'est ringard. On se calme... Chacun ses goûts, point barre !
Pour autant, côté sons d'origine, et même si on ne les aime pas, tout n'est pas perdu car la bestiole a de la ressource pour se faire pardonner. D'ailleurs, malgré tout ce qu'on pourra en dire, ils sonnent plutôt bien pour des samples de cette génération (en 12 bits) et ont une bonne pêche dans l'ensemble, d'autant que certains d'entre eux ont été samplés avec un poil d'effets, ce qui ne gâte rien.
La RX5 est déjà parfaitement utilisable sans aucune cartouche grâce à une palette suffisante de sons internes en ROM. Un bon exemple du sympathique SynthMania sur Youtube sera plus explicite : https://www.youtube.com/watch?v=SHFbJKKze4E.
La fameuse cartouche fournie d'origine à l'époque n'est donc là que pour apporter une petite trentaine de sons supplémentaires plus ou moins indispensables, qu'on peut alors entendre dans plusieurs patterns de démo (préprogrammées en ROM et rechargées automatiquement en cas de réinitialisation de la machine), mais dont certains d'entre eux sont tellement kitsch qu'on aura du mal à les utiliser ailleurs (Gun, Wao, Ooo... ), à moins de leur faire subir une sévère édition interne dans un grand élan créatif. N'oublions pas non plus qu'avec 24 pads disponibles (identifiés de A à X) et 12 sorties séparées, on peut envisager tranquillement en réserver au moins 1 ou 2 pour des sons de malades complètement barrés avec quelques pédales d'effets en prime sur leur(s) sortie(s) audio !
Et justement, parlons maintenant des fonctions Edit Voice : elles permettent de triturer chaque sample de la ROM et de la cartouche : inversion de lecture, rebouclage, modif d'enveloppe, pitch et bend (on peut même modifier cela d'un step à un autre dans une même pattern). Ici, Yamaha a repoussé les limites vraiment très loin, et on ne peut que l'en féliciter, même si l'interface d'édition est peu conviviale.
A l'opposé des "Poum/Tchak/Bzz/Fzzzz" figés ou faiblement éditables de nombreuses autres BàRs de l'époque, cette RX5 permet donc à l'utilisateur averti de construire des parties rythmiques avec des timbres totalement inhabituels de façon complètement autonome.
C'est donc une franche invitation à exprimer librement sa créativité personnelle.
La preuve : https://www.youtube.com/watch?v=HgsjvJ2nl8E
Avec les 12 sorties séparées et leurs sliders de volume, on peut évidemment appliquer individuellement à chaque type d'instrument un effet externe supplémentaire, si besoin : distorsion, filtrage, compression, equalisation, reverb, etc... Ou encore paramétrer séparément cela en Aux ou en Insert sur la table de mixage chargée de la sommation des voix de la RX5.
Alors, qui c'est qui hurle encore que ce monstre est ringard ?
Passons au MIDI, maintenant !
Sur les BàR "classiques", les fonctions MIDI se résument le plus souvent aux incontournables commandes d'entrée/sortie en canal 10 pour le MTC d'une part et pour les notes par pad d'autre part, standardisées aux valeurs fixées par la norme GM (ou XG).
En revanche notre monstre, malgré sa trentaine d'années, est un vrai démon du MIDI !
En plus des habituelles commandes MTC, la RX5 est effectivement capable de se comporter en entrée MIDI comme un rompler pouvant jouer chacun de ses samples internes avec un pitch calé à la hauteur des notes reçues depuis un clavier-maître. Là aussi une petite vidéo pour l'exemple : https://www.youtube.com/watch?v=MDcZyqZpzLA. Mais surtout grâce à la souplesse de son paramétrage, d'agir en sortie MIDI comme un véritable séquenceur multicanal, en attribuant à chacun de ses 24 pads n'importe quelle note (de C1 à C6) sur n'importe lesquels parmi les 16 canaux. Du coup, elle peut librement piloter des expandeurs et/ou des sampleurs externes autant pour jouer une ligne de basse et/ou une section de cuivres que pour disposer enfin d'un très large choix de drumsets en tous genres (jazz/rock/metal/afro/latino/orchestral/etc). On en viendrait presque à regretter qu'il n'y ait qu'un seul MIDI Out à l'arrière !
J'en ai donc profité pour exploiter directement les très bons drumsets de mon E-MU Orbit (et ses 6 sorties séparées supplémentaires) et bien sûr une série de samples persos (retravaillés chacun avec sa petite section d'effets intégrée) sur mon Zoom ST224, au lieu de me contenter seulement des sons d'origine de la RX5, même copieusement édités "comme il faut". Et là, je peux vous assurer qu'au niveau de la palette quasi infinie de sons disponibles maintenant, c'est même plus une tuerie, mais carrément un génocide !
La question qui tue :
Mézalor, à quoi sert cette énorme BàR si on n'utilise (presque) plus ses sons internes ?
...Eh ben, la réponse c'est le WORKFLOW !!!
Chaque instrument de musique et chaque logiciel (DAW ou autre), est conçu selon une ergonomie et une logique de travail qui correspond à une certaine forme de raisonnement chez l'utilisateur pour s'y adapter : c'est ça le workflow ! Ouais, je sais, les mots "anglais" en musique, c'est comme en marketing : même quand ça devient carrément ridicule quand il en y a trop, ça le fait toujours un peu, quand même...
...Donc, justement, le workflow de la RX5 me convient parfaitement !
Quand j'ai voulu composer ma première pattern sur la RX15 de mon groupe, il m'a fallu moins de 10 mn sans la doc pour maîtriser le RealTime associé à son Quantize. C'est parce que c'est juste pour moi la façon la plus naturelle et la plus spontanée pour travailler, et je pense que nous sommes probablement très nombreux dans ce cas.
La logique de conception, dans ce domaine, spécifique à la gamme des RX de Yamaha, fait que je peux prévoir chaque fois le résultat de ma programmation, contrairement à celle de la groovebox Roland MC303, par exemple.
Du coup, quand j'ai acheté la RX5, j'y ai immédiatement retrouvé mes habitudes de travail prises sur la RX15, aussi confortables que de vieilles pantoufles...
Au point qu'il m'est déjà arrivé de composer sur ma RX5 une rythmique un peu complexe "au feeling" avec son RealTime quantisé, puis la retransmettre en MIDI sur l'ordi pour la décomposer visuellement et mieux la comprendre. J'aurais peut-être pu faire la même chose directement sur le logiciel en temps réel avec une surface de contrôle, mais je préfère de très loin la diabolique précision de jeu de ces foutus pads en plastique dur qui claquent bruyamment, plutôt que taper sur des pads en gomme (même sensibles à la vélocité) !
Des reproches ?
Oui quand même, parce que nul n'est parfait : j'admets volontiers que le mode d'édition et de paramétrage en profondeur sous forme de "jobs" à la mode Yamaha avec ses menus et sous-menus est assez rébarbatif et finit par devenir carrément fastidieux à la longue, surtout quand on doit reprendre plusieurs fois une série de sons à corriger. D'autant que je n'ai jamais trouvé d'éditeur logiciel pour la RX5, et que le petit écran LCD à 2 lignes ne permet malheureusement aucune vue d'ensemble du travail en cours. Mais bon, à défaut d'autre chose, on fait avec...
Donc, cette RX5 dispose bien d'un excellent potentiel de programmation (des patterns) et d'édition (des sons en ROM et du MIDI), mais qui se fait chèrement payer en retour par de nombreux efforts de patience, de ténacité et de clairvoyance de la part de son utilisateur.
Derniers détails, j'ai lu sur les forums que des possesseurs de RX5 avaient parfois des bugs à l'allumage. Ça peut venir d'un faux-contact de la cartouche, ou de l'effondrement du 12Vcc lors d'un fort appel de courant au boot de la RX5.
Ces cartouches n'ont hélas aucun système de verrouillage : l'astuce du jour c'est donc un petit boudin de PataFix collé autour pour la bloquer en place. Pas beau, mais efficace !
L'autre conseil perso est de vérifier son bloc-transfo d'alimentation secteur. Surtout si c'est celle d'origine. Avec les alims vintage, leurs condensateurs électrochimiques sont généralement très fatigués après une bonne trentaine d'années d'existence. Or, cette RX5 mérite largement qu'on investisse 20 ou 30€ dans une bonne alim neuve de marque, capable de fournir au moins 1.5A sous 12V continus, comme celles qu'on trouve régulièrement pour les routeurs, imprimantes, etc... Vérifiez surtout, avant achat, que la polarité et les connecteurs sont exactement les mêmes que l'ancienne.
Accessoirement, un filtre anti-surtensions et un filtre antiparasites EFI/RFI (type Schäffner) sont toujours utiles pour protéger l'ensemble de votre cher matos adoré contre les petits incidents quotidiens du courant secteur, bien que cela ne soit quand même pas suffisant en cas de foudre...
Voilà !
Rapport qualité/prix :
C'est une BàR professionnelle résolument haut-de-gamme, fiable, robuste et bien conçue, sortie en 1986 à un prix élevé, mais parfaitement cohérent par rapport à ses prestations exceptionnelles pour l'époque. Aujourd'hui elle est complètement démodée par une palette sonore trop typique, et un mode de paramétrage avancé particulièrement rebutant à l'usage, le tout aggravé par un affichage LCD très classique pour l'époque, mais trop minimal pour être à la hauteur de ses excellentes performances et de ses étonnantes capacités d'édition, des défauts qui pénalisent d'autant plus sa cote actuelle.
Donc à mon avis, son rapport qualité-prix est exceptionnel, surtout comparé à un bon nombre de TR de la même époque, ce qui en fera une excellente affaire, mais pas auprès de n'importe quel acheteur :
- Surtout pas pour un jeune débutant habitué aux larges interfaces graphiques tactiles, extrêmement user-friendly : il se lassera vite de ces sonorités très datées et sera complètement rebuté par cet afficheur minimaliste qui rend tout de suite fastidieuse toute tentative d'édition. D'ailleurs, existe-t'il au moins un éditeur logiciel pour cette bécane ?
- En revanche, pour l'amateur d'analos et numériques vintage qui a déjà une certaine habitude de cette génération de machines peu conviviales à paramétrer, il trouvera à peu de frais une puissante BàR professionnelle de grande qualité aux excellentes capacités d'édition des sons en ROM, mais surtout un complément idéal à un expandeur spécialisé (E-MU Pro-Cussion) ou un sampleur, grâce à une implémentation MIDI complète et performante, avec en prime un panel arrière généreusement équipé, dont, entre autres, des E/S en mode gate pour des interconnexions avec d'autres BàRs vintage et des synthés (semi-)modulaires.
Est-ce que cette bécane vaut toujours le coup aujourd'hui ?
A l'époque de la flamboyante New-Wave de ma jeunesse insouciante, si j'en avais eu les moyens, je l'aurais achetée les yeux fermés sans aucune hésitation !
Aujourd'hui, en toute honnêteté, si je n'avais jamais encore utilisé une RX5 par le passé, je ne sais pas si je l'achèterais... Ni peut-être même plus généralement une autre BàR hardware, d'ailleurs !
Parmi les boites à rythmes, cette RX5 est un instrument imposant et relativement démodé, fortement daté à cause de son interface plutôt austère et des sonorités de base fortement typées de son drumset initial. Si on y rajoute une ergonomie de l'édition des sons assez rebutante et un affichage LCD alphanumérique minimal, incapable de fournir une bonne vision globale des paramètres sonores, cela n'en fait pas une machine particulièrement attrayante, loin de là !
Bref, pas vraiment une machine pour débutant, que ce soit pour les jeunes ou pour les autres !
Des spécificités qui la rendent hélas peu compatible avec un environnement de création musical actuel, généralement à base de DAW, avec de très nombreuses banques de samples, un affichage graphique coloré avec une interface "user-friendly" et sans oublier une jolie surface de contrôle tactile...
Ce n'est pourtant pas le cas chez moi, et mes vieux ordis servent surtout aux éditeurs logiciels pour mes expandeurs et synthés, mais aussi, par facilité, pour quelques logiciels de BàR lecteurs de samples...
En conséquence, la présence de cette grosse RX5 sur mon plan de travail me paraît souvent de moins en moins indispensable et de plus en plus encombrante...
En revanche, si je devais la revendre, je sais que je regretterais beaucoup son excellent mode RealTime quantisé qui me permet de créer des rythmes très spontanément sans jamais ralentir la fragile inspiration du moment. ...Rajoutons-y à un nombre de pads très confortable, une implémentation et un paramétrage MIDI qui pourrait mettre la pâtée à certaines groovebox, qui plus est, et le vilain petit canard se transforme enfin en cygne majestueux !
En fait, un workflow comme celui de la RX5 (et quelques autres RX de cette époque), je ne l'ai pas encore trouvé ailleurs . Au niveau du sound-design avec la RX5, je me suis effectivement lancé à quelques occasions dans cette aventure hasardeuse et pleine de belles promesses, mais avec cet affichage et cette interface, difficile de ne pas s'en lasser très vite... Personnellement, j'y ai trop souvent perdu le fil de mes recherches sonores, à force de passer d'un sous-menu à un autre, ligne par ligne, un paramètre après l'autre !
J'ai bien sûr cherché à comparer avec tous les autres modèles de la gamme RX, histoire de tenter de conserver le même workflow avec une BàR beaucoup moins imposante. Mais rien à faire : c'est celle qui répond le mieux à tous mes critères de sélection, y compris en comparaison avec la RX7 légèrement moins grosse grâce à l'absence de sorties séparées.
Donc, même si depuis quelques années, je me sers probablement trop peu de ma grosse RX5, je la garde ! D'ailleurs, au prix où elle se brade encore un peu trop souvent actuellement, et à moins d'une excellente raison d'avoir à le faire, ce serait vraiment un crève-cœur pour moi de la vendre, surtout après avoir passé plusieurs heures de maintenance à la rendre parfaitement opérationnelle !
Miaousicalement !
Eh bien, jetez un petit coup d'oeil aux photos pour une première idée !
D'abord ses mensurations : un grand panneau de 34x44cm en pan incliné (à 8°, pour les amateurs de détails) sur 9cm de hauteur en partie arrière, pour environ 3.8kg sans son alim 12Vcc. Avec ces dimensions, le bestiau rentre tout juste dans un emplacement de rack 2U, serait-ce un hasard ?
Grâce au biseau sous la partie avant du panel on peut incliner la machine pour la caler sur un angle de 20° par rapport au plan de travail. Ça améliore nettement la lecture du petit LCD rétroéclairé quand on est assis devant pour bosser en studio. Pas bête !
OK, c'est donc un tank, ou plutôt un porte-avions , et même éteinte, elle est déjà méchamment impressionnante. Mais c'est une erreur de croire qu'elle est toute en métal. Seuls le fond et une partie des côtés sont en tôle pliée. Le panel est en une sorte d'ABS noir mat épais et rigide, typique au matériel pro Yamaha de cette époque.
Ensuite, on va pas se mentir : une BàR de ce format avec une cinquantaine de boutons en façade dont 24 pads d'instruments, 12 sorties séparées avec chacune leur slider de mixage et surtout une notice en français de 84 pages, on est pas chez Fisherprice.
Là on pose les doudous et on crache la sucette : c'est du sérieux !
Mise en route, test des pads :
Les boutons en plastique dur claquent en s'enfonçant sans effort. La robustesse légendaire des produits Yamaha vintage est bien au rendez-vous avec un astucieux système de butée interne sur les pads, indispensable pour que leurs switchs puissent résister indéfiniment aux zicos qui tapent comme des bourrins. Du coup, ça facilite énormément la précision de la frappe en RealTime car la sensation est franche avec une course faible et un contact sans rebond, même si c'est plus bruyant que des pads en silicone.
J'ai lu dans un autre avis que ce RealTime ne répondrait soit-disant pas "à la milliseconde"... Mort de rire !
On trouve aussi une fonction Swing qui m'a modérément convaincu, destinée bien sûr à "humaniser" les patterns un peu à la façon des Groove/Shuffle des Roland, mais c'est surtout difficile de ne pas apprécier la souplesse de programmation des mesures et leur nombre maxi possible par pattern (théoriquement jusqu'à 99, si le taux de mémoire libre le permet). En effet, le nombre de temps par mesure peut être librement choisi au lieu d'être préprogrammé comme sur beaucoup d'autres BàR concurrentes : les adeptes du jazz et du rock-progressif vont donc se régaler à se tricoter des songs avec des rythmiques impaires parmi les plus furieusement biscornues (à coups de 7/4 et de 11/6 ) et des breaks complètement casse-gueule enfin taillés dans le bronze immuable de la programmation informatique. De quoi motiver les zicos les plus autodidactes d'aller prendre des cours de solfège !
On est donc clairement sur du matos de grande qualité, très bien conçu par et pour de vrais pros, capable de satisfaire les zicos les plus exigeants et construit pour durer des décennies sans craindre les barbares...
Joli bilan jusqu'à présent !
Et les sons ?
Ben voilà, c'est les 80's flamboyantes et la New-Wave dans toute sa splendeur avec New Order, Pet Shop Boys, OMD, Cocteau Twins, Depeche Mode, mais aussi A-Ha, Madonna, Prince et Vangelis dans d'autres genres parmi ses célèbres utilisateurs. Excusez du peu !
C'est très connoté, comme on dit quand on est en smoking avec une coupe de champagne à la main (non, c'est même pas un gros mot ). Et certains râleurs vont même hurler que c'est ringard. On se calme... Chacun ses goûts, point barre !
Pour autant, côté sons d'origine, et même si on ne les aime pas, tout n'est pas perdu car la bestiole a de la ressource pour se faire pardonner. D'ailleurs, malgré tout ce qu'on pourra en dire, ils sonnent plutôt bien pour des samples de cette génération (en 12 bits) et ont une bonne pêche dans l'ensemble, d'autant que certains d'entre eux ont été samplés avec un poil d'effets, ce qui ne gâte rien.
La RX5 est déjà parfaitement utilisable sans aucune cartouche grâce à une palette suffisante de sons internes en ROM. Un bon exemple du sympathique SynthMania sur Youtube sera plus explicite : https://www.youtube.com/watch?v=SHFbJKKze4E.
La fameuse cartouche fournie d'origine à l'époque n'est donc là que pour apporter une petite trentaine de sons supplémentaires plus ou moins indispensables, qu'on peut alors entendre dans plusieurs patterns de démo (préprogrammées en ROM et rechargées automatiquement en cas de réinitialisation de la machine), mais dont certains d'entre eux sont tellement kitsch qu'on aura du mal à les utiliser ailleurs (Gun, Wao, Ooo... ), à moins de leur faire subir une sévère édition interne dans un grand élan créatif. N'oublions pas non plus qu'avec 24 pads disponibles (identifiés de A à X) et 12 sorties séparées, on peut envisager tranquillement en réserver au moins 1 ou 2 pour des sons de malades complètement barrés avec quelques pédales d'effets en prime sur leur(s) sortie(s) audio !
Et justement, parlons maintenant des fonctions Edit Voice : elles permettent de triturer chaque sample de la ROM et de la cartouche : inversion de lecture, rebouclage, modif d'enveloppe, pitch et bend (on peut même modifier cela d'un step à un autre dans une même pattern). Ici, Yamaha a repoussé les limites vraiment très loin, et on ne peut que l'en féliciter, même si l'interface d'édition est peu conviviale.
A l'opposé des "Poum/Tchak/Bzz/Fzzzz" figés ou faiblement éditables de nombreuses autres BàRs de l'époque, cette RX5 permet donc à l'utilisateur averti de construire des parties rythmiques avec des timbres totalement inhabituels de façon complètement autonome.
C'est donc une franche invitation à exprimer librement sa créativité personnelle.
La preuve : https://www.youtube.com/watch?v=HgsjvJ2nl8E
Avec les 12 sorties séparées et leurs sliders de volume, on peut évidemment appliquer individuellement à chaque type d'instrument un effet externe supplémentaire, si besoin : distorsion, filtrage, compression, equalisation, reverb, etc... Ou encore paramétrer séparément cela en Aux ou en Insert sur la table de mixage chargée de la sommation des voix de la RX5.
Alors, qui c'est qui hurle encore que ce monstre est ringard ?
Passons au MIDI, maintenant !
Sur les BàR "classiques", les fonctions MIDI se résument le plus souvent aux incontournables commandes d'entrée/sortie en canal 10 pour le MTC d'une part et pour les notes par pad d'autre part, standardisées aux valeurs fixées par la norme GM (ou XG).
En revanche notre monstre, malgré sa trentaine d'années, est un vrai démon du MIDI !
En plus des habituelles commandes MTC, la RX5 est effectivement capable de se comporter en entrée MIDI comme un rompler pouvant jouer chacun de ses samples internes avec un pitch calé à la hauteur des notes reçues depuis un clavier-maître. Là aussi une petite vidéo pour l'exemple : https://www.youtube.com/watch?v=MDcZyqZpzLA. Mais surtout grâce à la souplesse de son paramétrage, d'agir en sortie MIDI comme un véritable séquenceur multicanal, en attribuant à chacun de ses 24 pads n'importe quelle note (de C1 à C6) sur n'importe lesquels parmi les 16 canaux. Du coup, elle peut librement piloter des expandeurs et/ou des sampleurs externes autant pour jouer une ligne de basse et/ou une section de cuivres que pour disposer enfin d'un très large choix de drumsets en tous genres (jazz/rock/metal/afro/latino/orchestral/etc). On en viendrait presque à regretter qu'il n'y ait qu'un seul MIDI Out à l'arrière !
J'en ai donc profité pour exploiter directement les très bons drumsets de mon E-MU Orbit (et ses 6 sorties séparées supplémentaires) et bien sûr une série de samples persos (retravaillés chacun avec sa petite section d'effets intégrée) sur mon Zoom ST224, au lieu de me contenter seulement des sons d'origine de la RX5, même copieusement édités "comme il faut". Et là, je peux vous assurer qu'au niveau de la palette quasi infinie de sons disponibles maintenant, c'est même plus une tuerie, mais carrément un génocide !
La question qui tue :
Mézalor, à quoi sert cette énorme BàR si on n'utilise (presque) plus ses sons internes ?
...Eh ben, la réponse c'est le WORKFLOW !!!
Chaque instrument de musique et chaque logiciel (DAW ou autre), est conçu selon une ergonomie et une logique de travail qui correspond à une certaine forme de raisonnement chez l'utilisateur pour s'y adapter : c'est ça le workflow ! Ouais, je sais, les mots "anglais" en musique, c'est comme en marketing : même quand ça devient carrément ridicule quand il en y a trop, ça le fait toujours un peu, quand même...
...Donc, justement, le workflow de la RX5 me convient parfaitement !
Quand j'ai voulu composer ma première pattern sur la RX15 de mon groupe, il m'a fallu moins de 10 mn sans la doc pour maîtriser le RealTime associé à son Quantize. C'est parce que c'est juste pour moi la façon la plus naturelle et la plus spontanée pour travailler, et je pense que nous sommes probablement très nombreux dans ce cas.
La logique de conception, dans ce domaine, spécifique à la gamme des RX de Yamaha, fait que je peux prévoir chaque fois le résultat de ma programmation, contrairement à celle de la groovebox Roland MC303, par exemple.
Du coup, quand j'ai acheté la RX5, j'y ai immédiatement retrouvé mes habitudes de travail prises sur la RX15, aussi confortables que de vieilles pantoufles...
Au point qu'il m'est déjà arrivé de composer sur ma RX5 une rythmique un peu complexe "au feeling" avec son RealTime quantisé, puis la retransmettre en MIDI sur l'ordi pour la décomposer visuellement et mieux la comprendre. J'aurais peut-être pu faire la même chose directement sur le logiciel en temps réel avec une surface de contrôle, mais je préfère de très loin la diabolique précision de jeu de ces foutus pads en plastique dur qui claquent bruyamment, plutôt que taper sur des pads en gomme (même sensibles à la vélocité) !
Des reproches ?
Oui quand même, parce que nul n'est parfait : j'admets volontiers que le mode d'édition et de paramétrage en profondeur sous forme de "jobs" à la mode Yamaha avec ses menus et sous-menus est assez rébarbatif et finit par devenir carrément fastidieux à la longue, surtout quand on doit reprendre plusieurs fois une série de sons à corriger. D'autant que je n'ai jamais trouvé d'éditeur logiciel pour la RX5, et que le petit écran LCD à 2 lignes ne permet malheureusement aucune vue d'ensemble du travail en cours. Mais bon, à défaut d'autre chose, on fait avec...
Donc, cette RX5 dispose bien d'un excellent potentiel de programmation (des patterns) et d'édition (des sons en ROM et du MIDI), mais qui se fait chèrement payer en retour par de nombreux efforts de patience, de ténacité et de clairvoyance de la part de son utilisateur.
Derniers détails, j'ai lu sur les forums que des possesseurs de RX5 avaient parfois des bugs à l'allumage. Ça peut venir d'un faux-contact de la cartouche, ou de l'effondrement du 12Vcc lors d'un fort appel de courant au boot de la RX5.
Ces cartouches n'ont hélas aucun système de verrouillage : l'astuce du jour c'est donc un petit boudin de PataFix collé autour pour la bloquer en place. Pas beau, mais efficace !
L'autre conseil perso est de vérifier son bloc-transfo d'alimentation secteur. Surtout si c'est celle d'origine. Avec les alims vintage, leurs condensateurs électrochimiques sont généralement très fatigués après une bonne trentaine d'années d'existence. Or, cette RX5 mérite largement qu'on investisse 20 ou 30€ dans une bonne alim neuve de marque, capable de fournir au moins 1.5A sous 12V continus, comme celles qu'on trouve régulièrement pour les routeurs, imprimantes, etc... Vérifiez surtout, avant achat, que la polarité et les connecteurs sont exactement les mêmes que l'ancienne.
Accessoirement, un filtre anti-surtensions et un filtre antiparasites EFI/RFI (type Schäffner) sont toujours utiles pour protéger l'ensemble de votre cher matos adoré contre les petits incidents quotidiens du courant secteur, bien que cela ne soit quand même pas suffisant en cas de foudre...
Voilà !
Rapport qualité/prix :
C'est une BàR professionnelle résolument haut-de-gamme, fiable, robuste et bien conçue, sortie en 1986 à un prix élevé, mais parfaitement cohérent par rapport à ses prestations exceptionnelles pour l'époque. Aujourd'hui elle est complètement démodée par une palette sonore trop typique, et un mode de paramétrage avancé particulièrement rebutant à l'usage, le tout aggravé par un affichage LCD très classique pour l'époque, mais trop minimal pour être à la hauteur de ses excellentes performances et de ses étonnantes capacités d'édition, des défauts qui pénalisent d'autant plus sa cote actuelle.
Donc à mon avis, son rapport qualité-prix est exceptionnel, surtout comparé à un bon nombre de TR de la même époque, ce qui en fera une excellente affaire, mais pas auprès de n'importe quel acheteur :
- Surtout pas pour un jeune débutant habitué aux larges interfaces graphiques tactiles, extrêmement user-friendly : il se lassera vite de ces sonorités très datées et sera complètement rebuté par cet afficheur minimaliste qui rend tout de suite fastidieuse toute tentative d'édition. D'ailleurs, existe-t'il au moins un éditeur logiciel pour cette bécane ?
- En revanche, pour l'amateur d'analos et numériques vintage qui a déjà une certaine habitude de cette génération de machines peu conviviales à paramétrer, il trouvera à peu de frais une puissante BàR professionnelle de grande qualité aux excellentes capacités d'édition des sons en ROM, mais surtout un complément idéal à un expandeur spécialisé (E-MU Pro-Cussion) ou un sampleur, grâce à une implémentation MIDI complète et performante, avec en prime un panel arrière généreusement équipé, dont, entre autres, des E/S en mode gate pour des interconnexions avec d'autres BàRs vintage et des synthés (semi-)modulaires.
Est-ce que cette bécane vaut toujours le coup aujourd'hui ?
A l'époque de la flamboyante New-Wave de ma jeunesse insouciante, si j'en avais eu les moyens, je l'aurais achetée les yeux fermés sans aucune hésitation !
Aujourd'hui, en toute honnêteté, si je n'avais jamais encore utilisé une RX5 par le passé, je ne sais pas si je l'achèterais... Ni peut-être même plus généralement une autre BàR hardware, d'ailleurs !
Parmi les boites à rythmes, cette RX5 est un instrument imposant et relativement démodé, fortement daté à cause de son interface plutôt austère et des sonorités de base fortement typées de son drumset initial. Si on y rajoute une ergonomie de l'édition des sons assez rebutante et un affichage LCD alphanumérique minimal, incapable de fournir une bonne vision globale des paramètres sonores, cela n'en fait pas une machine particulièrement attrayante, loin de là !
Bref, pas vraiment une machine pour débutant, que ce soit pour les jeunes ou pour les autres !
Des spécificités qui la rendent hélas peu compatible avec un environnement de création musical actuel, généralement à base de DAW, avec de très nombreuses banques de samples, un affichage graphique coloré avec une interface "user-friendly" et sans oublier une jolie surface de contrôle tactile...
Ce n'est pourtant pas le cas chez moi, et mes vieux ordis servent surtout aux éditeurs logiciels pour mes expandeurs et synthés, mais aussi, par facilité, pour quelques logiciels de BàR lecteurs de samples...
En conséquence, la présence de cette grosse RX5 sur mon plan de travail me paraît souvent de moins en moins indispensable et de plus en plus encombrante...
En revanche, si je devais la revendre, je sais que je regretterais beaucoup son excellent mode RealTime quantisé qui me permet de créer des rythmes très spontanément sans jamais ralentir la fragile inspiration du moment. ...Rajoutons-y à un nombre de pads très confortable, une implémentation et un paramétrage MIDI qui pourrait mettre la pâtée à certaines groovebox, qui plus est, et le vilain petit canard se transforme enfin en cygne majestueux !
En fait, un workflow comme celui de la RX5 (et quelques autres RX de cette époque), je ne l'ai pas encore trouvé ailleurs . Au niveau du sound-design avec la RX5, je me suis effectivement lancé à quelques occasions dans cette aventure hasardeuse et pleine de belles promesses, mais avec cet affichage et cette interface, difficile de ne pas s'en lasser très vite... Personnellement, j'y ai trop souvent perdu le fil de mes recherches sonores, à force de passer d'un sous-menu à un autre, ligne par ligne, un paramètre après l'autre !
J'ai bien sûr cherché à comparer avec tous les autres modèles de la gamme RX, histoire de tenter de conserver le même workflow avec une BàR beaucoup moins imposante. Mais rien à faire : c'est celle qui répond le mieux à tous mes critères de sélection, y compris en comparaison avec la RX7 légèrement moins grosse grâce à l'absence de sorties séparées.
Donc, même si depuis quelques années, je me sers probablement trop peu de ma grosse RX5, je la garde ! D'ailleurs, au prix où elle se brade encore un peu trop souvent actuellement, et à moins d'une excellente raison d'avoir à le faire, ce serait vraiment un crève-cœur pour moi de la vendre, surtout après avoir passé plusieurs heures de maintenance à la rendre parfaitement opérationnelle !
Miaousicalement !