Sujet de la discussionPosté le 14/12/2015 à 17:12:20(dé)conte de Noël
Parce qu'il y a certainement des morceaux d'âme d'enfant coincée quelque part dans les entrailles de votre psyché d'élite, je vous offre un petit conte de Noël que j'avais écrit quand j'y croyais encore (y'a pas si longtemps, donc). Asseyez-vous en rond, ça commence.
L'inspecteur Clément Beaulac inclina le dossier de sa chaise et cala sa carcasse fatiguée contre le cuir patiné des accoudoirs. Il adoptait toujours cette position lorsqu'il devait se concentrer pour rassembler mentalement les éléments épars d'une enquête éprouvante. La nuit tombante éclairait le ballet des voitures sur l'asphalte détrempé par une semaine de pluie ininterrompue. Janvier enrhumait ses dernières soirées, et les guirlandes chargées de promesses improbables n'éclairaient plus que des souvenirs au fond d'un vieux hangar municipal.
S'accrochant à la rampe pour apprécier l'étrangeté de l'instant, il se laissa avaler sans résistance par le monstre vrombissant dans les entrailles de la terre, et se trouva projeté sur une piste envahie de danseurs acharnés vibrant au son de la funk la plus pure. "Ben Hur et sa crèche" annonçait une banderolle suspendue à l'arrière de la scène. De fait, les musiciens qui la peuplaient arboraient des tenues animales. Un singe s'éclatait sur le devant en chantant. Assis en retrait derrière la batterie, un âne envoyait du bois. "Au sens propre comme au figuré", pensa Clément Beaulac lorsqu'il aperçut les baguettes éparpillées sur le sol tout autour du musicien.
Faisant instinctivement le lien avec les copeaux cylindriques qui avaient causé sa chute lors de la visite au domicile du disparu, l'inspecteur scruta la scène avec une attention soutenue à la recherche d'une confirmation de ce que son intuition lui hurlait à l'unisson de la mélodie inventive des cuivres. Des cuivres tour à tour brillants, profonds, lyriques, lancinants et sauvages qui lui chauffaient l'âme à blanc et semblaient ne vouloir cesser leur envoûtement que lorsqu'il aurait eu une révélation.
Et soudain, au beau milieu de cette crèche vivante et bigarrée, il le vit, et ne vit plus que lui, lui dont le doigté diabolique faisait frissonner chaque particule de son corps en transe...