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Pour des prises de voix pro

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Sujet de la discussion Pour des prises de voix pro
En mai dernier, j'ai eu le privilège de me rendre à Los Angeles pour le boulot afin d'enregistrer de grandes quantités de voix. J'y ai passé plusieurs semaines à squatter des studios parmis les mieux équipés du monde (Igloo Music, Soundworks, North Hollywood Sound...) dans lesquels les musiques de films cultes ont été enregistrées et mixées (Nightmare Before Christmas, Fight Club, ou plus récemment Birdman ou encore Guardians of the Galaxy...), sans parler des innombrables prises de voix faites sur place pour le doublage de films et de séries d'animation (Disney/Pixar, Dreamworks, etc...). Bref, inutile de vous dire à quel point le niveau de qualité et d'efficacité est élevé par là-bas !

En bon audio geek que je suis, j'ai décortiqué les chaînes d'enregistrement de tous les studios dans lesquels je suis passé, et j'ai discuté des heures durant avec les ingés son les plus compétent avec qui il m'ait été donné de travailler, dont certains ont déjà été récompensés de plusieurs Grammy.

Comme je suis du genre convaincu que la connaissance a pour vocation d'être partagée, je me suis dit que ça intéresserait sûrement du monde ici si je venais exposer le fruit de mes observations. Alors en vrai, comment fait-on de la prise de voix à Hollywood ? Et bien suivez le guide !


I - La chaîne d'enregistrement

La chaîne matérielle n'a rien d'extraordinaire : un micro, un préampli, un dé-esseur, un compresseur/limiteur, et zou, directement dans les entrées d'une table de mixage équipée de convertisseurs numériques pour traiter le tout dans Pro Tools. Bien entendu, tout ça est relié ensemble avec de bons câbles XLR (Klotz, Mogami, etc.).

Et là certains vont dire : pourquoi mettre de la compression en amont plutôt que de garder une prise brute qu'on pourra traiter ensuite si besoin ? La réponse des ingés sons est sans appel : la voix humaine montre une si grande dynamique que la quasi totalité des prises nécessiteront de la compression à posteriori. Comme une série, un film ou un jeu représentent tous de grandes quantités de contenu vocal, on gagne un temps dingue en appliquant systématiquement un traitement léger et transparent en amont qui réglera 90% des problèmes qu'on aurait rencontré lors du post-traitement. Et il en va de même avec le dé-esseur.

Mais intéressons-nous de plus près au matériel et aux paramètres utilisés...

Le microphone :
• Pour le travail de "voice over", ce sont exclusivement des micros à condensateur type FET qui sont utilisés afin de capturer un son transparent et aéré.
• Les micros à lampe sont considérés comme trop colorés et sont écartés d'office.
• En 3 semaines et plus d'une dizaines de studios, j'ai vu exclusivement des références de chez Neumann (principalement des TLM 170 et TLM 107 ; au pire un TLM 103).
• Apparemment, dans les alternatives moins chères Audio Technica est une valeur sûre (AT4033, AT4040, ou même un AT2020 chinois).

Le préampli micro :
• Là encore pas de lampes, mais du matos à transistor haut de gamme très transparent.
• J'ai été impressionné par le Martinsound Martech MSS-10, mais le matos de chez A-Designs (P-1 ou Pacifica) m'avait l'air excellent aussi.
• Bien entendu, j'ai aussi vu pas mal de matos standard de chez Avalon (AD2022, M5 ou encore V5).
• Dans les alternatives moins chères, le Warm Audio WA12 ou encore le 286s de chez dbx seraient tout à fait viables.

Le dé-esseur :
• Pas question de trop charcuter le signal ici, on vise juste à légèrement réduire les sifflantes pour ne pas risquer de ruiner une prise.
• Encore une fois, j'ai principalement vu des tranches de console à transistor très transparentes, principalement du Empirical Labs (Derresser et Lil FrEQ - sans EQ) ou du dbx (902).
• Plus accessible, toujours le dbx 286s qui peut visiblement faire office de véritable couteau suisse.
• Du côté des paramètres utilisés:
  • un seuil (threshold) pas trop bas (autour des +10/+12dBu);
  • en général une fréquence de départ réglée vers les 6 kHz, puis ajustée en fonction de l'acteur.


Le compresseur:
• Comme expliqué précédemment, l'objectif est surtout d'ajouter une compression très subtile.
• Niveau références, c'est pas compliqué, je n'ai vu que du dbx: 162SL, 165, 1066...
• Les paramètres étaient à peu près toujours les mêmes:
  • un seuil relativement élevé (+8 à +10dBu), pour ne chopper que les crêtes les plus brutales ;
  • un ration relativement bas (2:1) ;
  • une attaque plutôt lente (20ms ou plus; moins de 10 dB/mSec sur un dbx) ;
  • un relâchement assez rapide (moins de 50ms; plus de 1.5k dB/Sec sur un dbx comp) ;
  • pas de "make-up gain" (0 dB), mais l'activation du limiteur (PeakStop en mode hard knee/look-ahead) afin d'éviter de ruiner bêtement une prise.



II - Les techniques de prise de son

Chaque ingé son a ses petites habitudes, mais de l'avis général ce qui fonctionne le mieux pour les "voice over" semble être l'ensemble des techniques suivantes :

• Privilégier un microphone suspendu, la capsule orientée vers le bas.

• Afin de se débarrasser d'un maximum d'artefacts indésirables (claquements de bouche, souffle, etc.) tout en gardant un bon niveau de captation, le micro est suspendu assez haut, si possible avec la capsule au niveau des yeux de l'acteur.

• Pour éviter les potentielles plausives problématiques, on place un simple filtre anti-pop à une dizaine de centimètres du micro.

• On essaie aussi d'éviter de gonfler artificiellement les basses avec l'effet de proximité, donc la bouche de l'acteur ne doit jamais s'approcher à moins de 15 cm du filtre anti-pop (et pour les acteurs qui n'arrivent pas à garder leurs distances, on peut placer un 2e filtre anti-pop à une vingtaine de centimètres du premier).

• Le secret du bon ingé son, c'est d'être attentif et actif pendant les prises, et d'ajuster le gain du préamp en temps réel de façon à ce que le niveau moyen soit toujours dans les 0 VU (ce qui doit taper dans les -18dBFS dans votre DAW si votre chaîne est correctement configurée). Sachant que pour du doublage/VO, il peut être nécessaire de réajuster le gain à chaque nouvelle ligne.


III - L'édition et la production

Une fois les fichiers numérisés, reste à les traiter avant livraison. Pour ce faire on procède en 4 étapes, que je ne vais pas décrire en détails ici puisque les techniques peuvent changer en fonction de la DAW utilisée, des objectifs fixés et des éventuels problèmes rencontrés. Mais grosso modo :

• Les prises qu'on décide de conserver sont découpées et isolées dans une nouvelle session (étape généralement automatisée).

• Chaque prise est écoutée attentivement et nettoyée de tout artefact problématique (clics, pops et autres bruits - peut être partiellement automatisé aussi).

• L'intégralité des prises subissent au moins une normalisation simple (généralement à un niveau crête de -3dBFS), le plus souvent une normalization double (pour atteindre un niveau moyen de -18dB RMS tout en ne dépassant pas les -3dBFS en crête).

• Les prises sont toutes rendues/exportées (généralement en WAV) dans un folder où elles sont ensuite nommées et classées/rangées selon la nomenclature définie par le client.


Et voilà, je pense que j'ai à peu près fait le tour du matériel, des techniques et des méthodes de prise de son pour le doublage.


Maintenant pour ce qui est de la prise de voix pour la musique, il y'a beaucoup moins de règles : ça se fait surtout en fonction du style musical, des habitudes des artistes, des objectifs fixés, etc... Mais voici quand même une petite liste (non exhaustive) des principales différences observées :

• On utilise beaucoup de micros à lampe (type U47/U87), généralement choisis en fonction des charactéristiques de la voix des chanteur (d'ailleurs ceux-ci ont généralement leur propre set de micros habituel).

• Côté préamp, on reste généralement sur des modèles à transistor, mais avec une préférence pour ceux qui apporteront une légère coloration vintage : Neve, API, SSL... J'ai aussi vu de l'Avalon, de l'UAD, et même du PreSonus !

• Pour ce qui est de la compression, pas de mystères, ce sont principalement 2 modèles qui sont utilisés : le LA-2A quand on veux donner un côté doux et soyeux, le 1176LN quand on veut quelque chose de pêchu et rythmé.

• Toujours au sujet de la compression : on hésite pas à en mettre plus à la prise, avec un seuil qui descend facilement dans les 4/6dBu.

• Au moment de la prise, en fonction du résultat désiré on hésite pas à jouer sur l'effet de proximité, et donc à suspendre le micro "à l'endroit" (capsule vers le haut) au niveau de la bouche du chanteur.

• Généralement le filtre anti-pop est placé beaucoup plus près du micro (moins de 5 cm), parfois même tout contre.

• L'ingé son ne touche pratiquement jamais au gain du préamp pendant les prises d'une même chanson : il cale à 0 VU sur les parties les plus fortes, et c'est à ce volume que toute la chanson est enregistrée.

• Durant l'étape de production, on passe beaucoup moins de temps à nettoyer les prises, et on ne s'embête pas à normaliser : vu que le mixage arrivera après, on se content d'aller à l'essentiel !


Cette fois, je crois être arrivé au bout ! Mais si vous avez des remarques ou des questions, n'hésitez pas ;)

[ Dernière édition du message le 25/09/2015 à 21:26:47 ]

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Merci :bravo:

(-;  Be Funky  ;-)

Soundcloud

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Une élément que je n’avais pas mentionné pour le TLM107 : il est extrêmement silencieux : 10 dB de bruit de fond.
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Ce qui est interressant dans ce sujet, que je n'avais pas lu car de 2015, c'est que les techniques de prise de son citées au 1er post ; des voix parlées en "cabine speak", sont exactement les mêmes depuis le début des années 70, pour ce qui est du placement des micros et depuis le début des années 80 pour les préamplis et traitements de la dynamique analogiques, pour le plus grand nombre à base d'amplis ops NE5534AN (TDA1034) ou 5532 (TDA1032), et de VCA's DBX. On ne change pas une formule qui gagne...
24
Bravo et merci pour ce retour d'expérience.
Je suis comédien voix-off et j'ai trouvé cet éclairage très instructif !