Lol ?
- 0 réponse
- 1 participant
- 200 vues
- 1 follower

avatar au congo

Citation : Asie du Sud : la générosité tombe dans l'excès
On ne mord pas la main qui donne. Et pourtant. Le mouvement de générosité sans précédent provoqué par le tsunami en Asie démontre la violence de l'onde de choc ressentie dans les pays occidentaux.
Tout n'est pas à mettre au compte d'une "proximité" avec les milliers de touristes emportés par la vague.
Le phénomène de "compassion", pour reprendre le sentiment que George W. Bush dit avoir lui-même éprouvé, a joué à plein. Il ne faut pas le regretter. Surtout lorsqu'il constitue une surprise, provenant d'Etats qui connaissent de graves difficultés budgétaires et qui prétendent rogner sur les moindres dépenses. Ou encore émanant de sociétés de consommation qu'on dit obsédées par le profit et l'intérêt individuel. De fait, c'est un pic de charité auquel on a assisté depuis le 26 décembre qui a pris des formes nouvelles - explosion des dons par Internet, SMS - ou inattendues, comme la vente de saillies de vingt-cinq pur-sang organisée par les plus grands haras français. Les sociologues sauront sans doute tirer toutes les leçons qu'il convient de cet élan historique.
Il faut pourtant se demander si, sur le plan économique, un tel afflux de dons se justifie, s'il n'est pas exagéré. Les sommes promises aux zones dévastées n'atteignent-elles pas des niveaux disproportionnés par rapport aux besoins réels ? Ne doit-on pas redouter des effets d'éviction, l'argent pour l'Asie n'étant plus disponible pour d'autres régions du monde, plus nécessiteuses encore, dont l'Afrique ? La générosité, en plus d'être aveugle, n'est-elle pas un facteur d'injustice et un créateur d'inégalités ?
Les sommes versées donnent le vertige. Les pays victimes du raz de marée devraient au total recevoir plus de 10 milliards de dollars d'aide. Un montant énorme, qui représente le septième du total de l'aide internationale au développement. Accusés pour beaucoup d'entre eux - en premier lieu les Etats-Unis - de se montrer pingres au lendemain du tsunami, les gouvernements des grands pays industrialisés se sont vite ressaisis, se livrant à une surenchère dans le don qui n'a eu d'égale que celle à laquelle se sont livrées les stars du cinéma ou de la chanson.
De la même façon que Paul McCartney, Brad Pitt, Leonardo DiCaprio rivalisaient pour signer le plus gros chèque, les Etats-Unis, l'Australie, le Japon, l'Allemagne ou la France faisaient assaut de générosité. Chacun surveillant de très près ce que versait l'autre afin de ne surtout pas passer, aux yeux de sa propre opinion publique, pour un radin et un sans-cœur.
Une charité à l'évidence très... intéressée ! Intérêt pour M. Bush de montrer que les Etats-Unis peuvent être les amis de pays musulmans. Intérêt pour Tony Blair, le premier ministre britannique, de contrer Gordon Brown, son ministre des finances, les deux ex-amis étant devenus adversaires farouches pour la direction du Parti travailliste. Intérêt pour le Japon de rappeler son rôle en Asie à un moment où la Chine affiche haut et fort ses ambitions. Intérêt pour M. Chirac, enfin, de prouver au reste de la planète que la France est, parmi tous les grands pays industrialisés, le seul et vrai ami des nations pauvres.
Comme si la politique de dons ne suffisait pas, les pays riches du Club de Paris ont décidé un moratoire sur la dette de 91 milliards de dollars des neuf principaux pays victimes du tsunami (Inde, Indonésie, Malaisie, Maldives, Birmanie, Somalie, Seychelles, Sri Lanka et Thaïlande) Avec "effet immédiat et sans condition", c'est-à-dire sans qu'aucune discussion préalable ait eu lieu avec le Fonds monétaire international (FMI) ou accord avec les créditeurs privés, comme c'est pourtant la règle. Le gouvernement français a cru bon d'en rajouter et a promis déjà "des mesures complémentaires" si le besoin s'en fait sentir.
CHIFFRES TERRIBLEMENT FROIDS
Les pays touchés par le raz de marée semblent quelque peu déroutés par cet empressement des pays riches à leur venir financièrement en aide. Seuls trois d'entre eux (Indonésie, Sri Lanka, Seychelles) ont manifesté un intérêt pour le moratoire ! La Thaïlande et la Malaisie ont au contraire officiellement fait savoir qu'il n'était pas dans leurs intentions d'accepter cette proposition : elles jugent qu'un tel statut d'exception risque de les faire mal voir sur les marchés internationaux de capitaux, d'éloigner les investisseurs étrangers et de se traduire, au bout du compte, par une baisse de la notation de leur dette. L'Inde a, pour sa part, dès le départ, refusé toute forme d'aide. Si les arrière-pensées géopolitiques n'ont pas été étrangères à cette décision, celle-ci répond aussi à une réalité économique.
Les pays victimes sont mieux placés que quiconque pour savoir que si le tsunami a été une catastrophe humanitaire et sanitaire, ses conséquences économiques sont mineures. "C'est un événement profondément tragique pour les millions de personnes qui souffrent, mais les économies des pays touchés devraient s'en sortir avec peu de dégâts, à l'exception du Sri Lanka et des Maldives", résume froidement Ifzal Ali, l'économiste en chef de la Banque asiatique de développement (BAD).
En Indonésie, en Inde et en Thaïlande, les dommages sont largement confinés aux zones rurales, et les régions densément peuplées et industrielles responsables de la croissance économique ont été épargnées. Daniel Lian, économiste de Morgan Stanley, a calculé que la Thaïlande n'accueillera certes en 2005 que 75 % à 80 % des 13,4 millions de touristes qu'elle escomptait. Mais, comme Bangkok prendra des mesures compensatoires, M. Lian estime à 0,3 % de croissance l'impact du raz de marée. Le PIB thaïlandais progresserait de 5,7 % au lieu de 6 % attendus avant le séisme !
En Indonésie, le calcul est encore plus rapide : l'effet économique du tsunami serait... nul, selon Morgan Stanley. La croissance s'établirait à 4,5 %. Des chiffres terriblement froids, mais en même temps, aussi, extrêmement rassurants. La Banque asiatique de développement va même plus loin. La catastrophe pourrait, selon elle, favoriser un rebond de l'activité économique et se révéler bénéfique sur le long terme. "La reconstruction requiert de nouveaux investissements qui pourraient avoir un impact positif", rappelle la BAD. En outre, les gouvernements de ces pays pourraient enfin se préoccuper de zones côtières jusqu'ici délaissées. "En conséquence, il est possible que l'impact global puisse s'avérer d'une certaine manière positif", selon la BAD. Même si le tsunami a eu pour conséquence de faire basculer dans la pauvreté deux millions de personnes dont le logement ou le bateau de pêche a été détruit, cela ne devrait que provisoirement interrompre la tendance fondamentale observée dans cette Asie grande bénéficiaire de la mondialisation : celle de la disparition de la misère et de l'éradication de l'extrême pauvreté (les personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour).
A quoi va donc servir, dans ces conditions, la dizaine de milliards de dollars promise au-delà du milliard nécessaire pour les besoins d'urgence ? La Thaïlande n'est pas riche, mais son PIB par habitant, 2 000 dollars, est vingt fois plus élevé qu'en Ethiopie. Fallait-il critiquer Médecins sans frontières (MSF) lorsqu'il a annoncé, trop vite au goût de certains, qu'il n'avait plus besoin de dons pour l'Asie - parce que, pour des raisons légales, les dons versés pour une cause ne peuvent pas être dépensés pour une autre cause ?
"Il y a l'équivalent d'un tsunami chaque semaine en Afrique. Il est causé par l'homme, et il est possible de l'éviter", a lancé, il y a quelques jours, M. Blair. Que cela plaise ou non, cet excès d'argent qui afflue vers l'Asie, c'est d'abord de l'argent qui n'ira pas en Afrique, où se trouve, aujourd'hui, l'épicentre de la misère du monde.
Pierre-Antoine Delhommais et Eric Le Boucher
Hors sujet : Sinon est-ce que je suis le seul à écouter Europe 1 : Excès de médicaments en asie, médocs périmés ou à durée de 'validité' d'une semaine ou deux. Ca m'embête de pas en trouver une trace sur le net, mais je l'écris pour la postérité.
Avatar le Polémiste.
- < Liste des sujets
- Charte