Des fans de muslimgauze dans la place ?
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nova akropola
4466
Squatteur·euse d’AF
Membre depuis 20 ans
Sujet de la discussion Posté le 16/12/2005 à 14:17:52Des fans de muslimgauze dans la place ?
Tout est dit dans le titre.....
Uniformite culturelle = manipulation des masses
Anonyme
17065
3 Posté le 24/03/2014 à 16:06:15
Bon je pense qu'il y a beaucoup de choses à dire sur Muslimgauze.
Je n'ai pas vraiment de plan mais je viens balancer des idées que je mettrai en ordre en écrivant.
Il est bien évident que mon analyse a probablement peu à voir avec ce qui sous-tend l'acte créatif de Bryn Jones.
Tout d'abord je ne peux m'empêcher d'envisager Muslimgauze comme l'anti-Buddah Bar.
En effet, là où les compilations de Claude Challe convoquent un imaginaire proche de celui des peintres orientalistes, un "orient imaginaire" comme disait Edward W.Said, avec ce que cela implique comme fantasme, Muslimgauze nous plonge par certains aspects de sa musique dans les conflits du Moyen-Orient, d'Asie Centrale ou des conflits inter-religieux en Inde et pose la carte du monde musulman dans la partie de poker géostratégique.
C'est d'ailleurs l'invasion du Liban par Israël dans les années 80 qui a motivé la création de Muslimgauze. Bryn Jones aime rappeler que c'est la politique qui inspire sa création et rien d'autre. Il écoutait très peu de musique dit-il, si ce n'est celle qui lui arrivait par accident lorsqu'il passait à proximité d'une radio.
Si les compilations Buddha-Bar proposent des musiques charmeuses et complaisantes, Muslimgauze propose souvent des sons saturés, des boucles déstructurées, des morceaux dont le volume baisse soudainement pour revenir soudainement nous exploser aux oreilles quand ce n'est pas carrément 4 minutes ou plus de saturation pure et simple, à l'image d'un Merzbow.
Un orient réel, fait de ruines, de combats, de mutilations et de morts.
Il y a aussi quelque chose de radical dans la durée de certains morceaux (très courts ou très longs) qui sont souvent "manipulés" en temps réel. Rien de vraiment programmé qui passerait par un séquenceur, un échantillonneur ou une quelconque "rationnalisation"/quantization informatique.
A ce que j'ai cru comprendre Bryn Jones travaillait avec des K7, des percus une table de mix et basta.
Peut-être une boîte à rythme.
Pour faire un parallèle grossier, Bryn Jones, bien que n'étant pas musulman, était une sorte de moujahedin audio, utilisant les moyens du bord* pour se battre dans la real-politik de l'industrie musicale.
Ses sons altérés sont comme des balles et des mines anti-personnelles. Ses manipulations en temps réel, spontanés, laissent l'auditeur en état de veille permanente comme on pourrait guetter la chute de la prochaine roquette.
Bref, Muslimgauze est une sorte de négatif audio d'un Orient autrefois idéalisé.
Il témoigne de ce monde tel qu'il s'est transformé depuis la fin de la seconde guerre mondiale et comment il s'est radicalisé avec le temps.
Mais il y a cependant de la poésie aussi dans sa musique, mais j'en parlerai demain ou plus tard dans la semaine.
*je me réfère à certaines images des moujahedines afghans qui, durant la guerre russo-afghane, récupéraient du matériel ennemi qu'ils remettaient en marche avec des bouts de ficelles.
Voir le documentaire"Une vallée contre empire" de Christophe de Ponfilly.
a.k.a
18739
Drogué·e à l’AFéine
Membre depuis 20 ans
4 Posté le 28/03/2014 à 07:10:00
Ça promet d'être intéressant...
Anonyme
17065
5 Posté le 31/03/2014 à 15:31:38
Merci
La poésie n'est selon moi, pas absente de la musique de Muslimgauze.
Il y a même pour moi quelque chose qui dans les titres des morceaux ou d'albums, a à voir avec l'évocation que peut susciter un haïku, une évocation qui puisera plus ou moins dans cet "orient imaginaire" que nous avons tous plus ou moins emmagasinés quelque part dans notre esprit.
Des titres comme "Vanilla Jellaba" ou "Moroccan Lemon Chador"impriment tout de suite quelque chose dans l'esprit, un endroit, une silhouette, un tissu. Mais le nom de cette couleur lui donne aussi un goût d'une certaine façon.
The Nile Is Blue Around Elephantine Island propose quelque chose aussi..le Nil, l'Egypte...le bleu...une île dont le nom a quelque chose à voir avec un animal exotique.
Certains convoquent l'histoire, comme "Ulug Beg Sextant" astronome, mathématicien et sultan de la dynastie timouride en Asie Centrale. C'est lui qui fit fabriquer un sextant géant en 1428.
Plus proche de nous"Najibullah Headless" témoigne du destin funeste de Mohamed Najibullah, ex-président de l'Afghanistan tendance communiste, qui n'a pas échappé aux talibans en 1996 alors qu'il tentait de fuir Kaboul que les taliban étaient en train d'investir.
Plus léger "Girl Who Lived Inside a Sitar", "An Abyssinyan Who Could Kiss Fire" ou "India Rubber Buddha Melts and Forms a Pool" se prêteraient probablement bien à des nouvelles surréalistes et "The Girl Who Sleeps with Persian Tulips" serait un chouette sujet de photographie.
Il y aussi des réalités plus crues comme peut l'évoquer "Lahore Morphine Market", "Submit to Sharia" , "Strap Sticks of Dynamite Around Her Body ", "Cholera", "Daughter without Tongue" ou encore "The Limb Amputator Of Rinash".
La politique est évidemment évoquée à plusieurs reprises: "8 AM, Tel Aviv, Islamic Jihad", "Abu Nidal", "Al Aqsa Intifada", "All the Stolen Land of Palestine", "Anti Arab America", "Anti-Arab Media Censor", "Benazir Bhutto's Hands Are Clean ",
Certaines associations semblent plus atypiques, par exemple "Old Arab Record, Not on Compact Disc"
"Old Bombay Vinyl Junkie", "Ayatollah Dollar", "Madras Sitar Burner", "Box of Silk and dogs", "Sari and Reebook", "Lalique Gadaffi Jar" ou "Tandoori Dog" et son étrange pochette.
http://s.pixogs.com/image/R-197852-1160290659.jpeg
Que penser de "Come Inside My Chador"?
Invitation sensuelle ou proposition à comprendre et subir une condition de vie dont nous n'avons pas idée?
Et "Your Mines in Kabul"? Cela parle-t-il des mines laissées aux alentours de Kaboul par les russes ou est-ce un jeu de mots avec "minds" qui évoquerait ainsi les âmes de tout ceux qui sont morts lors des innombrables affrontements dans cette capitale?
La pochette de l'album éponyme propose peut-être la réponse.
http://s.pixogs.com/image/R-197858-1176468216.jpeg
Je voudrais finir en disant que Muslimgauze, de par ses titres plus ou moins poétiques, propose en fait de l'histoire, de la géographie, un angle politique/géopolitique, sociologique/éthnique quelque chose permettant de se cultiver sur certains sujets que l'on n'imagine pas séduire les foules, ce qui est plutôt rare dans le monde de la musique actuellement, en tout cas à ce point.
La poésie n'est selon moi, pas absente de la musique de Muslimgauze.
Il y a même pour moi quelque chose qui dans les titres des morceaux ou d'albums, a à voir avec l'évocation que peut susciter un haïku, une évocation qui puisera plus ou moins dans cet "orient imaginaire" que nous avons tous plus ou moins emmagasinés quelque part dans notre esprit.
Des titres comme "Vanilla Jellaba" ou "Moroccan Lemon Chador"impriment tout de suite quelque chose dans l'esprit, un endroit, une silhouette, un tissu. Mais le nom de cette couleur lui donne aussi un goût d'une certaine façon.
The Nile Is Blue Around Elephantine Island propose quelque chose aussi..le Nil, l'Egypte...le bleu...une île dont le nom a quelque chose à voir avec un animal exotique.
Certains convoquent l'histoire, comme "Ulug Beg Sextant" astronome, mathématicien et sultan de la dynastie timouride en Asie Centrale. C'est lui qui fit fabriquer un sextant géant en 1428.
Plus proche de nous"Najibullah Headless" témoigne du destin funeste de Mohamed Najibullah, ex-président de l'Afghanistan tendance communiste, qui n'a pas échappé aux talibans en 1996 alors qu'il tentait de fuir Kaboul que les taliban étaient en train d'investir.
Plus léger "Girl Who Lived Inside a Sitar", "An Abyssinyan Who Could Kiss Fire" ou "India Rubber Buddha Melts and Forms a Pool" se prêteraient probablement bien à des nouvelles surréalistes et "The Girl Who Sleeps with Persian Tulips" serait un chouette sujet de photographie.
Il y aussi des réalités plus crues comme peut l'évoquer "Lahore Morphine Market", "Submit to Sharia" , "Strap Sticks of Dynamite Around Her Body ", "Cholera", "Daughter without Tongue" ou encore "The Limb Amputator Of Rinash".
La politique est évidemment évoquée à plusieurs reprises: "8 AM, Tel Aviv, Islamic Jihad", "Abu Nidal", "Al Aqsa Intifada", "All the Stolen Land of Palestine", "Anti Arab America", "Anti-Arab Media Censor", "Benazir Bhutto's Hands Are Clean ",
Certaines associations semblent plus atypiques, par exemple "Old Arab Record, Not on Compact Disc"
"Old Bombay Vinyl Junkie", "Ayatollah Dollar", "Madras Sitar Burner", "Box of Silk and dogs", "Sari and Reebook", "Lalique Gadaffi Jar" ou "Tandoori Dog" et son étrange pochette.
http://s.pixogs.com/image/R-197852-1160290659.jpeg
Que penser de "Come Inside My Chador"?
Invitation sensuelle ou proposition à comprendre et subir une condition de vie dont nous n'avons pas idée?
Et "Your Mines in Kabul"? Cela parle-t-il des mines laissées aux alentours de Kaboul par les russes ou est-ce un jeu de mots avec "minds" qui évoquerait ainsi les âmes de tout ceux qui sont morts lors des innombrables affrontements dans cette capitale?
La pochette de l'album éponyme propose peut-être la réponse.
http://s.pixogs.com/image/R-197858-1176468216.jpeg
Je voudrais finir en disant que Muslimgauze, de par ses titres plus ou moins poétiques, propose en fait de l'histoire, de la géographie, un angle politique/géopolitique, sociologique/éthnique quelque chose permettant de se cultiver sur certains sujets que l'on n'imagine pas séduire les foules, ce qui est plutôt rare dans le monde de la musique actuellement, en tout cas à ce point.
[ Dernière édition du message le 31/03/2014 à 15:32:37 ]
Anonyme
17065
6 Posté le 31/03/2014 à 15:49:33
"Veiled Sisters" est un des rares albums que je n'ai pas, ce n'est pas ma période préférée en terme d'idées et de sons. Ce que j'ai appris par contre, c'est que le titre ne fait pas référence à deux soeurs voilées mais à la kalashikov et la katyusha, toujours en main mais invisibles aux yeux de l'adversaire.
Anonyme
17065
7 Posté le 02/04/2014 à 09:34:34
Audiorientalisme psycho-acoustique.
Par ce petit titre je souhaitais souligner un autre aspect de la musique de Muslimgauze.
De même que certains titres convoquent un certain imaginaire, de même le choix d'échantillons
diffuse tout de suite dans l'esprit de l'auditeur un ailleurs.
Tar et tombak iranien, oud, derbouka et santour du Proche-orient, sitar et tablas indiens, sato ouzbek, dilrouba afghan, chanteurs et chanteuses, extraits de films indien ou maghrébins, sons d'ambiance, extraits de prêches ou de discours...échantillonnés, fragmentés et dispersés à travers les disques ils dressent une carte audio bien délimitée.
Ethnomusicostratégie ou géthnomusicologie?
Des mots qui n'existent pas car bien que composés de termes connus ils ne décrivent rien de réel, tout comme la musique de Muslimgauze qui, en mélangeant des sources diverses proposent quelque chose qui n'existe pas réellement dans le monde et pourtant rendu perceptible au monde grâce au talent qui lui est propre, unique en son genre.
Pour exemple, comment ne pas percevoir la poésie dans le morceau ci-après.
Une conversation intime d'un jeune couple arabe...un oud distant...des percussions très présentes réparties dans la stéréo donnent une certaine tension...des arrêts, des reprises, des boucles inversées...c'est à la fois paisible et tendu...existant et imaginaire...hypnotique, poétique assurément...de l'hypnopoésie.
Là ce sont de grosses basses ragga qui couvrent une conversation entre deux hommes d'un certain âge, entrecoupée par une vièle orientale. Les derbouka font office de riddims.
Dans le même esprit:
Une cassette d'une chanteuse turque et ce qui semble une prêche dans une mosquée?
Impossible dans le monde musulman, possible chez Muslimgauze.
Mais là où le "concept" touche au génial c'est lorsque l'occident et l'orient se rencontrent.
L'occident avec les tournes de hip-hop, house music, drum'n'bass ou les riddims...faites votre marché là-dedans:
Par une certaine licence poétique audio, Muslimgauze évoque donc plus qu'il ne montre (comme le mystique selon Wittgenstein mais là je pousse un peu ), sa musique propose quelque chose d'inaudible tel quel dans le monde réel, des rencontres improbables, une carte qui n'aurait pas de territoire (Korzibsky...là aussi je pousse un peu ).
Par ce petit titre je souhaitais souligner un autre aspect de la musique de Muslimgauze.
De même que certains titres convoquent un certain imaginaire, de même le choix d'échantillons
diffuse tout de suite dans l'esprit de l'auditeur un ailleurs.
Tar et tombak iranien, oud, derbouka et santour du Proche-orient, sitar et tablas indiens, sato ouzbek, dilrouba afghan, chanteurs et chanteuses, extraits de films indien ou maghrébins, sons d'ambiance, extraits de prêches ou de discours...échantillonnés, fragmentés et dispersés à travers les disques ils dressent une carte audio bien délimitée.
Ethnomusicostratégie ou géthnomusicologie?
Des mots qui n'existent pas car bien que composés de termes connus ils ne décrivent rien de réel, tout comme la musique de Muslimgauze qui, en mélangeant des sources diverses proposent quelque chose qui n'existe pas réellement dans le monde et pourtant rendu perceptible au monde grâce au talent qui lui est propre, unique en son genre.
Pour exemple, comment ne pas percevoir la poésie dans le morceau ci-après.
Une conversation intime d'un jeune couple arabe...un oud distant...des percussions très présentes réparties dans la stéréo donnent une certaine tension...des arrêts, des reprises, des boucles inversées...c'est à la fois paisible et tendu...existant et imaginaire...hypnotique, poétique assurément...de l'hypnopoésie.
Là ce sont de grosses basses ragga qui couvrent une conversation entre deux hommes d'un certain âge, entrecoupée par une vièle orientale. Les derbouka font office de riddims.
Dans le même esprit:
Une cassette d'une chanteuse turque et ce qui semble une prêche dans une mosquée?
Impossible dans le monde musulman, possible chez Muslimgauze.
Mais là où le "concept" touche au génial c'est lorsque l'occident et l'orient se rencontrent.
L'occident avec les tournes de hip-hop, house music, drum'n'bass ou les riddims...faites votre marché là-dedans:
Par une certaine licence poétique audio, Muslimgauze évoque donc plus qu'il ne montre (comme le mystique selon Wittgenstein mais là je pousse un peu ), sa musique propose quelque chose d'inaudible tel quel dans le monde réel, des rencontres improbables, une carte qui n'aurait pas de territoire (Korzibsky...là aussi je pousse un peu ).
[ Dernière édition du message le 02/04/2014 à 09:36:33 ]
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