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Editorial du 19 septembre 2015 : commentaires

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Sujet de la discussion Editorial du 19 septembre 2015 : commentaires

S’il convient cette semaine de saluer le départ du sourcier de l’eau vive, on ne manquera pas non plus de saluer celui d’Adrian Frutiger, l’un des plus grands typographes que la terre ait porté et qui, au-delà de ses magnifiques polices de caractère, nous laisse une idée de ce que le design devrait être, et qu’on oublie un peu trop souvent ces derniers temps : « Si vous vous rappelez la forme de votre cuiller au déjeuner, c’est que cette forme était mauvaise. La cuiller et la lettre sont des outils ; l’une sert à prendre la nourriture dans l’assiette, l’autre à prendre l’information sur la page... Quand le design est bon, le lecteur est à l’aise parce que la lettre est à la fois banale et belle. ».

Presse-agrumeSeulement voilà, le design est plus souvent utilisé aujourd’hui pour se faire remarquer que pour passer inaperçu : quand il ne s’agit pas de véhiculer l’identité d’une marque, il s’agit de rappeler celle d’un designer qui se fantasme artiste du presse-agrume, et d’écrabouiller la fonction première de l’objet sous le poids des préoccupations publicitaires ou égotistes. Et la drôlerie de la chose, c’est que l’on reconnait comme un signe de qualité le design ostentatoire de certains produits alors que c’est précisément un détail qui devrait nous échapper si le design était réussi… Regardez les objets qui vous entourent sans a priori et demandez-vous sincèrement lesquels répondraient aux exigences de Frutiger : vous pourriez bien changer d’avis sur ce qu’on appelle le design…

Tant que vous y êtes, écoutez aussi ces objets et voyez le son qu’ils rendent, car il y a de la musique à faire avec ces derniers. Si je vous en parle, c’est parce que ce soir, Arte diffusera Soundhunters à 23 h 15, un reportage de 52 mn sur ces artistes qui vont capturer les sons du quotidien avec leur magnétophone pour les ramener en terre musicale. A ne certainement pas manquer !

Pour patienter jusqu’à cette heure, je vous propose enfin d’aller jeter un oeil aux trois bancs d’essai de la semaine et qui, après le Reface DX de la semaine dernière, s’intéressent aux autres petits claviers de la série Yamaha : le piano électromécanique CP, le synthé CS et l’orgue YC.

Sur ce, bon week et à la semaine prochaine.

Los Teignos
From Ze AudioTeam

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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?

 

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Oui j'imagine bien que c'est un débat vieux comme le monde et évidemment, mes propos traduisent mon point de vue, sachant que je suis autant attaché à défendre l'essence du design que celle de l'art.

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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?

 

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Qui disait au tout début du XXème siècle qu'on ne pouvait plus sortir dans la rue sans rencontrer un artiste ?
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tu as un background dans le domaine ou tu connais Frutiger par culture générale?
Merci en tout cas pour cet édito, toujours aussi couillu que pertinent! :)
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Il y a les " designers" qui font des variations d'après les créations du Bauhaus en se prenant pour des artistes, de même qu'il y a les artistes qui font des variations sur le travail de Duchamp en se prenant pour des créateurs; Et il y a , de temps en temps, des designers qui sont des artistes, et des artistes qui sont des créateurs.
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Citation :
Relisez ses propos : Frutiger n'exclut pas la beauté au contraire, il exclut le remarquable qui, selon moi, survient quand le designer se prend pour un artiste, alors que l'art et le design sont des choses qui n'ont rien à voir

Ces propos se discutent.

Le premier travail d'un designer, c'est (contrairement à l'image que beaucoup ont de ce métier) la fonction. La forme doit être au service de la fonction. Dans ce sens, si l'esthétique prime sur la fonction, alors le travail est raté.
L'esthétique doit découler directement de la fonction.

Maintenant, cette esthétique peut être remarquable. Pourquoi devrait-on être entouré de choses quelconques ? Il y a dans l'histoire du design trop de produits qui ont une esthétique remarquable, mais dont la fonction pâtit. Mais il y a (heureusement) beaucoup de produits dont l'esthétique était remarquable quand ils sont sortis et dont la fonction est parfaitement remplie.

Ce qui il y a, c'est que ces objets qui atteignent ainsi une sorte de perfection deviennent vite des objets banals, car sauf s'il sont vendus hors de prix, ils sont énormément diffusés et souvent copiés.

Le designer est-il un artiste ? Théoriquement non puisqu'il est d'abord un technicien. Mais un artiste ne doit-il pas être un technicien de son art ? Comme dit Brassens :
"elle avait le don, j'en conviens, l'avait l'génie
mais sans technique un don n'est rien qu'une salle manie
"
Combien connaît-on de musiciens ou de peintres qui, sous prétexté que la Création n'a pas besoin de technique, ne travaillent pas celle-ci. On connait le résultat.
Pour moi, l'artiste doit aussi être un technicien.

Ah, oui, le design est utilitaire, tandis l'art ne l'est pas : il doit être "gratuit", c'est à dire que dans l'idéal, il ne doit être produit que pour lui-même, pour l'Expression de l'Artiste, sans but prédéterminé.
Vraiment ?
Emouvoir, faire s'interroger, ouvrir l'esprit, bousculer... ou même ta définition (qui me semble très restrictive) "dire des choses pour éclairer l'homme"... ça ne sont pas des buts ?

Une oeuvre d'art qui ne ferait rien de tout ça, qui laisserait tout le monde froid ne serait justement pas une oeuvre d'art.

Il est cependant vrai qu'au moment de la création, l'artiste n'a pas (ou n'est pas sensé) avoir ce genre d'objectifs en tête, ceux-ci n'étant qu'une conséquence (contingente ?) de sa création. En théorie, l'artiste laisse l'oeuvre jaillir de lui même (il éjacule l'oeuvre) et c'est ensuite le public qui décide de la recevoir ou pas.

Est-ce toujours vrai ? C'est à chaque artiste de l'affirmer pour son propre travail. En ce qui me concerne, j'affirme que ce n'est pas le cas lorsque je fais de la musique. Si je commence par créer sans but prédéfini, il y a bien un moment où j'essaye de basculer dans le rôle de l'auditeur pour prendre du recul sur mon travail... et l’amender si ça me semble nécessaire. Est-ce qu'en agissant ainsi, je sors de l'onanisme ou est-ce je tombe dans l'utilitarisme ?
Lorsqu'il écrit un livre, l'écrivain le fait-il toujours uniquement pour lui même ou pense t-il un peu au lecteur ? La plupart des écrivains affirmeront qu'il n'ont écrit que pour eux-même, mais même si c'est vrai, derrière, il y a un éditeur. Et l'éditeur influe sur l'oeuvre. Le résultat est souvent la collaboration des deux. Comment peut-on savoir quel livre est le pur produit de son auteur, sans aucune intervention de l'éditeur et quel livre a été modifié de telle ou telle façon par l'auteur sur la recommandation ou à la demande de l'éditeur ? A part quand les auteurs le disent clairement (certains rares le font et manifestent même de la reconnaissance à leur éditeur), il n'y a guère moyen de le savoir. Or, on peut légitimement penser que l'éditeur fait remanier une oeuvre en pensant au lecteur.

Je vois le designer industriel plus comme un artisan d'art que comme un artiste. Tout comme le designer, l'artisan d'art utilise des techniques pour produire des choses qui ont une fonction.
Mais là aussi, j'ai toujours été très mal à l'aise sur la distinction (qui implique d'ailleurs souvent une sorte de hiérarchie) entre artisan d'art et artiste. Je connais des gens qui font des vases, des tasses, des vêtements ou des bijoux qui sont bien plus artistes que bien des musiciens, peintres, plasticiens ou danseurs.

Là où on se rejoint, clairement, c'est que le design est raté quand l'aspect remarquable ou l'esthétique de l'objet prend le pas sur la fonction. Tu parles de la FreeBox, mais on peut aussi parler de la PlayStation qui, avec son joli capot arrondit, ne permet pas de mettre quoi que ce soit dessus. On peut se dire que le meilleur design pour une console serait un parallélépipède rectangle, comme une plastine CD ou un ampli audio. En même temps, qui aurait vraiment envie d'une PlayStation ressemblant à un ampli audio ?

Car il reste une question : pour un objet qu'on a quotidiennement sous les yeux, l'esthétique n'est-elle pas après tout aussi importante que la fonctionnalité ?
Voici un des meilleurs presse-agrumes que j'ai jamais utilisé :
thumbr

Efficace, facile à nettoyer, juste un peu encombrant. Personnellement, j'en utilise trop peu souvent pour avoir autre chose que le simple truc de base en verre, mais si je devais me presser des oranges tous les matins et avoir le truc sorti en permanence sur le plan de travail, je pense que je préférerais le modèle de Stark, fut-il un peu moins pratique.

Ça, c'est au choix de chacun, mais j'avoue que je suis souvent frappé par la triste banalité de beaucoup de logements, banalité qui confine trop souvent à la laideur, comme si vivre entouré de beau n'avait pas d'importance.
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C'est un débat pas si éloigné que cela de la musique, car, en matière de guitare, par exemple, certains cultivent le design avec l'histoire d'une marque, avec l'intention de vendre. Du design fonctionnel au design subversif, la musique comme forme de design, n'est pas en reste.
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Tout à fait : cela fait partie de la "dérive" commerciale du design : créer une identité de marque et faire vendre. En même temps, tant que nous serons dans un monde industriel et capitalisme, presque toutes les activités souffriront de cette "dérive" commerciale, y compris les arts.
Pour le design, je mets "dérive" entre guillemets parce que ça fait fondamentalement partie du métier qui est associé à la production industrielle. Si un jour on sort de la production industrielle pour en revenir à un certain artisanat ou des micro-production comme le développement et l'avenir de l'impression 3D peuvent laisser le présager, qu'en sera t-il du design ? Il n'y a pas de raison qu'il en meure comme activité, mais peut-être comme profession.
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Encore une fois, Will, c'est ton avis et celui de 50% des designers, les autres 50% prétendrons le contraire. From Follows fonction, c'est une formule de mies van der rhoe dans les années 20, au début de la production en série, entre deux guerre, contexte différent, c'est aussi une devise de son pote l'architecte designer Le Corubusier, qui a appliqué ça a la lettre, et qui a inventé le HLM... quand on en est arrivé là, certains designer comme stark on dit Fuck that, il le fallai, mais biensur ils ont été trop loin, c'est pour ca qu'on revien a form follows function...

Très personnellement Je suis d'accord avec le concept de la forme qui suit la fonction, mais il faut juste redéfinir la fonction au sens large: dans un monde standardisé, on a besoin de poésie, de moments ludiques, de se remettre en question,... toutes ces aspect peuvent apportés par les objets du quotidien, et donc faire partie de la fonction d'un objet, comme un presse citron

Et la il y a un lien avec le monde de l'audio: pourquoi la strat replica 62 se vend mieux que la yamaha ultramoderne? pourquoi les plugins qui ressemble a des vieux hardwares sont plus répendu que des interfaces flat design? car l'une des fonctions de l'instrument de musique, c'est de procurer au musicien des émotions, et ca parle plus à l'émotionel quand on joue sur la meme strat que hendrix, ou qu'on tripote l'équivalent du matos d'abbey road, on s'évade, on reve, on en a besoin, c'est une fonction

[ Dernière édition du message le 19/09/2015 à 12:49:55 ]

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Je suis tout à fait d'accord avec toi. C'est d'ailleurs ce que je dis à la fin de mon post. On a besoin de beau et si parfois le beau doit sacrifier un peu à la fonctionnalité de certains objets, ça peut se justifier.

Mais ça n'est pas une règle générale non plus. D'un aspirateur qui dormira la plupart du temps dans un placard (vraiment beaucoup chez moi), je m'en tape qu'il soit beau. Je déteste l'aspect très quelconque de la machine à pain qui trône (par force) sur le plan de travail de ma cuisine. Mais elle est performante et je n'ai pas croisé de machine à pain dont l'esthétique justifierait l'investissement. Reste la ressource de la personnalisation. Mais pour ça, il faut du talent que je n'ai pas.

Pour reprendre l'exemple de Los Teignos, une typo qui soit remarquable et pas lisible, c'est assez douteux (voir la page lol des innombrables logos de groupe de metal où le nom du groupe est illisible).
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en tout cas c'est ça qui me plait dans le design: l'absence de définition précise de mot, dès lors chaque designer conçoit sa définition et se l’approprie, et le design est redéfini continuellement, et donc, par l'absence de définition, starck est autant un designer avec son presse citron, que Fruitiger avec sa Univers :) C'est pas cool ça?