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Sujet Distance par rapport à la source et dynamique

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Sujet de la discussion Distance par rapport à la source et dynamique
Bonjour,

Quand on étudie le son, on apprend qu'en fonction de la distance par rapport à la source varient:

-le niveau sonore
-le rapport son direct/son réverbéré
-qu'on perd des aigus avec la distance
etc...

Mais au cours de mes prises de son, il m'a semblé que la distance avait aussi un grand impact sur la dynamique des sons: très flagrant sur un son de clefs par exemple: pris à 5 cm, on est envahi par d'horribles transitoires très puissantes qui agressent les oreilles, pris à 1 m, le son est tout à fait écoutable! Mais je n'ai rien trouvé qui théorise ce phénomène...

Je remarque également que le timbre, notamment celui des instruments, varie énormément avec la distance, par exemple un piano pris à 20 cm, ne sonnera pas du tout pareil qu'un piano pris à 2m, et pas seulement pour des questions de réverbération et de perte d'aigus, auriez-vous des lectures concernant ce phénomène?

Merci d'avance pour vos réponses,
Tom
2
Les transitoires sont essentiellement du contenu hautes fréquences donc effectivement l'écart de niveau ressenti par rapport au reste de l'enveloppe a tendance à se tasser avec la distance. L'augmentation de l'influence de la pièce avec la distance vient aussi renforcer le sustain d'un son.
Pour les variation du timbre dont tu parles, il y a à la fois le fait que certaines fréquences ont besoin d'espace pour se développer mais l'interaction avec la pièce va également enrichir le son, ce qu'on n'entend pas forcément à 2cm de la source. Ce que tu entends à 2m de ton piano est la somme du son direct du piano + la somme de toutes les premières réflexions + la réverbération de la pièce. A 20cm tu as les mêmes éléments mais le son direct est dramatiquement plus fort que le reste et le son est donc beaucoup moins riche.

Vulgarisé par souci de simplicité mais tu as l'essentiel.

Peace
Glob

L'abeille coule, l'abeille coule, l'abeille coule, l'abeille coule, l'abeille coule, l'abeille coule....

Bla bla bla

3
Citation de globule_655 :
certaines fréquences ont besoin d'espace pour se développer

Tu parle des basses qui soit disant auraient besoin d'espace pour être entendu ?
En plus de ne pas l'avoir encore observer, je ne vois pas d'explication théorique de ce supposé phénomène... Mais si tu as une explication je veux bien.

[ Dernière édition du message le 06/11/2015 à 10:49:05 ]

4
Salut
Récemment je suis tombé sur de la doc qui résume un peu les différents problèmes : https://www.zainea.com/loudness%20related%20to%20mics.htm
En suivant les divers sources en fin de doc on trouve quelques études un peu plus sérieuse :
http://www.aes.org/e-lib/browse.cfm?elib=3880
5
Tes questions évoquent en effet des phénomènes différents.


Le modèle « simple » de création et propagation de l’onde acoustique s’appuie notamment sur 3 hypothèses (qui se couvrent en partie). On découpe le milieu de propagation en petits cubes, un petit volume de gaz, et on l’étudie comme un truc dans un piston (l’air ambiant le comprime faisant varier sa pression, température, etc.) :
- La transformation thermodynamique est réversible (adiabatique et quasi-statique) ;
- La transformation est élastique ;
- La viscosité du gaz est négligeable.

Adiabatique : Ça veut dire qu’il n’y a pas d’échange de chaleur (transfert d’énergie thermique) entre le petit volume que l’on étudie et le reste lors de la transformation (compression / décompression au moment du passage de l’onde).
Imagine une pompe à vélo, parfaite sans frottement ; quand tu appuies dessus l’air se retrouve comprimé : Tu réduis le volume par ton action mécanique, la pression ET la température du gaz dans la pompe augmentent.
Si tu relâches tout de suite après le piston l’air le repousse et il retrouve sa position. Le gaz occupe le même volume qu’au départ et il retrouve sa pression et sa température initiale.
Si tu appuies et que tu maintiens le piston enfoncé, la température de l’air a augmenté… Puis va diminuer par échange thermique (la chaleur) avec l’environnement. Si tu attends suffisamment longtemps la température de l’air va finir par être celle de l’air à l’extérieur de la pompe ; tu as perdu un peu de l’énergie que tu as mis en poussant le piston ==> Quand tu relâcheras le piston il ne reviendra pas jusqu’à sa position initiale.
Même si la pompe n’est pas un thermos à café, il suffit que la transformation (compression / dépression) soit assez rapide et que l’écart de température entre l’intérieur et l’extérieur ne soit pas trop important pour que la diffusion sous forme de chaleur soit négligeable (et donc la transformation adiabatique).
Dans le cas de l’acoustique, il s’agit de la compression / décompression du petit volume d’air qui dure le temps du passage de l’onde ; ça ne dure donc pas très longtemps.

Élastique : Comme pour un ressort, si tu pousses / tires dessus il y a une déformation dont le déplacement est proportionnel à la force exercée et quand tu lâches ça revient en place.
Si l’on tire trop fort dessus et que l’allongement est trop important alors on sort du domaine élastique ; l’élongation n’est plus proportionnel à l’effort et la déformation peut être irréversible.
Côté acoustique ça implique que l’amplitude du déplacement au passage de l’onde n’est pas trop importante, ce qui est le cas même à 120dB SPL.

Viscosité négligeable : C’est un peu comme une force de frottement fluide qui s’oppose au déplacement des particules de l’air entre-elles. En première approximation c’est négligé, en seconde approximation elle augmente avec la vitesse de déplacement des particules, et donc avec la fréquence.
Il ne s’agit pas de la vitesse de l’onde, qui elle ne change pas, mais du déplacement des particules dans le petit volume d’air que l’on étudie.

Avec ces 3 hypothèses tu obtiens un modèle de propagation qui est similaire à une chaîne de systèmes masse-ressort. Avec ça tu es capable de montrer qu’il y a une vitesse de propagation de l’onde qui dépend du milieu, tu peux montrer qu’il y a une atténuation géométrique, des ondes stationnaires dans une pièce close, etc.


Si l’on teste les limites du modèle, l’élasticité et l'hypothèse adiabatique sont conservées jusqu'à des pressions acoustiques de l'ordre de 120 / 130 dB : Le modèle linéaire "masse-ressort" reste valide.
Des modèles non-linéaires existent mais concernent des pressions de l'ordre de 140 à 160 dB SPL.

La première hypothèse qu’il faut revoir est celle de la viscosité dans les hautes fréquences : Elle n’est plus négligeable à partir d’une distance significative entre la source et le récepteur ; les hautes fréquences sont plus atténuées que les basses ==> Il suffit d'ajouter un amortisseur linéaire au modèle masse-ressort pour prendre en compte le phénomène.


Ça reste un modèle linéaire qui permet a priori d'expliquer les phénomènes liés à la propagation du son observés en acoustique.

Un truc qu'il ne faut pas oublier : Le micro constitue un système "masse-ressort-amortisseur" lui aussi, avec un couplage électromécanique (la bobine mise en mouvement dans un champs magnétique créée un courant qui lui-même créée un champ magnétique, etc.).

Le signal enregistré est alors issu d'un couplage électromécanique, du système masse-ressort-amortissement de la membrane du micro et de la chaîne de système masse-ressort-amortissement constituée par le milieu de propagation de longueur variable.
Un tel système va présenter une réponse en amplitude et phase variable en fonction de la fréquence. La forme d'onde et les transitoires (en particulier) sont fatalement modifiés.


Pour étudier le comportement sur les transitoires on peut utiliser l'outillage mathématique classique : Regarder la réponse du système complet (de la source à la captation) à un échelon calculé avec la transformée de Laplace (pour les transitoires rapides la transformée de Fourier n'est pas suffisante).

La réponse à un échelon (ou réponse indicielle) d'un système masse-ressort-amortis à 1 degré de liberté (ça bouge que dans une direction) est un classique. Pour un système d'ordre 2 on obtient des réponses variables en fonction du coeff d'amortissement :
1912942.gif
Tu vois qu'au lieu d'avoir un truc qui monte verticalement tu as des réponses plus ou moins rapide, des oscillations avec dépassement quand l'amortissement est faible, une réponse molle quand le facteur d'amortissement est grand...


Citation de tom.gibaja :
Mais au cours de mes prises de son, il m'a semblé que la distance avait aussi un grand impact sur la dynamique des sons: très flagrant sur un son de clefs par exemple: pris à 5 cm, on est envahi par d'horribles transitoires très puissantes qui agressent les oreilles, pris à 1 m, le son est tout à fait écoutable! Mais je n'ai rien trouvé qui théorise ce phénomène...

Le système considéré pour la propagation et captation du son est plus complexe que le système masse-ressort-amortisseur d'ordre 2 mais l'observation sera la même. En fonction du facteur d'amortissement du microphone et de la distance à la source tu auras un facteur d'amortissement total qui va varier dans le sens de ce que tu as observé.


Citation de tom.gibaja :
Je remarque également que le timbre, notamment celui des instruments, varie énormément avec la distance, par exemple un piano pris à 20 cm, ne sonnera pas du tout pareil qu'un piano pris à 2m, et pas seulement pour des questions de réverbération et de perte d'aigus, auriez-vous des lectures concernant ce phénomène?
Tu as déjà entendu parler des interférences qui arrivent quand deux ondes de fréquences proches se rencontrent ?

Prends deux enceintes collées l'une à l'autre qui diffusent dans la même direction exactement la même sinusoïde ; tu en décales une par rapport à l'autre vers l'arrière : Son onde émise arrivera retardée à l'auditeur par rapport à l'autre parce qu'elle a plus de chemin à parcourir.
Si tu décales l'enceinte d'une distance égale à 1/2 longueur d'onde, les ondes reçues par l'auditeur sont en opposition et s'annulent : L'auditeur n'entend plus rien.

Inversement, si tu as une différence de distance fixe entre les deux sources et que tu fais varier la fréquence de la sinusoïde : Pour certaine fréquence les ondes s'annulent, pour d'autres elles s'ajoutent.

Si tu diffuses un son complexe qui contient plusieurs fréquences en fonction de la différence de distance entre les sources tu obtiendras un filtre en peigne qui modifie le timbre en allant atténuer ou augmenter certaines fréquences.
En te déplaçant autour des sources, tu modifies les distances, les déphasages et donc le filtre en peigne : Ce ne sont plus les mêmes fréquences qui sont atténuées / augmentées et le timbre change.


Dans le cas du piano, la corde frappée produit une excitation à une certaine fréquence mais c'est la table qui participe à la diffusion du son.
La source (la table) n'est pas ponctuelle : C'est une membrane de 2x2 m (environ, pour se donner des ordres de grandeur).

Cette membrane vibre suivant différents modes ; tu en as une illustration ici :
http://www.acs.psu.edu/drussell/Demos/MembraneSquare/Square.html

Regarde ce qu'il se passe avec un mode simple :
1912943.gif

Les parties avant et arrière sont en opposition si tu places un micro assez directif près du centre de la moitié avant tu vas capter une sinusoïde, si tu en places un autre sur l'autre moitié à la même distance tu vas capter la même sinusoïde mais en opposition.
Si, dans un monde idéal, tu places un microphone pile au milieu de la table un peu plus loin pour capter les deux moitiés... Pour chaque onde venant d'un côté de la table tu en reçois une autre venant de l'autre côté en opposition et elles s'annulent : Le microphone ne capte rien.


Bien sûr, dans la vraie vie, les modes de la tables sont plus complexes (déjà, elle n'est pas rectangulaire), le micro n'est jamais parfaitement directif, le placement n'est pas fait au µm... Mais ça te donne une idée de ce qu'il se passe : Chaque point de la table se comporte comme une source ponctuelle qui est légèrement déphasée par rapport à ses voisines.
En fonction du placement du micro par rapport à la table (position, orientation, distance), tu vas obtenir des filtres en peigne différents qui vont donner des timbres différents, indépendamment des phénomènes d'atténuation dus à la propagation.

Pour un instrument qui peut être assimilé à une source ponctuelle le phénomène ne se produit pas (ou est bien moins marqué). Par exemple, quand tu arrives à des distances où le diamètre du pavillon d'un cuivre est négligeable tu ne devrais plus noter une grande différence autre que le niveau (tout en restant dans le cône de diffusion).


Les principes sont relativement simples, mais parvenir à mesurer / quantifier précisément tous les paramètres ayant un effet sur le son perçu pour les modéliser peut vite devenir l'enfer... En plus certains d'entre-eux sont interdépendants et peuvent se masquer les uns les autres.
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Merci pour toutes ces réponses et notamment pour ta réponse très détaillée et très claire EraTom!