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Métamorphose obscène du signal - La batterie de l'extrême

J'aime les genres musicaux qui flirtent avec l'électronique, mais je veux aussi ressentir le côté humain de la musique. J'ai été amené à faire des expériences intéressantes afin de concilier ces deux penchants a priori contradictoires. J'ai notamment essayé d'appliquer des traitements extrêmes à un enregistrement de batterie multipiste joué par un vrai batteur. Le résultat de ces expérimentations est un son définitivement electro qui conserve le caractère humain des prises originales.

L’oc­ca­sion s’est présen­tée lorsque Discrete Drums, qui propose habi­tuel­le­ment des biblio­thèques d’échan­tillons de batte­rie multi­pistes (grosse caisse, caisse claire, toms en stéréo, prise globale stéréo et son d’am­biance en stéréo), m’a prié de créer une biblio­thèque plus extrême desti­née au hip-hop et à la dance. Pour cette commande, j’ai commencé en utili­sant les CD de l’édi­teur. Puis, je leur ai fait écou­ter les premières boucles que j’avais faites et ils m’ont proposé de faire un CD remix compi­lant des boucles stéréo. C’est ainsi qu’est né le projet « Turbu­lent Filth Mons­ters » qui est devenu une biblio­thèque de samples d’abord distri­buée par M-Audio, puis par Sonoma Wire Works.

 

Pour ce projet, j’ai utilisé des plugins et les CD de la biblio­thèque de Discrete Drums. Cepen­dant, les tech­niques expo­sées ci-dessous fonc­tionnent aussi avec des proces­seurs physiques asso­ciés à des boîtes à rythme dotées de sorties indi­vi­duelles ou à des enre­gis­tre­ments de batte­rie multi­pistes. Testez ces tech­niques pour créer des batte­ries tota­le­ment person­nelles même à partir des sons d’un CD de samples.

 

Auto­ma­tion des effets et contrôle en temps réel

Le fait de pouvoir modi­fier les para­mètres d’ef­fet en temps réel vous permet de jouer avec les effets en fonc­tion du rythme. C’est une bonne chose mais il est peu probable que vous soyez en mesure de modi­fier simul­ta­né­ment plusieurs para­mètres tout en mixant avec un ordi­na­teur portable. C’est pourquoi vous devrez enre­gis­trer les mouve­ments des para­mètres sous forme de données d’au­to­ma­tion.

 

Les proces­seurs physiques sont souvent compa­tibles avec les ordres MIDI Control­ler d’une auto­ma­tion. Ainsi, vous pour­rez synchro­ni­ser un séquen­ceur et vos diffé­rents péri­phé­riques. Utili­sez une surface de contrôle MIDI (Mackie Control, Nova­tion Nocturn ou autre) pour enre­gis­trer les données d’au­to­ma­tion dans le séquen­ceur. Vous pour­rez ensuite modi­fier les données d’au­to­ma­tion direc­te­ment dans le séquen­ceur si le besoin s’en fait sentir.

 

Si un proces­seur ne sait pas inter­pré­ter les données d’au­to­ma­tion, vous devrez effec­tuer les modi­fi­ca­tions en temps réel. Si vous y arri­vez pendant le mix, très bien. Sinon, faites un bounce (enre­gis­tre­ment) du signal traité pour béné­fi­cier d’une piste conte­nant les trai­te­ments.

 

Avec les plugins d’une appli­ca­tion de MAO, la chose est tota­le­ment diffé­rente puisqu’ils offrent plusieurs scéna­rios d’au­to­ma­tion :

  • Utili­sez une surface de contrôle MIDI pour modi­fier leurs para­mètres. Ces modi­fi­ca­tions seront enre­gis­trées dans une piste MIDI qui repro­duira auto­ma­tique­ment les modi­fi­ca­tions d’ef­fet à chaque fois que vous lancez la lecture.
  • Action­nez les boutons virtuels des plugins en temps réel et enre­gis­trez ces modi­fi­ca­tions dans le programme hôte.
  • Utili­sez des enve­loppes d’au­to­ma­tion pour éviter de travailler en temps réel.
  • Enre­gis­trez des données sous forme d’en­ve­loppes que vous pour­rez modi­fier a poste­riori.
  • N’uti­li­sez aucune auto­ma­tion. Dans ce cas, vous pouvez envoyer la sortie de l’ef­fet dans une table de mixage et l’en­re­gis­trer sous forme de nouvelle piste tout en modi­fiant les para­mètres. Un ajus­te­ment ulté­rieur sera éven­tuel­le­ment néces­saire pour compen­ser la latence, c’est-à-dire les problèmes de retard du flux de signal lorsqu’il est routé dans la console puis renvoyé dans l’or­di­na­teur.

 

Avec l’au­to­ma­tion VST par exemple (illus­tra­tion 1), les plugins possèdent des boutons de lecture et d’écri­ture des données d’au­to­ma­tion (Read et Write).

 

 

Ohm Force Predatohm & VST automationIll. 1 : cliquez sur le bouton « Write Auto­ma­tion » du plugin VST à utili­ser puis action­nez ses commandes pendant la lecture ou l’en­re­gis­tre­ment pour écrire les données d’au­to­ma­tion dans votre projet.

 

Après avoir cliqué sur le bouton d’écri­ture de l’au­to­ma­tion, toutes les modi­fi­ca­tions appliquées aux para­mètres auto­ma­ti­sables sont écrites dans votre projet. Cela est valable indé­pen­dam­ment du mode (enre­gis­tre­ment ou lecture) du programme de MAO.

 

Effets paral­lèles

Dans de nombreux cas, il est souhai­table que les effets soient audibles paral­lè­le­ment au son de batte­rie origi­nal. Cela est impor­tant car certains effets modi­fient forte­ment la réponse en fréquence de l’ins­tru­ment traité : avec une modu­la­tion en anneau ou un effet wah sur la grosse caisse par exemple, vous perdrez l’es­sen­tiel de la réso­nance basse fréquence qui carac­té­rise cet instru­ment. Avec un système d’en­re­gis­tre­ment sur disque dur, les effets paral­lèles sont faciles à réali­ser : copiez simple­ment la piste et appliquez l’ef­fet à la copie (illus­tra­tion 2).

 

 

De La Manche Ring ThingIll. 2 : ici, le plugin gratuit De La Mancha Ring Thing est inséré dans une copie de la piste de batte­rie. La piste trai­tée est ajou­tée à la piste d’ori­gine. Elle est mixée de sorte qu’elle ait un niveau plus faible que l’ori­gi­nale.


 

Les consoles physiques permettent égale­ment de créer faci­le­ment des effets paral­lèles en « split­tant » le canal à trai­ter sur deux entrées de la console puis en câblant l’ef­fet en insert de l’un des deux canaux.

Mes effets préfé­rés

À présent, toutes les condi­tions sont réunies pour permettre le contrôle en temps réel et pour lancer la lecture de pistes de batte­rie. Voici quelques uns des effets extrêmes que j’uti­lise volon­tiers sur les sons de batte­rie.

 

Modu­la­teur en anneau. Le modu­la­teur en anneau possède deux entrées, l’une pour le signal porteur et l’autre pour le modu­la­teur. La sortie délivre la somme et la diffé­rence des deux signaux tout en suppri­mant les origi­naux. Par exemple, avec un signal porteur à 400 Hz et un modu­la­teur à 1 kHz, la sortie délivre un mélange de 600 Hz et de 1,4 kHz. La plupart des modu­la­teurs en anneau sous forme de plugin réservent l’en­trée porteuse à un oscil­la­teur inté­gré et utilisent le signal de la piste comme modu­la­teur. Les modu­la­teurs en anneau sous forme de proces­seur physique – à condi­tion d’en trou­ver – peuvent dispo­ser d’une forme d’onde porteuse ou possé­der deux entrées univer­selles que vous pour­rez alimen­ter avec n’im­porte quel signal.

 

Le modu­la­teur en anneau produit un son « réso­nant », métal­lique et disso­nant. Je l’uti­lise surtout comme effet paral­lèle sur les toms et la grosse caisse. Le signal d’une caisse claire ou des micros d’am­biance étant déjà rela­ti­ve­ment complexe, ajou­ter à sa complexité n’est pas un avan­tage. Le fait d’uti­li­ser un signal porteur statique peut deve­nir très ennuyeux malgré certains avan­tages pour la musique élec­tro­nique. C’est pourquoi je fais souvent varier sa fréquence en temps réel. A cet effet, j’uti­lise un « enve­lope follo­wer » ou un LFO géné­ra­le­ment synchro­nisé sur le tempo. Vous pouvez égale­ment faire varier la fréquence à la main. Tandis que les fréquences élevées donnent un son du genre jouet pour enfant, les fréquences plus basses peuvent ajou­ter de la puis­sance au son à condi­tion de trou­ver la plage de fréquences adap­tée.

 

Filtre contrôlé par enve­loppe. Cet effet fait aussi partie de mes favo­ris pour trai­ter indi­vi­duel­le­ment des éléments de la batte­rie. Cette fois encore, il sera certai­ne­ment avan­ta­geux de câbler cet effet en paral­lèle, à moins de vouloir « amin­cir » le son. Avec une réso­nance haute, vous obtien­drez un son plutôt « dégraissé », tandis qu’une réso­nance basse produira un son plus « sourd » et plus profond.

 

Côté hard­ware, vous pour­rez utili­ser l’une des nombreuses pédales d’ef­fet dotées d’un filtre contrôlé par enve­loppe (les pédales Boss sont les plus répan­dues mais une vieille Mutron III ou une Funk Machine marchera aussi très bien). Côté plugins, de nombreuses simu­la­tions d’am­pli guitare possèdent des effets qui feront l’af­faire, notam­ment le module Wah Wah de Waves GTR Solo (illus­tra­tion 3).

 

Waves GTRIll. 3 : ce preset de Waves GTR Solo permet d’ajou­ter une wah funky aux pistes de batte­rie. Le delay crée des échos synchro­ni­sés, le module Amp ajoute du grain et le compres­seur en fin de chaîne régule le niveau de sortie.


 

J’aime aussi l’ef­fet wah de l’am­pli virtuel IK Multi­me­dia Ampli­Tube 2 que j’uti­lise aussi pour la distor­sion.

 

Distor­sion. Le fait d’ajou­ter un peu de grain à une grosse caisse peut accroître son punch au sein du mix. On peut aussi appliquer une grosse distor­sion aux micros d’am­biance et lais­ser les autres pistes de batte­rie en son clair. Cela permet de salir forte­ment le son global sans verser dans le désordre irré­cu­pé­rable grâce aux pistes origi­nales mixées en paral­lèle. La distor­sion n’ap­porte pas grand chose aux caisses claires qui ont géné­ra­le­ment un son suffi­sam­ment « sale ». En revanche, elle peut allon­ger la réso­nance subjec­tive de la caisse claire en augmen­tant le niveau de la phase de déclin du son.

 

La distor­sion d’un ampli guitare est parti­cu­liè­re­ment inté­res­sante en raison de l’at­té­nua­tion des hautes fréquences et de la coupure progres­sive du grave qui permettent d’évi­ter respec­ti­ve­ment les sons trop criards et trop baveux. Les plugins de simu­la­tion d’am­pli guitare sont aussi très utiles. J’aime parti­cu­liè­re­ment iZotope Trash (illus­tra­tion 4) car il dispose d’une section de distor­sion multi­bande (jusqu’à 4 bandes).

 

 

Izotope Trash

Ill. 4 : dans ce preset, iZotope Trash est confi­guré pour four­nir 3 bandes de distor­sion.


 

Ainsi, vous pouvez tordre fran­che­ment le bas médium tout en n’ajou­tant que très peu de distor­sion dans la bande supé­rieure. La distor­sion multi­bande est aussi idéale sur les boucles mixées parce qu’elle permet d’évi­ter la distor­sion d’in­ter­mo­du­la­tion exces­sive.

 

Feed­back. Vous pensiez que le feed­back est réservé aux guita­ristes fans de larsen ? En fait, il existe plusieurs façon de créer un feed­back (réinjec­tion) à partir d’une batte­rie. Avec des équi­pe­ments physiques, une tech­nique consiste à alimen­ter un égali­seur graphique grâce à un bus auxi­liaire, à rame­ner le signal de l’éga­li­seur dans le canal, puis à ouvrir le départ auxi­liaire du canal afin que le signal retourne dans l’éga­li­seur. Vous pouvez alors utili­ser les faders de l’éga­li­seur pour créer un feed­back dans la bande de fréquence voulue. Toute­fois, cette tech­nique néces­site un certain doigté car vous obtien­drez faci­le­ment un larsen incon­trôlé suscep­tible d’en­dom­ma­ger vos enceintes. Je vous conseille donc d’ajou­ter un limi­teur en série derrière l’éga­li­seur.

 

Ma tech­nique de feed­back préfé­rée utilise le plugin Ohm Force Preda­tohm (illus­tra­tion 1). Il s’agit d’un plugin de distor­sion/compres­sion multi­bande avec fréquence et inten­sité du feed­back réglables. Son atout déci­sif réside dans le fait que tous ses para­mètres sont auto­ma­ti­sables. Ainsi, vous pouvez faire varier le para­mètre Amount (montant) au rythme de la musique pour un feed­back alter­na­ti­ve­ment crois­sant et décrois­sant. De même, vous pouvez conser­ver un montant très élevé et faire varier la fréquence. Le feed­back appa­raît alors lorsque la fréquence passe sur une bande conte­nant beau­coup d’éner­gie audio, puis dispa­raît dès que le balayage de la fréquence quitte la bande en ques­tion.

 

Bizar­re­rie paroxys­mique

Les voco­ders (illus­tra­tion 5) sont très inté­res­sants sur les batte­ries car ils permettent diffé­rents types d’ef­fet.

 

 

Cubase Vocoder

Ill. 5 : le Voco­der de Cubase SX peut produire des effets très inté­res­sants sur des batte­ries. Cubase 4 ne l’ins­talle pas auto­ma­tique­ment. Vous devrez l’ajou­ter à l’ap­pli­ca­tion en allant le cher­cher sur le disque du programme dans le réper­toire Addi­tio­nal Content > Addi­tio­nal Cubase SX Plugins.


 

On peut utili­ser l’am­biance de la pièce comme signal porteur et un mix de la grosse caisse, de la caisse claire et des toms comme modu­la­teur. Quand ils sont joués, les fûts de la batte­rie contiennent des portions de l’am­biance qui, comme vous l’avez compris, est elle-même trai­tée par des effets bizarres. Une autre méthode consiste à modu­ler une piste d’am­biance prove­nant d’une prise de batte­rie diffé­rente. Vous pouvez aussi utili­ser la batte­rie pour le « codage ryth­mique » d’un signal appa­renté à une onde en dents de scie, par exemple un accord de puis­sance d’une guitare. Le son traité perd alors son iden­tité et devient une sorte d’ex­ten­sion de la batte­rie. Vous trou­ve­rez très faci­le­ment des voco­ders physiques et logi­ciels.

 

Les proces­seurs les plus extrêmes sont géné­ra­le­ment des plugins, notam­ment la série GRM Tools, toute la gamme Ohm Force (l’He­ma­tohm est excep­tion­nel sur les batte­ries), les effets de modu­la­tion spéciaux de chez Waves comme l’Enigma et le Mondo­Mod, le PSP Vintage Warmer (une superbe distor­sion univer­selle) et beau­coup d’autres – faites une recherche sur le web et télé­char­gez les versions démo.

 

Les effets plus clas­siques tels que le flan­ger, le chorus, le pitch shif­ter et le delay permettent égale­ment de créer des effets inté­res­sants. Les delays avec une modu­la­tion ou un sweep extrême produisent notam­ment des effets qui vont bien au-delà des appli­ca­tions stéréo clas­siques. Emagic Logic possède aussi de nombreux plugins qui peuvent être subver­tis pour créer des effets extrêmes. Ils offrent des possi­bi­li­tés incroyables et exci­tantes.

 

L’ad­di­tion et un pousse-café

Les boucles de batte­rie jouées par un bon batteur contiennent des varia­tions de timing infimes et magni­fiques – c’est d’ailleurs pour cette raison que les boîtes à rythme n’ont pas conquis le monde – qui confè­re­ront à vos produc­tions un carac­tère vivant impos­sible à repro­duire avec une machine. En les trai­tant avec des effets réel­le­ment créa­tifs, vous obtien­drez un son élec­tro­nique à souhait qui se mariera parfai­te­ment à des instru­ments radi­ca­le­ment synthé­tiques, à des voix trans­fi­gu­rée et à des guitares techno.

 

Soyez créa­tif et n’ayez pas peur d’ex­pé­ri­men­ter : vous obtien­drez des produc­tions qui ne sonnent pas comme les millions d’autres. Pourquoi acqué­rir tous ces nouveaux jouets audio si vous ne les exploi­tez pas à fond ?

 

Origi­nel­le­ment écrit en anglais par Craig Ander­ton et publié sur Harmony Central.

Traduit en français avec leur aimable auto­ri­sa­tion.


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