Bilan 2003 par Pascal Nègre
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Anonyme
Citation : Pascal Nègre, président d'Universal France, dresse un bilan pour 2003
11:47:00 - 21/01/2004
(AOF) - Pascal Nègre, président d'Universal France, a répondu aux questions du
"Figaro" au sujet de l'industrie du disque et dressé un bilan pour l'année
2003.
Il a souligné la baisse de 15% du marché de la musique en France 2003, liée
selon lui aux effets du piratage informatique. C'est pourquoi il se dit
déterminé à "attaquer les pirates devant les tribunaux".
Le recul du marché français a entraîné une diminution de 15% des
investissements du groupe dans le marketing, a-t-il expliqué. En effet,
Universal a commencé en 2003 "une politique d'économie de coûts à la fois des
dépenses marketing et artistiques".
Le président a souligné qu'Universal Music restait leader en France, avec un
tiers du marché.
Concernant le piratage, Pascal Nègre est déterminé à lutter contre les
téléchargements illégaux de la musique sur les réseaux P2P (type KazaA), sur
l'exemple des Etats-Unis. "Cette année, à cause du piratage, il y aura 10 à 20%
d'artistes français en moins sous contrat avec les maisons de disques", a-t-il
souligné.
En revanche, Universal Music ne souhaite pas "interdire la copie privée mais
la limiter", justifiant ainsi l'absence de protection des cédéroms Universal.
Pascal Nègre "croit plus dans l'arrivée de nouveaux supports, comme le Super
Audio CD (SACD)", comme réponse à "l'invasion du Mp3". Par ailleurs l'année
2004 verra selon lui le développement en Europe et en France des offres
payantes sur Internet.
2d
Citation : A bas les intermédiaires !
"The Nation", New York
A l’ère d’Internet, les maisons de disques n’ont plus de raison d’être, estime le spécialiste américain du copyright Eben Moglen. Les artistes ont tout à gagner à instaurer un lien direct avec leur public.
A en juger par leur comportement de ces derniers temps, les maisons de disques ont l’air de penser que, pour assurer la survie de la civilisation, il faut terroriser des gamins de douze ans. Les 261 plaintes déposées, le 8 septembre 2003, par la Recording Industry Association of America (RIAA) contre des internautes adeptes des réseaux d’échange de musique en ligne visent en effet un grand nombre de préadolescents, ainsi que des étudiants. Il y avait aussi parmi eux un adolescent polonais récemment immigré aux Etats-Unis dont le stock de fichiers musicaux comprenait surtout des chansons folkloriques polonaises et du rap hongrois, deux styles qui ne sont pas contrôlés par les cinq entreprises discographiques qui “possèdent” 90 % de la production musicale américaine. Traîner ses clients devant les tribunaux n’est pas un modèle de développement viable pour une entreprise, mais les “oligopolistes” de la culture n’ont plus d’autre solution pour se maintenir.
Jusqu’aux inventions de Thomas Edison, la plus grande part de l’activité culturelle humaine n’était pas assimilée à de la propriété intellectuelle. Au XIXe siècle, le droit d’auteur, en tant que moyen de protéger les éditeurs sous prétexte de protéger les auteurs, ne concernait que les oeuvres imprimées. La révolution d’Edison a rendu possible l’enregistrement de musique et d’images, et du même coup l’application de la notion de “propriété” aux formes de création incorporelles incarnées par les nouveaux supports physiques qu’étaient le disque et le film. Le XXe siècle a compris la culture au sens des objets physiques qui la contenaient, et la notion de “propriété” permettait donc de justifier les monopoles de distribution que la législation sur le droit d’auteur accordait à un oligopole de plus en plus concentré d’entreprises de “communication” ou de “contenu”.
Mais la notion de “propriété” telle qu’elle avait cours à l’ère d’Edison n’est plus valable à l’ère d’Internet. La culture est aujourd’hui véhiculée sous forme numérique, par des flots de bits qui peuvent être reproduits et diffusés à tout le monde sans aucun problème. Traiter ces flots de bits comme une propriété revient à tenter d’interdire qu’ils soient échangés ou partagés gratuitement : l’industrie du disque - qui ne s’est pas privée de voler les musiciens au cours de sa brève existence - clame qu’échanger une chanson avec quelqu’un équivaut à voler un CD dans un magasin. Mais, pour la première génération du XXIe siècle, cette idée est techniquement fausse et moralement inacceptable. Partout dans le monde, les enfants d’Internet considèrent que les réseaux sont faits pour échanger des données et qu’il est impossible d’en exclure ceux qui ne paient pas. Ceux qui ont grandi avec le Net jugent erronée cette assimilation de l’échange à du vol.
Le consensus moral sur lequel reposait l’idée de propriété intellectuelle a donc volé en éclats, remettant à l’ordre du jour une ancienne critique formulée contre cette propriété. La qualité parfaite de la copie numérique et le coût nul de la distribution électronique obligent à se poser à nouveau la question suivante : s’il est possible de fournir à tous les habitants de la planète un exemplaire de n’importe quelle oeuvre numérique - esthétique ou utilitaire - à un prix équivalent à celui du premier exemplaire, en quoi est-il moral de priver qui que ce soit de quoi que ce soit ? A l’ère d’Internet, la fortune des “propriétaires” de la culture repose sur une conception de la morale qui condamne l’échange et feint d’ignorer qu’il est injuste d’en exclure quiconque.
Pour se maintenir en place, les intermédiaires, dont l’activité est devenue non seulement inutile mais moralement répugnante, cherchent à nous faire croire que, sans leur combat pour faire cesser l’échange de fichiers, les artistes mourraient de faim. Le spectacle d’une oligarchie qui prétend soutenir les musiciens alors qu’elle prélève environ 94 cents sur chaque dollar déboursé pour une oeuvre musicale serait révoltant s’il n’était pas absurde. Malgré tout, beaucoup pensent qu’en posant la question de la rétribution des artistes à l’ère de l’échange de fichiers les oligarques de la culture tiennent l’argument décisif.
En réalité, les musiciens et autres artistes se portaient très bien avant qu’Edison ne transforme la culture en bien de consommation. Et tout porte à croire que de nouvelles formes de rapports entre le créateur et son public peuvent améliorer la situation financière de l’artiste. Ce même réseau qui permet d’échanger facilement de la musique en cliquant sur un bouton permet tout aussi aisément de verser 1 dollar sur un compte électronique. Le phénomène de la vente aux enchères en ligne a déjà habitué des millions d’Américains au système : le particulier qui vend son bien aux enchères est payé par l’acheteur via PayPal, un service qui permet d’effectuer en ligne des paiements sécurisés par carte de crédit ou virement bancaire. On peut imaginer que les gens puissent rétribuer directement les créateurs via le même logiciel qui leur permet de télécharger et d’écouter de la musique, et que les musiciens puissent à leur tour payer pour les différents services qui les aident à exprimer leur art. Si nous configurions notre ordinateur de façon à verser automatiquement 25 cents à l’artiste pour chacune de ses chansons que nous téléchargeons, les musiciens gagneraient assez pour reverser une part à chaque intervenant de la chaîne de création (compositeurs, producteurs, ingénieurs du son) tout en touchant plus que la somme dérisoire que les “propriétaires” daignent leur accorder à l’heure actuelle. Le public et les artistes n’ont plus besoin des intermédiaires. Ces derniers ont perdu leur raison d’être, et ils cherchent à se maintenir par la force. Mais ça ne marchera pas. Ils peuvent intenter un procès à quelques personnes de temps en temps, mais ils ne pourront pas attaquer en justice tout le monde tout le temps.
Eben Moglen*
* Avocat et professeur à la faculté de droit de l’université Columbia, il a défendu certains des internautes poursuivis par l’industrie du disque. Il travaille actuellement à un livre sur la mort de la propriété intellectuelle.
Anonyme
sinon faut forniquer avec l'ennemi ya pas le choix .
Anonyme
Anonyme
Citation : Pour se maintenir en place, les intermédiaires, dont l’activité est devenue non seulement inutile mais moralement répugnante, cherchent à nous faire croire que, sans leur combat pour faire cesser l’échange de fichiers, les artistes mourraient de faim. Le spectacle d’une oligarchie qui prétend soutenir les musiciens alors qu’elle prélève environ 94 cents sur chaque dollar déboursé pour une oeuvre musicale serait révoltant s’il n’était pas absurde. Malgré tout, beaucoup pensent qu’en posant la question de la rétribution des artistes à l’ère de l’échange de fichiers les oligarques de la culture tiennent l’argument décisif.
ah ... ah ... ah .
on a tous le net ici , on est tous artistes ou assimilés (jparle pour les hardos) , donc merde on attends quoi ? moi rien , mais le truc apres c de gagner de la visibilité sur la toile ... sinon ya un bon myen de baiser les baiseurs , c'est par exemple foutre tes skeuds uniquement ... en epicerie par exemple : )
le reverend
Mais faudrait peut-être aussi que les gens y mettent du leur. RIEN n'oblige quiconque à acheter de la merde en CD sous prétexte qu'elle passe sur TF1 ou Merde6.
P't1 les gens, faites pas n'importe quoi non plus.
Putain, 22 ans que je traine sur AF : tout ce temps où j'aurais pu faire de la musique ! :-( :-)
Anonyme
2d
Citation : Les passionnés de la Gorbouchka
"Izvestia"(extraits), Moscou
Ce marché de Moscou héberge un trépidant commerce de logiciels, CD et vidéos piratés ou pas. Un lieu mythique où affluent étudiants, intellectuels et artistes.
Hier encore, les agences de presse annonçaient une nouvelle saisie de vidéos pirates à Moscou. Le marché Gorbouchka, refuge traditionnel des produits culturels piratés de la capitale, s’est aussitôt inquiété. Depuis plus de dix ans, il héberge un trépidant commerce de logiciels, CD et vidéos à des prix défiant toute concurrence. Les pouvoirs publics ont tenté à de nombreuses reprises de le liquider, mais il a tenu bon. Et il doit continuer à exister. Certains pensent que sans lui Moscou ne serait plus Moscou.
Il était une fois, à Fili [un des quartiers ouest de Moscou], un édifice de style constructiviste soviétique des années 20, passablement dégradé : la maison de la culture Gorbounov. Au début de la perestroïka, les dirigeants progressistes du lieu commencèrent à prêter leur salle à des groupes de rock underground. La jeunesse d’avant-garde afflua en grand nombre, baptisant ce respectable endroit “la Gorbouchka”. Mais les concerts n’étaient pas la seule chose qui attirait les jeunes : la Gorbouchka leur permettait aussi de se tenir au courant des nouveautés musicales, de troquer ou d’acheter des disques de leurs idoles. Et, lorsque le bâtiment fut devenu trop exigu pour l’ampleur des échanges, ils se transportèrent dans le parc voisin.
Le petit cercle de passionnés s’étendit à toute allure. Des générations entières de Soviétiques jusque-là sevrés de musique occidentale et de films étrangers se ruaient ici à la recherche de perles rares et de nouveautés. On commença par vendre de vieux stocks de vinyles, puis des CD piratés fabriqués en Bulgarie et en Chine, et des vidéos dupliquées de façon artisanale. Le temps passa. Dans la capitale, le commerce devint de plus en plus réglementé. La Gorbouchka ne pouvait échapper aux nouveaux usages : du jour au lendemain, elle se retrouva fermée.
L’estampille “Gorbouchka” demeurait en suspens. L’idée de réunir en un même lieu l’essentiel du commerce des produits audio, vidéo et informatiques travaillait l’esprit des businessmen de la capitale. En effet, près des stations de métro et dans tous les lieux passants, les étals de CD et de vidéos s’étaient multipliés comme des petits pains. Cette masse de produits piratés était beaucoup plus considérable que celle de la Gorbouchka, mais le pouvoir fermait les yeux sur ces vendeurs à la sauvette. Les amateurs de musique et de films, eux, ne trouvaient pas, dans cette multitude d’étals, les oeuvres rares qu’ils cherchaient. C’était le royaume de la culture de masse de bas étage, qui est, c’est à noter, la première cible du piratage.
Pour les fondateurs de la Gorbouchka, sa fermeture fut une véritable tragédie. Ce site mythique n’était pas pour eux qu’un lieu de travail, c’était toute leur vie. Contrairement à ce que tout le monde croit, ces commerçants gagnaient une misère. En fait, ils se sentaient surtout une âme de missionnaires, portant la lumière de la culture internationale aux masses ignorantes. A la fermeture du marché, certains sont morts de chagrin. Ils n’avaient que 40, 45 ans...
Mais la Gorbouchka a ressuscité, non loin de son emplacement historique, près du métro Bagration. Certes, elle porte désormais un nom officiel, complexe commercial “Gorbouchkine dvor”. Le public a fait bon accueil à ce nouveau lieu, et les acheteurs s’y pressent. Mais les stéréotypes n’ont pas changé. D’après les commerçants, ce n’est pas le fait que la Gorbouchka a de puissants ennemis qui veulent la discréditer, simplement, les journalistes ont pris la mauvaise habitude de n’évoquer ce marché que dans des reportages consacrés à la fraude.
L’exploitation illégale de la propriété intellectuelle se pratique dans le monde entier et, pour réprimer le piratage, l’humanité ne connaît que les méthodes policières. La Gorbouchka est certes soumise à des contrôles justifiés, mais il ne faut pas se leurrer : dans les supermarchés les mieux approvisionnés, les hypers les plus prestigieux ou les boutiques les plus célèbres, vous pouvez très bien tomber sur des contrefaçons. N’oublions pas que nous avons derrière nous une longue tradition de piratage. Du temps de l’URSS, l’Etat lui-même, refusant de reconnaître les accords internationaux, éditait à des millions d’exemplaires des livres, des disques, voire des films d’auteurs étrangers sans la moindre autorisation et sans reverser un sou. Il y a encore quelques années, nos chaînes nationales diffusaient sans vergogne des films hollywoodiens sans payer de droits.
Sur le marché de la Gorbouchka, la part de la contrefaçon diminue de jour en jour. Depuis quelques années, le marché de la vidéo est rentré dans le rang, celui du disque est en train de suivre. Les logiciels et jeux électroniques légaux sont de plus en plus nombreux, et la situation des DVD s’améliore... La Gorbouchka est d’abord un endroit où l’on vient étoffer sa culture. S’il existait un équivalent à Paris, le monde entier en ferait l’éloge. Le caractère particulier de ce centre commercial et la spécificité de ses produits engendrent un fonctionnement hors normes. Les grosses sociétés qui présentent leur propre catalogue occupent de plus en plus de place. Les show-cases sont presque quotidiens, ainsi que les séances de dédicaces.
Parmi les acheteurs, on trouve des étudiants, des intellectuels, des artistes, beaucoup d’étrangers, des hommes politiques, des membres de la nouvelle élite... Le secrétaire du Conseil de sécurité russe, Vladimir Rouchaïlo, grand connaisseur de la chanson française et des westerns américains, est par exemple un visiteur assidu...
le reverend
Putain, 22 ans que je traine sur AF : tout ce temps où j'aurais pu faire de la musique ! :-( :-)
Anonyme
Citation : Le secrétaire du Conseil de sécurité russe, Vladimir Rouchaïlo, grand connaisseur de la chanson française et des westerns américains, est par exemple un visiteur assidu...
les russes ils aiment notre culture comme on saura jamais aimer la leur ...
qd tu debarque ds un bled russe et que le gars ecoute reggianni ou aznavour , gainsbourg ... ca calme . et ca les fait vibrer comme peu de francais, blasés que nous sommes !!!
2d
Citation : Pourquoi nous écrivons sous “copyleft”
"Il Mucchio Selvaggio", Rome
Les romans du collectif d’écrivains italiens Wu Ming sont à la fois disponibles en librairie et téléchargeables gratuitement sur le Net. L’un des membres de ce groupe très engagé dans le combat contre le copyright explique leur démarche.
Mais, si tout le monde peut copier vos livres et s’abstenir de les acheter, comment faites-vous pour vivre ?” Les gens nous posent souvent cette question et ajoutent la plupart du temps la remarque suivante : “Mais le copyright est nécessaire, il faut bien protéger l’auteur !”
Ce genre de propos montre à quel point la culture dominante (fondée sur le principe de la propriété) et l’industrie du divertissement ont égaré le public. En matière de droit d’auteur et de propriété intellectuelle, la confusion la plus totale règne dans les médias et dans les esprits. Seuls les fraudeurs et les parasites de toute sorte ont intérêt à faire croire que “copyright” et “droit d’auteur” sont la même chose - ou que “droit d’auteur” s’oppose à “piratage”. Mais la réalité est tout autre.
Les livres du collectif Wu Ming sont publiés avec la mention suivante : “La reproduction, intégrale ou partielle, de l’oeuvre et sa diffusion par voie électronique sont autorisées à l’usage privé des lecteurs et à des fins non commerciales.” Cette mention est fondée sur le principe du “copyleft”, concept inventé dans les années 80 par le “Mouvement pour les logiciels libres” de Richard Stallman et qui est désormais appliqué dans de nombreux secteurs de la communication et de la créativité.
Un exemplaire piraté = plusieurs exemplaires vendus
Le “copyleft” (jeu de mots dense et intraduisible) est une philosophie qui se traduit par plusieurs types de licences commerciales, dont la première a été la GNU Public License (GPL) du logiciel libre. Elle est née précisément pour protéger ce dernier et empêcher quiconque (Microsoft, pour ne pas le nommer) de s’emparer des résultats du travail des communautés libres d’utilisateurs et de programmeurs, et d’en faire sa propriété privée. Si le logiciel libre était simplement demeuré dans le domaine public, tôt ou tard, les vautours de l’industrie lui auraient mis le grappin dessus. La solution fut de retourner le copyright comme une crêpe afin qu’il cesse d’être un obstacle à la liberté de reproduction, pour en devenir la garantie suprême.
En clair : si je mets un copyright sur une oeuvre, cela veut dire que j’en suis le propriétaire et je profite du pouvoir que cela me confère pour dire que vous pouvez faire ce que vous voulez de mon oeuvre : vous pouvez la copier, la diffuser, la modifier, mais vous ne pouvez pas empêcher quelqu’un d’autre de le faire, autrement dit, vous ne pouvez pas vous approprier cette oeuvre et empêcher sa libre circulation, vous ne pouvez pas mettre de copyright à votre tour parce qu’il y en a déjà un, qu’il m’appartient, et que je vous emm...
Concrètement, un citoyen lambda - n’ayant pas les moyens d’acheter un livre de Wu Ming ou n’aimant pas acheter les yeux fermés - peut le plus sereinement du monde le photocopier ou le scanner, ou encore, plus simplement, le télécharger gratuitement depuis notre site <www.wumingfoundation.com>. Cette reproduction n’est pas effectuée dans un but lucratif ; donc nous l’autorisons. En revanche, si un éditeur étranger veut faire traduire le livre et le commercialiser dans son pays, ou bien si un producteur de cinéma veut en faire le sujet d’un film, alors, l’usage a une finalité lucrative ; donc ces messieurs devront payer (car il est juste que nous fassions du “lucre” nous aussi, puisque c’est nous qui avons écrit le livre).
Mais revenons à la question initiale : est-ce que cela ne nous fait pas perdre de l’argent ? La réponse est un non catégorique. Un nombre croissant d’expériences éditoriales montrent que la logique “un exemplaire piraté = un exemplaire non vendu” n’a absolument rien de logique. Comment expliquer, sinon, que notre roman Q, téléchargeable gratuitement depuis trois ans déjà, en soit actuellement à sa douzième édition et ait dépassé les 200 000 exemplaires vendus ? En fait, dans l’édition, plus une oeuvre circule, plus elle se vend.
Il suffit d’expliquer ce qui se passe avec nos livres : un utilisateur X se connecte sur notre site et télécharge, par exemple, notre roman 54 ; il le fait de son bureau ou depuis l’université, et l’imprime sur place, ce qui ne lui coûte pas un centime ; il lit le roman et l’apprécie ; il l’apprécie tellement qu’il décide de l’offrir, mais, évidemment, il n’est pas très élégant d’offrir une liasse de feuilles A4 ! Il ira donc acheter le roman en librairie. Résultat ? Un exemplaire “piraté” = un exemplaire vendu. Il y en a qui ont téléchargé notre livre et, après l’avoir lu, l’ont offert à au moins six ou sept personnes : un exemplaire “piraté” = plusieurs exemplaires vendus. Et même si certains n’offrent pas le livre parce qu’ils sont fauchés, ils en parleront autour d’eux et, tôt ou tard, quelqu’un l’achètera ou effectuera le processus décrit ci-dessus (téléchargement-lecture-achat-cadeau). Quant à ceux à qui le livre ne plaît pas, au moins ils n’auront pas déboursé un centime.
Ainsi, comme dans le cas du logiciel libre et de l’Open Source, il est possible de concilier l’exigence d’une juste rétribution du travail d’un auteur - ou, plus généralement, d’un travailleur du savoir - et l’assurance de pouvoir reproduire l’oeuvre (c’est-à-dire assurer son usage social). On fait ainsi primer le droit d’auteur en affaiblissant le copyright, n’en déplaise à ceux qui croient que les deux termes sont équivalents.
Si la plupart des éditeurs n’ont pas encore pris conscience de cette réalité et restent conservateurs en matière de copyright, c’est pour des raisons plus idéologiques que commerciales ; mais il nous semble qu’ils ne tarderont pas à s’en apercevoir. L’édition n’est pas menacée d’extinction comme l’industrie phonographique : leurs logiques sont différentes, tout comme leurs supports, leurs circuits et leur mode d’exploitation. Et, surtout, l’édition n’a pas encore perdu la tête, elle n’a pas réagi à coups de rafles massives, de dénonciations et de procès face à la grande révolution technologique qui “démocratise” l’accès aux moyens de reproduction. Il y a encore quelques années, seul un studio d’enregistrement disposait d’un graveur de CD : aujourd’hui, nous en avons un chez nous, relié à notre ordinateur - sans parler du peer-to-peer, etc. C’est un changement irréversible qui rend obsolète toute la législation sur la propriété intellectuelle.
Lorsque le copyright fut créé, il y a trois siècles, il était impossible d’obtenir un “exemplaire privé” ou une “reproduction à des fins non commerciales”, car seuls les éditeurs avaient accès au matériel typographique. Tous les autres devaient se faire une raison : s’ils ne pouvaient pas acheter un livre, ils devaient y renoncer. Le copyright n’était pas perçu comme antisocial, c’était l’arme d’un chef d’entreprise contre un autre, et non pas l’arme d’un chef d’entreprise contre le public. Aujourd’hui, la situation a radicalement changé : le public n’est plus contraint de se faire une raison, il a accès à tous les outils (ordinateur, photocopieuses, etc.), et le copyright est une arme qui tire dans le tas.
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