coyote14
« Un monophonique parmi les plus grands! »
Publié le 30/06/19 à 22:14
Rapport qualité/prix :
Correct
Cible :
Tout public
Le Vermona’14 est un synthétiseur analogique monophonique, sans mémoire de son (mais avec mémoire de séquence), et avec quelques fonctions MIDI.
Il s’agit d’un instrument en série limitée, produit à 222 exemplaires, qui devait sortir en 2015 pour célébrer le 25ème anniversaire de la marque Allemande, et le 14ème anniversaire de sa renaissance, celle-ci ayant été en sommeil entre ses premières années juste après la chute du bloc de l’Est et l’essor dont elle a progressivement bénéficié avec le revival analogique du début des années 2000. Le fondateur Bernd Haller disparu subitement en février 2015, le projet a été mis en stand by, avant d’être achevé par son fils Thomas Haller et 2 collaborateurs: il est donc commercialisé depuis 2017 seulement.
Avec seulement 222 exemplaires, on aurait pu penser qu’au moment où j’écris ce test (juin 2019), tous les exemplaires ont été écoulés, mais ce n’est pas le cas: il est encore disponible un peu partout, et cela s’explique sans doute pour une raison très simple: il est extrêmement cher (2399€). A ce prix, pour un synthé monophonique sans mémoire, avec un marché proche de l’overdose (Korg, Arturia, Novation, Dreadbox, Behringer…), tous des instruments de bonne qualité et pour une fraction du prix, ce Vermona’14 peine manifestement à se faire une place au soleil. Qui plus est, les rares extraits audio qu’on croise sur le net ne rendent pas hommage à la machine avec des sons apparemment reproductibles avec beaucoup de synthés moins onéreux. Pourtant, Vermona jouit d’une excellente image: une marque outsider qui donne pourtant accès à des synthés de qualité, plutôt bien placés en prix, très bien fabriqués et avec un son béton. le Mono-Lancet en est un exemple brillant. Je me suis donc toujours demandé pour quelle raison Vermona était allé s’aventurer sur un terrain aussi étrange, dans une gamme de prix qui le place au-dessus d’un MatrixBrute, proche d’un Moog Model D re-issue, et au même prix que des polyphoniques à mémoires très en vue comme les DSI. Bref: un mystère commercial pour un synthé introuvable en magasin que personne ne peut donc essayer.
Me voici au Superbooth 2019 à Berlin, où bien logiquement Vermona est présent en tant que régional de l’étape. Le stand assez petit accueille un Vermona’14! L’occasion unique d’enfiler un casque et de l’essayer. Avant même d’écouter le son, je le regarde attentivement, et je suis sidéré par sa beauté et la qualité de fabrication! Epaisse tôle d’un bleu indigo très beau, une couleur rarement vue sur un synthé (le Waldorf Q bleu est proche de ce ton, en plus foncé). Le clavier reprend très exactement la tessiture du Minimoog Model D avec un clavier 3,5 octaves, offrent bien plus de confort qu’un Bass station 2 (2 octaves), et même qu’un Pro One ou un Odyssey (3 octaves), sa qualité en toucher léger est sans compromis: excellente qualité, parmi les meilleurs que j’ai pu croiser. Il est sensible à la vélocité et l’aftertouch, tous deux très bien calibrés, et ce clavier est conçu pour laisser la priorité à la dernière note jouée, contrairement au Minimoog qui donne la priorité à la note la plus basse. Le chassis tout en tôle est robuste, rigide et parfaitement ajusté. Les boutons sont dans un matériau type Bakélite, un matériau plastique très dur et de qualité, et même si je n’ai pas pu le vérifier, il ne fait aucun doute qu’ils sont vissés et que leur axe est en métal tellement le jeu latérial est absent. Ceux dédiés à la modulation offrent un léger crantage au passage sur leur position médiane, permettant de les positionner facilement et de façon fiable sur leur valeur zéro (indispensable pour un synthé sans mémoire). Ils sont réglés pour offrir une jolie résistance sous les doigts (je n’aime pas du tout les commandes complètement libres, comme ceux du Moog Grand Mother) Les switchs bâtons sont en métal, leur contact est très franc (clac, clac), tous comme ceux des encodeurs crantés (ceux pour choisir l’octave des VCO, par exemple). Des flancs en bois super jolis sont de la partie (plus jolis que ceux d’un OB6, par exemple, la finition est plus belle et la teinte du bois plus naturelle, je trouve). Les molettes de modulation et de pitch bend sont, elles, d’une qualité comparable à beaucoup de synthés.
Passons à la connectique. Pas mal de petits détails montrent que la machine n’est pas à comparer avec n’importe quoi d'autre: les prises casques par exemple sont au nombre de 2 (Mini-Jack 3,5mm et Jack 6,35mm, avec réglage de volume indépendant, comme sur un Minimoog), en face avant avec des inserts vissés. L’entrée audio offre le même raffinement (prises doubles dimensions), la sortie audio est aussi doublée (Jack 6,35 et XLR, l’instrument bénéficie d’une sortie symétrisée sur cette dernière). Les sorties CV/Gate sont aussi doublées en 2 dimensions (pas d’entrée CV Gate, dommage). Un trio de prises MIDI est présent, ainsi qu’une prise USB dont le seul usage est de permettre d’éventuelles mises à jour de l’OS (aucune n’est dispo en ligne au moment où j’écris ceci). Enfin, 2 entrées pédales sont présentes (sustain et expression, le volume mini de celle-ci étant réglable avec un ajustable). L’alimentation secteur est bien entendu interne avec un connecteur de type Schucko avec prise de terre, et est de type universel, acceptant de larges plages de tensions (pas besoin de convertisseur de tension). Le logo Vermona très stylé et vestige de l’époque ancienne avec son étoile est sérigraphié en gros à l’arrière de l’instrument. Une plaque en plexiglas gravée arbore fièrement le numéro de série (le mien est le n°021/222), rappelant qu’on a affaire à un instrument millésimé comme un grand vin.
Le raffinement ne s’arrête pas là: avec la machine est fournie avec une housse avec logo Vermona qui épouse parfaitement la géométrie de la machine. Le Manuel en allemand et en anglais uniquement est un manuel broché superbe avec une couverture texturée. Un certificat d’authenticité signé à la main reprenant le numéro de série est de la partie: cet instrument est le vôtre, pas un truc fait au km et expédié en container de Chine! Une pédale de type switch, de la même qualité de fabrication (même tôle, même bleu, même logo…) est destinée à être branchée sur l’entrée Sustain pour être utilisée comme pédale de maintien, mais surtout avec l’arpégiateur, nous y reviendrons.
Il ne manque qu’un flight case comme écrin pour ce joyau de manufacture électronique!
Allez, le son! (et après, j’explique les fonctionnalité, promis). J’en reviens à mon essai au Superbooth, donc: j’enfile un casque, et je commence à jouer. BOUM! Enorme coup de coeur! J’entrevois en quelques secondes seulement tout ce qui fait qu’on a affaire à un synthé monophonique d’exception, de la race des seigneurs: un son superbe, très dense, un instrument où le sweet spot est trouvé en quelques secondes pour chaque son, une très grosse personnalité sonore, des enveloppes rapides, 2 oscillateurs riches et puissants, un filtre passe-bas seulement, mais avec 3 réglages: 12, 18 et 24 dB par octave, il est très efficace et musical, une résonance magnifique qui auto-oscille dans les 3 modes. 2 sub (square et sine) très beaux qui ne masquent rien et ne marchent jamais sur les pieds des 2 VCOs dont ils sont un parfait complément. Et de la FM entre oscillos, de la FM de filtre, de la synchro, 2 LFO (un principal synchronisable en MIDI et un pour le vibrato uniquement). A l’écoute, tout ce qu’on attend d’un monophonique est bien présent: des lead super chauds, tranchants ou doux à l’envie, des basses magnifique avec des graves très musicaux, pas du tout « boueux », des sons stridents quand on fait hurler la résonance, des kick, des FX, des noises bien métalliques, la finesse de la PWM pour faire des sons très classes et musicaux (curieux de voir ce que ça ferait en polyphonique!). L’enveloppe du VCA est bouclable avec le LFO, et un mode VCA ON permet de laisser le VCA ouvert, pour les drones ou plus sûrement quand on utilise l’entrée audio. L’instrument est plutôt simple à prendre en main, mais quelques fonctionnalités peu communes viennent pimenter l’affaire, notamment côté FM et modulations. Je termine ce passage « mise en bouche » sonore par le meilleur: la réponse du filtre. Une petite diode en façade dans la section filtre nous intrigue: « lo-ok-hi »: on comprend que située ici, elle nous donne une indication, toujours intéressante, de l’état de saturation du filtre, mais à part le côté informatif de l’affaire, à quoi cela peut bien servir? Voyons cela de plus près: on monte le son d’un seul oscillateur, la saturation du filtre atteint le niveau Ok. On enclenche le second et on monte son niveau tout aussi progressivement: jusqu’à mi-course, ce n’est qu’affaire de volume, mais passé ce niveau, la diode rouge se met à clipper, et le timbre du son change très nettement: plus saturé, plus écrasé, avec un gros bas, du gras, du fat bottom! Avec l’ajout de la résonance, c’est encore plus flagrant: l’auto-oscillation qui fait une sinusoïde parfaite quand le son des oscillos est bas se met à rugir, le timbre semble changer de note, et un dernier coup sur le cutoff à la baisse révèle un rugissement du plus bel effet! Et on n’a pas encore mis de Sub! L’arrivée de ceci est une débauche de son saturés du plus bel effet, la très grande classe dans la boucherie! Voilà comment, à l’aide d’un filtre très sciemment calibré pour le pousser dans ses retranchement, on passe du lead fluté à la papa au son déguenillé, en bougeant 2 ou 3 potards: rhaaaaaaaaaaa!
Entrons un peu dans les détails de chaque section, à commencer par les oscillateurs. On a donc 2 VCOs, identiques, avec des ondes Sine, Saw et Square. La PWM est statique ou modulable par le LFO, par de surprise. Le son de ces oscillos est déjà très riche. Le Sine est sans surprise, mais offre déjà un son bien plein, avec beaucoup d’énergie. Quand on le monte en niveau, la saturation du filtre produit un son « gritty » assez subtil, qui produit une distortion du filtre. L’onde dent de scie est classique et très riche en harmoniques. L’onde Square est super! Le carré est gros et gras, un peu comme sur un Minimoog. La PWM à des vitesses un peu élevées donne cette impression de detuning même sur un seul oscillateur. Chaque oscillateur ne présente que 3 valeurs d’octave possible, c’est peu! On a 5 octaves possibles sur un Minimoog, 4 sur un Pro One…Heureusement qu’un Switch down/up donne encore une possibilité supplémentaire (réglage situé au-dessus des molettes), et le réglage Coarse de la section oscillo donne encore une possibilité supplémentaire. Donc, la limitation est contournable: ça va. Un réglage Fix pour chaque oscillateur est plutôt dédié aux FX, à la FM.
Il y a 2 sub: un Sine asservi à l’oscillo 1, et un Square à l’oscillo 2. Ce que j’aime ici, outre leur qualité et le très beau « bas » qu’ils ajoutent, c’est que leur dosage fait passer le son du synthé par toutes sortes de couleurs différentes: en effet, ces Sub ne masquent pas le son de l’oscillateur principal, mais s’ajoutent harmonieusement au reste. Ici, pas de Sub qui écrase tout le reste: bien joué. Enfin, l’enveloppe du filtre peut aussi moduler, positivement ou négativement (merci!) le pitch des oscillateurs. Voilà pour les réglages communs aux 2 VCOs.
Le VCO2 bénéficie de quelques possibilités supplémentaires, mais de taille: la FM (VCO int.) qui permet de réaliser des sons très progressivement agressifs/métallique. Le « très progressivement » est important: on peut n’ajouter qu’une petite louche de FM et obtenir un son déjà un peu rugueux. A noter que la FM n’est pas modifiée par la forme d’onde choisie sur le VCO1 car c’est toujours l’onde sinus qui est utilisée: plus limitatif, mais plus musical, car un modulateur contenant plein d’harmoniques, surtout en analogique, donne rarement des résultats prévisibles. Ensuite, le VCO2 est modulable par le LFO. Enfin, la synchro entre oscillateurs fait aussi ce qu’on attend d’elle, de façon musicale et pas trop « rentre dedans », on n’est pas ici dans la synchro méchante façon Pro One. Attention, elle est efficace tout de même! Et elle synchronise aussi…Les Sub! Voilà une trouvaille: les synthés avec un Sub ET synchro sont plutôt rares. Et la FM fonctionne aussi sur les Sub, et devinez quoi? ça donne des résultats très différents sur ceux-ci comparativement aux VCOs! Au rayon des manques: pas de Ring Modulator, ça aurait pu être cool. Pas de duophonie non plus comme sur un Odyssey. La PWM par le LFO est un réglage commun aux 2VCOs, autre (petite) limitation, acceptable. Enfin, on a droit à un Noise: il est bon, mais n’a pas une gros énergie comme sur d’autres monophoniques: plutôt un ajout à la couleur sonore qu’un fondement.
Il y a une entrée external, qui se dose aussi dans le mixer de VCO. On entre dans l’audio input en mono à l’arrière. Rien de spécial à signaler, on peut filtrer un signal externe comme prévu. Le niveau de l’entrée audio n’est pas phénoménal, il est difficile de faire driver le filter avec ce signal externe, ce qui est dommage. On n’a pas le même effet que sur la prodigieuse entrée audio du Minimoog. Il aurait été sympa d’avoir un suiveur d’enveloppe également, permettant de piloter certains éléments de synthèse comme sur un MS20, un SH1…Sympa d’avoir cette fonction, mais dommage de ne pas l’avoir emmenée jusqu’au bout.
L’étage suivant est celui du filtre, un passe-bas à 3 pentes: 12, 18 et 24 dB/oct. Déjà, il faut s’enlever une bonne fois pour toute de l’idée que plus le nombre de dB/oct est important, plus le filtre est efficace et auto-oscillant: le Vermona 14 en est une brillante démonstration, puisque quelque soit la pente choisie, l’efficacité et l’auto-oscillation est bien présente. La seule différence est qu’on cut plus ou moins le signal d’origine. Mais le Drive est le même, l’effet du Cutoff tout aussi efficace. Le seul reproche qu’on pourrait éventuellement formuler, c’est qu’il n’y a que la pente du filtre qui diffère, mais on sent qu’on a affaire à la même technologie, donc la réponse est assez similaire. Sur le Korg Odyssey, par exemple, on a bien affaire à 3 filtres bien distincts. Pas ici. Mais…quel filtre! La résonance est superbe. le Drive est superbe. La couleur sonore d’ensemble est superbe. Je n’ai qu’un mot: Bravo!
Le tracking du filtre est réglable comme sur un Minimoog: éteint (la réponse du filtre est la même quelque soit la note jouée), full (le filtre est plus ouvert quand les notes sont aiguës et la résonance est tunée avec les notes du clavier), ou en position intermédiaire. Les modulations sont l’enveloppe 1 (positive ou négative, merci!), le LFO, et…L’onde Sine du VCO1 pour faire varier le filtre dans les fréquences audio. Ce dernier réglage est soit statique, soit modulable avec l’enveloppe 1, ou les deux: en d’autres termes, la FM de filtre peut évoluer dans le temps. Comme le réglage statique de la FM de filtre et sa modulation par l’enveloppe 1 sont cumulables, on peut très bien faire une modulation négative par l’enveloppe 1 pour, par exemple, attaquer un son sans FM de filtre et la faire apparaître progressivement. L’efficacité de cette fonctionnalité est surtout audible à résonance élevée. En auto-oscillation avec tous les volumes des oscillateurs à zéro, on obtient des sons de Hi Hat métalliques super chouettes, ou des sweeps qui rappellent un Ring Mod (ça tombe bien, vu qu’il n’y en a pas sur la machine).
Pour finir sur ce filtre, la documentation ne dit rien du type de filtre utilisé (Ladder? OTA?). On aurait aimé un filtre multimode, c’est certain, avec une transition continue entre les types de filtres, mais il faut bien laisser quelque chose aux SEM.
Rien de plus à dire sur le VCA par rapport à ce qui a été déjà énoncé plus haut (réglage casque indépendant du volume général, enveloppe 2 affectée au VCA et bouclable avec le LFO). Sur ce dernier point, il est amusant de voir que l’explication fournie dans le manuel ne correspond pas du tout à ce que fait le synthé: il y est indiqué que le LFO ne module le VCA qu’après le niveau de sustain atteint. Or, l’enveloppe se redéclenche tout simplement avec le LFO, niveau de sustain atteint ou pas. Fort heureusement, je préfère nettement ce que fait le synthé à ce qui est décrit dans la doc. Ouf!
Le LFO principal (car il y a un LFO secondaire pour le vibrato) peut moduler par mal de choses: le redéclenchement de l’enveloppe du VCA comme on vient de le voir, le pitch du VCO2, la PWM des 2 VCO, le cutoff du VCF. Doté de 6 formes d’ondes, dont une onde Sample&Hold, sa fréquence peut être asservie à l’horloge MIDI interne (réglée par le bouton Tap Tempo) ou externe. Il peut même servir d’horloge à l’arpégiateur/séquenceur, comme sur le Pro One. Dans ce cas, la couronne graduée autour du potard LFO définit des plages de subdivisions temporelles: la vitesse varie alors par plage (d’abord des noires, puis des croches, double-croches, etc). C’est très utile sur la modulation du filtre par exemple, car on peut alors avoir une division temporelle du LFO qui soit un sous-multiple du tempo de l’ARP/SEQ: plus simplement, on peut par exemple déclencher une note sur chaque temps, avec un LFO qui module le filtre à la double -croche. Bonne trouvaille, pour faire des séquences plus complexes. Quand le LFO est débrayé du MIDI, sa vitesse peut aller très franchement dans les fréquences audio (environ 300 Hz selon mes mesures). Malheureusement, la vitesse de ce LFO n’est pas une destination de modulation.
Les modulations sont assez peu nombreuses, mais judicieuses. Situées sur la partie supérieure gauche du clavier, et divisées en plusieurs sections, elles sont simples à comprendre. La première est l’action de la vélocité sur le cutoff du filtre, qui est dosable. C’est précieux, d’autant plus que l’arpégiateur est capable d’interpréter ces infos et de les mémoriser ensuite dans une séquence. Un Switch permet de définir si le niveau du VCA est également affecté à la vélocité.
Vient ensuite le réglage de la molette de pitch bend. On peut choisir quel VCO elle affecte, les 2 pouvant bien sûr être modulés. Le potentiomètre de dosage de la molette est astucieux: réglé sur zéro, le son varie de +/- 1 demi-ton, et jusqu’à +/- 12 demi-tons en position maxi. Et donc: pas de position « zéro » où la molette n’affecte rien, qui est ce qu’on rencontre habituellement sur les synthés et qui ne sert…à rien! Puisque si on veut moduler à zéro, autant ne pas toucher la molette Le fait de ne pouvoir moduler qu’un seul des VCO au choix est super astucieux quand on utilise la FM ou la Synchro! Je vous conseille d’essayer.
Les deux autres familles de modulation possible sont celles du filtre d’une part et le vibrato d’autre part. A chaque fois, la source est soit le molette de modulation, soit l’aftertouch, soit les 2. La modulation du filtre permet de filtrer le cutoff en statique, la plage de réglage est un peu surprenante, car pas très étendue. A l’usage, c’est plutôt bien vu car plus précis. Disons qu’on ne fera pas de grands sweeps avec la molette de modulation. La seconde destination est surprenante: c’est la FM de filtre. On aurait pu s’attendre à ce que ce soit la modulation par le LFO pour créer des effets Wha-Wha, mais non. Il n’y a d’ailleurs pas de moyen de le faire sur le synthé à part le potard dédié dans la section filtre à bouger en temps réel. Mais la FM de filtre comme destination, c’est cool aussi: comme l’effet est de rajouter du « grattement » au son, on peut ainsi avoir avec la molette ou l’aftertouch un son qui devient rauque. J’ai fait ainsi des basses bien fat, en particulier quand le VCO1 est réglé sur Fix: son étendue en fréquence est alors bien plus vaste et on peut obtenir toutes sortes de timbres en fonction de sa fréquence.
L’autre famille de modulation est donc le vibrato. Ici aussi, on choisit quel VCO il va affecter. Il est free-run (non synchronisable), et son étendue audio est aussi très vaste, et n’a pour onde qu’une sinusoïde. Ensuite, c’est simple, on dose l’effet, et on choisit si c’est la modwheel ou l’aftertouch qui s’y colle, les 2 sources de modulation étant encore cumulables (réglage Both).
Voilà pour la synthèse du Vermona'14. Malgré quelques limitations, il y a de quoi faire, et surtout…Qu’est-ce que ça sonne bien!
La partie la plus difficile à appréhender est la molette crantée située en haut à droite du clavier. Sur 16 positions, elle permet de paramétrer chacun de mode de jeu: normal (repéré comme Off au niveau des molettes), Arp et Seq. C’est un peu une alternative à un ignoble écran LCD qui aurait pu venir balafrer la magnifique façade du Vermona’14.
En mode de jeu normal, la molette permet de sélectionner 10 fonctions, qui sont listées directement sur la facade de l’appareil, à droite de ladite molette crantée. Je ne détaille pas ici les fonctionnalités, mais on peut paramétrer des fonctions MIDI comme les canaux, la synchro du LFO, l’envoi des données d’ARP à l’extérieur de la machine, le reset du LFO à chaque note jouée…Le menu 10 est plus spécifiquement lié au contrôle du Mono Lancet: il permet de définir les messages CC qu’on lui destine, auquel cas le Vermona’14 devient sont clavier maître idéal, car ces messages CC sont des messages liés aux contrôleurs physiques du Vermona’14, comme les molettes, l’aftertouch, etc…Tiens, mais, au fait: en regardant bien dans le manuel, on n’aperçoit pas de "MIDI implementation charter »? Est-ce à dire que le Vermona n’émet aucun message MIDI depuis ses contrôles en façade? Hélas, la réponse est oui: ce ne sont pas des encodeurs numériques, mais bien des potentiomètres. Tant mieux pour l’absence complète d’effet d’escalier, mais tant pis pour l’automation des paramètres qui est donc, de fait, impossible. Les messages envoyés à l’extérieur sont donc les note off/note on, mais aussi (et heureusement), les infos de vélocité et d’aftertouch, que le Vermona’14 interprète en provenance de l’extérieur. Ouf! L’essentiel est là, on pourra reproduire depuis un clavier externe ou une DAW le jeu au clavier et l’éditer précisément si nécessaire, les paramètres de synthèse restant à tweaker en temps réel.
Les modes Arp et Seq sont étroitement imbriqués, et c’est assez originalement fait. Le mode Arp peut se suffire à lui même: la molette crantée sert à sélectionner le motif d’arpège et le nombre d’octaves sur lequel il est reproduit (généralement 1, 2 ou 3). C’est là que la pédale de sustain prend tout son sens: en jouant un accord, le motif n’est maintenu que si la pédale est actionnée, il n’y a pas de mode Latch. On joue donc un accord, le Vermona démarre son arpège, qui est maintenu par le biais de la pédale. A tout moment, l’ajout d’une note jouée au clavier vient s’ajouter dans le motif actuel. Le petit bouton poussoir « rest » permet d’insérer des silences dans le motif, mais manifestement pas de lier les notes entre elles (Tie). Hélas l’ajout de nouvelles note ou de nouveaux silences dans la séquence arpégée n’est pas évidente à placer précisément, j’avoue ne pas encore en avoir saisi toute la logique. On salue l’interprétation des données de vélocité faite par l’arpégiateur. Le gate (durée de notes) est également modifiable, allant de notes très courtes à des notes complètement liées (plus de déclenchement de l’enveloppe!). Mais le réglage le plus fun est le dernier, qui propose un gate aléatoire, faisant varier le gate à chaque note jouée par l’arpégiateur: c’est vraiment cool pour improviser des patterns complexes et très hachés. Chaque motif d’arpège peut se voir ainsi octroyer 60 évènements (notes ou silences) consécutifs, ce qui, combiné aux 16 motif (up, down, random, order…) finit par produire un motif parfois très fourni, imprévisible! A ce moment-là, relâcher la pédale de switch interrompt l’arpège, qui est non mémorisé et donc perdu! C’est là qu’intervient le mode séquenceur, assez mal nommé, puisqu’il ne s’agit que de mémoriser un arpège patiemment élaboré pour le stocker dans l’une des 16 mémoires non-volatiles de l’appareil. Tout est mémorisé: les notes, le motif de l’arpège, les éventuels silences, les infos de vélocité. En devenant un motif de séquenceur, le pattern devient transposable à la volée par simple appui sur une touche du clavier! Ce n’est pas terminé: en même temps qu’on appuie pour transposer, on redéclenche les enveloppes. Et donc? Vous vous souvenez qu’il y a un mode Gate qui ne redéclenche pas les enveloppes? Voilà pourquoi: en mode séquenceur, on peut faire jouer les notes par le séquenceur, mais déclencher les enveloppes par le clavier, et voilà un motif qui se superpose à un sweep de filtre. Un seul regret: en mode Seq, le son interprète encore les données de l’aftertouch, mais pas celles de vélocité (sans doute parce qu’elles sont stockées dans le motif).
Pour enregistrer un arpège dans le séquenceur, c’est simple, mais il faut faire preuve d’un peu de dextérité: une fois votre motif arpégé construit, toujours un pied sur la pédale de switch, vous passez le sélecteur de Arp à Seq. La diode « value » se met à clignoter pendant que l’arpège joue désormais tout seul: on sélectionne le numéro d'emplacement de destination par la molette crantée, et on appuie de nouveau sur « value » pour inscrire son motif dans la mémoire de l’appareil, lequel vient écraser le motif usine qui s’y trouvait. Vous pouvez donc programmer vos motifs complexes à la maison, les stocker et les réutiliser sur scène. La seule contrainte est que chaque motif commence nécessairement par une note, et pas un silence. La subdivision temporelle se règle avec le bouton « edit », entre plusieurs valeurs plus ou moins rapides, toutes une subdivision du tempo. Quand la diode est continue, cela veut dire que la vitesse est réglée par le LFO (que celui-ci soit synchronisé en MIDI ou pas, d’ailleurs).
Le moment de la conclusion est venu. Ce Vermona’14 est un vrai bijou, un vrai collector posé dans l’écrin de sa qualité de fabrication, un monophonique de la trempe des plus grands. Il a beaucoup de personnalité, il surprend quasiment en permanence et me met plusieurs fois par jour sur les fesses. Sa qualité sonore est homogène d’un bout à l’autre, cohérente, et il a un son absolument énorme, classe, rugueux quand il le faut, fat quand il le veut, complexe si on sait y faire, et est à l’aise dans absolument tous les registres. C’est une synthèse de tous les synthés monophoniques analogiques à lui seul. Il emprunte pas mal au Minimoog au niveau de son architecture, mais emmène bien plus loin en termes de synthèse, de variété sonore. Son filtre délicieusement facile à driver le fait rugir si besoin. La FM entre oscillos, entre oscillo et filtre, la synchro, les enveloppes rapides et inversables, les 2 subs qui offrent presque tout ce qu’offrent les VCO…font bouillir une marmite d’un très grand synthétiseur, servi par un clavier de très haute qualité. C’est un très, très gros kiff de jouer sur le Vermona’14. Il y a bien quelques oublis ici ou là (absence duophonie, implémentation MIDI restrictive, filtre passe bas uniquement…) mais l’ajout d’un arpégiateur / séquenceur astucieux et finalement simple à utiliser après une période d’apprentissage vient apporter ce qu’aucun autre synthé n’offre, en tous cas pas sous cette forme et ce dépouillement. Les paramètres de synthèse sont tous très judicieux et efficaces, et tout est parfaitement calibré sur ce synthétiseur. Reste le prix, qui en dissuadera plus d’un: on peut le discuter éventuellement au regard des fonctionnalités (mais moins qu’un Model D Re-issue!), mais sûrement pas au regard du son délivré ni de la qualité de l'objet.
Bernd Haller n’est plus là pour contempler son bébé, mais il vit encore à travers la personnalité magnifique de ce très grand synthétiseur, la plus jolie vitrine du savoir faire dont Vermona pouvait apporter la preuve.
Ce que j’ai aimé:
- la grosse trempe sonore, à classer directement au panthéon des Minimoog, Odyssey, et consors.
- la réponse du filtre pas du tout linéaire, qui drive très progressivement et très musicalement: génial!
- les 2 subs qui rajoutent du coffre, et modifiables par la synchro/FM tout comme le sont les VCOs, tout en offrant un résultat très différent.
- la qualité de fabrication absolument parfaite, et la sensation superbe du clavier.
- il est beau! (je sais, c’est subjectif).
- le panneau avant incliné sans être encombrant, qui procure du confort physique et visuel.
- la personnalité qui se dégage de la machine. Elle vient à vous naturellement avec un sweet spot toujours, toujours au rendez-vous.
- la cohérence d’ensemble, pas de point faible.
- les modulations qui font la part belle à l’expressivité (molette, vélocité, aftertouch), messages MIDI que la machine sait ré-interpréter.
- le LFO synchronisable en MIDI qui peut servir de métronome pour ARP/SEQ
- la synchro MIDI en entrée comme en sortie.
- Enveloppes qui claquent bien.
- Toutes les qualités d’un synthé à l’ancienne sans les défauts (oscillateurs stables, pas de temps de chauffe requis).
- Tous les détails appréciables (housse de protection fournie, très jolie pédale de sustain, joli manuel, toutes les connectiques en 2 formats possibles)
- aucun souffle, très gros niveau de sortie, sortie symétrisée XLR.
- les modes ARP/SEQ avec plein de goodies (insertion de silences, sensibilité à la vélocité, gate aléatoire, gate continu, les motifs nombreux et faciles à rendre complexes, les subdivisions temporelles, émet en MIDI Out…). Le fait que les motifs de séquences sont stockables en mémoire permanente.
- le poids et l’encombrement, tout à fait raisonnables.
- l’alimentation universelle qui accepte toutes sortes de tensions (il faut juste le cordon qui lui convient).
- pour ceux qui y sont sensibles, un objet personnalisé, millésimé, avec certificat d’authenticité: un objet unique.
Ce qu’on peut ne pas aimer:
- pas de duophonie.
- implémentation MIDI minimaliste qui exclut les paramètres de synthèse.
- pas d’entrée CV/Gate.
- pas de mémoires de son.
- petite erreur du manuel dans l’explication du LFO combinable avec l’enveloppe.
- à ce prix, un étui semi-rigide comme le Korg ARP Odyssey n’aurait pas fait tâche.
- entrée audio un peu limitative: niveau pas très élevé, et pas de suiveur d’enveloppe.
- un filtre multimode en aurait fait une machine ultime.
- Pas de Ring Modulator.
- Forme d’onde (VCO, LFO) pas continument variables (un détail, mais cela aurait été un must).
Il s’agit d’un instrument en série limitée, produit à 222 exemplaires, qui devait sortir en 2015 pour célébrer le 25ème anniversaire de la marque Allemande, et le 14ème anniversaire de sa renaissance, celle-ci ayant été en sommeil entre ses premières années juste après la chute du bloc de l’Est et l’essor dont elle a progressivement bénéficié avec le revival analogique du début des années 2000. Le fondateur Bernd Haller disparu subitement en février 2015, le projet a été mis en stand by, avant d’être achevé par son fils Thomas Haller et 2 collaborateurs: il est donc commercialisé depuis 2017 seulement.
Avec seulement 222 exemplaires, on aurait pu penser qu’au moment où j’écris ce test (juin 2019), tous les exemplaires ont été écoulés, mais ce n’est pas le cas: il est encore disponible un peu partout, et cela s’explique sans doute pour une raison très simple: il est extrêmement cher (2399€). A ce prix, pour un synthé monophonique sans mémoire, avec un marché proche de l’overdose (Korg, Arturia, Novation, Dreadbox, Behringer…), tous des instruments de bonne qualité et pour une fraction du prix, ce Vermona’14 peine manifestement à se faire une place au soleil. Qui plus est, les rares extraits audio qu’on croise sur le net ne rendent pas hommage à la machine avec des sons apparemment reproductibles avec beaucoup de synthés moins onéreux. Pourtant, Vermona jouit d’une excellente image: une marque outsider qui donne pourtant accès à des synthés de qualité, plutôt bien placés en prix, très bien fabriqués et avec un son béton. le Mono-Lancet en est un exemple brillant. Je me suis donc toujours demandé pour quelle raison Vermona était allé s’aventurer sur un terrain aussi étrange, dans une gamme de prix qui le place au-dessus d’un MatrixBrute, proche d’un Moog Model D re-issue, et au même prix que des polyphoniques à mémoires très en vue comme les DSI. Bref: un mystère commercial pour un synthé introuvable en magasin que personne ne peut donc essayer.
Me voici au Superbooth 2019 à Berlin, où bien logiquement Vermona est présent en tant que régional de l’étape. Le stand assez petit accueille un Vermona’14! L’occasion unique d’enfiler un casque et de l’essayer. Avant même d’écouter le son, je le regarde attentivement, et je suis sidéré par sa beauté et la qualité de fabrication! Epaisse tôle d’un bleu indigo très beau, une couleur rarement vue sur un synthé (le Waldorf Q bleu est proche de ce ton, en plus foncé). Le clavier reprend très exactement la tessiture du Minimoog Model D avec un clavier 3,5 octaves, offrent bien plus de confort qu’un Bass station 2 (2 octaves), et même qu’un Pro One ou un Odyssey (3 octaves), sa qualité en toucher léger est sans compromis: excellente qualité, parmi les meilleurs que j’ai pu croiser. Il est sensible à la vélocité et l’aftertouch, tous deux très bien calibrés, et ce clavier est conçu pour laisser la priorité à la dernière note jouée, contrairement au Minimoog qui donne la priorité à la note la plus basse. Le chassis tout en tôle est robuste, rigide et parfaitement ajusté. Les boutons sont dans un matériau type Bakélite, un matériau plastique très dur et de qualité, et même si je n’ai pas pu le vérifier, il ne fait aucun doute qu’ils sont vissés et que leur axe est en métal tellement le jeu latérial est absent. Ceux dédiés à la modulation offrent un léger crantage au passage sur leur position médiane, permettant de les positionner facilement et de façon fiable sur leur valeur zéro (indispensable pour un synthé sans mémoire). Ils sont réglés pour offrir une jolie résistance sous les doigts (je n’aime pas du tout les commandes complètement libres, comme ceux du Moog Grand Mother) Les switchs bâtons sont en métal, leur contact est très franc (clac, clac), tous comme ceux des encodeurs crantés (ceux pour choisir l’octave des VCO, par exemple). Des flancs en bois super jolis sont de la partie (plus jolis que ceux d’un OB6, par exemple, la finition est plus belle et la teinte du bois plus naturelle, je trouve). Les molettes de modulation et de pitch bend sont, elles, d’une qualité comparable à beaucoup de synthés.
Passons à la connectique. Pas mal de petits détails montrent que la machine n’est pas à comparer avec n’importe quoi d'autre: les prises casques par exemple sont au nombre de 2 (Mini-Jack 3,5mm et Jack 6,35mm, avec réglage de volume indépendant, comme sur un Minimoog), en face avant avec des inserts vissés. L’entrée audio offre le même raffinement (prises doubles dimensions), la sortie audio est aussi doublée (Jack 6,35 et XLR, l’instrument bénéficie d’une sortie symétrisée sur cette dernière). Les sorties CV/Gate sont aussi doublées en 2 dimensions (pas d’entrée CV Gate, dommage). Un trio de prises MIDI est présent, ainsi qu’une prise USB dont le seul usage est de permettre d’éventuelles mises à jour de l’OS (aucune n’est dispo en ligne au moment où j’écris ceci). Enfin, 2 entrées pédales sont présentes (sustain et expression, le volume mini de celle-ci étant réglable avec un ajustable). L’alimentation secteur est bien entendu interne avec un connecteur de type Schucko avec prise de terre, et est de type universel, acceptant de larges plages de tensions (pas besoin de convertisseur de tension). Le logo Vermona très stylé et vestige de l’époque ancienne avec son étoile est sérigraphié en gros à l’arrière de l’instrument. Une plaque en plexiglas gravée arbore fièrement le numéro de série (le mien est le n°021/222), rappelant qu’on a affaire à un instrument millésimé comme un grand vin.
Le raffinement ne s’arrête pas là: avec la machine est fournie avec une housse avec logo Vermona qui épouse parfaitement la géométrie de la machine. Le Manuel en allemand et en anglais uniquement est un manuel broché superbe avec une couverture texturée. Un certificat d’authenticité signé à la main reprenant le numéro de série est de la partie: cet instrument est le vôtre, pas un truc fait au km et expédié en container de Chine! Une pédale de type switch, de la même qualité de fabrication (même tôle, même bleu, même logo…) est destinée à être branchée sur l’entrée Sustain pour être utilisée comme pédale de maintien, mais surtout avec l’arpégiateur, nous y reviendrons.
Il ne manque qu’un flight case comme écrin pour ce joyau de manufacture électronique!
Allez, le son! (et après, j’explique les fonctionnalité, promis). J’en reviens à mon essai au Superbooth, donc: j’enfile un casque, et je commence à jouer. BOUM! Enorme coup de coeur! J’entrevois en quelques secondes seulement tout ce qui fait qu’on a affaire à un synthé monophonique d’exception, de la race des seigneurs: un son superbe, très dense, un instrument où le sweet spot est trouvé en quelques secondes pour chaque son, une très grosse personnalité sonore, des enveloppes rapides, 2 oscillateurs riches et puissants, un filtre passe-bas seulement, mais avec 3 réglages: 12, 18 et 24 dB par octave, il est très efficace et musical, une résonance magnifique qui auto-oscille dans les 3 modes. 2 sub (square et sine) très beaux qui ne masquent rien et ne marchent jamais sur les pieds des 2 VCOs dont ils sont un parfait complément. Et de la FM entre oscillos, de la FM de filtre, de la synchro, 2 LFO (un principal synchronisable en MIDI et un pour le vibrato uniquement). A l’écoute, tout ce qu’on attend d’un monophonique est bien présent: des lead super chauds, tranchants ou doux à l’envie, des basses magnifique avec des graves très musicaux, pas du tout « boueux », des sons stridents quand on fait hurler la résonance, des kick, des FX, des noises bien métalliques, la finesse de la PWM pour faire des sons très classes et musicaux (curieux de voir ce que ça ferait en polyphonique!). L’enveloppe du VCA est bouclable avec le LFO, et un mode VCA ON permet de laisser le VCA ouvert, pour les drones ou plus sûrement quand on utilise l’entrée audio. L’instrument est plutôt simple à prendre en main, mais quelques fonctionnalités peu communes viennent pimenter l’affaire, notamment côté FM et modulations. Je termine ce passage « mise en bouche » sonore par le meilleur: la réponse du filtre. Une petite diode en façade dans la section filtre nous intrigue: « lo-ok-hi »: on comprend que située ici, elle nous donne une indication, toujours intéressante, de l’état de saturation du filtre, mais à part le côté informatif de l’affaire, à quoi cela peut bien servir? Voyons cela de plus près: on monte le son d’un seul oscillateur, la saturation du filtre atteint le niveau Ok. On enclenche le second et on monte son niveau tout aussi progressivement: jusqu’à mi-course, ce n’est qu’affaire de volume, mais passé ce niveau, la diode rouge se met à clipper, et le timbre du son change très nettement: plus saturé, plus écrasé, avec un gros bas, du gras, du fat bottom! Avec l’ajout de la résonance, c’est encore plus flagrant: l’auto-oscillation qui fait une sinusoïde parfaite quand le son des oscillos est bas se met à rugir, le timbre semble changer de note, et un dernier coup sur le cutoff à la baisse révèle un rugissement du plus bel effet! Et on n’a pas encore mis de Sub! L’arrivée de ceci est une débauche de son saturés du plus bel effet, la très grande classe dans la boucherie! Voilà comment, à l’aide d’un filtre très sciemment calibré pour le pousser dans ses retranchement, on passe du lead fluté à la papa au son déguenillé, en bougeant 2 ou 3 potards: rhaaaaaaaaaaa!
Entrons un peu dans les détails de chaque section, à commencer par les oscillateurs. On a donc 2 VCOs, identiques, avec des ondes Sine, Saw et Square. La PWM est statique ou modulable par le LFO, par de surprise. Le son de ces oscillos est déjà très riche. Le Sine est sans surprise, mais offre déjà un son bien plein, avec beaucoup d’énergie. Quand on le monte en niveau, la saturation du filtre produit un son « gritty » assez subtil, qui produit une distortion du filtre. L’onde dent de scie est classique et très riche en harmoniques. L’onde Square est super! Le carré est gros et gras, un peu comme sur un Minimoog. La PWM à des vitesses un peu élevées donne cette impression de detuning même sur un seul oscillateur. Chaque oscillateur ne présente que 3 valeurs d’octave possible, c’est peu! On a 5 octaves possibles sur un Minimoog, 4 sur un Pro One…Heureusement qu’un Switch down/up donne encore une possibilité supplémentaire (réglage situé au-dessus des molettes), et le réglage Coarse de la section oscillo donne encore une possibilité supplémentaire. Donc, la limitation est contournable: ça va. Un réglage Fix pour chaque oscillateur est plutôt dédié aux FX, à la FM.
Il y a 2 sub: un Sine asservi à l’oscillo 1, et un Square à l’oscillo 2. Ce que j’aime ici, outre leur qualité et le très beau « bas » qu’ils ajoutent, c’est que leur dosage fait passer le son du synthé par toutes sortes de couleurs différentes: en effet, ces Sub ne masquent pas le son de l’oscillateur principal, mais s’ajoutent harmonieusement au reste. Ici, pas de Sub qui écrase tout le reste: bien joué. Enfin, l’enveloppe du filtre peut aussi moduler, positivement ou négativement (merci!) le pitch des oscillateurs. Voilà pour les réglages communs aux 2 VCOs.
Le VCO2 bénéficie de quelques possibilités supplémentaires, mais de taille: la FM (VCO int.) qui permet de réaliser des sons très progressivement agressifs/métallique. Le « très progressivement » est important: on peut n’ajouter qu’une petite louche de FM et obtenir un son déjà un peu rugueux. A noter que la FM n’est pas modifiée par la forme d’onde choisie sur le VCO1 car c’est toujours l’onde sinus qui est utilisée: plus limitatif, mais plus musical, car un modulateur contenant plein d’harmoniques, surtout en analogique, donne rarement des résultats prévisibles. Ensuite, le VCO2 est modulable par le LFO. Enfin, la synchro entre oscillateurs fait aussi ce qu’on attend d’elle, de façon musicale et pas trop « rentre dedans », on n’est pas ici dans la synchro méchante façon Pro One. Attention, elle est efficace tout de même! Et elle synchronise aussi…Les Sub! Voilà une trouvaille: les synthés avec un Sub ET synchro sont plutôt rares. Et la FM fonctionne aussi sur les Sub, et devinez quoi? ça donne des résultats très différents sur ceux-ci comparativement aux VCOs! Au rayon des manques: pas de Ring Modulator, ça aurait pu être cool. Pas de duophonie non plus comme sur un Odyssey. La PWM par le LFO est un réglage commun aux 2VCOs, autre (petite) limitation, acceptable. Enfin, on a droit à un Noise: il est bon, mais n’a pas une gros énergie comme sur d’autres monophoniques: plutôt un ajout à la couleur sonore qu’un fondement.
Il y a une entrée external, qui se dose aussi dans le mixer de VCO. On entre dans l’audio input en mono à l’arrière. Rien de spécial à signaler, on peut filtrer un signal externe comme prévu. Le niveau de l’entrée audio n’est pas phénoménal, il est difficile de faire driver le filter avec ce signal externe, ce qui est dommage. On n’a pas le même effet que sur la prodigieuse entrée audio du Minimoog. Il aurait été sympa d’avoir un suiveur d’enveloppe également, permettant de piloter certains éléments de synthèse comme sur un MS20, un SH1…Sympa d’avoir cette fonction, mais dommage de ne pas l’avoir emmenée jusqu’au bout.
L’étage suivant est celui du filtre, un passe-bas à 3 pentes: 12, 18 et 24 dB/oct. Déjà, il faut s’enlever une bonne fois pour toute de l’idée que plus le nombre de dB/oct est important, plus le filtre est efficace et auto-oscillant: le Vermona 14 en est une brillante démonstration, puisque quelque soit la pente choisie, l’efficacité et l’auto-oscillation est bien présente. La seule différence est qu’on cut plus ou moins le signal d’origine. Mais le Drive est le même, l’effet du Cutoff tout aussi efficace. Le seul reproche qu’on pourrait éventuellement formuler, c’est qu’il n’y a que la pente du filtre qui diffère, mais on sent qu’on a affaire à la même technologie, donc la réponse est assez similaire. Sur le Korg Odyssey, par exemple, on a bien affaire à 3 filtres bien distincts. Pas ici. Mais…quel filtre! La résonance est superbe. le Drive est superbe. La couleur sonore d’ensemble est superbe. Je n’ai qu’un mot: Bravo!
Le tracking du filtre est réglable comme sur un Minimoog: éteint (la réponse du filtre est la même quelque soit la note jouée), full (le filtre est plus ouvert quand les notes sont aiguës et la résonance est tunée avec les notes du clavier), ou en position intermédiaire. Les modulations sont l’enveloppe 1 (positive ou négative, merci!), le LFO, et…L’onde Sine du VCO1 pour faire varier le filtre dans les fréquences audio. Ce dernier réglage est soit statique, soit modulable avec l’enveloppe 1, ou les deux: en d’autres termes, la FM de filtre peut évoluer dans le temps. Comme le réglage statique de la FM de filtre et sa modulation par l’enveloppe 1 sont cumulables, on peut très bien faire une modulation négative par l’enveloppe 1 pour, par exemple, attaquer un son sans FM de filtre et la faire apparaître progressivement. L’efficacité de cette fonctionnalité est surtout audible à résonance élevée. En auto-oscillation avec tous les volumes des oscillateurs à zéro, on obtient des sons de Hi Hat métalliques super chouettes, ou des sweeps qui rappellent un Ring Mod (ça tombe bien, vu qu’il n’y en a pas sur la machine).
Pour finir sur ce filtre, la documentation ne dit rien du type de filtre utilisé (Ladder? OTA?). On aurait aimé un filtre multimode, c’est certain, avec une transition continue entre les types de filtres, mais il faut bien laisser quelque chose aux SEM.
Rien de plus à dire sur le VCA par rapport à ce qui a été déjà énoncé plus haut (réglage casque indépendant du volume général, enveloppe 2 affectée au VCA et bouclable avec le LFO). Sur ce dernier point, il est amusant de voir que l’explication fournie dans le manuel ne correspond pas du tout à ce que fait le synthé: il y est indiqué que le LFO ne module le VCA qu’après le niveau de sustain atteint. Or, l’enveloppe se redéclenche tout simplement avec le LFO, niveau de sustain atteint ou pas. Fort heureusement, je préfère nettement ce que fait le synthé à ce qui est décrit dans la doc. Ouf!
Le LFO principal (car il y a un LFO secondaire pour le vibrato) peut moduler par mal de choses: le redéclenchement de l’enveloppe du VCA comme on vient de le voir, le pitch du VCO2, la PWM des 2 VCO, le cutoff du VCF. Doté de 6 formes d’ondes, dont une onde Sample&Hold, sa fréquence peut être asservie à l’horloge MIDI interne (réglée par le bouton Tap Tempo) ou externe. Il peut même servir d’horloge à l’arpégiateur/séquenceur, comme sur le Pro One. Dans ce cas, la couronne graduée autour du potard LFO définit des plages de subdivisions temporelles: la vitesse varie alors par plage (d’abord des noires, puis des croches, double-croches, etc). C’est très utile sur la modulation du filtre par exemple, car on peut alors avoir une division temporelle du LFO qui soit un sous-multiple du tempo de l’ARP/SEQ: plus simplement, on peut par exemple déclencher une note sur chaque temps, avec un LFO qui module le filtre à la double -croche. Bonne trouvaille, pour faire des séquences plus complexes. Quand le LFO est débrayé du MIDI, sa vitesse peut aller très franchement dans les fréquences audio (environ 300 Hz selon mes mesures). Malheureusement, la vitesse de ce LFO n’est pas une destination de modulation.
Les modulations sont assez peu nombreuses, mais judicieuses. Situées sur la partie supérieure gauche du clavier, et divisées en plusieurs sections, elles sont simples à comprendre. La première est l’action de la vélocité sur le cutoff du filtre, qui est dosable. C’est précieux, d’autant plus que l’arpégiateur est capable d’interpréter ces infos et de les mémoriser ensuite dans une séquence. Un Switch permet de définir si le niveau du VCA est également affecté à la vélocité.
Vient ensuite le réglage de la molette de pitch bend. On peut choisir quel VCO elle affecte, les 2 pouvant bien sûr être modulés. Le potentiomètre de dosage de la molette est astucieux: réglé sur zéro, le son varie de +/- 1 demi-ton, et jusqu’à +/- 12 demi-tons en position maxi. Et donc: pas de position « zéro » où la molette n’affecte rien, qui est ce qu’on rencontre habituellement sur les synthés et qui ne sert…à rien! Puisque si on veut moduler à zéro, autant ne pas toucher la molette Le fait de ne pouvoir moduler qu’un seul des VCO au choix est super astucieux quand on utilise la FM ou la Synchro! Je vous conseille d’essayer.
Les deux autres familles de modulation possible sont celles du filtre d’une part et le vibrato d’autre part. A chaque fois, la source est soit le molette de modulation, soit l’aftertouch, soit les 2. La modulation du filtre permet de filtrer le cutoff en statique, la plage de réglage est un peu surprenante, car pas très étendue. A l’usage, c’est plutôt bien vu car plus précis. Disons qu’on ne fera pas de grands sweeps avec la molette de modulation. La seconde destination est surprenante: c’est la FM de filtre. On aurait pu s’attendre à ce que ce soit la modulation par le LFO pour créer des effets Wha-Wha, mais non. Il n’y a d’ailleurs pas de moyen de le faire sur le synthé à part le potard dédié dans la section filtre à bouger en temps réel. Mais la FM de filtre comme destination, c’est cool aussi: comme l’effet est de rajouter du « grattement » au son, on peut ainsi avoir avec la molette ou l’aftertouch un son qui devient rauque. J’ai fait ainsi des basses bien fat, en particulier quand le VCO1 est réglé sur Fix: son étendue en fréquence est alors bien plus vaste et on peut obtenir toutes sortes de timbres en fonction de sa fréquence.
L’autre famille de modulation est donc le vibrato. Ici aussi, on choisit quel VCO il va affecter. Il est free-run (non synchronisable), et son étendue audio est aussi très vaste, et n’a pour onde qu’une sinusoïde. Ensuite, c’est simple, on dose l’effet, et on choisit si c’est la modwheel ou l’aftertouch qui s’y colle, les 2 sources de modulation étant encore cumulables (réglage Both).
Voilà pour la synthèse du Vermona'14. Malgré quelques limitations, il y a de quoi faire, et surtout…Qu’est-ce que ça sonne bien!
La partie la plus difficile à appréhender est la molette crantée située en haut à droite du clavier. Sur 16 positions, elle permet de paramétrer chacun de mode de jeu: normal (repéré comme Off au niveau des molettes), Arp et Seq. C’est un peu une alternative à un ignoble écran LCD qui aurait pu venir balafrer la magnifique façade du Vermona’14.
En mode de jeu normal, la molette permet de sélectionner 10 fonctions, qui sont listées directement sur la facade de l’appareil, à droite de ladite molette crantée. Je ne détaille pas ici les fonctionnalités, mais on peut paramétrer des fonctions MIDI comme les canaux, la synchro du LFO, l’envoi des données d’ARP à l’extérieur de la machine, le reset du LFO à chaque note jouée…Le menu 10 est plus spécifiquement lié au contrôle du Mono Lancet: il permet de définir les messages CC qu’on lui destine, auquel cas le Vermona’14 devient sont clavier maître idéal, car ces messages CC sont des messages liés aux contrôleurs physiques du Vermona’14, comme les molettes, l’aftertouch, etc…Tiens, mais, au fait: en regardant bien dans le manuel, on n’aperçoit pas de "MIDI implementation charter »? Est-ce à dire que le Vermona n’émet aucun message MIDI depuis ses contrôles en façade? Hélas, la réponse est oui: ce ne sont pas des encodeurs numériques, mais bien des potentiomètres. Tant mieux pour l’absence complète d’effet d’escalier, mais tant pis pour l’automation des paramètres qui est donc, de fait, impossible. Les messages envoyés à l’extérieur sont donc les note off/note on, mais aussi (et heureusement), les infos de vélocité et d’aftertouch, que le Vermona’14 interprète en provenance de l’extérieur. Ouf! L’essentiel est là, on pourra reproduire depuis un clavier externe ou une DAW le jeu au clavier et l’éditer précisément si nécessaire, les paramètres de synthèse restant à tweaker en temps réel.
Les modes Arp et Seq sont étroitement imbriqués, et c’est assez originalement fait. Le mode Arp peut se suffire à lui même: la molette crantée sert à sélectionner le motif d’arpège et le nombre d’octaves sur lequel il est reproduit (généralement 1, 2 ou 3). C’est là que la pédale de sustain prend tout son sens: en jouant un accord, le motif n’est maintenu que si la pédale est actionnée, il n’y a pas de mode Latch. On joue donc un accord, le Vermona démarre son arpège, qui est maintenu par le biais de la pédale. A tout moment, l’ajout d’une note jouée au clavier vient s’ajouter dans le motif actuel. Le petit bouton poussoir « rest » permet d’insérer des silences dans le motif, mais manifestement pas de lier les notes entre elles (Tie). Hélas l’ajout de nouvelles note ou de nouveaux silences dans la séquence arpégée n’est pas évidente à placer précisément, j’avoue ne pas encore en avoir saisi toute la logique. On salue l’interprétation des données de vélocité faite par l’arpégiateur. Le gate (durée de notes) est également modifiable, allant de notes très courtes à des notes complètement liées (plus de déclenchement de l’enveloppe!). Mais le réglage le plus fun est le dernier, qui propose un gate aléatoire, faisant varier le gate à chaque note jouée par l’arpégiateur: c’est vraiment cool pour improviser des patterns complexes et très hachés. Chaque motif d’arpège peut se voir ainsi octroyer 60 évènements (notes ou silences) consécutifs, ce qui, combiné aux 16 motif (up, down, random, order…) finit par produire un motif parfois très fourni, imprévisible! A ce moment-là, relâcher la pédale de switch interrompt l’arpège, qui est non mémorisé et donc perdu! C’est là qu’intervient le mode séquenceur, assez mal nommé, puisqu’il ne s’agit que de mémoriser un arpège patiemment élaboré pour le stocker dans l’une des 16 mémoires non-volatiles de l’appareil. Tout est mémorisé: les notes, le motif de l’arpège, les éventuels silences, les infos de vélocité. En devenant un motif de séquenceur, le pattern devient transposable à la volée par simple appui sur une touche du clavier! Ce n’est pas terminé: en même temps qu’on appuie pour transposer, on redéclenche les enveloppes. Et donc? Vous vous souvenez qu’il y a un mode Gate qui ne redéclenche pas les enveloppes? Voilà pourquoi: en mode séquenceur, on peut faire jouer les notes par le séquenceur, mais déclencher les enveloppes par le clavier, et voilà un motif qui se superpose à un sweep de filtre. Un seul regret: en mode Seq, le son interprète encore les données de l’aftertouch, mais pas celles de vélocité (sans doute parce qu’elles sont stockées dans le motif).
Pour enregistrer un arpège dans le séquenceur, c’est simple, mais il faut faire preuve d’un peu de dextérité: une fois votre motif arpégé construit, toujours un pied sur la pédale de switch, vous passez le sélecteur de Arp à Seq. La diode « value » se met à clignoter pendant que l’arpège joue désormais tout seul: on sélectionne le numéro d'emplacement de destination par la molette crantée, et on appuie de nouveau sur « value » pour inscrire son motif dans la mémoire de l’appareil, lequel vient écraser le motif usine qui s’y trouvait. Vous pouvez donc programmer vos motifs complexes à la maison, les stocker et les réutiliser sur scène. La seule contrainte est que chaque motif commence nécessairement par une note, et pas un silence. La subdivision temporelle se règle avec le bouton « edit », entre plusieurs valeurs plus ou moins rapides, toutes une subdivision du tempo. Quand la diode est continue, cela veut dire que la vitesse est réglée par le LFO (que celui-ci soit synchronisé en MIDI ou pas, d’ailleurs).
Le moment de la conclusion est venu. Ce Vermona’14 est un vrai bijou, un vrai collector posé dans l’écrin de sa qualité de fabrication, un monophonique de la trempe des plus grands. Il a beaucoup de personnalité, il surprend quasiment en permanence et me met plusieurs fois par jour sur les fesses. Sa qualité sonore est homogène d’un bout à l’autre, cohérente, et il a un son absolument énorme, classe, rugueux quand il le faut, fat quand il le veut, complexe si on sait y faire, et est à l’aise dans absolument tous les registres. C’est une synthèse de tous les synthés monophoniques analogiques à lui seul. Il emprunte pas mal au Minimoog au niveau de son architecture, mais emmène bien plus loin en termes de synthèse, de variété sonore. Son filtre délicieusement facile à driver le fait rugir si besoin. La FM entre oscillos, entre oscillo et filtre, la synchro, les enveloppes rapides et inversables, les 2 subs qui offrent presque tout ce qu’offrent les VCO…font bouillir une marmite d’un très grand synthétiseur, servi par un clavier de très haute qualité. C’est un très, très gros kiff de jouer sur le Vermona’14. Il y a bien quelques oublis ici ou là (absence duophonie, implémentation MIDI restrictive, filtre passe bas uniquement…) mais l’ajout d’un arpégiateur / séquenceur astucieux et finalement simple à utiliser après une période d’apprentissage vient apporter ce qu’aucun autre synthé n’offre, en tous cas pas sous cette forme et ce dépouillement. Les paramètres de synthèse sont tous très judicieux et efficaces, et tout est parfaitement calibré sur ce synthétiseur. Reste le prix, qui en dissuadera plus d’un: on peut le discuter éventuellement au regard des fonctionnalités (mais moins qu’un Model D Re-issue!), mais sûrement pas au regard du son délivré ni de la qualité de l'objet.
Bernd Haller n’est plus là pour contempler son bébé, mais il vit encore à travers la personnalité magnifique de ce très grand synthétiseur, la plus jolie vitrine du savoir faire dont Vermona pouvait apporter la preuve.
Ce que j’ai aimé:
- la grosse trempe sonore, à classer directement au panthéon des Minimoog, Odyssey, et consors.
- la réponse du filtre pas du tout linéaire, qui drive très progressivement et très musicalement: génial!
- les 2 subs qui rajoutent du coffre, et modifiables par la synchro/FM tout comme le sont les VCOs, tout en offrant un résultat très différent.
- la qualité de fabrication absolument parfaite, et la sensation superbe du clavier.
- il est beau! (je sais, c’est subjectif).
- le panneau avant incliné sans être encombrant, qui procure du confort physique et visuel.
- la personnalité qui se dégage de la machine. Elle vient à vous naturellement avec un sweet spot toujours, toujours au rendez-vous.
- la cohérence d’ensemble, pas de point faible.
- les modulations qui font la part belle à l’expressivité (molette, vélocité, aftertouch), messages MIDI que la machine sait ré-interpréter.
- le LFO synchronisable en MIDI qui peut servir de métronome pour ARP/SEQ
- la synchro MIDI en entrée comme en sortie.
- Enveloppes qui claquent bien.
- Toutes les qualités d’un synthé à l’ancienne sans les défauts (oscillateurs stables, pas de temps de chauffe requis).
- Tous les détails appréciables (housse de protection fournie, très jolie pédale de sustain, joli manuel, toutes les connectiques en 2 formats possibles)
- aucun souffle, très gros niveau de sortie, sortie symétrisée XLR.
- les modes ARP/SEQ avec plein de goodies (insertion de silences, sensibilité à la vélocité, gate aléatoire, gate continu, les motifs nombreux et faciles à rendre complexes, les subdivisions temporelles, émet en MIDI Out…). Le fait que les motifs de séquences sont stockables en mémoire permanente.
- le poids et l’encombrement, tout à fait raisonnables.
- l’alimentation universelle qui accepte toutes sortes de tensions (il faut juste le cordon qui lui convient).
- pour ceux qui y sont sensibles, un objet personnalisé, millésimé, avec certificat d’authenticité: un objet unique.
Ce qu’on peut ne pas aimer:
- pas de duophonie.
- implémentation MIDI minimaliste qui exclut les paramètres de synthèse.
- pas d’entrée CV/Gate.
- pas de mémoires de son.
- petite erreur du manuel dans l’explication du LFO combinable avec l’enveloppe.
- à ce prix, un étui semi-rigide comme le Korg ARP Odyssey n’aurait pas fait tâche.
- entrée audio un peu limitative: niveau pas très élevé, et pas de suiveur d’enveloppe.
- un filtre multimode en aurait fait une machine ultime.
- Pas de Ring Modulator.
- Forme d’onde (VCO, LFO) pas continument variables (un détail, mais cela aurait été un must).