Editorial du 28 mai 2016 : commentaires

Pour mettre tout le monde d'accord, je vais vous dire ce qui se passe quand on fait "simplement" grève : RIEN !

Je travaille dans une entreprise qui fait entre 5% et 10% de bénéfices nets par an (ça existe encore et c'est une entreprise française !).

Lors des négociations salariales, nous avons demandé une augmentation de 1%. Réponse de la Direction : c'est une proposition tout à fait raisonnable. Nous proposons 0%. Deux réunions plus tard, les avancées étaient significatives, puisque notre Direction proposait... 0% d'augmentation.

Les délégués ont alors fait une réunion du personnel. Ceux qui y sont venus ont décidé de faire un mouvement de grève pour soutenir les délégués dans les négociations. Nous sommes des gens pacifiques et raisonnables. Quand nous faisons grève, nous nous mettons gentiment sur le parking, sans huer ceux qui vont bosser quand même, sans essayer d'aller les chercher par la peau du cou non plus. Chacun est libre d'agir selon sa conscience. Résultat : la direction, qui n'avait que 15% de grévistes a campé sur ses propositions précédentes et nous aurons au final 0% d'augmentation alors que nous faisions un peu plus de 6% de bénéfices net cette année.

Pour en finir avec cette réponse, je ferais un simple parallèle entre ce qui s'est passé dans mon entreprise et ce qui s'est passé dans la rue. Il ne faut pas croire que les gens qui manifestent ne représentent qu'eux-mêmes. Qui pourrait croire que 85% des personnes travaillant dans une entreprise n'aient pas envie d'avoir une augmentation de salaire qui rétribue justement leurs efforts. Pensez-vous qu'ils n'étaient pas révoltés de l'attitude de la direction ? Si, bien sûr ! Mais ils sont désabusés, démoralisés. Rien ne changera rien. Les forts seront toujours plus forts, et eux, toujours un peu plus écrasés. Ils ne sortent plus pour défendre les injustices du quotidiens. Ils ne sortent à fortiori pas non plus pour lutter contre des lois, même s'ils en perçoivent la nocivité.

Alors, un jour sans doute, il y aura un mouvement populaire violent. Mais l'histoire nous dit ce qui se passe quand c'est le peuple qui veut faire la révolution : les révoltes populaires, les jacqueries, la Commune, les mouvements miniers ont toujours été réprimés avec violence. Les meneurs qui avaient survécus ont étés exécutés, mis en prison ou envoyés au bagne. Les révolutions qui réussissent sont toujours menées par une classe moyenne qui veut prendre la place de la classe dirigeante. Robespierre, Danton, Marat, Desmoulins étaient des bourgeois.

Pour en revenir à ceux qui prennent la "France en otage". Ils ont un moyen de pression fort, ils l'utilisent et je les en remercie. En échange, ils récoltent des crachats et le mépris de ceux-là même qu'ils tentent de défendre (en tout cas ceux qu'on nous fait entendre).

Nul n'est prophète en son pays.