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coyote14
« Une histoire de vieux pot et de meilleure soupe »
Publié le 11/11/24 à 16:26
Rapport qualité/prix :
Correct
Cible :
Les débutants
Une histoire de soupe et de vieux pots
Le Matriarch est un synthé analogique semi-modulaire (compatible eurorack) sans mémoire, paraphonique 4 oscillateurs, muni d'un séquenceur/arpégiateur et d'un module de delay analogique.
Le Superbooth 2019 fut mon premier contact avec le Matriarch, sur le point d'être commercialisé. Flânant sur le stand Moog très habillé, dans une ambiance « plante verte et déco style atelier » typique (cliché?) de la marque, qui mettait alors en valeur ses ateliers d'Asheville NC dans sa com' (on était encore loin du cataclysme InMusic), mon test sur ce drôle d'instrument bigarré avait été plutôt concluant. Je n'avais pas tout compris de son fonctionnement, et la machine était encore buggée à l'époque, mais j'avais été séduit par le son atypique, plein de caractère et par son delay plein de charme. Pour autant, je n'avais pas eu le coup de foudre, comme cela m'est arrivé avec d'autres machines. Quelques détails lié à sa fabrication m'avaient un peu décontenancé. (j'y reviens plus loin).
Un essai plus fourni en magasin 2 ans plus tard m'a davantage séduit, et j'ai franchi le pas il y a presque 3 ans. Il faut dire qu'avant cela, j'avais acquis un semi-modulaire de haute volée avec l'ARP2600FS, qui m'avait encouragé sur cette voie, même si les 2 machines n'ont aucune filiation sonore.
C'est la version Dark, plus sobre / classieuse à mes yeux que j'ai acquise. Côté plumage, je retrouve ce que j'avais aimé : un excellent clavier, des rotatifs et des points de patch vissés, une solide coque métal recouverte d'un lexan imprimé qualitatif, le tout avec un poids raisonnable. Et je retrouve ce que je n'avais pas trop aimé : des sliders sans aucune résistance (mais bien dimensionnés), et des boutons poussoirs en plastique rétro-éclairés qui font un peu cheap, une alim externe (avec un connecteur vissé toutefois). Attention, je parle ici de l'aspect, car fonctionnellement, rien ne pose question au bout de 3 ans d'utilisation.
Commençons par la couleur sonore : voilà une machine au son très particulier, avec beaucoup de caractère. C'est analogique bien sûr, très rugueux/abrasif, et avec une dominance de brillance et d'imprécision dans le son. Ça drive un peu dans tous les sens (le son est « patiné » ou poussiéreux »), fourmille de détails : voilà un instrument qui ne sonne pas droit ! Tellement que c'est forcément volontaire et assumé, et je me suis donc penché sur la raison de cette couleur sonore.
Le manuel confirme cette orientation vers le passé (le nom « Matriarch » n'est pas le fruit du hasard), en expliquant quelle est l'inspiration de chaque module :
- les cartes oscillateurs s'inspirent des oscillateurs 921 des vieux modulaires Moog.
- Le mixer est directement calqué sur le mixer CP3
- les filtres reproduisent les 904a
- les VCA reproduisent les 902
- les 2 lignes de Delay sont les mêmes que les delays de la série 500
Et donc Moog a bien cherché à faire du neuf avec du vieux !
Je me suis penché particulièrement sur le mixer de type CP3 à qui l'on doit, selon moi, ce son si rugueux, car il présente les caractéristiques suivantes :
il drive très facilement. Dès qu'on passe le niveau 11h de chaque oscillo, la forme d'onde trouve un son plein et overdrivé. Et ça se poursuit encore plus quand on joue des accords.
Pousser le niveau d'une forme d'onde estompe les autres progressivement. Une sorte de sommation analogique qui fait plus qu'additionner des oscillos, mais les fait interagir entre eux.
Je vous renvoie vers cet article qui explique très bien le principe de fonctionnement de ce mixer
Un passage explique particulièrement bien de quoi il retourne (j'ai traduit) :
Le CP3 utilise un bus de mixage « passif » à l'ancienne, ce qui signifie qu'il y a de la diaphonie entre les canaux d'entrée. Par conséquent, le fait d'augmenter le niveau d'une entrée peut donner l'impression de réduire le niveau des autres entrées - la sortie ne peut pas dépasser le niveau maximum d'une entrée. Dans le meilleur des cas, cela permet une mise à niveau automatique de vos entrées ; dans le pire des cas, cela peut produire un son que certains décrivent comme une annulation de phase.
Et c'est encore mieux expliqué ici, pour les anglophones curieux de technique :
Voilà pour la technique : ça n'intéressera pas tout le monde et je le comprends, mais j'ai voulu comprendre d'où provenait le son si particulier de cette machine. Pour les autres, ils se contenteront du résultat et cela leur suffira.
Passons aux fonctionnalités de la machine. Je vais surtout me pencher sur les principales et celles qui font les particularités de la machine.
Les VCO sont tous identiques, allant de 16' à 2', et on peut changer la tessiture du clavier de +/- 2 octaves. On se demande pourquoi, avec une PWM il y a 2 formes d'onde distinctes carré et carré étroit, alors que ce n'était pas le cas sur les 921 d'origine. Mais il est vrai qu'ils ne sonnent pas à l'identique et seul le carré étroit permet d'aller jusqu'à l'effacement complet du signal. Pas de sinus non plus comme sur l'original, seulement un triangle et une dent de scie. Pas non plus de réglage « low » comme sur un Minimoog pour en faire des LFO, mais en modulant leur pitch avec 2 atténunateurs en série, on couvre toute la fréquence du spectre (de 0,5Hz environ aux aigus inaudibles). Le coup de génie de cette section est d'avoir mis ces 4 oscillateurs en cascade, ce qui a 2 conséquences heureuses :
changer le pitch de l'oscillateur n modifie aussi celui du n+1.
La synchro d'oscillateur agit aussi en cascade : le n+1 se synchronise sur le n.
Cette organisation atypique pourrait sembler rigide, mais n'oublions pas qu'on peut chambouler l'ordre des oscillateurs en les patchant différemment dans le mixer.
Il est possible de moduler la PWM de chaque oscillo (dès lors que la forme d'onde est carré/carré étroite), mais aussi le pitch de façon linéaire ou exponentielle (entrée Pitch In) : c'est très bien d'avoir mis les deux, même si un switch de sélection aurait satisfait la plupart des besoins. C'est ici aussi qu'on peut extraire le signal d'un oscillateur, ce qui n'a pas pour effet de le couper dans le mixer : un peu comme sur un ARP2600, un même signal peut donc être utilisé nativement à plusieurs endroits sans contrainte. On peut donc, en connectant la sortie d'un oscillateur sur l'entrée pitch d'un second, faire de la FM/Cross Mod. Pas de Ring Mod nativement, mais c'est possible en connectant 2 oscillos sur l'entrée et le CV Input d'un atténuateur.
Cette structure « en cascade » des 4 oscillateurs peut produire des sons complexes, qu'on fasse de la synchro ou de la FM, et sans patcher (Sync) ou presque (FM).
Je passe rapidement sur la section mixer dont on a déjà parlé plus haut, en ajoutant juste qu'on peut remplacer en patchant n'importe quel oscillo dans cette section. Le bruit blanc se trouve ici, avec une lacune : la couleur de ce bruit peut être modifiée, mais uniquement dans le menu global, réglage qui est mémorisé à l'extinction de la machine. Mais c'est déjà bien d'avoir cette possibilité. Il y a bien une sortie bruit blanc, et quand on le patche à la place d'un oscillo en mode Round Robin, il se déclenche toutes les 4 notes. Voilà une bonne façon de faire une beatbox !
Voici venu le filtre, ou plutôt : les filtres. Ils sont routables en série, en parallèle (auquel cas le signal est monophonique) ou en stéréo (chaque filtre LPF occupe un coté). Bien vu. Il s'agit d'un ladder comme il se doit chez Moog, et donc : efficace en passe bas, fade en passe-haut, comme tous les ladder HPF. La combinaison des 2 filtres se montre donc un peu décevante et ça manque de tranchant. On ne fera pas de très beaux bandpass ou notch avec cela. La combinaison qui marche le mieux est donc la stéréo avec ses 2 LPF. On règle un même cutoff pour les 2 filtres, et le paramètre Spacing ne module que le filtre 1. En position centrale, le cutoff des filtres est le même, on peut donc faire passer le cutoff du filtre 1 de part et d'autre de la fréquence de coupure principale. Le suivi de clavier et le dosage de l'enveloppe de filtre ont chacune leur potard, la dernière disposant en sus d'une entrée gate (très bon point). Bien entendu, chaque filtre a sa propre entrée audio patchable ainsi qu'un contrôle CV. Il faut souligner que c'est à ce moment-là seulement que le signal devient stéréo : avant, il ne l'est pas. La section filtre avec ses sorties patchables filter 1&2 peut donc servir dans le cadre d'une utilisation stéréo ou pour faire des balayages de panoramique. L'enveloppe de filtre étant commune aux 2 filtres, il sera nécessaire de patcher pour les animer avec 2 enveloppes différentes.
Passons aux enveloppes. Nativement, l'enveloppe 1 est dédiée au(x) filtre(s), et l'enveloppe 2 au VCA, mais cela peut être revu en patchant. Contrairement au Minimoog, ce sont bien 2 ADSR complètes, et Moog a fait un choix atypique mais très pédagogique : étant donné que dans « ADSR », seul le S correspond à un niveau, celui-ci dispo d'un slider de bonne dimension, précis (et sans aucune résistance, comme déjà indiqué). A, D et R qui sont des temps disposent eux d'un potard. Je trouve que c'est une bonne idée de présenter les choses ainsi ! Il y a aussi une sortie Env End Out : ça envoie un signal gate à chaque fois que l'enveloppe a achevé sa course, et cela répond donc à l'éventuel besoin de boucler les enveloppes, ou de leur faire déclencher un autre évènement. Bien vu ! Hélas, le plus difficile arrive ici : ces enveloppes ne sont pas les meilleures qu'il m'ait été offertes. On est loin de la patate d'un Minimoog ou d'un ARP, sans parler d'un Pro One. C'est un gâchis, car cela aurait fait du Matriach un instrument d'une toute autre trempe. Et donc malgré ce que revendique Moog, on est bien loin ici des ancêtres. N'exagérons pas cela, car elles feront le job dans la majorité des cas, c'est juste que cela réduit considérablement le champs des possibles. A l'heure où fleurissent des Behrinclones partout, c'est un bémol qui fait un peu tâche sur un Moog.
Le Delay Moog, le fameux ! Il sonne très bien, avec quelques bémols. C'est une valeur ajoutée considérable, car le GrandMother avait sa Spring Reverb, et j'avoue être beaucoup plus intéressé par un Delay qu'une réverb à ressort. Ensuite, les pédales de Delay moog sont très prisées (on repense à la MF104 plus fabriquée et dont les prix d'occasion s'affolent outrageusement, ou la plus récente Minifooger MF Delay). Eh bien ce delay équivaut à 2 pédales MF104M (donc synchronisable en MIDI), mais sans drive. Le son est vraiment superbe, mais il ne fait pas tout (c'est le principal bémol). La technologie utilisée (puces BBD analogiques) colore le son superbement et lui donne une patine incroyable, le feedback sait s'emballer comme il faut et ses principaux paramètres sont controlables en patchant ici aussi. Mais la couleur est sombre et les répétitions sont destructurées, avec de (très beaux!) artefacts, ce n'est donc pas un delay passe partout. Je n'ai pas réussi à le faire flanger ou faire des sons type Karplus Strong. On est très heureux qu'il soit synchronisable au tempo et qu'il dispose d'un mode Ping Pong.
L'étage de sortie gère les niveaux des 4 VCA et l'allocation des voix. Les niveaux : affecté à l'enveloppe 2, ou 2 VCA répartis par enveloppe (mode Split, mal nommé), ou Drone (signal continu, utile pour traiter les signaux externes), un bouton multitrig (définit si les enveloppes se déclenchent à chaque note liée ou pas). A ne pas confondre avec la paraphonie qu'on règle sur 1, 2 ou 4, le chiffre correspondant au nombre de voix qu'on peut jouer (les 4 oscillateurs étant toujours joués). A noter : en mode 2, on peut donc jouer 2 notes avec VCO1&2 d'une part, et VCO3&4 d'autre part. Ensuite, en mode 4, le mode de jeu dépend de ce qu'on aura réglé dans le mode Global : en round robin « fort », les oscillos permutent systématiquement. En mode Round Robin « faible », uniquement si on joue plusieurs note simultanément et en mode Round Robin Off, chaque note joue son propre oscillateur. Cette partie-là est beaucoup plus subtile qu'elle n'en a l'air, car elle procure beaucoup de surprises, on ne sait jamais tout à fait ce à quoi s'attendre (c'est le royaume du happy accident permanent).
On a 2 LFO (bien!) : le premier, le plus évolué, peut être synchronisé au tempo via une entrée Sync (plus exactement, il est analogique et c'est son début de cycle qui est synchronisable), dispose de 5 formes d'onde (pas mal!), mais pas de retard ni de processeur de lag. La plage de fréquences couverte est très vaste, bon point aussi. Un S&H est présent avec sa sortie, mais à noter que si son entrée dispose d'une vitesse free run, son découpage de sortie est dicté par le tempo de la machine (bon choix, finalement). Dans cette section modulation, on décide de ce que pilote ce LFO, dosé par défaut par la molette de modulation : la PWM, le cutoff principal, et le pitch des oscillos (qu'on peut dissocier 1+3 et 2+4, option très utile quand on active la synchro des oscillos). Le second LFO est tout simple, avec seulement 2 signaux (tri/carré), pas de synchro et juste un potard et une entrée CV pour moduler sa vitesse. Ici encore, la plage couverte est très vaste, et il est possible d'en faire une oscillateur additionnel si on le souhaite.
Toujours au rayon modulation, nous avons 3 atténuateurs (bravo, c'est beaucoup au regard du reste de la machine). Les 2 premiers sont regroupés et, en l'absence de câblage, sont normalisés en série (il faut le savoir, la sérigraphie ne laisse aucune chance de le deviner). Le 3ème est identique. Chaque atténuateur a une sortie bipolaire (ce qui résoud le problème des autres modulations pas toutes inversables), cela permet de faire beaucoup de choses, d'inverser des signaux, de créer des signaux stéréo avec balayage left/right. Ce que j'apprécie beaucoup, c'est que leurs entrées/sorties et entrées de modulation accepte les signaux audio (on rappelle qu'on peut faire ici du ring mod) comme les signaux DC. D'ailleurs, en l'absence de patchage, la sortie de chaque modulateur sort un signal continu dosable de +/-8V (pas juste en +5V!), permettant de pousser les destinations dans les extrêmes (voilà comment on transforme un VCO en LFO, ou comment on envoie un LFO dans les fréquences audio encore plus extrême).
Voyons comment toutes ces voix (ou plutôt tous ces oscillateurs, s'agissant de paraphonie) sont déclenchés. L'absence de LED de déclenchement des VCO ne permet pas de savoir lesquels sont actifs. Passons sur les entrées/sorties CV/Gate du panneau arrière qui remplissent leur rôle. On a un clavier 4 octaves de très bonne qualité, avec vélocité et aftertouch. Comme on a beaucoup parlé modulations jusqu'ici, mais pas de cela encore, il faut savoir qu'il n'est pas possible de se servir de ces signaux sans patcher l'arrière de la machine. Je pense que, au moins pour la vélocité, cela aurait été souhaitable d'avoir un potard sur les sections filtre et VCA. Aucun soucis de mon côté sur ces signaux qui font le job tel que prévu, et sont dosables avec les atténuateurs. A noter que l'OS1.3 a ajouté dans le menu global plusieurs courbes de vélocité, bon point. On a un potard de portamento (super en paraphonie et en mode drone, et 3 courbe de réponse dans le mode Global. Hold+portamento changeant la réponse au jeu lié), et la section filtre dispose d'un suivi du clavier.
Viennent ensuite l'arpégiateur et le séquenceur. L'arpégiateur est archi-simple, avec les 4 motifs de base et jusqu'à 3 octave dans son rayon d'action. Ici encore, il faudra aller dans le mode global pour avoir un swing. On est heureux d'avoir un mode Order tout de même. Pour faire des choses plus complexes, on se tourne vers le séquenceur qui permet d'enregistrer 256 pas (bien!), des accords, des notes liées et des silences. Les motifs sont transposables, ce qui n'est pas le cas de l'arpégiateur. En combinaison avec le Round Robin et les modes de gestion des 4 oscillos, ce séquenceur fait des merveilles, il est assez simple mais créatif ! On peut stocker 3 banks de 4 séquences (c'est assez peu), et c'est la seule section de la machine qui dispose d'une mémoire, qui plus est, sauvegardée à l'extinction. Un mode Ratchet permet d'enregistrer des subdivions de notes, ou même de les déclencher à la volée (mode séquencer uniquement). Faire « REC » permet d'enregistrer son motif pas à pas, et même de corriger un pas pour le remplacer, à la volée, par un autre pas. Rien à dire sur cette section-là, elle est parfaite, surtout depuis qu'une mise à jour de l'OS a permis que son signal de sortie soit répliqué sur les sorties MIDI, USB et CV/Gate out, faisant du Matriarch un potentiel clavier-maître d'un environnement modulaire ou MIDI externe. A noter qu'on a bien un trio de prise MIDI au format DIN 5 broches, logique sur ce niveau de gamme. Par contre, rien sur la façade principale n'est sérigraphié pour indiquer ce qui se trouver derrière. Placé contre un mur, on se retrouve à tatonner ou avec un miroir pour comprendre où sont situées des commandes pourtant essentielles, comme la prise casque ou les sorties clock, vélocité, etc.
J'ai parlé à plusieurs reprise du mode Global en donnant quelques indications sur ce qu'il contient, c'est à dire énormément de réglages (priorité de note, gestion Round Robin, couleur du bruit, tous les réglages MIDI, les courbes de vélocité/portamento, etc...). Ce mode global est pour moi très ambivalent :
il contient énormément d'options de personnalisation, toutes sauvergardée à l'extinction, et les différentes évolutions d'OS ont comblé beaucoup de lacune. C'est donc une très bonne chose d'avoir autant de possibilités, la machine n'est pas bridée de ce point de vue. Encore mieux : la très grande majorité d'entre elles sont mappées en MIDI (et ça marche très bien).
Mais ce qui est criticable, c'est la façon dont Moog a prévu de modifier les réglages : le Matriach n'ayant pas d'écran (pas même 2 digits), on accède au mode global par une combinaison de commandes, on choisit le menu par une combinaison de touches du clavier (la diode Sync Enable envoie une séquence de clignotement, permettant en comptant ceux-ci de savoir si on se trouve dans le bon menu : c'est digne du morse!) et on dose chaque réglage avec une touche du clavier encore une fois. Donc pour ceux qui aiment programmer leur machine avec le manuel sur les genoux sans aucune certitude sur ce qu'on est en train de faire, ça le fera. Pour les autres (dont moi), on gèrera ce mode Global en MIDI (voir la rubrique astuce, où je donne un lien WEB qui offre un éditeur en ligne gratuit dialoguant en MIDI/USB, avec un tableau beaucoup plus convivial). C'est vraiment curieux comme choix, et Moog aurait dû fournir un éditeur, comme celui d'un Keystep Pro qui en fournit un, alors même que cette machine dispose pourtant d'un écran !
Que penser du Matriach, en somme? Je dois vous avouer que je suis partagé, cette machine est très ambivalente. Sa couleur sonore est très orientée, la machine a une vraie personnalité. Si vous l'aimez, elle sera l'une de vos machines préférées, sans aucune doute, et vous trouverez beaucoup plus d'adorateurs du Matriach que de détracteurs. La section mixer en particulier fait driver les oscillateurs, la machine offrant un son très vintage, pas lisse du tout, avec des tonnes d'imperfections qui feront son charme. Là où cela devient plus criticable, c'est qu'il n'est pas vraiment possible de faire sonner la machine « proprement » ou de façon percutante, et cela la conduit un peu toujours sur les mêmes chemins : le Matriach n'est pas aussi polyvalent qu'un ARP2600, ni même un MS20 pour ne parler que de semi-modulaires, qui eux, ont une palette qui me semble beaucoup plus large et des enveloppes beaucoup plus polyvalentes. L'architecture, elle, est très complète et même très intelligente dans ses choix : peu de lacunes, beaucoup de bonnes idées utiles, compatibilité eurorack, section oscillateurs en cascade, filtre double, 2 LFO et 2 enveloppes, un arpégiateur simpliste bien complété par un séquenceur très complet, et beaucoup d'options de personnalisation. Le Delay pèse beaucoup dans la couleur d'ensemble de la machine, il est à son image : magnifique mais dans une niche sonore.
A l'usage, la machine n'est pas très complexe, et même : pédagogique. Ça peut être une première machine avant de se lancer dans le modulaire (et pas forcément plus chère qu'un case bien fourni). Par contre, l'accessibilité du mode global est mauvaise (heureusement contournable en MIDI) et la connectique arrière n'est pas sérigraphiée en façade.
La qualité est présente à tous les étages, et on prend beaucoup de plaisir à le faire sonner chaleureusement, ce qui est assez simple. La gestion des voix et son architecture paraphonique, qui auraient pu apparaître comme un compromis par rapport aux polyphoniques qu'on trouve dans la même gamme de prix, se révèle être une vraie force et une singularité. Des choix forts ont été faits, assumés, et la machine est au rendez-vous de ceux-ci. Formidable boite à idée, j'avoue toutefois que le Matriarch ne serait pas mon synthé « île déserte », en dépit de ses possibilités, car sa couleur sonore l'enferme dans des compositions de type vintage où il excelle. Toutefois, c'est un semi-modulaire et si vous avez déjà un case avec des modules de bon niveau, il est probable que ses lacunes sonores se trouveront comblées. Je le vois donc comme un synthé de complément, ce qui est un peu dommage étant donné son positionnement tarifaire, néanmoins justifié.
J'ai beaucoup aimé :
- la personnalité sonore chaleureuse
- La qualité de fabrication globale, en particulier l'excellent clavier, les commandes et les connecteurs vissés
- L'intelligence de son architecture paraphonique et de sa gestion des oscillos
- FM linéaire et exponentielle
- Oscillateurs agencés en cascade
- Un delay très majestueux/vintage
- Compatibilité eurorack sur les 90 points de patches
- Les 3 atténuateurs bipolaires acceptant tous les signaux (audio, CV/Gate, DC...)
- Beaucoup de possibilités, de petites astuces...La limite, c'est vous
- Le séquenceur assez évolué de 256 pas.
- Une architecture stéréo à double filtre
- 2 bons LFO avec une vaste plage de fréquences
- Un très bel objet
- Une approche pédagogique avec ses sections de différentes couleurs
- Beaucoup de tutos sur Youtube et de feuilles de patches, ceux de Moog sont supers
- Mémorisation des séquences et des réglages globaux à l'extinction
- Personnalisation et nombreuses options du mode Global, bien mappées en MIDI
- Une machine stable qui a bénéficié de bonnes mises à jour
J'ai moins aimé :
- La couleur sonore trop limitative, en dépit des possibilités innombrables, ce qui en fait une machine de niche/complément
- On retrouve en grande partie le caractère dans anciens modules Moog, mais on n'en retrouve pas la patate
- les réglages globaux par raccourcis clavier, un gros fail d'ergonomie
- La connectique arrière pas sérigraphiée en façade
- Arpégiateur pas débrayable du clavier
- Pas bitimbral (mais duophonique), pas splittable
- Les enveloppes pas assez polyvalentes
- Le HPF ladder n'est pas assez radical et ne se combine pas bien avec le LPF
- Pas de LED de déclenchement des 4 VCO
- Des fonctionnalités du menu global auraient mérité d'être mise en façade
- Des connectiques placées en face arrière auraient mérité d'être mise en façade
Le Matriarch est un synthé analogique semi-modulaire (compatible eurorack) sans mémoire, paraphonique 4 oscillateurs, muni d'un séquenceur/arpégiateur et d'un module de delay analogique.
Le Superbooth 2019 fut mon premier contact avec le Matriarch, sur le point d'être commercialisé. Flânant sur le stand Moog très habillé, dans une ambiance « plante verte et déco style atelier » typique (cliché?) de la marque, qui mettait alors en valeur ses ateliers d'Asheville NC dans sa com' (on était encore loin du cataclysme InMusic), mon test sur ce drôle d'instrument bigarré avait été plutôt concluant. Je n'avais pas tout compris de son fonctionnement, et la machine était encore buggée à l'époque, mais j'avais été séduit par le son atypique, plein de caractère et par son delay plein de charme. Pour autant, je n'avais pas eu le coup de foudre, comme cela m'est arrivé avec d'autres machines. Quelques détails lié à sa fabrication m'avaient un peu décontenancé. (j'y reviens plus loin).
Un essai plus fourni en magasin 2 ans plus tard m'a davantage séduit, et j'ai franchi le pas il y a presque 3 ans. Il faut dire qu'avant cela, j'avais acquis un semi-modulaire de haute volée avec l'ARP2600FS, qui m'avait encouragé sur cette voie, même si les 2 machines n'ont aucune filiation sonore.
C'est la version Dark, plus sobre / classieuse à mes yeux que j'ai acquise. Côté plumage, je retrouve ce que j'avais aimé : un excellent clavier, des rotatifs et des points de patch vissés, une solide coque métal recouverte d'un lexan imprimé qualitatif, le tout avec un poids raisonnable. Et je retrouve ce que je n'avais pas trop aimé : des sliders sans aucune résistance (mais bien dimensionnés), et des boutons poussoirs en plastique rétro-éclairés qui font un peu cheap, une alim externe (avec un connecteur vissé toutefois). Attention, je parle ici de l'aspect, car fonctionnellement, rien ne pose question au bout de 3 ans d'utilisation.
Commençons par la couleur sonore : voilà une machine au son très particulier, avec beaucoup de caractère. C'est analogique bien sûr, très rugueux/abrasif, et avec une dominance de brillance et d'imprécision dans le son. Ça drive un peu dans tous les sens (le son est « patiné » ou poussiéreux »), fourmille de détails : voilà un instrument qui ne sonne pas droit ! Tellement que c'est forcément volontaire et assumé, et je me suis donc penché sur la raison de cette couleur sonore.
Le manuel confirme cette orientation vers le passé (le nom « Matriarch » n'est pas le fruit du hasard), en expliquant quelle est l'inspiration de chaque module :
- les cartes oscillateurs s'inspirent des oscillateurs 921 des vieux modulaires Moog.
- Le mixer est directement calqué sur le mixer CP3
- les filtres reproduisent les 904a
- les VCA reproduisent les 902
- les 2 lignes de Delay sont les mêmes que les delays de la série 500
Et donc Moog a bien cherché à faire du neuf avec du vieux !
Je me suis penché particulièrement sur le mixer de type CP3 à qui l'on doit, selon moi, ce son si rugueux, car il présente les caractéristiques suivantes :
il drive très facilement. Dès qu'on passe le niveau 11h de chaque oscillo, la forme d'onde trouve un son plein et overdrivé. Et ça se poursuit encore plus quand on joue des accords.
Pousser le niveau d'une forme d'onde estompe les autres progressivement. Une sorte de sommation analogique qui fait plus qu'additionner des oscillos, mais les fait interagir entre eux.
Je vous renvoie vers cet article qui explique très bien le principe de fonctionnement de ce mixer
Un passage explique particulièrement bien de quoi il retourne (j'ai traduit) :
Le CP3 utilise un bus de mixage « passif » à l'ancienne, ce qui signifie qu'il y a de la diaphonie entre les canaux d'entrée. Par conséquent, le fait d'augmenter le niveau d'une entrée peut donner l'impression de réduire le niveau des autres entrées - la sortie ne peut pas dépasser le niveau maximum d'une entrée. Dans le meilleur des cas, cela permet une mise à niveau automatique de vos entrées ; dans le pire des cas, cela peut produire un son que certains décrivent comme une annulation de phase.
Et c'est encore mieux expliqué ici, pour les anglophones curieux de technique :
Voilà pour la technique : ça n'intéressera pas tout le monde et je le comprends, mais j'ai voulu comprendre d'où provenait le son si particulier de cette machine. Pour les autres, ils se contenteront du résultat et cela leur suffira.
Passons aux fonctionnalités de la machine. Je vais surtout me pencher sur les principales et celles qui font les particularités de la machine.
Les VCO sont tous identiques, allant de 16' à 2', et on peut changer la tessiture du clavier de +/- 2 octaves. On se demande pourquoi, avec une PWM il y a 2 formes d'onde distinctes carré et carré étroit, alors que ce n'était pas le cas sur les 921 d'origine. Mais il est vrai qu'ils ne sonnent pas à l'identique et seul le carré étroit permet d'aller jusqu'à l'effacement complet du signal. Pas de sinus non plus comme sur l'original, seulement un triangle et une dent de scie. Pas non plus de réglage « low » comme sur un Minimoog pour en faire des LFO, mais en modulant leur pitch avec 2 atténunateurs en série, on couvre toute la fréquence du spectre (de 0,5Hz environ aux aigus inaudibles). Le coup de génie de cette section est d'avoir mis ces 4 oscillateurs en cascade, ce qui a 2 conséquences heureuses :
changer le pitch de l'oscillateur n modifie aussi celui du n+1.
La synchro d'oscillateur agit aussi en cascade : le n+1 se synchronise sur le n.
Cette organisation atypique pourrait sembler rigide, mais n'oublions pas qu'on peut chambouler l'ordre des oscillateurs en les patchant différemment dans le mixer.
Il est possible de moduler la PWM de chaque oscillo (dès lors que la forme d'onde est carré/carré étroite), mais aussi le pitch de façon linéaire ou exponentielle (entrée Pitch In) : c'est très bien d'avoir mis les deux, même si un switch de sélection aurait satisfait la plupart des besoins. C'est ici aussi qu'on peut extraire le signal d'un oscillateur, ce qui n'a pas pour effet de le couper dans le mixer : un peu comme sur un ARP2600, un même signal peut donc être utilisé nativement à plusieurs endroits sans contrainte. On peut donc, en connectant la sortie d'un oscillateur sur l'entrée pitch d'un second, faire de la FM/Cross Mod. Pas de Ring Mod nativement, mais c'est possible en connectant 2 oscillos sur l'entrée et le CV Input d'un atténuateur.
Cette structure « en cascade » des 4 oscillateurs peut produire des sons complexes, qu'on fasse de la synchro ou de la FM, et sans patcher (Sync) ou presque (FM).
Je passe rapidement sur la section mixer dont on a déjà parlé plus haut, en ajoutant juste qu'on peut remplacer en patchant n'importe quel oscillo dans cette section. Le bruit blanc se trouve ici, avec une lacune : la couleur de ce bruit peut être modifiée, mais uniquement dans le menu global, réglage qui est mémorisé à l'extinction de la machine. Mais c'est déjà bien d'avoir cette possibilité. Il y a bien une sortie bruit blanc, et quand on le patche à la place d'un oscillo en mode Round Robin, il se déclenche toutes les 4 notes. Voilà une bonne façon de faire une beatbox !
Voici venu le filtre, ou plutôt : les filtres. Ils sont routables en série, en parallèle (auquel cas le signal est monophonique) ou en stéréo (chaque filtre LPF occupe un coté). Bien vu. Il s'agit d'un ladder comme il se doit chez Moog, et donc : efficace en passe bas, fade en passe-haut, comme tous les ladder HPF. La combinaison des 2 filtres se montre donc un peu décevante et ça manque de tranchant. On ne fera pas de très beaux bandpass ou notch avec cela. La combinaison qui marche le mieux est donc la stéréo avec ses 2 LPF. On règle un même cutoff pour les 2 filtres, et le paramètre Spacing ne module que le filtre 1. En position centrale, le cutoff des filtres est le même, on peut donc faire passer le cutoff du filtre 1 de part et d'autre de la fréquence de coupure principale. Le suivi de clavier et le dosage de l'enveloppe de filtre ont chacune leur potard, la dernière disposant en sus d'une entrée gate (très bon point). Bien entendu, chaque filtre a sa propre entrée audio patchable ainsi qu'un contrôle CV. Il faut souligner que c'est à ce moment-là seulement que le signal devient stéréo : avant, il ne l'est pas. La section filtre avec ses sorties patchables filter 1&2 peut donc servir dans le cadre d'une utilisation stéréo ou pour faire des balayages de panoramique. L'enveloppe de filtre étant commune aux 2 filtres, il sera nécessaire de patcher pour les animer avec 2 enveloppes différentes.
Passons aux enveloppes. Nativement, l'enveloppe 1 est dédiée au(x) filtre(s), et l'enveloppe 2 au VCA, mais cela peut être revu en patchant. Contrairement au Minimoog, ce sont bien 2 ADSR complètes, et Moog a fait un choix atypique mais très pédagogique : étant donné que dans « ADSR », seul le S correspond à un niveau, celui-ci dispo d'un slider de bonne dimension, précis (et sans aucune résistance, comme déjà indiqué). A, D et R qui sont des temps disposent eux d'un potard. Je trouve que c'est une bonne idée de présenter les choses ainsi ! Il y a aussi une sortie Env End Out : ça envoie un signal gate à chaque fois que l'enveloppe a achevé sa course, et cela répond donc à l'éventuel besoin de boucler les enveloppes, ou de leur faire déclencher un autre évènement. Bien vu ! Hélas, le plus difficile arrive ici : ces enveloppes ne sont pas les meilleures qu'il m'ait été offertes. On est loin de la patate d'un Minimoog ou d'un ARP, sans parler d'un Pro One. C'est un gâchis, car cela aurait fait du Matriach un instrument d'une toute autre trempe. Et donc malgré ce que revendique Moog, on est bien loin ici des ancêtres. N'exagérons pas cela, car elles feront le job dans la majorité des cas, c'est juste que cela réduit considérablement le champs des possibles. A l'heure où fleurissent des Behrinclones partout, c'est un bémol qui fait un peu tâche sur un Moog.
Le Delay Moog, le fameux ! Il sonne très bien, avec quelques bémols. C'est une valeur ajoutée considérable, car le GrandMother avait sa Spring Reverb, et j'avoue être beaucoup plus intéressé par un Delay qu'une réverb à ressort. Ensuite, les pédales de Delay moog sont très prisées (on repense à la MF104 plus fabriquée et dont les prix d'occasion s'affolent outrageusement, ou la plus récente Minifooger MF Delay). Eh bien ce delay équivaut à 2 pédales MF104M (donc synchronisable en MIDI), mais sans drive. Le son est vraiment superbe, mais il ne fait pas tout (c'est le principal bémol). La technologie utilisée (puces BBD analogiques) colore le son superbement et lui donne une patine incroyable, le feedback sait s'emballer comme il faut et ses principaux paramètres sont controlables en patchant ici aussi. Mais la couleur est sombre et les répétitions sont destructurées, avec de (très beaux!) artefacts, ce n'est donc pas un delay passe partout. Je n'ai pas réussi à le faire flanger ou faire des sons type Karplus Strong. On est très heureux qu'il soit synchronisable au tempo et qu'il dispose d'un mode Ping Pong.
L'étage de sortie gère les niveaux des 4 VCA et l'allocation des voix. Les niveaux : affecté à l'enveloppe 2, ou 2 VCA répartis par enveloppe (mode Split, mal nommé), ou Drone (signal continu, utile pour traiter les signaux externes), un bouton multitrig (définit si les enveloppes se déclenchent à chaque note liée ou pas). A ne pas confondre avec la paraphonie qu'on règle sur 1, 2 ou 4, le chiffre correspondant au nombre de voix qu'on peut jouer (les 4 oscillateurs étant toujours joués). A noter : en mode 2, on peut donc jouer 2 notes avec VCO1&2 d'une part, et VCO3&4 d'autre part. Ensuite, en mode 4, le mode de jeu dépend de ce qu'on aura réglé dans le mode Global : en round robin « fort », les oscillos permutent systématiquement. En mode Round Robin « faible », uniquement si on joue plusieurs note simultanément et en mode Round Robin Off, chaque note joue son propre oscillateur. Cette partie-là est beaucoup plus subtile qu'elle n'en a l'air, car elle procure beaucoup de surprises, on ne sait jamais tout à fait ce à quoi s'attendre (c'est le royaume du happy accident permanent).
On a 2 LFO (bien!) : le premier, le plus évolué, peut être synchronisé au tempo via une entrée Sync (plus exactement, il est analogique et c'est son début de cycle qui est synchronisable), dispose de 5 formes d'onde (pas mal!), mais pas de retard ni de processeur de lag. La plage de fréquences couverte est très vaste, bon point aussi. Un S&H est présent avec sa sortie, mais à noter que si son entrée dispose d'une vitesse free run, son découpage de sortie est dicté par le tempo de la machine (bon choix, finalement). Dans cette section modulation, on décide de ce que pilote ce LFO, dosé par défaut par la molette de modulation : la PWM, le cutoff principal, et le pitch des oscillos (qu'on peut dissocier 1+3 et 2+4, option très utile quand on active la synchro des oscillos). Le second LFO est tout simple, avec seulement 2 signaux (tri/carré), pas de synchro et juste un potard et une entrée CV pour moduler sa vitesse. Ici encore, la plage couverte est très vaste, et il est possible d'en faire une oscillateur additionnel si on le souhaite.
Toujours au rayon modulation, nous avons 3 atténuateurs (bravo, c'est beaucoup au regard du reste de la machine). Les 2 premiers sont regroupés et, en l'absence de câblage, sont normalisés en série (il faut le savoir, la sérigraphie ne laisse aucune chance de le deviner). Le 3ème est identique. Chaque atténuateur a une sortie bipolaire (ce qui résoud le problème des autres modulations pas toutes inversables), cela permet de faire beaucoup de choses, d'inverser des signaux, de créer des signaux stéréo avec balayage left/right. Ce que j'apprécie beaucoup, c'est que leurs entrées/sorties et entrées de modulation accepte les signaux audio (on rappelle qu'on peut faire ici du ring mod) comme les signaux DC. D'ailleurs, en l'absence de patchage, la sortie de chaque modulateur sort un signal continu dosable de +/-8V (pas juste en +5V!), permettant de pousser les destinations dans les extrêmes (voilà comment on transforme un VCO en LFO, ou comment on envoie un LFO dans les fréquences audio encore plus extrême).
Voyons comment toutes ces voix (ou plutôt tous ces oscillateurs, s'agissant de paraphonie) sont déclenchés. L'absence de LED de déclenchement des VCO ne permet pas de savoir lesquels sont actifs. Passons sur les entrées/sorties CV/Gate du panneau arrière qui remplissent leur rôle. On a un clavier 4 octaves de très bonne qualité, avec vélocité et aftertouch. Comme on a beaucoup parlé modulations jusqu'ici, mais pas de cela encore, il faut savoir qu'il n'est pas possible de se servir de ces signaux sans patcher l'arrière de la machine. Je pense que, au moins pour la vélocité, cela aurait été souhaitable d'avoir un potard sur les sections filtre et VCA. Aucun soucis de mon côté sur ces signaux qui font le job tel que prévu, et sont dosables avec les atténuateurs. A noter que l'OS1.3 a ajouté dans le menu global plusieurs courbes de vélocité, bon point. On a un potard de portamento (super en paraphonie et en mode drone, et 3 courbe de réponse dans le mode Global. Hold+portamento changeant la réponse au jeu lié), et la section filtre dispose d'un suivi du clavier.
Viennent ensuite l'arpégiateur et le séquenceur. L'arpégiateur est archi-simple, avec les 4 motifs de base et jusqu'à 3 octave dans son rayon d'action. Ici encore, il faudra aller dans le mode global pour avoir un swing. On est heureux d'avoir un mode Order tout de même. Pour faire des choses plus complexes, on se tourne vers le séquenceur qui permet d'enregistrer 256 pas (bien!), des accords, des notes liées et des silences. Les motifs sont transposables, ce qui n'est pas le cas de l'arpégiateur. En combinaison avec le Round Robin et les modes de gestion des 4 oscillos, ce séquenceur fait des merveilles, il est assez simple mais créatif ! On peut stocker 3 banks de 4 séquences (c'est assez peu), et c'est la seule section de la machine qui dispose d'une mémoire, qui plus est, sauvegardée à l'extinction. Un mode Ratchet permet d'enregistrer des subdivions de notes, ou même de les déclencher à la volée (mode séquencer uniquement). Faire « REC » permet d'enregistrer son motif pas à pas, et même de corriger un pas pour le remplacer, à la volée, par un autre pas. Rien à dire sur cette section-là, elle est parfaite, surtout depuis qu'une mise à jour de l'OS a permis que son signal de sortie soit répliqué sur les sorties MIDI, USB et CV/Gate out, faisant du Matriarch un potentiel clavier-maître d'un environnement modulaire ou MIDI externe. A noter qu'on a bien un trio de prise MIDI au format DIN 5 broches, logique sur ce niveau de gamme. Par contre, rien sur la façade principale n'est sérigraphié pour indiquer ce qui se trouver derrière. Placé contre un mur, on se retrouve à tatonner ou avec un miroir pour comprendre où sont situées des commandes pourtant essentielles, comme la prise casque ou les sorties clock, vélocité, etc.
J'ai parlé à plusieurs reprise du mode Global en donnant quelques indications sur ce qu'il contient, c'est à dire énormément de réglages (priorité de note, gestion Round Robin, couleur du bruit, tous les réglages MIDI, les courbes de vélocité/portamento, etc...). Ce mode global est pour moi très ambivalent :
il contient énormément d'options de personnalisation, toutes sauvergardée à l'extinction, et les différentes évolutions d'OS ont comblé beaucoup de lacune. C'est donc une très bonne chose d'avoir autant de possibilités, la machine n'est pas bridée de ce point de vue. Encore mieux : la très grande majorité d'entre elles sont mappées en MIDI (et ça marche très bien).
Mais ce qui est criticable, c'est la façon dont Moog a prévu de modifier les réglages : le Matriach n'ayant pas d'écran (pas même 2 digits), on accède au mode global par une combinaison de commandes, on choisit le menu par une combinaison de touches du clavier (la diode Sync Enable envoie une séquence de clignotement, permettant en comptant ceux-ci de savoir si on se trouve dans le bon menu : c'est digne du morse!) et on dose chaque réglage avec une touche du clavier encore une fois. Donc pour ceux qui aiment programmer leur machine avec le manuel sur les genoux sans aucune certitude sur ce qu'on est en train de faire, ça le fera. Pour les autres (dont moi), on gèrera ce mode Global en MIDI (voir la rubrique astuce, où je donne un lien WEB qui offre un éditeur en ligne gratuit dialoguant en MIDI/USB, avec un tableau beaucoup plus convivial). C'est vraiment curieux comme choix, et Moog aurait dû fournir un éditeur, comme celui d'un Keystep Pro qui en fournit un, alors même que cette machine dispose pourtant d'un écran !
Que penser du Matriach, en somme? Je dois vous avouer que je suis partagé, cette machine est très ambivalente. Sa couleur sonore est très orientée, la machine a une vraie personnalité. Si vous l'aimez, elle sera l'une de vos machines préférées, sans aucune doute, et vous trouverez beaucoup plus d'adorateurs du Matriach que de détracteurs. La section mixer en particulier fait driver les oscillateurs, la machine offrant un son très vintage, pas lisse du tout, avec des tonnes d'imperfections qui feront son charme. Là où cela devient plus criticable, c'est qu'il n'est pas vraiment possible de faire sonner la machine « proprement » ou de façon percutante, et cela la conduit un peu toujours sur les mêmes chemins : le Matriach n'est pas aussi polyvalent qu'un ARP2600, ni même un MS20 pour ne parler que de semi-modulaires, qui eux, ont une palette qui me semble beaucoup plus large et des enveloppes beaucoup plus polyvalentes. L'architecture, elle, est très complète et même très intelligente dans ses choix : peu de lacunes, beaucoup de bonnes idées utiles, compatibilité eurorack, section oscillateurs en cascade, filtre double, 2 LFO et 2 enveloppes, un arpégiateur simpliste bien complété par un séquenceur très complet, et beaucoup d'options de personnalisation. Le Delay pèse beaucoup dans la couleur d'ensemble de la machine, il est à son image : magnifique mais dans une niche sonore.
A l'usage, la machine n'est pas très complexe, et même : pédagogique. Ça peut être une première machine avant de se lancer dans le modulaire (et pas forcément plus chère qu'un case bien fourni). Par contre, l'accessibilité du mode global est mauvaise (heureusement contournable en MIDI) et la connectique arrière n'est pas sérigraphiée en façade.
La qualité est présente à tous les étages, et on prend beaucoup de plaisir à le faire sonner chaleureusement, ce qui est assez simple. La gestion des voix et son architecture paraphonique, qui auraient pu apparaître comme un compromis par rapport aux polyphoniques qu'on trouve dans la même gamme de prix, se révèle être une vraie force et une singularité. Des choix forts ont été faits, assumés, et la machine est au rendez-vous de ceux-ci. Formidable boite à idée, j'avoue toutefois que le Matriarch ne serait pas mon synthé « île déserte », en dépit de ses possibilités, car sa couleur sonore l'enferme dans des compositions de type vintage où il excelle. Toutefois, c'est un semi-modulaire et si vous avez déjà un case avec des modules de bon niveau, il est probable que ses lacunes sonores se trouveront comblées. Je le vois donc comme un synthé de complément, ce qui est un peu dommage étant donné son positionnement tarifaire, néanmoins justifié.
J'ai beaucoup aimé :
- la personnalité sonore chaleureuse
- La qualité de fabrication globale, en particulier l'excellent clavier, les commandes et les connecteurs vissés
- L'intelligence de son architecture paraphonique et de sa gestion des oscillos
- FM linéaire et exponentielle
- Oscillateurs agencés en cascade
- Un delay très majestueux/vintage
- Compatibilité eurorack sur les 90 points de patches
- Les 3 atténuateurs bipolaires acceptant tous les signaux (audio, CV/Gate, DC...)
- Beaucoup de possibilités, de petites astuces...La limite, c'est vous
- Le séquenceur assez évolué de 256 pas.
- Une architecture stéréo à double filtre
- 2 bons LFO avec une vaste plage de fréquences
- Un très bel objet
- Une approche pédagogique avec ses sections de différentes couleurs
- Beaucoup de tutos sur Youtube et de feuilles de patches, ceux de Moog sont supers
- Mémorisation des séquences et des réglages globaux à l'extinction
- Personnalisation et nombreuses options du mode Global, bien mappées en MIDI
- Une machine stable qui a bénéficié de bonnes mises à jour
J'ai moins aimé :
- La couleur sonore trop limitative, en dépit des possibilités innombrables, ce qui en fait une machine de niche/complément
- On retrouve en grande partie le caractère dans anciens modules Moog, mais on n'en retrouve pas la patate
- les réglages globaux par raccourcis clavier, un gros fail d'ergonomie
- La connectique arrière pas sérigraphiée en façade
- Arpégiateur pas débrayable du clavier
- Pas bitimbral (mais duophonique), pas splittable
- Les enveloppes pas assez polyvalentes
- Le HPF ladder n'est pas assez radical et ne se combine pas bien avec le LPF
- Pas de LED de déclenchement des 4 VCO
- Des fonctionnalités du menu global auraient mérité d'être mise en façade
- Des connectiques placées en face arrière auraient mérité d'être mise en façade