Présentation de la batterie électronique Barbara
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thepyjaman
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Sujet de la discussion Posté le 23/06/2022 à 20:15:14Présentation de la batterie électronique Barbara
Qui se souvient de la première batterie électronique de fabrication française, la BARBARA ? Jack Lang l'a écoutée au casque au Salon de la musique, Jacques Chirac l'a applaudi à la Foire de Paris mais peu de gens l'ont entendue. Dans les années 80, seule une poignée d'exemplaires ont été vendus, en Essonne ou dans le Val de Marne. Car l'épicentre de sa conception se situe là, à Paray-Vieille-Poste, où habite Bernard Flachier, batteur et inventeur de la BARBARA.
Flashback : En 1983 Bernard Flachier a 43 ans et déjà une belle carrière de batteur professionnel derrière lui. Il a commencé la batterie sur le tard, à 22 ans, mais travaille son instrument sans relâche au point de se retrouver trois ans plus tard à jouer derrière Claude François. Il accompagne ensuite de nombreux chanteurs des années 60 et 70 comme Eddy Mitchell, Joe Dassin, Mireille Mathieu ou Marie Laforêt. Il travaille avec Stéphane Grapelli et la chanteuse américaine Virginia Vee. Il joue dans le grand orchestre de Camille Sauvage (dont les albums Fantasmagories et 7 drums concerto sont très prisés des amateurs de library music). Il enchaîne les engagements dans les revues parisiennes (le Crazy Horse, l'Alcazar, le Paradis Latin, le Moulin Rouge...) et a même été "chef-d'orchestre" de la Loterie Nationale, ancêtre du loto, à l'époque où un trio de musiciens jouaient lors des tirages !
Mais à partir de 1982, il se consacre à l'enseignement de la batterie et se lance dans la conception d'une batterie électronique à vocation pédagogique qui permettrait de travailler chez soi, sans déranger ses voisins. L'idée est dans l'air du temps : les pads électroniques Synare ou Electro-Harmonix ont fait leur apparition à la fin des années 70 mais c'est la marque Simmons qui emporte le morceau en 1981 en commercialisant la célèbre batterie électronique SDS V. C'est un succès immédiat, le son Simmons envahit la pop-music (Talk Talk, Japan, Spandau Ballet, ...) et ses pads hexagonaux (peut-être le marqueur le plus emblématique de la musique des années 80, avec la guitare synthé)s'affichent bientôt sur les plateaux télés et dans les premières vidéos musicales. Le principe est simple : chaque pad est relié à un module électronique dédié correspondant à un son de fût que l'on peut contrôler à sa guise (sensibilité, pitch, decay, bruit blanc, égalisation). Bizarrement, les modules de cymbales de la SDS V sont boudés par les musiciens, qui préfèrent jouer sur de vraies cymbales. Les pads Simmons sont malheureusement aussi réputés pour leur dureté, ils sont bruyants et font souffrir bien des batteurs.
Bernard Flachier a donc tout cela à l'esprit quand il crée son prototype. Pour ses pads, il effectue de nombreux tests à base de caoutchouc afin d'arriver à un résultat satisfaisant : la sensation de rebond de la baguette est agréable, et le pad plus silencieux qu'un Simmons. Il y aura les sons de cymbales et le module sera équipé de prises casques absentes des Simmons. Pour la partie synthèse sonore, il s'associe à Pierre Garreau et la société Moon Electronics. Enfin il trouve un nom facilement mémorisable et qui sonne dans toutes les langues. C'est donc fraîchement diplômé de la médaille d'argent du concours Lépine qu'il présente en 1983 la BARBARA, la première batterie électronique française. La BARBARA fait le tour des expositions et salons professionnels. Elle apparaît même dans un petit reportage à la télévision dans le journal de Jean-Claude Bourret.
Dans la plaquette promotionnelle éditée pour son lancement, on sent bien que la BARBARA a été pensée pour la pédagogie : la hauteur peut être abaissée pour les plus jeunes, deux entrées casque sont prévues pour l'élève et le professeur, ainsi qu'une entrée cassette pour jouer par-dessus des enregistrements. Les pads (grosse caisse et cymbales inclues) sont ronds, vissables au dos sur une structure métallique. Côté finition c'est encore un peu rudimentaire : boîtier en métal, inscriptions en français sur le devant (caisse claire, grosse caisse, charleston) et en anglais sur les sorties (SD, BD et HH). Les contrôles sont limités : un volume par élément. N'ayant jamais pu écouter ce modèle (que nous nommerons Barbara prototype par facilité), difficile de se prononcer sur le son.
Peut-être conscient que l'aspect visuel de son invention est primordial, il sort 4000 francs de sa poche pour redessiner la BARBARA. Ce seront les établissements Larivière & Partners qui vont créer le design noir des modèles suivants (le logo du designer sera d'ailleurs placé bien en évidence sur les boîtiers).
Petit passage en revue des nouvelles déclinaisons de la BARBARA :
BARBARA MK1 (baptisée ainsi par moi-même car pas de nom de produit visible sur le boîtier)
Les pads adoptent une forme carrée aux bords arrondis. Les lettres du logo BARBARA débordent fièrement sur le boîtier. Les boutons sont plus nombreux, permettant de modifier la hauteur de chaque pad. Un métronome est inclus. Deux pédales contrôlent la grosse caisse (le rebond de la batte est bien rendu par le ressort) et le charleston (qui se ferme quand on laisse la pédale appuyée). Cette innovation rend l'expérience et l'apprentissage encore plus réalistes que sur le prototype. L'intérieur est une usine à gaz avec ses multiples circuits imprimés. Là encore, je n'ai pas pu tester ce modèle.
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BARBARA MK10
Le MK 10 est un petit module indépendant fabriqué en 1985. Toutes les inscriptions sont maintenant en anglais comme si BARBARA voulait s'ouvrir au marché international. Il délivre un son de tom pitchable, avec ajout de bruit blanc. La palette sonore est assez limitée. J'ai samplé plusieurs sons du MK 10 (sans aucun effet, c'est le son "pur" à chaque fois) que j'ai séquencé afin de créer ces rythmiques. Cela permet de se rendre compte de la variété de sons obtenus. À écouter dans la section extraits audio.
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BARBARA MK2 (baptisée ainsi par moi-même car pas de nom de produit visible sur le boîtier)
BARBARA MK2 (aussi nommée MK 80 sur les circuits imprimés): cette BARBARA propose une banque de sons de batterie acoustique stockés cette fois dans des EPROM, façon Drumulator ou LinnDrum. Moins de boutons de contrôle, mais une gamme de sons remarquables, non éditables. Les sons des divers éléments ont été probablement joués par Bernard Flachier lui-même. Comme pour le MK 10, j'ai samplé chaque élément que j'ai séquencé pour créer plusieurs patterns rythmiques, il ne s'agit pas de batterie jouée live ! Là encore, à écouter dans la section extraits audio.
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L'aventure commerciale de la Barbara a tourné court face à concurrence des batteries électroniques produites à grande échelle (Clavia D-Drum, Roland, etc...). Bernard Flachier a hypothéqué sa maison pour payer le dépôt des brevets, mais uniquement pour le territoire français. Loin d'être un businessman aguerri, il n'a certainement pas su s'entourer au mieux pour faire de son invention un succès commercial. De fait, ce sont donc bien souvent ses élèves qui ont acheté des BARBARA. Au reste, son partenaire Moon Electronics ne semblait pas en capacité de s'aligner sur ses concurrents en terme d'innovation.
Ainsi va la vie, Bernard Flachier a continué à donner des cours de batterie. Il a formé un trio de jazz avec Stéphane, un de ses fils, au piano. Il est décédé en 2000.
Merci à M.Patrick, Stéphane Flachier
Flashback : En 1983 Bernard Flachier a 43 ans et déjà une belle carrière de batteur professionnel derrière lui. Il a commencé la batterie sur le tard, à 22 ans, mais travaille son instrument sans relâche au point de se retrouver trois ans plus tard à jouer derrière Claude François. Il accompagne ensuite de nombreux chanteurs des années 60 et 70 comme Eddy Mitchell, Joe Dassin, Mireille Mathieu ou Marie Laforêt. Il travaille avec Stéphane Grapelli et la chanteuse américaine Virginia Vee. Il joue dans le grand orchestre de Camille Sauvage (dont les albums Fantasmagories et 7 drums concerto sont très prisés des amateurs de library music). Il enchaîne les engagements dans les revues parisiennes (le Crazy Horse, l'Alcazar, le Paradis Latin, le Moulin Rouge...) et a même été "chef-d'orchestre" de la Loterie Nationale, ancêtre du loto, à l'époque où un trio de musiciens jouaient lors des tirages !
Mais à partir de 1982, il se consacre à l'enseignement de la batterie et se lance dans la conception d'une batterie électronique à vocation pédagogique qui permettrait de travailler chez soi, sans déranger ses voisins. L'idée est dans l'air du temps : les pads électroniques Synare ou Electro-Harmonix ont fait leur apparition à la fin des années 70 mais c'est la marque Simmons qui emporte le morceau en 1981 en commercialisant la célèbre batterie électronique SDS V. C'est un succès immédiat, le son Simmons envahit la pop-music (Talk Talk, Japan, Spandau Ballet, ...) et ses pads hexagonaux (peut-être le marqueur le plus emblématique de la musique des années 80, avec la guitare synthé)s'affichent bientôt sur les plateaux télés et dans les premières vidéos musicales. Le principe est simple : chaque pad est relié à un module électronique dédié correspondant à un son de fût que l'on peut contrôler à sa guise (sensibilité, pitch, decay, bruit blanc, égalisation). Bizarrement, les modules de cymbales de la SDS V sont boudés par les musiciens, qui préfèrent jouer sur de vraies cymbales. Les pads Simmons sont malheureusement aussi réputés pour leur dureté, ils sont bruyants et font souffrir bien des batteurs.
Bernard Flachier a donc tout cela à l'esprit quand il crée son prototype. Pour ses pads, il effectue de nombreux tests à base de caoutchouc afin d'arriver à un résultat satisfaisant : la sensation de rebond de la baguette est agréable, et le pad plus silencieux qu'un Simmons. Il y aura les sons de cymbales et le module sera équipé de prises casques absentes des Simmons. Pour la partie synthèse sonore, il s'associe à Pierre Garreau et la société Moon Electronics. Enfin il trouve un nom facilement mémorisable et qui sonne dans toutes les langues. C'est donc fraîchement diplômé de la médaille d'argent du concours Lépine qu'il présente en 1983 la BARBARA, la première batterie électronique française. La BARBARA fait le tour des expositions et salons professionnels. Elle apparaît même dans un petit reportage à la télévision dans le journal de Jean-Claude Bourret.
Dans la plaquette promotionnelle éditée pour son lancement, on sent bien que la BARBARA a été pensée pour la pédagogie : la hauteur peut être abaissée pour les plus jeunes, deux entrées casque sont prévues pour l'élève et le professeur, ainsi qu'une entrée cassette pour jouer par-dessus des enregistrements. Les pads (grosse caisse et cymbales inclues) sont ronds, vissables au dos sur une structure métallique. Côté finition c'est encore un peu rudimentaire : boîtier en métal, inscriptions en français sur le devant (caisse claire, grosse caisse, charleston) et en anglais sur les sorties (SD, BD et HH). Les contrôles sont limités : un volume par élément. N'ayant jamais pu écouter ce modèle (que nous nommerons Barbara prototype par facilité), difficile de se prononcer sur le son.
Peut-être conscient que l'aspect visuel de son invention est primordial, il sort 4000 francs de sa poche pour redessiner la BARBARA. Ce seront les établissements Larivière & Partners qui vont créer le design noir des modèles suivants (le logo du designer sera d'ailleurs placé bien en évidence sur les boîtiers).
Petit passage en revue des nouvelles déclinaisons de la BARBARA :
BARBARA MK1 (baptisée ainsi par moi-même car pas de nom de produit visible sur le boîtier)
Les pads adoptent une forme carrée aux bords arrondis. Les lettres du logo BARBARA débordent fièrement sur le boîtier. Les boutons sont plus nombreux, permettant de modifier la hauteur de chaque pad. Un métronome est inclus. Deux pédales contrôlent la grosse caisse (le rebond de la batte est bien rendu par le ressort) et le charleston (qui se ferme quand on laisse la pédale appuyée). Cette innovation rend l'expérience et l'apprentissage encore plus réalistes que sur le prototype. L'intérieur est une usine à gaz avec ses multiples circuits imprimés. Là encore, je n'ai pas pu tester ce modèle.
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BARBARA MK10
Le MK 10 est un petit module indépendant fabriqué en 1985. Toutes les inscriptions sont maintenant en anglais comme si BARBARA voulait s'ouvrir au marché international. Il délivre un son de tom pitchable, avec ajout de bruit blanc. La palette sonore est assez limitée. J'ai samplé plusieurs sons du MK 10 (sans aucun effet, c'est le son "pur" à chaque fois) que j'ai séquencé afin de créer ces rythmiques. Cela permet de se rendre compte de la variété de sons obtenus. À écouter dans la section extraits audio.
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BARBARA MK2 (baptisée ainsi par moi-même car pas de nom de produit visible sur le boîtier)
BARBARA MK2 (aussi nommée MK 80 sur les circuits imprimés): cette BARBARA propose une banque de sons de batterie acoustique stockés cette fois dans des EPROM, façon Drumulator ou LinnDrum. Moins de boutons de contrôle, mais une gamme de sons remarquables, non éditables. Les sons des divers éléments ont été probablement joués par Bernard Flachier lui-même. Comme pour le MK 10, j'ai samplé chaque élément que j'ai séquencé pour créer plusieurs patterns rythmiques, il ne s'agit pas de batterie jouée live ! Là encore, à écouter dans la section extraits audio.
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L'aventure commerciale de la Barbara a tourné court face à concurrence des batteries électroniques produites à grande échelle (Clavia D-Drum, Roland, etc...). Bernard Flachier a hypothéqué sa maison pour payer le dépôt des brevets, mais uniquement pour le territoire français. Loin d'être un businessman aguerri, il n'a certainement pas su s'entourer au mieux pour faire de son invention un succès commercial. De fait, ce sont donc bien souvent ses élèves qui ont acheté des BARBARA. Au reste, son partenaire Moon Electronics ne semblait pas en capacité de s'aligner sur ses concurrents en terme d'innovation.
Ainsi va la vie, Bernard Flachier a continué à donner des cours de batterie. Il a formé un trio de jazz avec Stéphane, un de ses fils, au piano. Il est décédé en 2000.
Merci à M.Patrick, Stéphane Flachier
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