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Editorial du 30 janvier 2016 : commentaires

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Sujet de la discussion Editorial du 30 janvier 2016 : commentaires

C’est la première fois que cela se produit dans l’histoire de l’industrie du disque : en 2015, les Américains ont acheté plus de vieux albums que de nouveautés (les nouveautés étant des albums des 18 derniers mois), ce qui n’est pas très engageant pour l’avenir. Ce n’est peut-être là qu’une poussée de nostalgie soudaine, ou un manque d’enthousiasme anecdotique pour la production discographique annuelle, mais c’est peut-être aussi l’amorce d’une pente qui laisserait à penser que le meilleur de la musique est derrière nous. Ou alors, ce sont les effets pervers d’un art devenu produit et d’un artiste devenu combustible de la machine.

On songe d’abord aux phénomènes de mode et de revival qui font qu’après avoir soupé du rock garage sous perfusion 70’s, on écoute aujourd’hui des ersatz de ce qu’on produisait dans les années 80, avant d’écouter bientôt des resucées de ce qu’on faisait dans les années 90 : finalement, au lieu d’écouter Jack White et Lescop, autant aller écouter Led Zep et Étienne Daho, non ?

Mais on songe aussi au fait que la succession des droits d’auteurs et d’édition ne cessent de s’allonger dans le temps, de sorte qu’il est souvent plus rentable de faire son beurre sur l’oeuvre d’artistes décédés (une bonne vieille intégrale en coffret ou un disque de reprises en hommage, c’est simple à faire comme à vendre avec la promo qui va bien), ou de capitaliser sur des valeurs sûres : à quoi bon pousser un petit nouveau dans la lumière et risquer de perdre de l’argent lorsqu’on peut rééditer l’édition 25e anniversaire d’un disque qui a fait un carton, ou en remastérisant l’intégrale d’untel ou d’untel ?

A l’heure où l’Occident vit un présent inquiétant à plus d’un titre, on se demande enfin s’il n’y a pas dans la musique du passé quelque chose de bien plus rassurant que l’avenir qui se dessine, la BO d'un perdu où l'on pourrait se recroqueviller. Une musique qui ferait revivre cette époque bénie où l’essence et la consommation n’étaient pas coupables, où le terrorisme était un mot teinté d’exotisme, où l’on ne parlait ni de crise ni de dette et où nos élites semblaient tenir des discours plus clairs sur le cap à suivre pour naviguer entre les récifs.

A l’image de ces ventes de disque, l’édition 2016 du Winter NAMM semble elle-même en partie tournée vers le passé. Certes, il y a eu quantité de nouveaux produits annoncés, mais combien étaient vraiment nouveaux en définitive ? Combien parmi les centaines proposés portent vraiment la promesse d’une musique différente ?

Je vous rassure, il y a encore des gens pour innover, et il est presque de notre devoir, du coup, à nous musiciens, de les soutenir et de s’y intéresser si nous voulons éviter que la musique de demain ne soit que l’ombre de la musique d’hier. Et c’est bien pour cela que je vous demande de réserver un bon accueil au Seaboard Rise de Roli qui s’annonce comme une bouffée d’air frais dans le monde des claviers : parce qu’on peut jouer là-dessus une musique qu’on ne peut jouer avec aucun autre instrument. Une musique qu’on pourra enregistrer, d’ailleurs, avec le kit de micros Bottle Rocket Mic Locker de Blue : une vraie solution tout terrain dans le domaine des statiques. Au boulot donc !

Sur ce, bon week et à la semaine prochaine.

Los Teignos
From Ze AudioTeam

PS : Merci à Will Zégal pour avoir l’info sur les ventes de disques américaines.

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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?

 

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41
Citation :
Ce qui a banalisé l'oeuvre en général c'est d'abord internet (diffusion de masse, surabondance d'informations...). Et puis c'est surtout le piratage qui ôte á l'oeuvre son caractère rare et original...


Pour moi, ça a démarré bien avant : à partir du moment où l'on a fait descendre les disques dans les supermarchés au lieu de les laisser chez les disquaires. Rien qu'un magasin comme la FNAC, ça consacrait déjà l'ère de l'oeuvre banalisée, produit parmi tant d'autres dans des linéaires, avec le marketing qui va avec : l'année de sa sortie, un disque s'achetait 100 francs. Un an après, on pouvait l'avoir, le même, pour 60 francs, et ce cycle de dévalorisation s'est accéléré avec le temps. Ensuite, on a permis aux disques de faire des pubs à la télé comme de vulgaire barres chocolatées, etc.

Et pendant ce temps là, le phénomène Home Studio a grandi, faisant de tout un chacun un musicien pro potentiel. L'augmentation du nombre d'artiste dans notre société ne suit d'ailleurs aucune courbe démographique, il explose littéralement entre 70 et 2000 parce que l'artiste devient non plus un statut ou un rôle à part, mais bien un modèle social qu'on montre en exemple, et un métier qu'on fait en espérant en vivre, comme un choix d'orientation professionnelle. Le nombre de sociétaires à la SACEM a explosé au point que c'en est ridicule et que la plupart de ces gens perçoivent moins de 10 balles par an. Ce qui est d'ailleurs ridicule sur ce point, ce n'est pas qu'il y ait de plus en plus d'artistes, mais c'est que tout le monde veuille en vivre, comme si les choses allaient forcément de paire. Alors voilà, il sort des centaines de milliers de disques là où, auparavant, il n'en sortait qu'un millier. L'art est devenu produit de masse, fabriqué en masse, non plus par une élite, mais par une masse qui observe des procédé insudtriel. De fait, artiste est un 'métier' plus courant que sage femme et on a 5 fois plus de musiciens pro en France que d'obstétriciens : c'est dingo, non ? Du coup, être artiste, c'est banal. Et l'oeuvre est banale, contrairement au status qu'elle avait autrefois.

Et tout cela, c'était bien avant Internet et le problème du piratage qui ne sont pour moi que des catalyseurs de ce qu'on a fait de la musique depuis sa massive industrialisation dans les années 50. D'ailleurs, j'ai toujours vu ce dernier non comme une catastrophe arrivée de nulle part, mais comme la conséquence prévisible de la mercantilisation à outrance de la musique, un peu comme le Creutzfeldt-Jakob qui nous est tombé dessus après avoir, des décennies durant, donné de la vache à manger à la vache...

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[ Dernière édition du message le 30/01/2016 à 20:10:07 ]

42
Citation de Camping :
Citation :
Je précise : je ne dis pas que les années 80 c'était que de la merde, hein.

Ayant le privilège (certains diront l'excuse) de l'age,je dirais: si!


Excuse-moi, mais ça dépend... T'as quel age, au juste, Camping Gazzz? Parce qu'ayant vécu la musique des 80's du haut de mes 17 à 27 ans (né en 1963), je conserve de cette époque de très nombreux titres qui continuent à me filer des frissons (liés à divers épisodes personnels de cette décennie, ok, mais n'est-ce pas le cas de tout un chacun?), et une cédéthèque abondante dans laquelle je puise avec une certaine nostalgie, ou pas c'est selon.

Alors c'est vrai que dans mes potes du même age il y avait des rebelles qui n'ont jamais supporté que le punk n'ait été finalement que récupéré pour être une mode datée, d'autres qui ne juraient que par nombre de galettes obscures qu'on baptisait "import" pour enjoliver le terme de "pirate" et prétendre ainsi toucher au Graal que "seuls les vrais y ont accès", mais les 80's me font penser à un monumental feu d'artifice musical giclant de partout, où tout un chacun devait forcément trouver chaussure à son pied et de quoi combler ses attentes personnelles.
43
Citation de Los :
Pour moi, ça a démarré bien avant : à partir du moment où l'on a fait descendre les disques dans les supermarchés au lieu de les laisser chez les disquaires. Rien qu'un magasin comme la FNAC, ça consacrait déjà l'ère de l'oeuvre banalisée, produit parmi tant d'autres dans des linéaires


Mouais... m'enfin je me souviens qu'en tant qu'étudiant tourangeau en 1981, je regardais au fond de mon porte-monnaie pour savoir si, une fois payés ma piaule, les frais de resto-U, de carte d'accès au bus, une ou deux leçons de conduite par-ci par-là et un cinoche par mois, je pouvais ou pas me payer le 33T "Mystical Adventure" de Jean-Luc Ponty... et puis non, j'ai attendu deux mois de plus avant de pouvoir sortir les biffetons et écouter ce truc pas vraiment mainstream.

Le disquaire, il me voyait arriver avec dans les yeux le mépris que peut avoir aujourd'hui le banquier qui reçoit un bénéficiaire de la CMU... Quand la FNAC a multiplié par 5 ses rayonnages de vinyls, ça a été direct open-bar, et je les en remercie encore plus de trente ans après.
44
Citation :
T'as quel age, au juste, Camping Gazzz?


Top secret!
Ykar,je suis plus vieux que toi,alors respect :mdr:
Il est vrai que j'ai commencé tôt,j'avais 11 ans.

La main gauche,c'est ce que l'on a appris,la main droite ce que l'on est (Jorma Kaukonen)

N'ayez pas peur des fausses notes...elles n'existent pas (Miles Davis)

45
Citation :
Ykar,je suis plus vieux que toi,alors respect :mdr:

Reçu 5/5, grand-père :ptdr:
46
Citation :
Le disquaire, il me voyait arriver avec dans les yeux le mépris que peut avoir aujourd'hui le banquier qui reçoit un bénéficiaire de la CMU... Quand la FNAC a multiplié par 5 ses rayonnages de vinyls, ça a été direct open-bar, et je les en remercie encore plus de trente ans après.


Mauvais disquaire j'imagine. Après, étant de la génération FNAC moi-même, je ne me vois pas leur dire merci pour avoir bousillé gentiment les petits commerces culturels comme Carrefour l'a fait avec le commerce de proximité. Et quand ils se font bousiller à leur tour par le méchant Amazon, je pense qu'on peut parler de juste retour des choses. Un supermarché bouffe l'autre. Surtout vu ce qu'est devenu la FNAC : un endroit où justement, il n'y a que de la tête de gondole. Tout ce qui n'est pas chroniqué dans Telerama ou les Inrocks, il faut le commander. Du coup, les petits libraires spécialisés redeviennent pertinents, parce qu'ils offrent un truc que la FNAC ne propose plus depuis des lustres : ils connaissent leur métier et font des choix dans la production culturelle qu'ils ont envie de défendre.

En tout cas, je me souviens des journées promos chez la Fnac, tous les albums à prix cassés à 6 euros, les 4 pour 20 balles (ça devait être des francs à l'époque). Et je me gavais comme plus tard on se gaverait sur Napster, avec le même comportement boulimique qu'on observe chez les pirates ou chez les mômes qui s'enquillent 5 films de merde à la fête du cinéma (sordide ça aussi), ambiance Carpaccio à volonté au bistrot romain : je me souviens d'avoir acheté 4 disques au lieu d'un autre que j'étais venu acheter juste pour avoir droit au rabais 4 pour vingt balles, et d'en avoir laissé certains sous blister pour les vendre, quelques années plus tard, dans une brocante : de la surconsommation pure et dure, sous l'alibi de la démocratisation de la culture (parce que démocratiser la culture, c'est un peu plus compliqué que de la rendre accessible aux petits budgets. Proposer James Joyce en Librio ou un disque de Bartok à 6 euros n'a rien d'une démocratisation : c'est juste un business qui tente de faire croire aux gens que de posséder un livre ou un disque, c'est le comprendre).

Je trouve donc vraiment pour ma part qu'il y a un rapport entre ce commerce agressif et le téléchargement illégal : on rend complètement floue la valeur de l'oeuvre. Quand une chose passe de 20 balles à 6 balles en 6 mois, c'est qu'elle n'a que peu de valeur. Et ce qui a peu de valeur risque souvent de n'en avoir plus du tout. C'est en ça que les supermarché culturels sont liés à mon sens au piratage : ils ont été les premiers à vendre des livres et des disques comme des chaussettes. On n'en voudra pas trop aux gamins d'avoir retenu la leçon...

La FNAC n'a jamais été l'agitateur culturelle que son slogan décrit ou alors c'était à un temps que les moins de 60 ans ne peuvent pas connaître. Elle a été l'instrument de vente massive d'une industrie engagée sur la voix de la surproduction. Le piratage là-dedans, c'est donc juste la crise de 29 qui pendait au nez de tout ce petit monde.

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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?

 

[ Dernière édition du message le 30/01/2016 à 22:15:09 ]

47
Bonsoir,

Edito excellent, comme d'hab'

Pourquoi ce retour vers le passé ?
Pour la créativité et l'inventivité dont les "Papys" avaient su faire preuve, eux.
Combien d'artistes de la génération actuelle nous interpellent vraiment, maintenant ?

Un gars comme Bonamassa, certes, ou un groupe prometteur comme "The Rival Songs", qu'on a pu découvrir lors de la tournée 2015 de Lenny Krawitz. Mais à part eux, j'ai du mal à trouver.

Doit-être trop vieux pour apprécier "la nouvelle vague" !!! :(((

[ Dernière édition du message le 31/01/2016 à 00:00:26 ]

48
Citation :
Pour la créativité et l'inventivité dont les "Papys" avaient su faire preuve, eux.


C'est surtout que les époques sont pas les mêmes... Dans les 60's, musicalement tout était à faire, quand on part de 0 c'est plus facile de construire quelque chose, en somme.
49
Citation :
Mauvais disquaire j'imagine.

Ou fatigué de voir régulièrement revenir un étudiant brasser ses bacs à 33T (animé par l'envie, donc) et repartir 9 fois sur 10 sans rien avoir pu acheter (stoppé par le manque d'argent, donc).

Maintenant, que la FNAC ait muté pour entrer dans la description peu reluisante que tu en fais, on est d'accord, mais aujourd'hui je la remercie de m'avoir donné voilà 30 ans un choix qui, par son élargissement, a fait chuter les prix de ce que je convoitais. Après, sur l'exagération dans le mauvais sens, il me semble qu'on se rejoint.

[ Dernière édition du message le 31/01/2016 à 09:21:06 ]

50
Ceci dit la fnac de 2015 n'a que peu de rapports, hormis son nom et son logo, avec celle des 80's (enfin je dis ça je l'ai pas connue). D'une entreprise ouvertement revendicatrice, c'est passé à une entreprise ouvertement là pour se faire du pognon en minimisant ses couts, cad une totale économie de marché sans aucun scrupule.