Heritage Audio, la marque espagnole spécialisée dans les recréations de préamplis micro, EQ et compressions "retro", a sorti l'année dernière sa première série d'interfaces : de quoi nous rendre curieux, car on se demande ce que la marque va pouvoir apporter qui fera la différence.

Heritage Audio i73PRO2 : Un design vintage avec des choix discutables
La i73PRO2 se présente sous la forme d’un petit élément de bureautique (desktop) avec un design assez frappant, non seulement par sa référence évidente à l’esthétique des produits Neve, et par son énorme encodeur gris à deux étages…
… mais aussi par l’inclusion de deux ouvertures sur la façade supérieure, qui ont pour but de laisser apparaître les capots de deux transformateurs d’entrée (et de laisser rentrer des liquides ?). La peinture verte « martelée » vous rappelle quelque chose ? Eh oui, ça ressemble à s’y méprendre à des transfos Marinair (mais ça n’en est pas, bien sûr…).
Donc, pour ceux qui se demanderaient encore… Non ce ne sont pas boutons. Et non, ça ne sert à rien de les laisser apparents : aucun transfo d’entrée ne chauffe suffisamment pour avoir besoin de ventilation.
- À gauche deux préamplis, avec leurs contrôles Pad, Phase et +48V, et leur réglage de gain (par sauts de 5 dB). Ils se terminent par un réglage d’output (nécessaire si l’on veut faire saturer le préampli sans saturer le convertisseur, ou la STAN, par exemple). La sélection de l’entrée (Mic, Line ou Inst) est notifiée par trois LEDs et se fait automatiquement à l’insertion dans la prise adéquate.
- À droite, la partie monitoring, avec le gros encodeur double (bouton intérieur pour le niveau de monitoring, bague externe pour le casque. Le tout surmonté de trois sélecteurs : Mute, Pad et Mono. L’encodeur est « clicable », mais cette fonction ne sert pour l’instant à rien. On s’attend à de futurs développements sur ce point.
- Dans la partie supérieure droite, un Vumètre à segments LED (5 segments), qui peut indiquer soit le niveau d’entrée soit le niveau de sortie, au choix (paramètre réglé depuis l’environnement logiciel)
Problème notable : malgré son inspiration vintage, la construction mécanique manque de robustesse : les sélecteurs et l’encodeur gigotent de droite à gauche, à cause d’une absence totale de fixation sur le châssis (ci-contre à droite). Quand on veut faire du Neve ou du Fairchild, encore faut-il s’en donner les moyens.
À l’avant, on trouve seulement une entrée instrument et une sortie casque, toutes deux sur jack 6,35 mm :
À l’arrière, on trouve les deux connecteurs combo XLR/jack 6,35mm (entrées 1 et 2), les deux sorties de monitoring sur jack 6,35 mm TRS, et à gauche, la prise USB-C pour la connexion à l’ordinateur, la prise de l’alimentation, un interrupteur marche/arrêt et une connectique MIDI. Ici, rien à dire : c’est bien construit, propre, aéré et clair.
Un logiciel simple, mais essentiel pour exploiter l’i73PRO2
La partie logicielle est très simple, d’une architecture similaire à l’interface (de gauche à droite) :
La section d’entrée avec : deux tranches d’entrée avec quatre « slots » pour insérer des plug-ins, deux réglages d’envois vers des bus auxiliaires (la couleur des potentiomètres virtuels est en référence au bus choisi), un réglage de panoramique, un SOLO et un MUTE, un fader avec son Vumètre, un nom d’entrée paramétrable, et un « lien » pour coupler les deux faders. On remarque au passage que les réglages de gain et de niveau de sortie ne sont pas repris ici : logique, il s’agit d’une technologie 100 % analogique embarquée dans l’appareil, donc non contrôlable depuis le logiciel.- La section de sortie avec : deux tranches auxiliaires, qui peuvent servir à ajouter des effets pour le monitoring, avec la possibilité d’y insérer des plugins — une tranche dédiée au loopback (boucle de renvoi du signal provenant de l’ordinateur dans le mix général, pratique pour enregistrer à la fois un programme issu de la STAN ou d’un logiciel dans l’ordinateur, et de le mixer avec une voix ou un instrument) — une tranche « master » (avec un bouton MUTE) et, dans la partie supérieure, les versions numériques des contrôles de monitoring déjà présents sur l’interface (MUTE, PHASE et +48V) et les deux encodeurs (sortie ligne et ampli casque). Dans cette dernière partie, on trouve deux éléments importants : un sélecteur pour contourner le réglage de niveau en sortie (pour l’utilisation d’un contrôleur externe), et qui amène donc l’interface a sortir le signal à plein volume, et un sélecteur pour coupler ou découpler le mix casque et le mix moniteur. Lorsque ces deux mix sont indépendants, il devient possible de passer de l’un à l’autre en utilisant les deux boutons situés dans la zone supérieure (MON/PHONES).
- À côté de ces deux boutons, on trouve un menu déroulant permettant d’accéder à divers réglages et paramètres : sauvegarde et rappelle des réglages, calibrage du niveau de sortie, assignation des boutons mute/phase/48V au mix monitor ou casque (seulement utile si les mix sont indépendants).
Nous n’avons rien trouvé à redire sur ce logiciel, en lui-même. Un bon point, qui est assez plaisant, c’est qu’au point de vue des entrées numériques, vous pouvez au sein de votre STAN, dédoubler une entrée en un canal « DRY » et un « WET » (lorsque vous utilisez des effets à la prise. C’est vraiment une très bonne idée.
En revanche, nous soulignerons cinq points négatifs qui concernent plus ou moins directement le logiciel :
- Nous avons rarement vu une interface pour laquelle le temps d’installation des drivers, des mises à jour, des plug-ins… était aussi long et laborieux. Deux exemples : impossible de télécharger les drivers sans avoir créé un compte et avoir enregistré son interface ; durant l’installation des drivers, des drivers anciens et maintenant obsolètes s’installent en premier, puis se désinstallent (avec une demande d’autorisation faite à l’utilisateur pour chaque installation/désinstallation), pour laisser la place aux nouveaux drivers… et cela, trois fois d’affilé ! Quand nous avons passé l’interface d’un testeur (moi) à l’autre (Los Teignos), il fallut contacter Heritage Audio pour qu’ils se chargent d’annuler le rattachement de l’interface au compte du premier pour pouvoir recommencer tout le processus d’installation sur le compte du second — impossible de réaliser cela de façon autonome.
- L’interface n’est pas utilisable sans le logiciel de contrôle, ne permettant donc pas d’usage indépendamment d’un ordinateur. Dommage lorsque la marque met en avant la qualité des préamplis.
Un bug, rapporté par les premiers utilisateurs, fait apparemment encore des siennes et force parfois l’utilisateur à fermer le i73 Mixer puis à le rouvrir. Très problématique en plein milieu d’une séance d’enregistrement. Il s’est manifesté, dans notre cas, lorsque nous changions la fréquence d’échantillonnage avec RTL Utility. Et puisqu’on parle de cela (voir point suivant)…- Il aurait été intéressant, dans le mixer, d’accéder aux paramètres de l’appareil, pour pouvoir régler la fréquence d’échantillonnage et le nombre d’échantillons directement dans le logiciel. Et cela d’autant plus que (voir point suivant)…
- L’interface fonctionne, à son premier allumage, à 192 kHz/256 échantillons, résolution à laquelle le DSP n’arrive pas à gérer plus de deux plug-ins à la fois, parfois même seulement un. Impossible donc, avec la résolution par défaut, d’enregistrer une source stéréo si l’on souhaite, par exemple utiliser le « Britstrip » sur les deux canaux… Il faut donc penser à bien régler la résolution avant chaque configuration des plug-ins utilisés, pour ne pas risquer de causer une surcharge de travail pour le DSP.
Des plug-ins vintage intégrés : un atout ou une contrainte ?
Et pour nous parler des plug-ins, je cède la parole à Los Teignos, qui s’est chargé de les tester pour nous :
Ce n’est pas une surprise, vu le concept de l’i73, les plug-ins proposés par Heritage font évidemment dans le Vintage : on y trouve une réverbe à plaque, deux amplis à lampe, un Echoplex, un simulateur d’ampli à bande, un compresseur, un EQ et une tranche de console. Que penser de tout cela ? Que cela sonne plutôt bien dans l’ensemble, même si on notera que, comme chez UA, l’émulation est souvent un peu trop faite au pied de la lettre sans proposer de fonctions modernes : on n’a pas droit à une compensation de gain automatique, par exemple, tandis que les interfaces ne sont pas redimensionnables. J’ai notamment beaucoup aimé la polyvalence de la tranche BRITSTIP et le rendu du compresseur Successor qui, outre sa compression typée Neve, propose un petit bouton Nuke façon Distressor pour écraser le signal comme il faut, ce qui est toujours intéressant en traitement parallèle. Si l’Echoplex et la réverbe à plaque sont sans histoire, j’ai été moins convaincu par la simulation de magnéto à bande les deux amplis Guitare et Basse proposés, une tête et un combo, car sur ces derniers, on a vite fait de tomber dans une distorsion agressive…
Côté DSP, vous pourrez mettre plus ou moins de ces plug-ins sur les deux entrées de l’interface, en fonction de leur consommation qui varie de l’un à l’autre, la bonne nouvelle étant que cela n’ajoute absolument aucune latence : le traitement à la prise est donc le bienvenu. Si l’on devait mettre un bémol toutefois, il concernerait la jeunesse du système dans son ensemble, car les bugs ne sont pas rares. Je n’ai pas eu de gros crash durant mes tests, mais un message d’erreur à l’installation de tel plug alors que tout marche correctement, le small amp dépourvu de basse lorsqu’on l’insère et qui récupère ce qui manque du spectre lorsqu’on le désactive/réactive sous Studio One, le HA15 qui, tout d’un coup refuse de se lancer et il faudra relancer la session pour qu’il fonctionne… Bref, s’il n’y a rien de bien terrible là-dedans, on sent clairement que, de l’installation jusqu’à l’usage, les plâtres sont encore frais sur la partie logicielle de cette Heritage et que le constructeur a encore un bon debug à faire comme à améliorer des points d’ergonomie. Il n’y a pas de raison de douter que cela sera fait… Voici pour finir quelques extraits audio réalisés avec les plug-ins fournis :

- H15BASSdry00:19
- H15BASShof00:19
- H15BASSh15200:19
- SAGUITARdry00:32
- SAGUITARsmallamp100:32
- SAGUITARsmallamp200:32
- SuccessorDRUMSdry00:21
- SuccessorDRUMSbusexcitement10000:21
- SuccessorDRUMSbusexcitement5000:21
- SuccessorDRUMSnuke10000:21
- SuccessorDRUMSnuke5000:21
- britstripsDRUMSdrumbus00:21
- britstripsDRUMSdarkdrumbus00:21
- britstripsDRUMSroomspunchy00:21
- mixdry00:51
- mixtape00:51
- Verb100:29
- Verb200:29
- echoplex00:43
Performances techniques : ce que vaut vraiment l’i73PRO2
Précisons-le d’abord, l’i73PRO2 travaille dans une résolution max de 32 bits/192 kHz. Un petit tour du côté de RTL Utility nous apprend que la latence réelle est la suivante :
Afin de tester l’interface, nous avons fait un benchmark avec notre fidèle APx515 d’Audio Precision. Comme d’habitude, nous publions les résultats obtenus en THD, THD+N, déviation des voies et IMD (sauf pour la sortie casque), puis la réponse en amplitude de chaque canal mesuré. Pour toutes les configurations, je règle le gain pour obtenir le meilleur résultat possible.
Plage dynamique : 101,37 dB (AES-17, pondération A)
1 — Commençons par les entrées ligne :
Déviation : ±0,85 dB (fréquence de référence : 1 kHz)
THD+N : –83 dB/THD : –90 dB (@ 1 kHz)
Distorsion d’intermodulation : –77,4 dB (type SMPTE, @ 1 kHz)
En amplitude, on mesure :
2 — Passons aux entrées micro :
Déviation : ±0,83 dB (fréquence de référence : 1 kHz)
THD+N : –77 dB/THD : –76 dB (@ 1 kHz)
Distorsion d’intermodulation : –68 dB (type SMPTE, @ 1 kHz)
En amplitude :
Gain max : 65,9 dB (entrée micro, @ 1kHz)
3 — Qu’en est-il de la sortie casque ?
Déviation : ±0,06 dB (fréquence de référence : 1 kHz)
THD+N : –80 dB/THD : –90 dB (@ 1 kHz)
En amplitude :
4 — Et pour finir, la sortie ligne :
Déviation : ±0,07 dB (fréquence de référence : 1 kHz)
THD+N : –75 dB/THD : –85 dB (@ 1 kHz)
En amplitude :
FAQ
1. L’i73PRO2 d’Heritage Audio est-elle une interface autonome ?
Non, elle nécessite son logiciel de contrôle pour fonctionner, ce qui peut être contraignant pour une utilisation sans ordinateur.
2. Quels sont les avantages des préamplis de l’i73PRO2 ?
Les préamplis intégrés offrent une coloration intéressante du signal, avec un rendu plus organique et une légère saturation analogique.
3. Les plug-ins intégrés sont-ils convaincants ?
Oui et non. Certains, comme le compresseur Successor, sont appréciés, mais d’autres, comme la simulation de bande, sont perfectibles.
4. Quels sont les principaux défauts de l’i73PRO2 ?
Une installation fastidieuse, des boutons mécaniques mal fixés, et une latence DSP qui limite l’utilisation des plug-ins en haute résolution.
5. Cette interface convient-elle aux débutants ?
Pas vraiment. Son utilisation est plus adaptée aux musiciens expérimentés cherchant des préamplis colorés et des effets intégrés.
Caractéristiques techniques
- Convertisseurs : 32 bits / 192 kHz
- Préamplis : 2 préamplis avec entrée transformateur et gain cranté
- Entrées : 2 XLR/jack combo, 1 instrument en façade
- Sorties : 2 sorties monitoring TRS, 1 sortie casque
- Logiciel : Mixeur intégré avec plug-ins DSP
- Effets DSP : EQ, compresseur, réverbe, simulation de bande
- Alimentation : Secteur via adaptateur fourni
- Connectique : USB-C, MIDI
- Dimensions : Format desktop compact