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Article du Monde sur Bob Moog

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Sujet de la discussion Article du Monde sur Bob Moog

Citation : Robert Moog, pionnier de la musique des machines
LE MONDE | 18.08.04 • MIS A JOUR LE 18.08.04 | 16h05
L'Américain a inventé le Minimoog, premier synthétiseur "commercial" qui a vécu ses heures de gloire avec le rock des années 1970. Cet appareil connaît un nouveau succès, porté par la vague "rétrofuturiste".
Au grand rassemblement de l'Internationale électronique, à Barcelone, à l'occasion de Sonar (Le Monde du 21 juin), un septuagénaire aux airs de savant farfelu détonnait au milieu d'une jeunesse bohème et "hyper-lookée". Robert Moog s'en allait donner une conférence, programmée entre deux sets de DJ. Autodéfini comme cahoona ("sorcier" en polynésien) de la technique, cet Américain à la tignasse blanche témoigne que la musique électronique, malgré ses airs perpétuellement futuristes, a une longue histoire.

A l'instar de Thaddeus Cahill et son Telharmonium (breveté en 1897), de Jörg Mager et son Spherophone, de Maurice Martenot et ses ondes du même nom, ou de Max Mathews, le premier à synthétiser des sons sur ordinateur, Robert Moog, inventeur du premier synthétiseur "commercial", est un pionnier de la musique des machines.

Il n'était qu'un adolescent bricoleur quand il s'est emballé pour la magie du Thereminvox. Créé en 1920 par le Russe Lev Sergeyevich Theremin, cet appareil constitué de deux antennes, ne nécessitait aucun contact entre le musicien et la machine. En bougeant la main entre les antennes, on produisait du vibrato. Mais depuis la fin de la seconde guerre mondiale, il était voué au bruitage de films d'épouvante et de science-fiction. Entre la ferveur naïve pour le progrès et les peurs nées de la guerre froide, l'environnement culturel américain était propice à ces bruits étranges. "Ces sons m'intriguaient, précise Robert Moog, mais j'étais surtout fasciné par la technologie de cet appareil : ces tubes, ces oscillateurs... Des magazines en proposaient la fabrication en kit, je me suis lancé."

Ingénieur électronicien, le papa avait transformé l'atelier familial en petit laboratoire. Avec son fils, il s'amuse à commercialiser l'invention du savant soviétique. "Les plaisirs de ce passe-temps : travailler avec mon père, monter ces appareils, gagner quelques dollars et rencontrer les clients." A une époque où l'électronique musicale n'était qu'un artisanat balbutiant, les rêves des utilisateurs façonnaient les idées à venir. "Le déclic, se souvient le technicien, s'est produit quand j'ai rencontré Herbert Deutsch, un professeur qui enseignait le solfège à l'aide d'un Theremin. Il était aussi compositeur et se passionnait pour l'enregistrement de sons électroniques. J'ai proposé de lui construire une machine." En 1964, ce premier modèle de synthétiseur modulaire suscite tant d'intérêt qu'il persuade Moog de se lancer dans une fabrication à plus grande échelle.

Les premiers exemplaires intéressent d'abord les compositeurs de musique expérimentale comme ceux du centre de musique électronique de l'université de Columbia Princeton dirigé par Vladimir Ussachevsky, l'équivalent américain du Français Pierre Schaeffer. Le septuagénaire s'amuse encore comme un enfant à imiter les notes générées par son invention. "J'ai apporté deux innovations principales : la réduction de la dimension de machines qui jusque-là pouvaient occuper une pièce entière, et la commande par tension de l'oscillateur, du filtre et de l'amplification. Le son joué n'était plus linéaire mais évolutif."

Ces bizarreries séduiront une industrie avide de gadgets. "Les nombreuses radios et télévisions privées américaines faisaient vivre beaucoup de producteurs spécialisés dans l'illustration sonore et les jingles. Ils se sont rapidement équipés en Moog. Vers 1967, la plupart des Américains avaient entendu le son d'un Moog sans savoir de quoi il s'agissait."

LE JAZZ ET LE FUNK AUSSI

Aucun n'avait encore entendu de vraie musique jouée par ces synthétiseurs, jusqu'en 1968, et la parution de Switched on Bach, enregistré par Walter Carlos, devenu Wendy Carlos, par la grâce d'une opération, juste après le succès de cet album. Celui/celle qui, après Bach, adapta Beethoven et Rossini au synthétiseur pour la bande originale d'Orange mécanique, le film de Stanley Kubrick, se fait l'ambassadeur de choc des instruments Moog.

Le Moog devient un genre en soi. Moog Plays The Beatles, Moog Power, Moog Strikes Bach... Le rock revendiquant, à l'aube des années 1970, des ambitions futuristes et néoclassiques, allait fournir un nouveau champ d'expérimentation. Les Moody Blues, Emerson, Lake & Palmer, Yes, Edgar Winter sont parmi ceux qui introduisent dans leurs disques et sur scène les ondulations caractéristiques des synthés Moog, dont un modèle, le Minimoog, d'une taille et d'une facilité d'emploi révolutionnaires, devient un objet standard du rock progressif. Le jazz, avec Herbie Hancock et Chick Corea, et le funk, avec le Funkadelic de George Clinton, ne sont pas en reste. A son apogée, en 1971, l'usine Moog emploie 42 personnes et propose plus de 25 modèles à son catalogue. Puis le déclin s'annonce. Robert Moog vend ses parts à la compagnie Norlin Music, qui continuera la fabrication de ses synthétiseurs jusqu'au milieu des années 1980.

L'inventeur ralentit son rythme de production pendant les années 1980, qui voient l'avènement de la technologie digitale. Si les musiques électroniques connaissent un nouvel essor via le hip-hop, la house et la techno, l'ère numérique, du sampling et des menus informatiques, semble rendre obsolètes des synthétiseurs analogiques dont les sons ne se maîtrisent et ne se reproduisent qu'avec difficulté.

Jusqu'au début des années 1990, où des artistes comme Air, Beck ou Radiohead redécouvrent l'expressivité des synthés de papa, dont la gamme Moog constitue le nec plus ultra. Relancée à Ashville (Caroline du Nord), la société Moog Music a surfé avec succès sur cette vogue "rétro futuriste". Le "technical cahoona" continue de superviser la sortie de nouveaux produits, comme le Minimoog Voyager, combinaison d'analogique et de mémoire digitale.

Mais, à 70 ans, Robert Moog aspire à plus de tranquillité. "Avec ma femme, professeur de philosophie à la retraite, nous nous intéressons à la nature de la réalité. J'ai compris récemment que le monde physique n'était qu'un niveau de cette réalité. De plus en plus de scientifiques sont conscients qu'il existe d'autres niveaux d'espace et de temps." En illustration de cette quête d'une autre dimension, on imagine très bien les étranges modulations d'un Moog millésimé.

Stéphane Davet


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Biographie


1934

Naissance à New York.

1948

Fabrique son premier Theremin.

1964

Premier synthétiseur modulaire.

1970

Sortie du Minimoog.

2002

Premier Minimoog Voyager.


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Lev Sergeyevich Theremin, savant russe, père de la musique électronique

Robert Moog est resté fidèle à ses premières amours pour l'invention du physicien russe Lev Sergeyevich -à gauche sur la photo- Theremin. Au catalogue de la société Moog Music figurent toujours des modèles de Theremin, perfectionnés par le pionnier américain des synthétiseurs. Présenté pour la première fois en 1920, l'appareil - d'abord baptisé Etherphon, puis Thereminvox - était unique en son genre. Constitué d'oscillateurs pilotés par deux antennes, ce fossile vivant de la musique électronique ne met jamais en contact le musicien et la machine. Le volume et la hauteur des notes varient selon la distance des mains aux antennes. Marqué par le Theremin, Lénine demande à son inventeur de parcourir le monde afin de montrer le savoir-faire de la Russie soviétique. La tournée de démonstration de Theremin passe ainsi par l'Opéra de Paris, où il suscite un grand engouement. Voué au départ à la musique classique, le Theremin devient surtout, après 1945, un élément de bruitage pour évoquer au cinéma l'apparition d'un fantôme ou d'une soucoupe volante, avant que des groupes pop ne remettent l'instrument au goût du jour. Egalement inventeur des ancêtres du stroboscope et de la boîte à rythmes, Léon Theremin se consacra ensuite, à la demande de Staline, à la technologie militaire et du renseignement. En 1990, trois ans avant de mourir à 97 ans, le Russe rencontra enfin Robert Moog... en France. "C'était difficile de communiquer avec lui, se souvient l'Américain, il n'avait pas parlé anglais depuis cinquante ans. Mais j'étais heureux d'être à ses côtés."

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 19.08.04

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Intéressant merci :boire: