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(dé)conte de Noël

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Sujet de la discussion (dé)conte de Noël
Parce qu'il y a certainement des morceaux d'âme d'enfant coincée quelque part dans les entrailles de votre psyché d'élite, je vous offre un petit conte de Noël que j'avais écrit quand j'y croyais encore (y'a pas si longtemps, donc). Asseyez-vous en rond, ça commence.

L'inspecteur Clément Beaulac inclina le dossier de sa chaise et cala sa carcasse fatiguée contre le cuir patiné des accoudoirs. Il adoptait toujours cette position lorsqu'il devait se concentrer pour rassembler mentalement les éléments épars d'une enquête éprouvante. La nuit tombante éclairait le ballet des voitures sur l'asphalte détrempé par une semaine de pluie ininterrompue. Janvier enrhumait ses dernières soirées, et les guirlandes chargées de promesses improbables n'éclairaient plus que des souvenirs au fond d'un vieux hangar municipal.

A demain pour la suite.
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flag

Hors sujet :

 si je puis me permettre, fais attention à ne pas forcer sur les adjectifs, qui sont parfois superflus, surtout dans un récit court. c'est comme en photo : on y gagne à virer des détails hors du cadre. 

 

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«Alors, Monsieur Beaublack, on en est où avec cette disparition?». Le gros homme qui était entré dans le bureau et le regardait à présent avec un air inquisiteur n'attendait en réalité aucune réponse à sa question, Clément Beaulac le savait bien. Tout au plus voulait-il prouver une fois encore sa supériorité hiérarchique en écorchant le nom de son subalterne. Le commissaire divisionnaire Cauvepont semblait être né pour lui pourrir l'existence, et aussi loin que Clément Beaulac s'en souvenait, leurs échanges avaient toujours été teintés d'un soupçon de provocation, pour ne pas dire d'un franc mépris réciproque.
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flag itou icon_wink.gif
Beaulac, le Léman ou Annecy ? icon_wink.gif

Incrédule sur tout, sceptique sur le reste

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Se tournant vers son interlocuteur dans un effort volontairement laborieux, l'inspecteur toisa l'importun d'un regard gris qui traduisait sans équivoque le déplaisir sincère qu'il éprouvait à l'irruption dans son champ visuel de cette masse graisseuse et suante, au costume dépareillé et auréolé des reliefs d'un menu de fast food. "Casse-toi, Cauvepont." lui balança Clément Beaulac sur un ton monocorde. Non que cette phrase eût nécessité un effort particulièrement intense de recherche lexicale, mais les quatre syllabes qui la composaient soulignaient efficacement de leur rythme simple toute la vacuité affective qu'inspirait à l'inspecteur la présence de son supérieur. Ce dernier tourna les talons en haussant les épaules, puis s'éloigna en maugréant pour se mettre en quête d'un jeune souffreteux sur lequel se venger sadiquement de son absence de répartie face au meilleur enquêteur de la brigade.
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Les pensées de l'inspecteur naviguaient des brumes de son enquête aux déferlantes de haine que lui inspiraient l'attitude suffisante de son chef. Il décida de s'extraire de cette atmosphère impropre à la réflexion, et, saluant négligemment ses rares collègues de service errant encore dans la pénombre de l'heure tardive, se téléporta sans hâte jusqu'à la banquette cossue de son pub favori. La chaleur épaisse d'une ambiance gaillarde gorgée de lumière, de rires gras et d'alcool lui confirma l'accueil bienveillant réservé aux habitués des lieux, seuls privilégiés à même de ressentir les palpitations d'un monde de sérénité furieuse. Après les trois pintes rituelles de bienvenue, son esprit s'aiguisa en accueillant le velouté de son quatrième single malt.
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Hill est en retard pour le (dé)conte ? Ou bien y en n'a pas le week-end ? icon_mrgreen.gif

Incrédule sur tout, sceptique sur le reste

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Son enquête sur la disparition de Ruppert Noël, un musicien établi dans la région depuis plusieurs années, le laissait perplexe à cause de l'absence apparente de mobile. Souvent, des types disparaissent du jour au lendemain sans laisser de trace, sans même se fendre d'une lettre qui calmerait l'incompréhension angoissée de leurs proches. Clément Beaulac s'était toujours attaché à ne pas juger la démarche de ces candidats à l'anonymat, mais avait soigneusement répertorié les indices matériels qui accompagnaient leurs derniers pas dans leur existence connue, persuadé qu'au moment de refermer définitivement la porte dissimulant la suite de leur vie, ils glissaient inconsciemment une petite clé sous le paillasson de ceux qui souhaiteraient comprendre leurs motifs.
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Dans le cas de Ruppert Noël, rien. Pas l'ombre d'un indice, aussi anodin soit-il, n'avait éveillé l'intérêt de l'enquêteur. Il se repassait en boucle le film de la perquisition qu'il avait effectuée au domicile du disparu sans ressentir le frisson caractéristique qui signifiait à l'expert qu'il avait mis le doigt sur une preuve d'humanité. En l'occurence, la seule émotion qu'il avait éprouvée au cours de sa visite des lieux était liée à sa chute spectaculaire lorsqu'il avait glissé sur des petits copeaux de bois cylindriques qui jonchaient le sol sur le seuil de la demeure. Ses collègues s'étaient gentiment foutus de lui, et cette petite anecdote avait égayé les conversations à la cantine du bureau.
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Agréablement étourdi par le degré d'alcool en élévation constante dans son sang, l'esprit bercé par les bruits de la vie nocturne, il perçut soudain une pulsation régulière, nerveuse, percussive, qui n'émanait pas de ses tempes fiévreuses mais des fondations du pub. Comme aimanté par ce rythme obsédant, il attrapa son verre et se dirigea d'une démarche étrangement chaloupée vers les escaliers menant à l'étage inférieur.