La compression VCA !
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offenbach
Après le préampli micro, la console de sommation, le compresseur optique... je voudrais parler maintenant d'un autre sujet important : la compression VCA.
Ce que je vous propose ici c'est de suivre plus ou moins le plan suivant :
A. Le VCA
1. Qu'est-ce qu'un VCA ? Quelles en sont les principales applications dans le monde audio ?
2. L'échelle de gain du VCA : Lin vs Log...
3. L'histoire des VCA : inventeurs, marques, modèles...
B. La compression VCA en théorie
1. Schéma de principe d'un compresseur
2. Le détecteur RMS
3. Ratio d'un compresseur VCA Feedforward
4. Ratio d'un compresseur VCA feedback
5. Comparatif Feedback/feedforward
6. Threshold, hard & soft knee, etc...
C. Etude d'un cas réel : le THAT4301 Analog Engine® Dynamics Processor
1. Mise en oeuvre de son VCA
2. Mise en oeuvre de son Détecteur RMS
3. Exemple basique d'utilisation du VCA
4. Exemple basique d'utilisation du Détecteur RMS
D. Conception d'un prototype de compresseur VCA
1. Schéma de principe général
2. Calcul du schéma Audio
3. Calcul du SideChain
4. Réalisation finale, mesures et essais.
Voilà un bon gros programme comme je les aime !
Je suis en train, en même temps, de réaliser des Vidéos que je posterai bientôt où j'explique tout cela dans un plan relativement similaire.
A très vite
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offenbach
Les premiers VCA sont assez anciens.........
Mais c'est au début des années 70 qu'une petite révolution va se jouer dans le monde du VCA "Audio"...
En effet en 1971, David Blackmer fonde la société dbx inc. Il dépose alors un brevet "fondateur" intitulé MULTIPLIER CIRCUITS.
Comme il l'explique lui-même, son propos est de réaliser un circuit d'amplification dont le gain répond de façon logarithmique à la tension de commande qui lui est appliqué.
Il produira logiquement le composant permettant cette prouesse, qu'il nommera le dbx 202. Voici une image du modèle original :
Ce VCA, réalisé en composants discrets enfermés dans un boîtier métallique, deviendra vite très populaire. Pourtant il est encore très imparfait : bruit de fond et distorsion sont de la partie... Mais il permettra d'automatiser facilement les consoles de mixages !
Au fur et à mesure des innovations technologiques et du travail de recherches mené par les ingénieurs de dbx et ses concurrents, les VCA vont petit à petit s'améliorer. On compte alors pas mal de versions différentes et remaniées au cour du temps.
Gary Bergstrom, ingénieur chez dbx, dépose en 1978 un brevet intitulé SIGNAL CORRECTION FOR ELECTRICAL GAIN CONTROL SYSTEMS.
Il améliore les caractéristiques de la cellule de Gain : il propose un schéma de correction d’erreur pour améliorer un peu la plage dynamique. Il ne résout malheureusement pas encore un autre problème de taille des VCA : la dérive en température due aux nombreux transistors...
La popularité des VCA rend naturellement la concurrence assez farouche ! On cherche à améliorer la distorsion en particulier. Tout le monde travaille alors à développer un VCA en classe A.
On citera en particulier les travaux de :
- Paul Buff (de Allison Research - puis Valley People), qui reste assez proche de l'orignial de Blackmer (Ayant en particulier acheté des droit à dbx pour reproduire une partie de leurs circuits...). Son VCA possède la réponse caractéristique logarithmique, mais réalisée en classe A, comme en témoigne son brevet de 1980 :
- David Baskind et Harvey Rubens (de VCA Associates). Dans ce modèle de VCA, le contrôle est linéaire et non logarithmique, en revanche l'intégration en Circuit Intégré apporte un bien meilleur comportement thermique !
Si la Classe A améliore la réponse log (pente) du VCA, il faut bien comprendre que les 8 transistors dérivent facilement avec la température… Il s'agit donc d'une grande avancée lorsque le circuit devient intégré ! De manière générale les transistor souffrent toujours de ce problème de dérive en température, et on doit constamment faire en sorte de compenser cela si on veut un circuit bien stable quelque soient les conditions !
Après avoir sortit le 2001 (photo ci-dessus), Dave Welland (de chez dbx) travaille sur un Circuit Intégré en classe AB à 8 transistors, mais utilise les autres transistors pour un système de correction et compensation. Ce sera la série des dbx2150...
A noter que dès lors les VCA seront des "Current IN & Current OUT" comme on dit en anglais, c'est-à-dire qu'on ne leur applique pas une tension en entrée mais un courant. Petite nuance qui, nous le verrons un peu plus tard a toute son importance dans les choix de la mise en oeuvre du VCA pour optimiser au mieux le circuit. On a alors compris qu'on pourrait tirer partit d'une mise en parralèlle de plusieurs VCA afin d'améliorer leurs caractéristiques. On a alors placé dans un chassis métallique identique au dbx202 original plusieurs VCA intégrés en parallèle, un peu selon cette manière :
Une fois réglé le problème du bruit, d'autres soucis apparurent : bande passante limitées des AOP interne du VCA (à cause des capacités parasites élevées), mais aussi distorsion en partie due à une médiocre mise en oeuvre du formatage du Control Voltage par les constructeur de machine qui utilisaient les VCA...
Dans le même temps (années 90), la marque dbx est rachetée par AKG, puis Harman pour la division professionnelle (matériel de Studio produit par dbx, qui a produit un grand nombre de machines dédiées au traitement dynamique). THAT Corporation (fondée par des anciens de dbx) rachète de son côté la division OEM (pièces détachées et composants).
THAT va alors actualiser la technologie des VCA. Naitront les séries actuelles des 2180/2181 (Gary Hebert) qui sont supérieurs en terme de non linéarité et de distorsion aux anciens designs.
Nous parlerons un peu plus tard des détecteur RMS (qui est un complément naturel au VCA). dbx en a produit un certain nombre tout au long de son histoire. THAT, après avoir produit le détecteur RMS 2252 cesse la production mais l’intègre dans la puce THAT 4301/05/11/15/16/20... qui contient donc à la fois VCA et détecteur RMS.
le modèle 202 de dbx reste, malgré ses larges imperfections, encore très côté (une centaine de $ d'occasion environ...). Il a connu à travers son histoire de nombreuses versions : 202, 202C, 202X, repris plus tard par THAT, sous forme de modèle rétro compatibles comme les THAT202XT, THAT202XTC, THAT202R... ou encore les THAT2002T/2002N/2002R... Par ailleurs les constantes de gain on alterné entre -20dB/Volt (=-50mv/dB) et -6mv/dB...
Bref les références ne manquent pas, et il y a de quoi s'y perdre !!
Voilà pour le petit tour historique des VCA Audio. C'est forcément incomplet, mais vos remarques et ajouts éventuels seront les bienvenus
************************
j'ai basé mes recherches sur le petit résumé de THAT Corp "Petite histoire du VCA" en anglais sur le site de la marque, la lecture des brevets, pas mal de lectures à droite à gauche...
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[ Dernière édition du message le 11/07/2018 à 21:15:06 ]
TAMPCO Pedals
Ancienement appelé The Koala
philrud
J'imagine bien le temps à y passer.
Le dbx 2150 par exemple produit de la distorsion oui, mais de la bonne disto', celle qui nous caresse les oreilles. En tout cas, perso' j'en raffole !
Mon soundcloud Good times !
offenbach
Très bien offenbach cette présentation !
J'imagine bien le temps à y passer.
Le dbx 2150 par exemple produit de la distorsion oui, mais de la bonne disto', celle qui nous caresse les oreilles. En tout cas, perso' j'en raffole !
Merci
C'est vrai que certaines imperfections des anciennes machines sont en grande partie ce pourquoi on les adore !
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Tshaw91
Echange pistes de scratchs contre pistes d autres instruments :)
offenbach
Après cette présentation du VCA, nous allons entrer dans le vif du sujet à propos de la compression VCA...
1. Schéma de principe d'un compresseur
Un compresseur est un système qui fait varier le niveau du son en fonction du niveau du signal lui-même :
- si le son est fort, le compresseur baisse le volume,
- si le son est faible, le compresseur remonte le volume.
Un tel système est donc un traitement dynamique, puisqu'il agit sur la dynamique du signal, réduisant naturellement les écarts de volume entre les moments forts et les moments faibles.
Pour cela le compresseur est constitué principalement de 2 blocs :
- une cellule de gain, qui va adapter le Gain du signal de façon automatique (sans que l'utilisateur n'agisse).
- un Side Chain, c'est à dire un système qui va mesurer le niveau du signal et piloter la cellule de gain en conséquence.
Il existe 2 topologies de base pour la réalisation d'un compresseur, selon l'endroit où est mesuré le signal :
Si on mesure le signal en entrée on parle d'un compresseur Feedforward :
Si au contraire on mesure le signal en sortie, alors on parle dans ce cas-là d'un compresseur Feedback :
Nous verrons un peu plus loin que chacun de ces designs a ses avantages et ses inconvénients.
La Cellule de Gain, dans le cas d'un compresseur VCA sera naturellement le VCA lui-même. En effet celui-ci n'est autre qu'une cellule de gain, dont le gain peut être justement ajusté par une tension de commande.
Mais qu'en est-il du Side Chain ? Si on veut être un peu plus précis, celui-ci va devoir remplir les missions suivantes :
- Tout d'abord il doit mesurer le niveau du signal. Il y a déjà là une petite difficulté. De quel niveau s'agit-il ? On peut vouloir un compresseur qui agira sur un niveau instantané (Peak), ou bien un qui agira sur le niveau moyen (RMS)...
- il faut ensuite convertir ce niveau sonore en une tension électrique
- Cette tension sera "conditionnée" pour répondre à tous les paramètres habituels du compresseur (threshold, Ratio, attack, release...), et de manière à faire répondre le VCA comme souhaitée.
Tout naturellement, en même temps que se sont développés et perfectionnés les VCA, ont été mis au point des circuits de détection de niveau, et plus particulièrement pour détecter le niveau RMS. Nous allons à présent nous intéresser à ce circuit !
2. Le détecteur RMS
Le signal électrique qui représente le son est par nature alternatif. Donc la tension du signal change en permanence, et sa valeur moyenne est quasiment tout le temps nulle puisqu'il y a en général autant d’occurrence positive que négative. Alors comment avoir une idée précise du niveau du signal ? C'est là que la notion de RMS intervient.
Un signal électrique, quelque soit sa nature (alternatif ou pas...) va produire, sur un temps donné, une certaine dissipation d'énergie dans une résistance. On définit la valeur RMS d'une tension alternative comme la valeur fixe de tension qu'il faudrait appliquer sur cette même résistance pour produire la même dissipation d'énergie pendant le même temps.
Sans rentrer dans des considérations mathématiques trop abstraites (qu'on trouve d'ailleurs facilement sur internet en cherchant valeur efficace, RMS...) on peut simplement noter qu'il s'agit d'une sorte de moyenne du signal, mais non pas directement la moyenne de la valeur instantanée, mais la racine carré de la moyenne du carré de la valeur instantanée, sur un temps donné, une période du signal par exemple.
Dans certains cas particuliers, on peut simplifier les mathématiques de cette façon :
- la valeur RMS d'une sinusoïde d'amplitude maximum A est tout simplement A/√(2)
- dans le cas d'un signal triangulaire la valeur RMS du signal est A/√(3)
- pour un signal carré, la valeur RMS est identique à la valeur instantanée. En effet un signal carré n'est qu'une alternance de tensions continues : la moitié du temps à la valeur A, l'autre moitié à la valeur -A. La dissipation d'énergie dans une résistance n'est pas affectée par le sens du courant, ou la polarité de la tension... Donc au final c'est équivalent à une tension continue constante de valeur A.
Si la nature du signal entrant dans le détecteur de niveau RMS était connue (par exemple sinusoïde pure, ou triangle....), il serait alors très facile d’appliquer un coefficient (√(2) ou √(3)...) à la valeur de crête mesurée pour obtenir la valeur RMS.
Malheureusement ce cas est assez rare, et n'arrive pour ainsi dire jamais ! La musique serait bien triste si elle n'était que pure sinusoïde ou triangle !!....
On voit bien alors la nécessité d'un circuit spécifique pour réaliser cette mesure du niveau RMS.
Un détecteur ancien en composant discret :
dbx en a réalisé et commercialisé un certain nombre, comme le 1253 ou encore le 2252 remplacé ensuite par le THAT 2252 (obsolète à présent...):
le dbx 1253 :
la datashheet du 2252 original :
Ces détecteurs ont suivi tout naturellement les évolutions technologiques qui avaient profités aux VCA : intégration des composants, amélioration de la bande passante, de la plage dynamique, de la précision, etc...
De façon grossière il s'agit d'abord de redresser le signal alternatif, un peu à la manière du pont de diode qui suit le transfo dans une alimentation linéaire, ensuite la tension continue sera générée selon une même échelle logarithmique que celle que nous avons vu pour le VCA, et des filtres permettront de donner à la tension de sortie toutes les caractéristiques voulues. En effet dans la définition mathématique stricte du niveau RMS pour un signal aléatoire, il faudrait une durée infinie pour obtenir LA valeur exacte. Mais on est pas arrivé si on doit attendre un temps infini avant que le compresseur commence à agir !..... Bref dans la vraie vie, il s'agit de trouver un compromis. On va donc pondérer davantage les plus récentes crêtes du signal, et donner à celles passées d'autant moins d'importance qu'elles sont "ancienne" dans l'historique du signal, ceci de manière exponentielle.
Nous verrons plus loin que nous pourrons, de par la mise en oeuvre du circuit, agir directement sur la manière dont le Détecteur intègre les niveaux crêtes afin de lui donner un comportement de vrai détecteur RMS ou bien au contraire le rapprocher d'un détecteur de crête (PEAK).
Comme pour le VCA, nous pouvons donc tracer une caractéristique du détecteur RMS :
Armé de ces 2 caractéristiques, nous sommes à présent en mesure de modéliser mathématiquement tout le Side Chain de notre compresseur VCA, pour en déduire en particulier l'expression du Ratio, en fonction de la topologie (feedback ou feedforward). Ce sera l'objet du prochain article
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Tshaw91
"Donc la tension du signal change en permanence, et sa valeur moyenne est quasiment tout le temps nulle puisqu'il y a en général autant d’occurrence positive que négative."
C'est une des affirmations les plus importantes de ton post car en découle l'utilisation de la valeur RMS et des détecteurs de ce type ainsi je la verrais bien en gras
En analo perso je suis plus compresseur true peak justement vis à vis du soucis théorique de calcul de la valeur moyenne d'un signal. Est-ce que tu sais si il existe un compresseur analo ou l'on peut directement agir sur le laps de temps que prends en compte le détecteur RMS pour calculer le niveau du signal : les 10, 20, 50 ou 100 mS passées par exemple?
Une autre technologie importante de compresseur (Hors VCA) est le numérique non asservi (sans boucle de retour ou avec temps de réponse nul) comme certains que l'on trouve en logiciel mais qui ne s'appliquent que sur des échantillons déja numérisés. Ainsi il faut connaître à l'avance son traitement ou bien en lancer une volée et choisir le résultat convenant au mieux.
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[ Dernière édition du message le 14/07/2018 à 22:03:03 ]
offenbach
Est-ce que tu sais si il existe un compresseur analo ou l'on peut directement agir sur le laps de temps que prends en compte le détecteur RMS pour calculer le niveau du signal : les 10, 20, 50 ou 100 mS passées par exemple?
Merci pour ton retour et tous les autres lecteurs n'hésitez pas à commenter, préciser, ou poser des questions, je serai ravi d'y répondre !!
Pour te répondre justement, pas à ma connaissance non. Car comme on le verra plus loin dans le dossier, l'attaque et release sont pas vraiment les même paramètres et tout le temps eux qui sont ajustable, pas le mode de détection, ou alors peut être un switch qui bascule Peak ou RMS ? je ferai mes petites recherches ! si je trouve des choses intéressantes j'en ferai part ici.
A toi d'inventer ce compresseur là ! et quand tu auras lu le dossier complet tu auras tous les éléments en main
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[ Dernière édition du message le 15/07/2018 à 02:07:33 ]
offenbach
- il existe une relation linéaire entre le Gain A en dB du VCA et la tension de commande Ec.
On a donc une relation du type : A(dB) = b * Ec
b est une constante définie par le fabricant du VCA, mais ce qui nous intéresse ici c'est la linéarité, ou dit plus simplement la proportionnalité entre Ec (en volt) et A(dB). A noter que pour une entrée à un niveau fixé, par exemple 1dBr (je reviendrai plus tard sur ce "r"), on peut tout à fait confondre le Gain A(dB) avec le niveau de sortie du VCA, dBout. Ainsi dire que le Gain (en dB) du VCA est proportionnel à Ec est équivalent à dire que le niveau de sortie dBout est lui-même proportionnel à Ec.
- de la même manière il existe une relation linéaire entre le niveau d'entrée RMS (en dB) dans le Détecteur RMS et la tension Vout qu'il produit, ce qui peut s'écrire ainsi : Vout = c * dB(rms)
c : constante définie par le fabricant du Détecteur. Encore une fois c'est la linéarité, ou la proportionnalité entre Vout et dB(rms) qui est fondamentale.
Dans le design de notre compresseur nous aurons bien évidement à interfacer le VCA et le détecteur RMS. Alors les fabricants (le fabricant, plutôt, car il ne sont pas des masses à faire ces circuits pour l'audio...) ont eu la bonne idée nous simplifier la tâche.
En effet le Détecteur convertit un niveau dB en tension (V), et le VCA, dans un sens, convertit lui une tension (V) en niveau dB. L'un fait l'inverse de l'autre. Il est donc tout naturel de régler les constantes b et c (dont il est question juste au-dessus) de façon à simplifier les calculs. Alors bien souvent les VCA et Détecteurs seront conçus par les fabricants avec des constantes inverses l'une de l'autre, soit c = -1/b
A titre d'exemple une valeur de 6mV/dB est courante pour un détecteur RMS, tout comme -1/0.006 = -166.6666 dB/V est donc une valeur toute aussi courante pour le gain d'un VCA !
A noter que le signe "-" est juste un artifice arbitraire pour indiquer que le VCA baissera le volume lorsque la tension de commande augmente. Ce n'est qu'un artifice d'écriture.
Il ne nous reste à présent plus qu'un pas à franchir pour être en mesure d'exprimer de manière simple et claire le RATIO de notre compresseur. Et c'est ce que nous allons faire à présent. Mais comme il existe 2 topologies différentes de compresseurs, il y aura 2 résultats différents. Commençons par le compresseur VCA Feedforward.
3. Ratio d'un compresseur VCA Feedforward
Considérons le diagramme suivant :
Le Side Chain se décompose de 2 parties :
1. le Détecteur RMS, je crois qu'on en a assez parlé pour le moment de celui-là
2. un étage de Gain G. Qu'est-ce exactement ? Il s'agit de ce qu'on pourrait appeler un "processeur de mise en forme". Le détecteur produit une tension Vout qui est proportionnelle au niveau RMS du signal entrant dans le compresseur. Il faudra ensuite travailler cette tension pour la mettre en adéquation avec la réponse désirée du VCA. Par exemple pour respecter le RATIO voulu, ou encore définir des conditions comme le THRESHOLD qui est un seuil à partir duquel le compresseur commence à agir... Mais dans un état déterminé, c'est à dire avec un niveau d'entrée donné, un compresseur agissant (donc une entrée > THRESHOLD), pour un réglage de RATIO déterminé, on peut finalement considérer que tout ce travail de mise en forme de la tension n'est autre qu'un GAIN en tension G (qui peut être positif, négatif, >1, ou <1....). Nous verrons plus loin comment appliquer toutes les contraintes nécessaires et quoi qu'il en soit cette simplification ne change rien au résultat.
Nous allons donc essayer de d'exprimer mathématiquement le niveau de sortie du compresseur en fonction du niveau du signal entrant.
Une première façon d'écrire cela, avec les notations du diagramme précédent, donnerait :
dBout = dBin + A(dB) [1]
En effet on se rappellera que le dB utilise une échelle logarithmique et que si on manipulait des tensions et un Gain en tension alors on écrirait Uout = Uin * Av. On voit bien ici la multiplication (quand on travaille en tension) devenir une addition (lorsqu'on travaille en dB). Je renvoie ceux qui ont du mal avec ça à ma vidéo sur le sujet : https://youtu.be/kpD73oNQsbc
Dans cette formule [1] on pressent bien que toute l'action du compresseur est dans la valeur de A(dB). C'est ce gain qui sera dépendant du niveau d'entrée. Voyons de quelle manière :
Par construction du VCA, nous avons vu que son gain (en dB) était proportionnel à la tension de commande Ec, soit :
A(dB) = b * Ec
On peut donc re-écrire [1] sous la forme :
dBout = dBin + (b * Ec) [2]
On progresse... Mais comment exprimer Ec en fonction du niveau d'entrée ? Selon notre topologie, Ec est la tension Vout en sortie du Détecteur à laquelle on applique le gain (en tension) G. Cela peut simplement s'écrire sous la forme :
Ec = Vout * G
On peut donc reécrire [2] sous la forme :
dBout = dBin + (b * Vout * G) [3]
On progresse encore... Mais ce Vout, comment le relier à l'entrée ?? C'est très simple, car là encore le Détecteur RMS, par construction a sa tension de sortie Vout proportionnelle au niveau RMS mesuré sur son entrée (laquelle est dBin pour un Feedforward compresseur ). Alors on peut écrire ça sous cette forme :
Vout = dBin * c
Mais comme on a vu que c était choisi par le fabricant pour être -1/b, alors on peut écrire :
Vout = -dBin/b
On n'a plus qu'à injecter cette expression dans la formule [3] et on sera arrivé au but !!
dBout = dBin + (b * (-dBin/b) * G)
On voit que b * (1/b) vaut 1, donc b disparait de l'équation, et écrire :
dBout = dBin - dBin * G
soit la version factorisé plus élégante :
dBout = dBin * (1 - G) [4]
Cette formule [4] exprime la relation entre le niveau de sortie du compresseur et son niveau d'entrée. Cette relation est finalement très simple.
Quelques remarques :
- là encore il y a une relation linéaire entre l'entrée et la sortie : (1 - G) est une constante.
- le niveau de sortie du compresseur ne dépend que de la valeur de G. Cela parait presque trivial, mais ce simple fait va faciliter énormément la vie lorsqu'il faudra concevoir et dessiner le schéma du "processeur de mise en forme" de la tension de commande.
On utilise courrament dans un compresseur la notion de RATIO. Celle-ci est simplement définie par une fraction, niveau IN (dB) : Niveau OUT (dB).
Par exemple un ratio de 2:1 signifie que 2dB d'augmentation de niveau en entrée se répercutera par seulement 1dB d’augmentation en sortie, ou encore 10dB en entrée donneront 5dB en sortie, etc...
Notre formule [4] peut très facilement se retourner pour être noté comme un ratio, et en effet :
RATIO = dBin/dBout = 1 / (1 - G)
Voyons ce que donne cette formule selon la valeur de G :
- si G = 0 alors le Ratio = 1, ce qui signifie que dBin = dBout. Donc pas de compression, ce qui est naturel avec un ratio 1:1
- si 0 < G < 1 alors dBin toujours plus grand que dBout, ce qui correspond au comportement d'un compresseur. En effet, le niveau d'entrée sera toujours plus grand que le niveau de sortie. Lorsque G s'approche de 1 alors le RATIO tend vers ∞:1. On voit d'ailleurs bien que pour G = 1 (ce qui correspond à envoyer directement la sortie du Détecteur RMS dans le VCA), chaque dB d’augmentation en entrée produire une diminution d'1dB dans le VCA... Ainsi le niveau de sortie sera toujours constant quelque soit le niveau d'entrée. C'est le cas typique d'un limiteur extrême !!
- si G < 0 alors la sortie est plus grande que l'entrée et le montage agit comme un expander de dynamique.
- enfin si G > 1 alors on a un comportement un peu bizarre... En effet la sortie diminue lorsque l'entrée augmente (à cause du ratio négatif). On appelle cela de la compression négative ! Un effet un peu à la manière d'un magnéto qui tourne à reculons
Arrivé à ce stade on voit déjà plus précisément comment il faudra agir sur G pour réaliser un montage qui agit comme un compresseur, mais aussi pour obtenir le RATIO voulu !
4. Ratio d'un compresseur VCA feedback
Examinons rapidement ce qui se passe lorqu'on change la topologie et qu'on utilise maintenant un compresseur Feedback.
Les calculs sont exactement identique à ce qui précède, mais simplement le détecteur RMS ne prend pas son entrée sur dBin, mais sur dBout. Ce qui modifie la formule [4] pour devenir :
dBout = dBin / (1 + G) [5]
Qui peut s'écrire aussi sous la forme du RATIO :
RATIO = dBin/dBout = 1 + G
Et de la même manière le montage a un comportement qui dépend de la valeur de G :
- si G > 0 alors le montage agit comme un compresseur. Le ratio vaut 1:1 pour G = 0 puis tend vers ∞:1 lorsque G tend vers ∞.
- si G < 0 alors le montage agit comme un expander.
- A noter le cas particulier de G = -1. En effet pour cette valeur le Ratio = 0, ce qui rend totalement indéterminé la valeur de la sortie... et rend le montage instable... A éviter !!!
5. Comparatif Feedback/feedforward
Nous allons mettre en regard les résultats obtenus afin, à ce stade, de donner un rapide comparatif technique des 2 topologies de compresseur VCA.
- Tout d'abord le Feedforward (FF) soumet le déteur RMS à la pleine plage dynamique du signal, qui parfoit peut être très grande. Cela nécessite un Détecteur de qualité capable de cela. A contrario dans le Feedback (FB) le Détecteur prend son entrée après la réduction de gain opérée par le VCA, la plage dynamique à laquelle il est soumis est donc réduite !
- Concernant le RATIO, on a pu voir qu'un RATIO infini était facile à obtenir (G = 1) pour un FF. En revanche pour un FB, il faudrait un gain G infini pour obtenir un RATIO infini... Ce qui n'est pas possible en pratique (un bon AOP ne dépasse pas un gain en tension de 100000 (eq. à +100dB)). De ce fait le Ratio sera toujours plus modéré dans un compresseur FB en comparaison avec un FF.
- Nous aborderons la question temporelle un peu plus loin (lors de la conception pratique du compresseur), mais on voit naturellement que dans un FF le Détecteur peut agir instantanément dès qu'un événement très fort arrive en entrée. A contrario dans un FB ce même événement se retrouvera tel quel en sortie avant que le Détecteur ne puisse le voir... En conséquence un FF sera globalement plus réactif qu'un FB.
Pour terminer la comparaison FF/FB, j'aimerai évoquer un système qui met en pratique ces 2 designs. Je veux parler du système de réduction de bruit dbx type I/type II. Ce système permet d'augmenter la dynamique utile lors d'un enregistrement sur une bande magnétique.
En effet la bande magnétique possède une plage dynamique limitée. Donc si on enregistrement directement dessus on obtient au final un signal restitué bruyant, les faibles niveaux étant perdus dans le bruit...
L'idée du système de Réduction de Bruit dbx est de compresser la dynamique avec un ratio 2:1 juste avant l'enregistrement (avec un petit boost dans les aigus en plus....), d'enregistrer le signal compressé (qui a donc une dynamique réduite de moité, puis au moment de la lecture de la bande d'appliquer un expander d'un ratio 1:2 (et un petit cut dans les aigus en même temps ), afin de retrouver la pleine dynamique originale, et repoussant le plus loin possible le bruit de fond.
Ce système ingénieux nécessite des outils de dynamique bien calibrés et précis. Ce qui est fait d'un côté doit être exactement défait de l'autre, afin de laisser le signal le plus indemne possible. A cette fin, voici le choix de topologie qui a été fait :
On voit immédiatement la pertinence de ce choix, pour au moins deux raisons :
- la grande plage dynamique du signal original à enregistrer se trouve réduite du point de vue du 1er détecteur (car c'est un compresseur FB), et de même la plage dynamique qui entre dans le 2nd détecteur est réduite puisque compressée.
- il y a une symétrie dans le design, ce qui fait que les 2 détecteurs sont soumis, de fait, au même signal (à la bande magnétique près...), si on avait inversé les 2 topologies, ou utilisé que du FF ou que du FB ce ne serait plus le cas et les 2 détecteurs ne réagiraient pas exactement de la même manière, ce qui nuirait à la qualité et la transparence du système.
Dans ces compresseur/expander il est à noté qu'il n'y a aucun THRESHOLD et que le RATIO est de 2:1 puis 1:2. Ainsi c'est toute la plage dynamique qui est compressée/étirée, contrairement à un compresseur classique qui agit à partir d'un seuil !
6. Threshold, hard & soft knee, etc...
Dans la liste des paramètres qui définissent le fonctionnement du Side Chain, nous avons déjà longuement évoqué le RATIO, qui est directement dépendant de la valeur de Gain G qu'on appliquera à la tension du Détecteur RMS. Mais on peut souhaiter (et c'est le cas dans tous les compresseurs), que ce RATIO de compression ne s'applique pas aux faibles niveaux, mais uniquement lorsque le niveau du signal dépasse un seuil librement fixé. C'est ce qu'on appelle le THRESHOLD (seuil en anglais). Pour se faire il faudra concevoir un circuit capable de répondre à une condition (pour un compresseur FF) :
- si dBin < (ou =) Threshold alors G = 1 (donc pas de compression)
- si dBin > Threshold alors G = 1 / (1 - G)
On réalisera cela en utilisant par exemple des diodes qui pourront être passante ou pas selon la polarité d'une tension. Nous verrons précisément comment dans la 4eme partie du dossier. Patience
Enfin, on peut souhaiter que la transition entre les 2 conditions sus-mentionnées ne soit pas brutale, mais au contraire progressive, c'est ce qu'on appelle un soft Knee (par opposition à un hard Knee pour un passage brutal). Pour ce faire nous utiliserons la courbure typique de la caractéristique de la diode lorsque celle-ci devient passante. En effet une diode n'a pas une tension de seuil pour laquelle on basculerait instantanément de non passant à passant ! Cela se fait progressivement, certes sur une toute petite plage, mais progressivement tout de même. A contrario, on pourra rendre la diode "idéale" avec un AOP pour supprimer cette courbure dans la caractéristique, et ainsi apporter un hard Knee à notre compresseur !
Nous verrons même comment passer progressivement de l'un à l'autre si désiré.
Voilà une bien grosse partie assez théorique qui s'achève. Il n'y a rien de très compliqué, mais il faut bien faire attention à ne pas mélanger tension / niveau en dB, de même Gain en tension et Gain en dB...
Une fois compris tous ces aspects, il ne manque plus, pour pouvoir concevoir et designer le circuit de notre compresseur, qu'à s'approprier les caractéristiques réelles des composants que nous allons utiliser. Nous allons donc faire une excursions dans les datasheets, et nous mènerons de petites expériences afin de mettre en évidence le fonctionnement de ces composants, cela aussi dans le but de valider le bon fonctionnement des blocs individuels (par rapport aux prévisions théoriques) avant de pouvoir (dans la dernière partie) établir le schéma et réaliser le compresseur dans son entier.
A suivre très bientôt
Site officiel et boutique en ligne du Studio Delta Sigma https://www.studiodeltasigma.com
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S'il n'y a pas de solution, c'est qu'il n'y a pas de problème.
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