Mes ami(e)s, croyez-le ou non, mais notre épique épopée sonore au cœur du mix arrive gentiment à son terme ! Toutefois, avant d’y apposer un point final définitif, il nous reste encore quelques menus détails à voir, à commencer par l’export de votre titre. Cette étape cruciale peut paraître simple de prime abord, mais il y a tout de même quelques précautions techniques à prendre afin de pouvoir envoyer le bébé au stade du mastering en toute sérénité.
Techniquement vôtre
Avant toute chose, il convient de délimiter précisément les bornes de début et de fin de l’export. Cela semble évident, pourtant un ami spécialisé dans le mastering m’a confié encore récemment qu’il lui arrivait fréquemment de recevoir des titres ayant un souci à ce niveau-là. Pour vous prémunir de tout problème, je vous conseille de fixer le début à une seconde minimum avant l’arrivée du tout premier son. Quant à la borne de fin, faites particulièrement attention aux éventuelles queues de réverbération ou répétitions de delay qui pourraient subsister même après la dernière note jouée. Personnellement, je prends toujours la peine d’ajouter une seconde supplémentaire après la disparition du dernier son audible, qu’il s’agisse d’une note jouée ou de la fin d’un effet, juste au cas où.
Le deuxième point que je vous invite à vérifier concerne votre bus Master. Pensez à enlever de ce dernier tous les plug-ins qui ne sont pas nécessaires, si jamais il y en a. Je pense par exemple aux plug-ins éventuellement utilisés lors de la phase d’écoute critique. Imaginez une seconde que par mégarde vous ayez encore un plug réduisant le signal en mono ou à une seule bande de fréquences, bonjour la catastrophe ! Idem si vous utilisez un plug-in du genre ARC d’IK Multimedia ou l’équivalent chezSonarworks pour améliorer l’écoute dans votre studio, au moment de l’export final, ça n’a rien à faire là. Je sais bien que ce conseil semble tout aussi évident que le précèdent, mais l’erreur étant malheureusement l’apanage de l’Homme, je préfère avoir l’air d’enfoncer des portes ouvertes plutôt que de ne pas vous mettre en garde car ce genre d’étourderies peut arriver à n’importe qui, croyez-moi, c’est malheureusement du vécu…
Dans le même ordre d’idée, si vous utilisez par sécurité un limiteur de type « brickwall » en toute fin de chaîne de votre bus Master histoire de protéger votre matériel d’hypothétiques erreurs de manipulation en cours de mix, enlevez-le à ce stade. En effet, si vous avez un tant soit peu suivi cette série d’articles, votre morceau ne devrait avoir aucune crête susceptible d’illuminer l’odieux voyant rouge signalant la surcharge virtuelle de votre bus principal. Et comme au moment de l’export aucun changement de réglage ne viendra perturber cet état de fait, pourquoi conserver cette béquille inutile ?
Tout cela nous conduit naturellement au prochain point : le contrôle de la réserve de niveau. Pour que l’étape du mastering se déroule au mieux, votre mix doit avoir au minimum une réserve de 6 dB. Pour être plus clair, la plus haute crête de votre morceau doit afficher un niveau maximum de –6 dB FS sur votre bus Master. De plus, votre réserve de dynamique, c’est-à-dire la différence entre la crête la plus haute et la crête la plus basse, devrait se situer quelque part entre –14 et –10 dB. Si tel n’est pas le cas, il est encore temps de revoir votre copie car l’ingénieur de mastering risque d’avoir un mal fou à traiter correctement votre mix. Mais je ne me fais pas trop de souci pour vous à ce niveau-là car toutes les précautions qui ont été prises depuis le début de cette série avaient, entre autres, pour but d’obtenir un mixage conforme de ce point de vue.
Passons maintenant à l’export à proprement parler. Le choix du format audio dépend avant tout des desiderata de la personne qui se chargera du mastering. Pensez donc à bien vous renseigner auprès de lui en amont afin de lui fournir un fichier adéquat. Si d’aventure vous décidiez de vous charger de cette tâche vous-même, je vous conseille d’opter pour un format WAV 32-bit à virgule flottante avec une fréquence d’échantillonnage identique à celle de votre projet de mix. Attention, lors de l’export, certaines STAN offrent la possibilité d’appliquer un dithering. Or, ce traitement est réservé exclusivement à l’étape de mastering. Pensez donc à vérifier que ces options de dithering sont bien désactivées lors de votre export.
Pour finir, une écoute attentive du fichier exporté avant envoi au mastering ne me semble pas du luxe, histoire de vérifier que tout est bien en ordre. Après tout, il serait vraiment dommage qu’une bête erreur de manipulation vienne gâcher tout le travail accompli jusqu’à présent, n’est-ce pas ? Ceci fait, je vous dirais bien que nous avons fini sur ce point, mais il nous reste à aborder un point souvent méconnu des néophytes…
Les déclinaisons de votre mix
Maintenant que nous avons vu comment effectuer l’export final de notre mix de façon optimale, nous pouvons aborder l’export de mix alternatifs. Ici, l’expression « mixages alternatifs » ne désigne pas des remix complets de votre titre. Il s’agit plutôt de versions très légèrement différentes à vocation utilitaire. Ces dernières vous faciliteront grandement la vie au besoin, et mieux vaut les réaliser maintenant que vous avez encore bien l’esprit dans le projet. En effet, cela ne vous prendra que quelques minutes, alors que vous replonger dans une session de travail quelques mois, voire plusieurs années plus tard, sera une tout autre paire de manches. Attention toutefois, afin que la manœuvre soit pérenne, il est primordial de nommer les différents exports ainsi que les fichiers de projets relatifs propres à votre STAN de façon claire et évidente pour pouvoir vous y retrouver facilement.
Exports Vocal Up, Vocal Down, Instrumental et A Cappella
Les premières déclinaisons de votre mix que je vous invite à réaliser sont courantes et diablement utiles lorsque votre titre se destine à être masterisé par un tiers. Il s’agit de versions communément appelées « Vocal Up », « Vocal Down », « Instrumental » et « A Cappella ». Comme son nom l’indique, « Vocal Up » est un mix dont le niveau de la piste de voix principale est sensiblement plus élevé. En règle générale, un à deux décibels de plus maximum feront la blague. Pour la version « Vocal Down », c’est bien entendu à peu près la même tisane avec, cette fois-ci, un à deux décibels en moins. La déclinaison « Instrumental » se résume logiquement au mix sans les pistes de chant, c’est à dire sans la voix principale, mais également sans les éventuels chœurs. Prenez garde lors de cet export à ne pas laisser trainer le fantôme de ces voix dans certains retours d’effets du type réverbération ou delay ! Enfin, la version « A Cappella » n’est ni plus ni moins qu’un export du chant et des chœurs seuls, mais avec l’ensemble de leurs traitements et effets, c’est à dire traitements en insert mais également les retours des éventuels bus auxiliaires de réverbes/delays. Une fois encore, méfiez-vous de ces fameux circuits auxiliaires ! Si d’aventure l’un d’entre eux était également utilisé pour d’autres instruments, il pourrait subsister une trace desdits instruments, ce qui n’est bien évidemment pas souhaitable. Notez qu’il peut être utile de segmenter cette déclinaison en deux exports distincts, l’un pour le chant principal et l’autre pour les chœurs.
Mais quel est l’intérêt de toutes ces manœuvres ? Eh bien tout simplement de faciliter la vie de l’ingénieur de mastering en amont. Dans le domaine des musiques actuelles, la piste de chant est dans la majorité des cas le centre névralgique de la composition. Avec ces différents exports, la personne chargée d’apporter la touche finale à votre chef-d’oeuvre aura donc une plus grande marge de manœuvre au regard de ce point crucial, ce qui facilitera l’obtention d’un résultat optimal. Bien entendu, pour que la mécanique fonctionne sans anicroche, il est absolument nécessaire que ces différentes versions soient toutes synchrones. Pour être plus clair, il faut que les bornes de début et de fin de chacun des exports soient scrupuleusement identiques afin qu’il n’y ait pas de problème en cas de recombinaison entre elles, par exemple entre les versions instrumentale et a cappella. Je sais bien que je vous ai déjà dit cela lors du précédent article, mais prudence est mère de sûreté…
C’est quatre déclinaisons accompagnées de l’export principal constituent le minimum vital a effectuer à la fin de chacun de vos mixages. Mais il est encore possible d’aller plus loin, comme nous allons le voir en parlant des déclinaisons adaptées à certaines situations spécifiques.
Exports Playback et Tout public
Commençons par la version « Playback ». Cette dernière est souvent confondue avec l’export « Instrumental » alors qu’il y a pourtant une différence de taille : si le « Playback » n’intègre pas le chant principal, il comprend en revanche les pistes de chœurs. Mais quel est l’intérêt de ce mix ? Eh bien comme son nom l’indique, cette version pourra servir de playback lors d’une performance semi-live en radio, télé, podcast, festival, etc. Je sais bien que ce genre d’occasions n’arrive pas tous les jours, mais c’est une possibilité à ne pas négliger à mon humble avis. Donc si d’aventure vous aviez une proposition du style, et c’est là tout le mal que je vous souhaite, vous serez bien content d’avoir prévu le coup à l’avance, croyez-moi sur parole.
Autre déclinaison possible, la version que j’appelle « Tout Public ». Le but de la manœuvre est ici d’expurger le chant des passages pouvant être considérés comme « choquants » par certains auditeurs… Mais surtout par certains diffuseurs. Certes, ce cas de figure est très spécifique, il concerne plus particulièrement certains genres musicaux (le rap en tête, mais pas que) et les médias sensibles sur le sujet ne sont pas forcément les premiers vers qui vous vous tournerez lors de la promo de vos œuvres. Cependant, qui peut le plus peut le moins et je préfère vous en parler au cas où vous seriez concernés. Cette déclinaison est un poil plus barbante à faire que les autres puisqu’elle nécessite une bonne dose d’édition audio. Afin de masquer les parties problématiques, plusieurs options s’offrent à vous. Il y a le classique remplacement par des bips sonores, l’effacement pur et simple des mots incriminés, ou bien encore le changement de sens de lecture de ces fâcheuses ignominies.
Export des stems
Pour finir, je vous invite également à systématiquement clôturer votre session d’export final avec un rendu par stems audio, c’est à dire un export séparé pour chaque groupe d’instruments – batterie, basse, synthés, guitares, voix, chœurs, etc. – avec et sans effets. Pourquoi donc ? Il y a en fait plusieurs raisons à cela.
Tout d’abord, les stems peuvent être utiles en cas de remix de votre titre par un autre ingénieur du son, mais également par un autre artiste. Offrir cette possibilité est loin d’être inintéressante car c’est d’une certaine façon un moyen détourné de faire connaître votre travail à un tout autre public que le vôtre.
Ensuite, il faut bien garder à l’esprit que le monde de la M.A.O. est un cas d’école en matière d’obsolescence programmée. Moralité, il y a de fortes chances pour qu’un jour ou l’autre, à la faveur d’un changement de station de travail, d’une mise à jour d’OS, de plug-ins ou de STAN, la session de votre mixage ne soit tout simplement plus du tout utilisable dans son état actuel. Partant du principe qu’il vaut mieux prévenir que guérir, ces exports en stems audio vous permettront de limiter la casse le cas échéant. Certes, vous aurez perdu la main sur les réglages de vos plugs, l’automation et compagnie, mais ce sera toujours mieux que rien. Bien entendu, je vous rappelle encore une fois que tout cela ne fonctionnera qu’à condition d’avoir bien pris soin d’effectuer ces différents exports avec des bornes de début et de fin rigoureusement identiques.
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. D’ailleurs, il semble même que ce soit tout pour cette série d’articles… Ou pas… Mais de quoi diable le prochain épisode pourra-t-il parler ? Suspense…