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Sujet Monitoring : non, la hifi n'a pas pour objectif de rendre le son plus joli !

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Sujet de la discussion Monitoring : non, la hifi n'a pas pour objectif de rendre le son plus joli !
En 1973, le magazine Hifi Stéréo dédiait une couverture à des enceintes révolutionnaires car actives, ce qui va au-delà de l’intégration de l’ampli au baffle. La presse spécialisée était en émoi car ces enceintes sortaient du 30 hz avec moins d’1% de distorsion dans un volume quatre fois inférieur aux références du marché, souvent américaines (JBL, Altec Lansing, Infinity…). Mais leur prix était à la hauteur de leur qualité, et à l’image de constructeurs automobiles français, il leur fut très difficile de trouver leur place dans le secteur du haut de gamme, du fait du positionnement grand public du constructeur. Car cette technologie, qui allait bientôt envahir tous les studios professionnels, puis plus tard les home studios, était signée Philips (https://en.wikipedia.org/wiki/Motional_Feedback). Les premières enceintes actives étaient… Hifi !

Fin 2015, je me trouve dans un magasin parisien en vue d’acquérir des moniteurs de proximité. Un vendeur me tient le discours très en vogue, et pourtant battu en brèche par Genelec (une des références actuelles en moniteur de studio) : on ne pourrait mixer sur une chaine Hifi, car le son serait volontairement enjolivé ! Ainsi, les « moniteurs » seraient tous d’une parfaite neutralité, là où la hifi colorerait le son. Pourtant, il n’y a pas deux moniteurs qui sonnent à l’identique, même dans la même gamme de prix. La neutralité est une fiction et quand bien même les courbes de réponse en fréquence seraient identiques, les rendus sonores effectifs ne le seraient pas.

Il n’y eut jamais de norme pour le monitoring. Un gadget sonore porte-clés à 5 € peut être affublé du logo « studio monitor », tout comme dans les années 70, certains collaient « turbo » sur leur 2CV. En revanche, la norme DIN 45500, aujourd’hui obsolète, imposait à la Hifi un cahier des charges rigoureux. A cette époque, les gros moniteurs de studio (des enceintes passives pouvant dépasser les 100 kg pièce) était parfois déclinés en version hifi haut de gamme (notamment JBL, de mémoire). Un peu comme aujourd’hui, Sennheiser décline certains modèles de casque en hifi et en monitoring, ces derniers étant généralement des versions fermées des premiers.

Hifi veut dire « haute-fidélité » et son but est d’être aussi proche que possible de l’original, de ne rien déformer. Certains fous de hifi peuvent dépenser plus d’un million d'euros pour des enceintes ésotériques (https://hometheaterreview.com/the-most-expensive-audiophile-speakers-of-all-time/#00The 23 Most Expensive Audiophile Speakers of All Time). Sans aller jusque-là, le hifiste est allergique aux potentiomètres : sur du vrai haut de gamme, il n’y a même pas de réglage grave / aigu sur le préampli, et la distorsion harmonique est mesurée en dix millième de %.

Il est toutefois exact que l’obsolescence de la norme DIN permet aussi de coller le logo HIFI sur le porte-clés à 5 € et qu’il peut être tentant pour les constructeurs d’enjoliver le son, notamment en renforçant les graves et un peu les aigus. C’est sans doute le cas du bas de gamme, comme ça l’est des systèmes pour ordinateurs (mais que faut-il donc attendre d’un système 5.1 à 80 euros de chez Logitech ou… JBL - gamme informatique, bien entendu !) ?

Dans le haut de gamme, les objectifs de la hifi et du monitoring sont donc identiques. La différence majeure, outre l’esthétique et la connectique, est que la plupart des enceintes Hifi sont passives, et donc bien plus volumineuses à qualité de grave équivalente. Les hifistes préfèrent souvent choisir leur ampli (par exemple à lampes) et considèrent que les énormes colonnes plaquées noyé qui trônent dans leur salon sont des meubles. Plus c’est gros, plus c’est beau. Mais globalement, le système actif offre suffisamment d’avantages qualitatifs, surtout dans le grave, pour intéresser les fabricants hifi haut de gamme, comme Philips l’avait initié en 1973.

Il peut toutefois exister une différence conceptuelle entre Hifi et monitoring : en Hifi, on préférera couper les graves plus tôt, afin que le signale délivré reste propre : pas de distorsion ni d’autre déformation. En monitoring, il est a priori préférable de reproduire toutes la gamme des fréquences audibles de façon linéaire, quitte à ce que les graves ne soient pas très propres, car on n’écoute pas pour soit, mais pour les autres (les auditeurs de la musique que l’on mixe ou masterise).

A l’époque de l’ancienne norme DIN, il était impératif de ne pas dépasser un seuil de distorsion (1 %, me semble-t-il). Mes Cabasse Sampan 311 https://www.forumcabasse.org/wiki/Sampan#Sampan_311_-_Sampan_.22Lourd.22)" rel="ugc noopener" target="_blank">(https://www.forumcabasse.org/wiki/Sampan#Sampan_311_-_Sampan_.22Lourd.22) du début des années 80 tenaient 60 à 20000 hz dans =/- 3db. Leur boomer de 30 cm aurait sans doute permis de descendre plus bas, mais au prix d’une distorsion inadmissible. Quel est le taux de distorsion à 40 hz du caisson de grave d’un système Logitech à 80 € ? Probablement plus de 10 %, mais la plupart des fans de techno s’en fichent, pourvu qu’ils aient le boum boum.

Les autres différences peuvent concerner la diffusion ou la dispersion du son par l'enceinte : un moniteur de proximité donnera le meilleur de lui-même à une faible distance d’écoute, alors qu’un système Hifi est généralement sensé sonoriser toute une pièce. Mais cela n’a aucun rapport avec la qualité du son.

Pour l’anecdote, le summum de Cabasse à cette époque était l’Albatros (https://www.forumcabasse.org/wiki/Albatros), enceinte active à près de 200.000 francs (avec l’inflation, c’est peut-être plus que 200.000 euros d'aujourd’hui !) dont les HP médium et aigu étaient similaires à ceux du modèle Sampan pré-cité. L’Albatros descendait à 30 hz sans distorsion. Dans sa notice, Cabasse décrivait la Hifi comme « l’ensemble des techniques permettant à un système acoustique de reproduire exactement le son reçu par un micro lors de d’un enregistrement ». A bon entendeur…

Enfin, le pragmatisme ne voudrait-il pas que l’on mixe avec ce que l’auditeur utilisera, à savoir des écouteurs intra auriculaires dans la plupart des cas ? En tout cas, il faut contrôler ses travaux sur plusieurs systèmes d’écoute, ce qui peut amener à des compromis par rapport au son idéal (par exemple par de la forte compression réduisant la plage dynamique).

www.marginalray.com
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Très intéressant, merci
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C'est oublier que les systèmes Hi-Fi ne sont en général pas conçu pour reproduire plus que la dynamique d'un CD, et que ce qu'on mixe en studio dispose d'une dynamique souvent bien plus importante. Et que des caisses claires (par exemple) non traitées peuvent mettre à genoux des enceintes Hi-Fi.
Ensuite, il existe d'excellents systèmes de monitoring en passif (PMC par exemple). Ce n'est pas vraiment donné, mais c'est très utilisé, entre autres en mastering.
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C’est vrai. J’ai d’ailleurs grillé les tweeters d’un copain en poussant le volume… de sa chaîne Hifi, en écoutant du Led Zep un peu fort !

Ce n’est pas une question de qualité sonore mais de capacité à encaisser des transitoires extrêmes. Logiquement les vrais moniteurs devraient être un peu plus costauds que les HP hifi. Mais dans le haut de gamme, on trouve parfois les mêmes HP dans les deux gammes (Genelec, me semble-t-il, ou JBL). J’ai déjà torturé mes enceintes Hifi Triangle Zeis (achetées il y a une vingtaine d’années) en les utilisant comme moniteurs, avec un simple limiteur sur le master. Elles n’ont pas bronchées, même si je n’ai pas tenté le coup de caisse clair façon bucheron canadien. Les enceintes qui doivent encaisser régulièrement ce genre de choc sont surtout dédiées à la sonorisation. C’est encore un autre domaine. D’ailleurs, cela donnerait quoi de brancher d’excellentes enceintes de sono sur un ampli hifi et un lecteur de CD ? Pas terrible, probablement…

En aparté (car ce n’est en rien contradictoire avec ta remarque) : tu évoques la dynamique du CD. Je me souviens fort bien des premiers CD et des énormes showrooms de Philips et Sony sur les Champs Elysées. La dynamique et le rapport S/B étaient les premiers arguments de vente (outre le mensonge du support éternel et indestructible), surtout pour la musique classique. Le CD peut atteindre 100 db de dynamique, si ma mémoire est bonne. Tout ça pour arriver à des CD ultra compressés (https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_volume).

Mon article, qui se fait d’ailleurs l’écho de posts de Genelec sur leur forum, visait à casser le mythe des enceintes Hifi bidouillées pour enjoliver le son. C’est faux pour la vraie hifi (si tu mets le prix), mais peut se rencontrer dans tous les bas de gamme hifi ou pseudo moniteurs. Ce n’est qu’en système grand public pour PC (Logitech et consort) que ce bidouillage est assumé. Mixer avec du Logitech ? Pourquoi pas avec un casque Beat ?!