Editorial du 1 mars 2025 : commentaires
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Red Led

Cette année, on souffle les 150 bougies de Maurice Ravel, ce dandy taiseux au regard acéré qui, entre deux ajustements de col de chemise, nous a laissé un petit tube pas piqué des hannetons : Boléro. Une mélodie obstinée, des percussions obsessionnelles, une progression implacable… Tiens donc, ça ne vous rappelle rien ? Si Ravel se relevait aujourd'hui, on le verrait peut-être en train de remixer son chef-d'œuvre sur Ableton, ajustant un filtre passe-bas avec la précision d'un horloger suisse. Car si le Boléro est répertorié en classique, c'est avant tout une expérience sonore, une pièce qui repose plus sur la texture et la dynamique que sur l'harmonie ou la mélodie. Bref, une esthétique qui a largement inspiré les musiques électroniques et le minimalisme d'aujourd'hui.
Petit retour en arrière. En 1928, Ravel conçoit son Boléro presque comme un pari : une seule phrase musicale, répétée 17 fois sur un ostinato rythmique invariable. Là où d'autres auraient varié les harmonies, complexifié la structure, ajouté un joli pont en modulation, Ravel reste droit dans ses bottes : l’idée n'est pas d'évoluer harmoniquement mais de faire grimper la tension par la seule orchestration et le volume sonore. C'est un morceau qui avance par accumulation progressive, un build-up avant l'heure, une extase sonore où la destination importe moins que le voyage. En clair, Ravel a écrit le premier « drop » de l’histoire de la musique.
Pas étonnant alors que l'on retrouve dans Boléro ce qui fait l'essence des musiques répétitives modernes. Les montées progressives de la techno berlinoise, qui superposent lentement des couches sonores pour faire grimper la tension ? Ravel l'avait expérimenté en grand orchestre. Le rock progressif et ses développements instrumentaux interminables ? Keith Emerson (du trio Emerson, Lake & Palmer) s'en est inspiré pour composer son Abaddon's Bolero, un pastiche rock-psychédélique où les couches d'instruments s'empilent de manière ravelienne. Même Frank Zappa n'a pas pu s'empêcher de reprendre le Boléro sur scène, en y ajoutant sa patte iconoclaste et quelques joyeuses dissonances, au grand dam des ayants droit du compositeur.
Alors, Ravel, ancêtre de la techno ? S'il avait été à la place d'un Jeff Mills ou d'un Laurent Garnier, il aurait sans doute troqué son pupitre pour une boîte à rythmes et un synthé. Car au fond, son Boléro repose sur une idée simple : l'hypnose par la répétition et la montée progressive des textures. Et ça, que l'on soit en 1928 ou en 2025, c'est une mécanique qui captive toujours. Comme quoi, les bonnes idées n'ont pas d'âge. Ni de BPM.
En parlant de répétition et d'innovation, Audiofanzine ne chôme pas non plus cette semaine avec du contenu bien frais :
En tests écrits :
Test de la pédale Walrus Audio M1 High Fidelity Modulation Machine MkII
Test de l'interface i73Pro2 d'Heritage Audio
Guide d'achat des alimentations pour pédales d'effets
Et côté vidéos :
177e matinale d'Audiofanzine : La famille Torpedo des Français de Two Notes s’agrandit
Rencontre avec un beatmaker rempli de certifications
Sur ce, bon week et à la semaine prochaine.
Red Led From Ze AudioTeam

lebubar

Comme il a été dit maintes fois dans les précédents commentaires, c’était une commande et j’ajouterai même la petite histoire suivante : lors de la création du Boléro à Paris, au bout d’une dizaine de minutes, une femme dans la public s’est levée et a crié “au fou !” avant de quitter la salle. Ravel, qui était présent, s’est tourné vers son voisin et lui a dit : “enfin une qui a compris”.

C’est intéressant, comme sujet, mais je suis quand même assez persuadé que Ravel, comme bien d’autres de ses contemporains, serait assez terrorisé par l’étroitesse harmonique ambiante et qu’un Stravinsky s’ennuierait royalement avec un séquenceur même très sophistiqué (amusez vous à compter le nombre de changements de signature rythmique dans un seul mouvement du “Sacre du Printemps” pour ne citer que celui-là).
Je pense que je ne m’attirerai les foudres de personne en affirmant que Ravel fut l’un des orchestrateurs les plus impressionnants de l’histoire de la musique, classique ou pas.
En ce sens, on peut dire qu’il aimait “le son”. Il était un maître absolu du mariage des instruments, du relais de l’un à l’autre…savoir comment donner ses trois dimensions à l’orchestre et toujours générer une émotion précise ; mais il faisait ça à une époque où le son était avant tout lié à l’écriture et pas à un choix de presets ou à la rotation d’un filtre passe-bas.
L’un des travaux qui lui a pris le plus de temps fut l’écriture de la deuxième partie du concerto en sol, je crois. Il a passé des mois entiers à peaufiner un arpège de piano tout simple à l’écoute, mais juste sublime de justesse, de poésie, de finesse.
Je ne dis pas que la musique electro ou techno n’a pas de finesses dans les coins, mais bon…
Le thème du boléro est déjà mille fois plus riche et plus développé que l’intégralité de ce que l’on écoute en club (il y a un A et un B, déjà ; c’est une lettre de trop

Alors oui je préfère ses œuvres pour quatuor, ses concertos et ses mélodies, mais le Boléro est intéressant et a marqué les consciences pour des raisons valables assez éloignées pour moi de la techno ou de l’électro.
De ce que j’en sais, il se retournerait huit mille fois dans sa tombe d’apprendre que ce boléro est ce qui le résume pour la majorité de la planète.
Mais on a toujours la possibilité de fouiller ; ce compositeur est infiniment plus grand que ça.
[ Dernière édition du message le 03/03/2025 à 09:02:59 ]

Coyote14

Pour le reste, c'est mon compositeur préféré avec Bach, il y a tant et tant de choses à (re)découvrir chez lui. Sans doute pour cela que j'ai choisi le Jardin Feerique pour accompagner le dernier voyage de mon papa l'été dernier:

Omer Dalors


pantoufles


5h4r0

Dans tous les cas, il est dommage de ne pas prendre le temps de sortir du hit parade d'un compositeur, bien dit certains commentaires. 🤘🏻

musiquepat2703


tertior

Je ne connais pas bien Ravel mais plus Beethoven et cette histoire que certain ne connaissent pas mais que je raconte pour ceux qui la connaisse est que , quand sa femme de chambre, Georgette voulût le quitter, Beethoven la suplia de rester, que c'était elle qui lui donnait son inspiration. Là Georgette éclata de rire...HahHA Ha ha.. et les premières notes de la 5éme symphonie étaient nées.



5h4r0

Bon, je ne commente jamais vos éditos mais tout de même . Faut il résumer Ravel au Boléro pour finir pour lire des commentaires niais type « Rave, Ravel. » L’analogie est tout de même extrêmement grossière quand on a un tant soit peu évalué l’intelligence du langage harmonique de cet homme. N’oubliez pas cette grande phrase de Duke : « le jazz est un art mineur face aux maîtres de la musique classique. » ou plus récent , Metheny qui déclare chez Rick Beato: à côté de Bach , on est tous des rigolos.
Cool Rick. 😃 Metheny...
Bach touche le firmament.
Peut-être pour illustrer, et désolé pour le hit parade, tellement le répertoire de Bach est vaste, cette pièce (d'ailleurs a priori de Bach, c'est dingue, un doute subsiste) parmi les plus célèbres, mais aussi les plus monumentales de l'histoire de la composition musicale.
https://youtu.be/oPmKRtWta4E
Et sur cet instrument, c'est peut-être plus puissant qu'à l'orgue. Très dynamique, permettant peut-être plus de nuances. Mettez le casque, fermez les yeux, vraiment. 9 minutes de pureté du langage.
C'est une cathédrale.
[ Dernière édition du message le 03/03/2025 à 19:03:36 ]

5h4r0

Le Boléro c'était déjà pas mal suffisant.

pantoufles

J'ai eu besoin de me rafraichir la mémoire, Bach est antérieur à Mozart, qui lui même est antérieur à Beethoven. Je ne connais pas aussi bien le classique, car c'est impossible d'explorer tout, il faudrait plusieurs vies. Un peu comme Chuck Berry qui a du influencer à un moment les Beatles, qui eux même ont influencés...Tout une génération suivante. Je viens d’écouter justement Ravel : le concerto en sol par l'Orchestre national de France, pour sortir du Boléro, c'est pas vilain, comme on dit, ça m'a fait penser à de la musique de film, mélange de doux et de plus brutal. C'est un peu comme le Genesis bien progressif des premiers albums, mais avec des instruments classiques. C'est un peu "torturé", si j'ose dire. A vouloir comparer toujours tout, je crois que j'ai un peu trop d'imagination, il me semble.
"J.S. Bach - Toccata and Fugue in D Minor BWV 565 // Amy Turk, Harp"
[ Dernière édition du message le 05/03/2025 à 12:32:45 ]
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