Sky tracer

Au début des années 90 au moi d'août, nous étions, ma compagne et moi partis en vacance dans notre petit fourgon/camping-car et nous nous sommes retrouvés sur le belvédère de la colline qui domine la ville minière d'Alès, dans les Cévennes gardoises.
Devant la beauté du panorama nous avions décidé de rester pour la nuit dans ce sympathique lieu.

En fin d'après-midi, nous avons vu arriver un camion tractant deux remorques, une équipée d'un gros groupe électrogène, genre gros poste de soudure Lincoln, l'autre d'un projecteur de DCA de la seconde guerre mondiale, dont le réflecteur devait faire plus ou moins de 2 mètres de diamètre.

L'unique opérateur, dont j'ai oublié le prénom, avec lequel nous avons sympathisé, nous a expliqué qu'il devait faire un ballet de lumière en cas de victoire à domicile de l’équipe de foot d'Alès.

Nous l'avons invité à partager avec nous un repas un peu plus consistant que le maigre casse-croute qu'il avait préparé, et il m'a fait le plaisir de l'assister dans ses essais et de me détailler le fonctionnement du système à arc crayon-carbone du projecteur, une mécanique très précise et astucieuse que je ne connaissais que par mes lointaines études (un peu similaire aux Super-Troopers d'avant le Xénon)

Plus tard, informé par VHF de la victoire d'Alès, il redémarre son groupe, allume son projecteur, le fait tourner dans toutes les directions (mécanisme d'orientation débrayé, directement à la main, c'est incroyablement bien équilibrés ces trucs là)
En partie protégé par des lunettes de soudeur (façon Emmett Brown dans Retour vers le futur) issues de la caisse à outils qui ne quittait jamais mon fourgon, j’assistais là à un fabuleux ballet de lumière avec un faisceau d'une puissance jamais vue.

Nous trois qui étions seuls là-haut depuis quelques heures, nous voyons quasiment instantanément de nombreux véhicules grimper vers du belvédère.

L'opérateur me dit : "je n'ai pas fini d’être emmerdé avec ces curieux" Il faut dire que la petite zone n’était protégée que par quelques maigres barrières complétées de rubalise, très insuffisantes pour contenir la foule qui se préparer à déferler sur le belvédère.

Étant à l'époque commissaire de route moto et habitué à canaliser les spectateurs, je lui propose de me laisser assumer le rôle du garde-chiourme. Effectivement, les gens, les familles avec de jeunes enfants s'accumulent, il commence à y avoir de la pression au niveau du barrièrage.

Et là une fulgurance poètico-guerriere me viens, je grimpe sur le timon du groupe électrogène, toujours équipé de mes lunettes de soudeur, et paré d'une posture et d'une voix les plus autoritaires possibles je fais cette martiale déclaration qui m'est inoubliable :

"Mesdames, Messieurs, pour votre sécurité, et celle de vos enfants, je vous demande de rester derrière les barrières !
En effet sachez que la lumière issue de ce projecteur, est aussi puissante que celle qui, le 6 aout 1945, à 8 h 16 du matin, éclaira funestement la ville d'Hiroshima lors du premier bombardement atomique de l'histoire !"

A ces mots, j'ai vu les mères se saisir avec effroi de leurs bambins, les gens juchés sur les barrières en redescendre, bref l'ensemble de la foule reculer de quelques pas, et surtout en me retournant, le visage hilare de ma compagne et de l'opérateur, qui n'avaient pas raté une miette de mon intervention.

Je sais, j'ai honte d'avoir plaisanté sur ce qui fut un des plus gros massacres de l'histoire moderne, pour autant rien ne pourra effacer ce souvenir ! !

Très sympa et intéressant!!!