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Sujet Musique et expériences d'intériorité

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1 Musique et expériences d'intériorité

Suite à une demande formulée dans un post sur la musique ambient, voici un post consacré aux différents liens qui peuvent exister entre musique et expériences liées à des états de conscience modifiée induites par la musique.

L'origine et les grandes lignes de la discussion:

Citation de Gianni Andon :

Est ce que ca vous arrive en écoutant des morceaux, de voir soudainement une partie de votre jeunesse défiler? [avec l'exemple de Boards of Canada - Bocuma]

Citation de Muh Nods :

Ce que tu dis m'interpelle beaucoup, puisque j'ai ressenti la même chose lorsque j'ai écouté Boards Of Canada pour la première fois... J'ai vu défiler plusieurs "flashs", remontant à mon adolescence, en particulier quelques moments très particuliers, très précis, que j'avais totalement occultés.

Citation de Xheindrichs :

Pour ma part, cela me semble logique, ou en tout cas compréhensible. [...] Dans certains états de conscience modifiée, pas mal de choses étonnantes peuvent survenir, comme par exemple le fait qu'une "tranche" de mémoire se réactualise dans la conscience. C'est fréquent...

Citation de Gianni Andon :

Je te l'accorde mais la musique reste quelque chose de subjectif, aussi belle soit-elle. Que de tels sons provoquent les mêmes sensations chez beaucoup d'auditeurs demeure quand même un mystère

 

[...]

 

Cela demeure tout de même un peu plus mystérieux lorsqu'on s'attaque à la mémoire qui appartient temporellement au passé (nous n'avons pas tous eu la même vie et les mêmes souvenirs) alors que la musique, ambient en l'occurrence, prétend seulement offrir au présent, à l'instant I, les vertus qu'on lui attribue généralement

 

[...]

 

j'ai ressenti exactement la même chose. Pourtant je n'ai pas partagé mon enfance avec ce cher Muh Nods

Citation de Xheindrichs :

Évidemment. tu n'as pas eu accès à la MÊME mémoire (vu que tu n'as pas vécu sa vie), mais bien au même PROCESSUS. [...] Comme tu dis, la musique peut offrir au présent les vertus qu'on lui prête (énervante, calmante, etc...) Si on pose comme hypothèse qu'elle donne des réminiscence pour un public particulier (sensibilisé au départ), on peut dire qu'elle réactualise des souvenirs dans le présent de l'auditeur. Se remémorer, c'est retrouver, dans le présent, des contenus de conscience passés liés aux 5 sens. Pour moi, la mémoire n'appartient pas au passé.

Citation de Gianni Andon :

C'est un constat que tu fais là. Moi je voudrais savoir COMMENT expliquer ce processus que tu décris et qui nous fait remonter des années en arrière

 

Citation de Xheindrichs :

 

On ne peut pas EXPLIQUER ce processus sans faire une étude approfondie. Mais on peut COMPRENDRE que cela PEUT fonctionner fréquemment de cette manière chez des sujets qui ne sont liés que par leur attrait pour cette musique. On peut le comprendre en juxtaposant des constats et en concluant sous forme d'hypothèses.

 

Les constats:

1) Certains aiment la musique ambient, d'autres pas.

2) Chez certains sujets, ceux qui "aiment", l'écoute de la musique ambient, dans certaines conditions, peut induire un état de conscience modifié.

3) Dans les états de conscience modifiée la conscience peut vivre de nombreuses choses inhabituelles, a tout moment. Une de ces choses est l'arrivée d'un souvenir à la conscience, quel qu'il soit.

4) Ceux qui aiment l'ambient l'écoutent, et s'informent ou échangent à son propos.

5) Ceux qui se regroupent pour échanger à propos d'un sujet échangent souvent à propos de la manière dont ils vivent ce sujet.

6) Si à l'écoute de l'ambient, on rencontre l'expérience de réminiscence, que l'on trouve un groupe centré sur ce sujet où on se sent suffisamment à l'aise pour en parler, on en parlera.

7) Dans ce groupe de personnes qui écoutent de l'ambient, il y a de fortes chances pour que d'autres personnes se retrouvent dans cette expérience (pour les raisons 2 et 3).

8) Lorsque deux personnes se rendent compte qu'elles ont vécu chacune des expériences hors du commun, et qu'elles se sentent suffisamment à l'aise, elles échangeront à ce propos.

 

On peut donc raisonnablement poser l'hypothèse que l'ambient peut favoriser les réminiscences (de 1 à 3). Donc, il est COMPREHENSIBLE que tu aies vécu le même processus que Muh Nods (1 à 3 pour chacun) et que vous en parlez (de 4 à 8).

 

Le terme "processus" est important: je ne parle pas de CONTENUS. Muh Nods ne t'a pas parlé du soudain souvenir de la glace qu'il léchait tout en regardant sa voisine en train de se toiletter dans sa salle de bains... Et tu ne t'es pas écrié "Oh, mais je me suis souvenu de la même chose, la même glace, la même voisine". Vous avez chacun parlé de flashes liés à l'enfance, pour l'un, et à l'adolescence, pour l'autre. Tu n'as donc pas ressenti la même chose, mais expérimenté le même processus...

 

Pour ce qui est de l'EXPLICATION, pour aller au-delà de l'hypothèse, cela mériterait bien un mémoire en psychologie transpersonnelle, en ethnologie, en musicologie, etc... noidea.gif

 

Quant à la mémoire, pour moi, elle n'appartient pas au passé. C'est un processus qui s'active au présent pour "emmagasiner" ou pour "restituer" des contenus mentaux. Ces deux travaux de la mémoire ne peuvent se dérouler que dans un présent. Quant aux contenus mentaux, les souvenirs, ils ne sont pas (toujours pour moi ;) ) de l'ordre du passé. On peut imaginer, conceptuellement, qu'ils se "réfèrent" à un événement survenu dans le passé, mais ces souvenirs restent le résultat d'une réactivation et réinterprétation au présent de certains circuits neuronaux en l'état où ils sont actuellement. C'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle la mémoire peut s'altérer... En se remémorant le passé, on plonge ... dans le présent. headbang.gif

Citation de Gianni Andon :

il est dur de partager tout cela sur un forum. Notre façon d'écouter de la musique et de l'interpréter est strictement personnelle et indescriptible. Il y'a un fossé entre la pensée et la parole. Le passage de la pensée à la parole, du ressenti à l'énoncé est un meurtre quelque part, une démystification vulgaire. C'est pour cela que j'évite les superlatifs concernant les musiques que je présente parfois ici. Faire cela c'est s'attribuer les émotions qui constituent cette musique et la démystifie.

 

Citation de Xheindrichs :

 

C'est vrai que parler de quelque chose de si subjectif, intime est difficile. C'est une sorte de traduction de mouvements interne, faite sans dictionnaire. Et comme le dit l'expression, "Traduttore tradittore" (Le traducteur est un traître). En même temps, c'est particulièrement intéressant de lire des récits d' "expériences intérieures", des collections de trahisons, parce qu'elles pointent toutes vers leur source...

 

C'est drôle parce qu'on a vraiment des conceptions très différentes... Caractériser les musiques (avec des superlatifs ou non), pour moi, c'est un peu l'opposé que de s'attribuer ces caractéristiques. C'est plus de l'ordre de les sortir de soi, avec tous les avantages que cela comporte (on peut les regarder, les comprendre, les faire se rencontrer avec des caractérisations d'autres personnes, etc...), mais aussi les inconvénients à accepter (le constat d'incomplétude du langage, d'inadéquation inéluctable entre le mot et la chose, d'incommunicabilité de ce qui fait l'intériorité).

 

Pour l'émotion, elle est, momentanément, dans l'esprit de celui qui crée la musique. Elle est aussi, momentanément, dans l'esprit de celui qui l'écoute. Mais les deux émotions peuvent très bien être très différentes... En tout cas, l'émotion n'est pour moi absolument pas dans la musique. On la crée/subit à l'intérieur de nous en fonction de multiples facteurs, dont l'audition de telle musique (ou de tels accords, de telles sonorités) n'est qu'un des éléments.

 

Le langage ne démystifie pas l'expérience, précisément parce qu'il passe à côté. Il rate sa cible à chaque fois. La part de mystère reste donc entière. Quant au musée, il ne démystifie pas l'œuvre d'art, parce qu'il passe encore à côté. Une œuvre d'art ne peut être présentée en totalité dans un lieu anonyme, car elle est étroitement liée à l'intériorité du peintre dont personne n'a la clé. Si on avait accès à toute la réalité de la peinture, du peintre et du lien qui les unit, là, ok, il y aurait démystification, et en même temps, perte de l'attrait/intérêt pour cette œuvre (voire pour les autres œuvres). Si le choc entre l'œuvre et le spectateur est étouffé, la raison est à trouver chez le spectateur, dans sa manière d'entrer en contact avec ce qui l'entoure, dans sa manière d'envisager une œuvre d'art et l'utilisation d'un musée. Le musée ne donne que ce que nous venons y chercher. 99% des  ont des motivations consommatoires; les 1% restants ont une motivation contemplative. Il y a fort à parier qu'ils vivent la confrontation à une œuvre de manière très différente.

 

Citation de Gianni Andon :

 

je suis d'accord avec ce que tu dis en partie, un peu moins dans la dernière partie mais ton avis est peut être plus objectif que moi car le mien reste sans doute partial.

 

Je ne suis pas peintre mais je suis un dessineux, j'ai un ami peintre, je connais quelques peintres et je m'intéresse beaucoup à ce sujet donc mon point de vue est artistique, sans prétention aucune. J'ai peu de théories sur ce sujet car pour moi il ne s'agit que d'expériences et de "ressentis". Ce qui n'est pas dénué de sens non plus.

 

Voilà... Peut-être que le sujet (et les autres dans cette veine) intéressera certains...

A bientôt icon_coucou.gif

Xa

 

 

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91
Citation :
Je ne suis pas certain que de commencer avec "Bitches Brew" ou n'importe quel autre album de la période électrique soit une bonne introduction au jazz car comme tu le soulignes on y trouve du funk, de la wah-wah, de la guitare électrique.
Ce qui est effectivement une bonne introduction au jazz-rock (pour faire court car on est bien au-delà avec cette période) mais pas au jazz.
Connaissant un peu les goûts de Andon et son exigence j'ai donc plussoyer l'idée de "Kind of Blue"comme album d'entrée.
Ce qui par la suite n'exclus pas qu'il écoute les autres travaux de Miles.


Je suis venu au jazz en écoutant Tales de Marcus Miller.

le jazz-rock est du jazz
parceque sinon à ce moment là on peut aussi dire que le bebop c'est pas du jazz et que le jazz c'est Louis Armstrong

Si un gars à pour image du jazz du chabada tout calme pendant 3 plombes, avec ambiance café enfumé bien stone, et atmosphère relax, c'est sur que Kind Of Blue va bien correspondre à l'image :bravo:

[ Dernière édition du message le 08/11/2011 à 10:57:15 ]

92

Bah, vous faites pas de soucis je n'ai aucun critère pour juger une oeuvre de jazz. Mes seules références sont Ramsey Lewis (Album Routes, Les fleurs) et quelques morceaux de Jimmy Smith.

 

Si un gars à pour image du jazz du chabada tout calme pendant 3 plombes, avec ambiance café enfumé bien stone, et atmosphère relax, c'est sur que Kind Of Blue va bien correspondre à l'image :bravo: :

Ca me rappelle une scène assez niaise du film Collatéral. Le cliché est bien là dans les esprits.

 

D'ailleurs en parlant de relation image-son, il y'a une pub pour un produit alimentaire qui utilise une musique de Miles Davis je crois. Cela fait longtemps qu'elle passe et elle passait y'a pas longtemps encore. A un moment un coulis onctueux de chocolat recouvre progressivement une poire épluchée.

Si c'est ça, j'espère que mon imaginaire va pas associer le son de Miles Davis à une poire chocolatée.

 

Celle ci me plait. Surtout ce timbre si caractéristique. En fait je crois que j'accroche mieux quand le rythme est en retrait.

 

 

 

 

Plateau of mirrors Mon blog musique et création.

[ Dernière édition du message le 10/11/2011 à 05:11:39 ]

93

Kumo> J'ai fini L'hiver de la culture et je suis assez charmé par le bonhomme. Il y a de la poésie dans ce constat pessimiste de la mort de l'art. Jean Clair recoure beaucoup à l'analogie et ça renforce bien son propos qui a le mérite d'être clair, sans phrases inutiles. Les trois derniers chapitres sont les plus intéressants pour moi.

Toi qui a lu Malaise dans les musées, Jean Clair y parle t-il plus d'Histoire? C'est mon impression au vu de l'entretien radio.

Plateau of mirrors Mon blog musique et création.

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Juste en passant l'album avec Michel Legrand est très poétique je trouve, avec un panel de "styles" assez large, perso je crois que c'est un des premiers de Miles que j'ai écouté...

Si tu t'réveilles mort le lundi, t'en as pour la s'maine

95
andon> j'ai un souvenir lointain de Malaise dans les musées mais il y a effectivement un aspect historique très intéressant pour ce qui concerne la notion du sacré qui était pendant longtemps le moteur de la création artistique et qui a de fait offert de belles oeuvres qui ont traversé l'histoire (cathédrales, peintures, sculptures).

J'essayerais d'y rejeter un oeil ce soir afin d'en tirer les lignes directrices et d'en reparler ici.
Mais bon si tu as aimé "L'Hiver de la Culture" tu devrais apprécier "Malaise dans les Musées".
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Ce qui est dommage c'est qu'on ne retrouve pas ces deux bouquins réunis en un seul. 140 pages c'est assez court pour un tel sujet et je crois que ces deux livres traitent de sujets semblables. Sans doute une volonté de l'éditeur pour vendre deux produits.

Jean Clair a également sorti en 1983 un livre qui dénonçait déjà les déviances de l'avant-gardisme. Ça doit faire mal de tout prévoir et voir la situation empirer de cette manière. Je salue cet homme réellement cultivé qui est loin d'être un réactionnaire; tout au plus un réactionnaire de la réaction.

Plateau of mirrors Mon blog musique et création.

97

Citation :
et je crois que ces deux livres traitent de sujets semblables.


Lorsque "L'Hiver de la Culture" est sorti et que j'ai lu le quatrième de couverture je me suis dit:
"Bon ça a l'air d'être peu ou prou la même chose que "Malaise dans les Musées".
Je ne vois pas l'intérêt de l'acheter.
Et puis un jour je l'ai acheté quand même et j'étais bien content de le lire.
Essaye de le trouver d'occasion. J'en ai vu à 5€ sur Ah ma zone !!! Ça te fera 8 euros avec les frais de port.
98

Citation de Moi :

Personnellement moi qui n'a pas connu Pink Floyd en son temps mais qui a déjà pu l'écouter, cette musique ne me parle pas du tout. Peut être à cause justement de cette connotation très seventies.

Ce que j'aurais pu dire comme bêtises quand même... J'avais en tête le succès Another brick in the wall, pas mauvais d'ailleurs, mais peu représentatif de la dimension extatique que révèlent beaucoup de morceaux et qui attirent aujourd'hui ma curiosité.

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Est-ce que tu connais les vieux disques de Genesis, Andon ?...
Y a de grands trésors, de ce côté-là aussi.
Bon! C'est pas exactement de la "musique planante", c'est plutôt une musique disons "hantée", mélangée à une atmosphère de mysticisme "mystérique". Dans les vieux albums, on pénètre dans un monde de songes et d'émotions comme si on venait de découvrir une forêt secrète où seule leur musique peut nous conduire... Un peu comme avec l'univers de Debussy, mais plus aligné vers l'imaginaire antique ou médiéval. Et leur style est d'une cohérence absolument parfaite, sans aucune faute de goût ou d'amalgame douteux.

Il faut avoir une grande culture musicale pour parvenir à cette perfection formelle. (Nursery Crime, FoxTrot, Selling England by the pound, The lamb lies down on Broadway...) ;)

[ Dernière édition du message le 28/02/2012 à 07:41:24 ]

100

Salut papyrus9,

On s'était croisé sur un autre sujet sur la création d'une atmosphère flottante si je me souviens bien. Pour Genesis je n'ai connu que le dernier où Collins officiait: I can't dance. Cet album m'a assez marqué plus jeune et la voix de Phil Collins me ramène toujours à mon enfance au début des années 90.

A part ça non, mais il est possible que ça m'attire j'ai un à priori positif sur ce groupe. J'avais déjà entendu parler de l'album The lamb lies down on broadway qui est je crois considéré comme un des meilleurs mais je n'aurais pas imaginé qu'il existait un tel univers derrière ce groupe.

Tu aurais un morceau phare à suggérer qui est emprunt d'évocation forte?

Plateau of mirrors Mon blog musique et création.