Sujet de la discussionPosté le 26/01/2021 à 11:27:13Le vieillissement de la bande magnétique ... en une image !
L'autre jour en travaillant sur un projet de sound-design, j'ai pioché, parmi d'autres, un vieux bruitage d'ambiance de salle de classe, encore disponible actuellement chez un des plus célèbres éditeurs spécialisés, par le jeu des rachats de collections, mais, en réalité, extrait d'un très ancien catalogue.
Mon client, à l'écoute, se tourna vers moi d'un air amusé, me disant : "Là, on est vraiment dans le vieux son analogique !" Et, de fait, le son était "passé", copieusement gommé du haut (aigus) vers le bas, comme s'il avait été trop recopié d'un magnéto analogique à un autre, ou comme si la bande avait été trop diffusée, perdant beaucoup de petites particules. En gros, techniquement, c'est comme si on avait appliqué un filtre coupe-haut (ou passe-bas ...) à pente moyenne, à partir du sommet. On connaît ce son, un peu sourd, de certaines vieilles archives ...
Une image illustre à elle-seule ce phénomène. Quelques temps plus tard, j'ai retrouvé un autre extrait de cette même collection de bruitages, qui comprenait en bonus quelques signaux de tests audio, et, parmi eux, le fameux signal de référence appelé "bruit blanc" qui contient toutes les fréquences audibles à la même intensité sonore.
A l'écoute, un bruit blanc, cela fait "le son de la neige sur la télé", comme on dit d'habitude.
A l'image, avec un spectrogramme qui affiche en jaune clair les fréquences les plus représentées, hé bien le bruit blanc nous donne théoriquement une image complètement jaune clair ...
Voici d'ailleurs, à gauche, le spectrogramme d'un bruit blanc venant d'être créé sur un ordinateur, et à droite, celui du bruit "blanc", fichier audio extrait de la (vieille) banque de sons en question :
Pour comprendre comment ce son en est arrivé là, alors qu'à la source il était comme celui de gauche, il faudrait retracer son parcours ...
Et très clairement, c'est celui d'un son enregistré sur bande magnétique, probablement recopié et traité à des fins de mastering pour être gravé, à l'époque, sur un disque vinyl, puis repris à partir de son master audio analogique des années plus tard pour graver un CD (au moment où ces collections sont ressorties dans ce format).
Mais la bande avait dû être stockée un moment, et sans doute a-t-on refait ce master à partir d'une copie (de copie ...), voire à partir du "vynil-mère" !
A partir de là (une fois numérisé), il n'a plus "bougé". C'est l'avantage du numérique bien traité (on peut recopier à l'infini sans pertes). D'ailleurs, une mauvaise copie numérique aurait justement fait apparaître des traînées jaunes dans l'aigu, des bruits artificiels. Et ce son est parfaitement "clean" de ce côté-là, on le voit.
Ce qui est amusant (pour les geeks que nous sommes, j'entends ), à un moment où la nostalgie de l'analogique ne se dément pas, c'est que ce type de dégradation naturelle et progressive se rapproche des caractéristiques de vieillissement de l'oreille humaine
Et, de même que les technologies d'enregistrement analogique (haut de gamme si possible) nous sont agréables parce que, justement, elles ne sont pas neutres mais que leurs "défauts" sont plutôt des qualités à nos oreilles, ce bruit blanc gommé par le temps, est aussi, évidemment, à l'écoute beaucoup moins agressif que celui de gauche, même si évidemment il a totalement perdu sa crédibilité et son utilité dans le processus ...
Pour le coup, nous avons éliminé d'emblée le bruitage (de salle de classe) avec mon client, mais s'il s'était agi d'un travail musical avec le choix d'une "nappe de synthé", par exemple, il est bien possible que ce genre de "patine", plus subtilement dosée, sans doute, eût été plutôt un avantage ...
Il y a d'autres fichiers audio de bruitages de la même collection qui ont exactement les mêmes caractéristiques; mais c'est un peu moins flagrant sur une analyse spectrale quand le contenu est variable ... Ca aurait été encore moins pertinent de montrer un bruitage d'ambiance de ville affecté je pense ...
Mais tous sont affectés comme beaucoup de bons vieux enregistrements analogiques, et c'est dû globalement aux raisons de conservation et de recopie que j'ai essayé d'expliquer.
Ce sont des enregistrements qui datent des années 80 effectués en analogique, destinés à un pressage vinyl, et dont on a récupéré un master, ou une copie d'un master, ou une copie de la copie, pour les ressortir en format numérique ... Après, les transferts / copies /numériques éventuels ont été nickels, sinon on aurait des "artefacts" visibles dans l'aigu.
), à un moment où la nostalgie de l'analogique ne se dément pas, c'est que ce type de dégradation naturelle et progressive se rapproche des caractéristiques de vieillissement de l'oreille humaine
