Pucelle_Dabidjan
« Gentrification audiophile »
Publié le 19/04/16 à 14:56
Rapport qualité/prix :
Mauvais
Cible :
Tout public
B&W est le fabricant d’enceinte le plus connu de la hifi. Une stratégie marketing brillante et un réseau de distribution extrêmement bien fourni lui ont permis de jouir d'une réputation qu'aucun autre facteur d'enceinte ne possède actuellement. L’arrivée de leur nouvelle gamme phare, la série 800, a déchaîné les passions sur les forums et c'est un peu "l'enceinte à essayer" pour tout amateur de hifi.
Avant même de commencer, je dois souligner, encore, qu’un avis, aussi objectif soit-il, est toujours un compte-rendu d’une perception subjective. De plus, si vous souhaitez des flots d’éloges, vous n’êtes pas au bon endroit. Interrompez immédiatement votre lecture et rendez-vous sur un article professionnel, ou sur les forums de fans et de vendeurs. Vous voilà désormais fixés, nous pouvons donc continuer.
L'enceinte reprend les formes et matériaux connus de la 804 qui l’a précédé. D’ailleurs, premier malaise dans cet essai, elle ressemble à s’y méprendre à la 804 D2. Hormis le haut parleur de médium, qui a définitivement tourné le dos à l’ère « kevlar », le reste de l’enceinte ressemble, dans les grandes lignes, à sa devancière. B&W était le fer de lance du kevlar, et Dieu sait combien il nous avaient vanté les mérites de ce matériau ; mais maintenant, "c'est une révolution" et "la nouvelle monture est beaucoup mieux que l'ancienne". Je ne peux d'ailleurs m'empêcher de penser à une certaine ressemblance avec une entreprise de Cupertino, qui, elle aussi, nous vantait les mérites de ses puces IBM avant de faire volte-face et nous sortir "que leurs ordinateurs marchaient bien mieux avec les puces Intel". Bref... on surfe en plein mode de rétropédalage marketing avec des airs de ne pas y toucher.
On notera aussi que le prix a singulièrement gonflé, pour cette 804 qui affiche le prix déjà bien lourd de 9’000 euros la paire. Ceci nous fait une différence de plus de 2’000 euros avec sa devancière.
B&W justifie cela en raison d’une plus grosse quantité de bois utilisée (probablement les planches les plus chères du monde), une qualité perçue en augmentation (mais imperceptible sur la 804), un nouveau matériau de membrane pour son médium nommé « continuum », qui semble être un matériau composite, et une durée de développement de - 8 - ANS !!! Vous avez bien lu, 8 ans… c’est un chiffre qu’on pourrait croire, si il ne venait pas de B&W, champion européen des chiffres à côté de la plaque. Je m’explique. L’enceinte est annoncée par le fabriquant pour une impédance de 8 Ohms, en réalité, l’impédance plancher tourne à 3.2 Ohms, ce qui nécessitera un amplificateur capable de redonner ces impédances. En outre, B&W annonce une capacité en basse de 28hz +/- 3dB…. là aussi, une version assez romancée de la chose, puisque, mesurée par un magasine allemand indépendant, la demoiselle atteint ce chiffre plutôt à +/- 10dB et on peut plutôt tabler sur un bon 50 hz à +/- 3dB, ce qui est une différence assez notable. Je profite toutefois du fait que nous soyons aux mesures pour remarquer que la gourmandise en puissance de cette enceinte est enfin domptée. En effet, de par le passé, il était plutôt normal de devoir flanquer la 804 d’un amplificateur très puissant. En fait, il était de bon ton de lui joindre les amplificateurs les plus puissants possibles, et même un bon 100w restait « un bon début ». Cette boulimie de puissance est beaucoup mieux contrôlée sur cette série D3 qui sera déjà très à l’aise avec un 100w.
Mais pour moi, les 8 années annoncées sont, soit le résultat du travail de l’ingénieur le moins doué de la planète terre (le gars qui est dépassé par une poignée de porte standard), ou, simplement, une addition du temps de développement de tous les travailleurs ayant bossé sur toutes les enceintes, membranes comprises.
Nous notons aussi, comme pour l’ancienne génération, que les coloris et bois à disposition sont très limités. Noir, blanc et une finition bois (acajou) sont à votre disposition. Quand tu compares avec d’autres fabricants, c’est super pauvre. Enfin, je reviens sur l’argument de l’augmentation de qualité, prôné par B&W, qui est, en tous cas sur ce modèle, inexistant. Les laquages n’étaient pas critiquables sur la D2, et ceci reste identique sur la D3, la finition bois n’est pas plus belle, le médium n'est pas isolé dans sa boule d'aluminium comme pour les séries 803 actuelles… rien n’a subjectivement changé sur ce modèle. Bref : L’augmentation de prix est sensible, pas la qualité perçue.
Sonorités
Ici, je me préparais à être absolument odieux avec cette enceinte, que j'attendais vraiment au virage à cause de sa courbe de fréquence digne d'un profil de dénivellation du tour de France.
Mais la bougresse s'en sort plutôt bien en fait.
B&W a réussi à améliorer sa nouvelle 804, en lui enlevant ce côté "fuzz" et/ou "mousseux" de la 804 D2. Ceci permet de jouir d'une meilleure capacité à détourer les instruments sans entremêler les pupitres. La panoramique et la profondeur, qui étaient déjà bonnes sur la D2, le sont toujours sur la D3. Le médium profite de cette absence de perturbation, pour mieux se mettre en valeur et il semble plus naturel. Il manque toujours le dernier petit peu de précision, ce qui ne semble jamais avoir été une spécificité de B&W. L'aigu, cependant, n'a pas évolué. On retrouve toujours cette envie de l'enceinte de te déchirer les tympans si un son a bien été enregistré de la sorte. La petite inflexion dans les hauts médiums juste avant d'attaquer l'aigu rendant encore la chose plus sensible.
Au niveau de la basse, j'ai trouvé cette dernière plutôt ok, mais il manquait de l'autorité dans le grave. Sur une PMC fact8 ou une ATC SCM50 sl, certains de mes morceaux de test ont tendance à être physiques sur certains passages. Comme par exemple les passages d'orgues, qui, sur des enceintes appropriées, ont une autorité redoutable. Ici, c'est un peu fluet. On a du grave, mais qui ne semble pas vouloir être totalement présent non plus. De même, sur d'autres enregistrements, tu peux entendre l'ensemble taper du pieds lors d'un crescendo vivace... cet artefact est complètement effacé ici. On en entend la haute basse, mais ça reste ténu.
Dans l'ensemble, les qualités musicales qu'on trouve sur les bonnes enceintes du haut du plateau sont bien là, de ce fait, l'enceinte sera à l'aise avec tous les styles musicaux. Je lui ai trouvé un tout petit peu moins de réalisme et d'analyse que sur d'autres modèles, plus fidèles, mais il faudra vraiment être un chipoteur de première pour avoir quelque-chose à y redire.
Globalement, l'enceinte me rappelle énormément mon écoute de la Dali Epicon 6, mais en légèrement moins détaillé et avec un aigu plus dur.
Mot de la fin
La B&W 804 D3 est une évolution bien née et rationnelle de la D2. Certains des gros défauts de l'ancienne ont été gommés ou, en tous cas, atténués. Le seul défaut vraiment sensible de cette enceinte vient de son prix de vente, devisé à 9'000 euros. Car, pour ce tarif, elle s'aligne avec des concurrents redoutables dans une catégorie très prisée et disputée de l'audio, et son nouveau penchant pour la clarté et le réalisme sont des qualités présentes et entretenues depuis des décennies chez d'autres marques. De ce fait, je pense que, comme pour Gibson guitars, cette enceinte profitera avant tout de la notoriété de son nom, pour se tailler sa place dans les salons du grand public.
Avant même de commencer, je dois souligner, encore, qu’un avis, aussi objectif soit-il, est toujours un compte-rendu d’une perception subjective. De plus, si vous souhaitez des flots d’éloges, vous n’êtes pas au bon endroit. Interrompez immédiatement votre lecture et rendez-vous sur un article professionnel, ou sur les forums de fans et de vendeurs. Vous voilà désormais fixés, nous pouvons donc continuer.
L'enceinte reprend les formes et matériaux connus de la 804 qui l’a précédé. D’ailleurs, premier malaise dans cet essai, elle ressemble à s’y méprendre à la 804 D2. Hormis le haut parleur de médium, qui a définitivement tourné le dos à l’ère « kevlar », le reste de l’enceinte ressemble, dans les grandes lignes, à sa devancière. B&W était le fer de lance du kevlar, et Dieu sait combien il nous avaient vanté les mérites de ce matériau ; mais maintenant, "c'est une révolution" et "la nouvelle monture est beaucoup mieux que l'ancienne". Je ne peux d'ailleurs m'empêcher de penser à une certaine ressemblance avec une entreprise de Cupertino, qui, elle aussi, nous vantait les mérites de ses puces IBM avant de faire volte-face et nous sortir "que leurs ordinateurs marchaient bien mieux avec les puces Intel". Bref... on surfe en plein mode de rétropédalage marketing avec des airs de ne pas y toucher.
On notera aussi que le prix a singulièrement gonflé, pour cette 804 qui affiche le prix déjà bien lourd de 9’000 euros la paire. Ceci nous fait une différence de plus de 2’000 euros avec sa devancière.
B&W justifie cela en raison d’une plus grosse quantité de bois utilisée (probablement les planches les plus chères du monde), une qualité perçue en augmentation (mais imperceptible sur la 804), un nouveau matériau de membrane pour son médium nommé « continuum », qui semble être un matériau composite, et une durée de développement de - 8 - ANS !!! Vous avez bien lu, 8 ans… c’est un chiffre qu’on pourrait croire, si il ne venait pas de B&W, champion européen des chiffres à côté de la plaque. Je m’explique. L’enceinte est annoncée par le fabriquant pour une impédance de 8 Ohms, en réalité, l’impédance plancher tourne à 3.2 Ohms, ce qui nécessitera un amplificateur capable de redonner ces impédances. En outre, B&W annonce une capacité en basse de 28hz +/- 3dB…. là aussi, une version assez romancée de la chose, puisque, mesurée par un magasine allemand indépendant, la demoiselle atteint ce chiffre plutôt à +/- 10dB et on peut plutôt tabler sur un bon 50 hz à +/- 3dB, ce qui est une différence assez notable. Je profite toutefois du fait que nous soyons aux mesures pour remarquer que la gourmandise en puissance de cette enceinte est enfin domptée. En effet, de par le passé, il était plutôt normal de devoir flanquer la 804 d’un amplificateur très puissant. En fait, il était de bon ton de lui joindre les amplificateurs les plus puissants possibles, et même un bon 100w restait « un bon début ». Cette boulimie de puissance est beaucoup mieux contrôlée sur cette série D3 qui sera déjà très à l’aise avec un 100w.
Mais pour moi, les 8 années annoncées sont, soit le résultat du travail de l’ingénieur le moins doué de la planète terre (le gars qui est dépassé par une poignée de porte standard), ou, simplement, une addition du temps de développement de tous les travailleurs ayant bossé sur toutes les enceintes, membranes comprises.
Nous notons aussi, comme pour l’ancienne génération, que les coloris et bois à disposition sont très limités. Noir, blanc et une finition bois (acajou) sont à votre disposition. Quand tu compares avec d’autres fabricants, c’est super pauvre. Enfin, je reviens sur l’argument de l’augmentation de qualité, prôné par B&W, qui est, en tous cas sur ce modèle, inexistant. Les laquages n’étaient pas critiquables sur la D2, et ceci reste identique sur la D3, la finition bois n’est pas plus belle, le médium n'est pas isolé dans sa boule d'aluminium comme pour les séries 803 actuelles… rien n’a subjectivement changé sur ce modèle. Bref : L’augmentation de prix est sensible, pas la qualité perçue.
Sonorités
Ici, je me préparais à être absolument odieux avec cette enceinte, que j'attendais vraiment au virage à cause de sa courbe de fréquence digne d'un profil de dénivellation du tour de France.
Mais la bougresse s'en sort plutôt bien en fait.
B&W a réussi à améliorer sa nouvelle 804, en lui enlevant ce côté "fuzz" et/ou "mousseux" de la 804 D2. Ceci permet de jouir d'une meilleure capacité à détourer les instruments sans entremêler les pupitres. La panoramique et la profondeur, qui étaient déjà bonnes sur la D2, le sont toujours sur la D3. Le médium profite de cette absence de perturbation, pour mieux se mettre en valeur et il semble plus naturel. Il manque toujours le dernier petit peu de précision, ce qui ne semble jamais avoir été une spécificité de B&W. L'aigu, cependant, n'a pas évolué. On retrouve toujours cette envie de l'enceinte de te déchirer les tympans si un son a bien été enregistré de la sorte. La petite inflexion dans les hauts médiums juste avant d'attaquer l'aigu rendant encore la chose plus sensible.
Au niveau de la basse, j'ai trouvé cette dernière plutôt ok, mais il manquait de l'autorité dans le grave. Sur une PMC fact8 ou une ATC SCM50 sl, certains de mes morceaux de test ont tendance à être physiques sur certains passages. Comme par exemple les passages d'orgues, qui, sur des enceintes appropriées, ont une autorité redoutable. Ici, c'est un peu fluet. On a du grave, mais qui ne semble pas vouloir être totalement présent non plus. De même, sur d'autres enregistrements, tu peux entendre l'ensemble taper du pieds lors d'un crescendo vivace... cet artefact est complètement effacé ici. On en entend la haute basse, mais ça reste ténu.
Dans l'ensemble, les qualités musicales qu'on trouve sur les bonnes enceintes du haut du plateau sont bien là, de ce fait, l'enceinte sera à l'aise avec tous les styles musicaux. Je lui ai trouvé un tout petit peu moins de réalisme et d'analyse que sur d'autres modèles, plus fidèles, mais il faudra vraiment être un chipoteur de première pour avoir quelque-chose à y redire.
Globalement, l'enceinte me rappelle énormément mon écoute de la Dali Epicon 6, mais en légèrement moins détaillé et avec un aigu plus dur.
Mot de la fin
La B&W 804 D3 est une évolution bien née et rationnelle de la D2. Certains des gros défauts de l'ancienne ont été gommés ou, en tous cas, atténués. Le seul défaut vraiment sensible de cette enceinte vient de son prix de vente, devisé à 9'000 euros. Car, pour ce tarif, elle s'aligne avec des concurrents redoutables dans une catégorie très prisée et disputée de l'audio, et son nouveau penchant pour la clarté et le réalisme sont des qualités présentes et entretenues depuis des décennies chez d'autres marques. De ce fait, je pense que, comme pour Gibson guitars, cette enceinte profitera avant tout de la notoriété de son nom, pour se tailler sa place dans les salons du grand public.