Ultra agressif avec sa 0404 en entrée de gamme, E-MU compte aussi faire son trou dans les secteurs plus professionnels. Pour ce faire, le pionnier du sampling a mis au point une formule détonante qui combine interface audio à DSP et sampler logiciel : l'Emulator X Studio.
Du point de vue matériel, l’Emulator X Studio rassemble la carte son PCI E-MU 1010 flanquée du rack de connexion 1820M (rackable via un accessoire vendu séparément). L’installation commence donc par l’ouverture du PC pour enficher la carte sur un slot PCI libre. Notez qu’une carte fille accompagne le tout : bien que n’occupant pas de port PCI (elle se connecte à la carte via une nappe fournie), cette dernière occupe un emplacement à l’arrière du PC. Il faudra prévoir…
La liaison entre le rack de connexion et la carte se fait pour sa part via un câble de type RJ-45 (le même que les câbles réseau classique). Notez enfin qu’à l’instar de certaines cartes vidéo, la carte principale doit être alimentée via un connecteur de type Molex (vous savez, ces connecteurs d’alimentation à l’intérieur de votre PC qui servent à alimenter les disques durs entre autres). Pour ce faire, une petite prise gigogne fournie permet de ne pas monopoliser un connecteur d’alimentation.
Signalons enfin qu’un certain nombre de logiciels sont fournis (hors Emulator X dont nous parlerons plus loin) : Cubasis VST (Séquenceur d’entrée de gamme) et Wavelab Light (éditeur d’échantillons) pour ce qui nous intéresse. Nous reviendrons plus tard sur leur cas.
Interfaces à foison…
Au vu de la connectique proposée par l’engin, on pourrait se demander si Emu, en concevant sa carte, ne visait pas le record du monde du nombre d’interfaces utilisables simultanément sur une carte son et son module. Cela va faire un peu catalogue de 800 pages mais c’est un mal nécessaire : je commence donc par la carte principale qui comporte deux connecteurs coaxiaux S/PDIF in et out, deux connecteurs ADAT in et out (compatible 192 Khz) commutable en S/PDIF coaxial et le connecteur pour le module externe. On notera aussi la présence d’un connecteur Firewire, toujours pratique en ces temps où l’interface d’Apple tend à remplacer l’USB sur nombre de prériphériques audio et vidéo.Avant de passer au module externe, évoquons le cas de la carte fille qui est dévolue aux synchronisations de toutes sortes : on y trouve des ports SMPTE in et out, des ports Wordclock in et out ainsi qu’une sortie MTC. Le module 1820M comporte quant à lui :
- 2 paires de prises MIDI IN et OUT.
- 8 sorties Ligne en jack 6,35mm.
- 6 entrées Ligne en jack 6,35mm.
- 2 entrées Ligne / Micro sur embases hybrides XLR/Jack avec potentiomètres de gain et alim fantôme 48V.
- 4 sorties haut-parleurs en jack 3,5 mm (dommage pour le format !) configurables en 7.1.
- 1 entrée Phono en RCA pour brancher une platine disque (pratique pour les DJs, la chose ravira également ceux qui ambitionnent de numériser leur collection de vinyles).
- 1 sortie casque en jack 6,35 mm avec son potentiomètre de volume.
- 1 autre sortie optique coaxiale.
Détail sympathique : la fréquence d’échantillonnage et la source de synchro en cours d’utilisation s’affichent sur le module. Comme on peut le voir, EMU n’a pas lésiné et a pensé à tout, le matériel paraît plutôt solide et le module est rackable ce qui ne gâche rien ! Mais c’est surtout au niveau de la qualité des composants utilisés que l’Emulator X Studio offre le plus de bonne surprises.
Si les connecteurs des deux entrées micro sont en effet des embases hybrides Jack/XLR signées Neutrik (un gage de qualité), on appréciera surtout le fait que les préamplis embarqués aient été conçus par TFpro : une référence quand on sait que cette société fut créée par Ted Fletcher himself, connu entre autres pour avoir fondé Joe Meek. De l’avis même des concepteurs, les préamplis de l’Emulator X Studio seraient très proches de ceux du P3 de la marque (voir notre interview de TFPro). Et c’est vrai qu’en pratique, il n’y a rien à redire de ce côté. Les préamps font leur job de façon irréprochable même si, comme vous vous en doutez, ils ne sauraient s’approcher des résultats obtenus avec préamplificateur dédié, à plus forte raison si vous êtes amateur du son lampe. Reste que dans cette gamme de prix, on n’en attendait pas tant.
On en attendait pas tant mais E-MU en remet une couche au niveau des convertisseurs Analogiques/Numériques ici présents, qui sont ni plus ni moins les mêmes que ceux que l’on trouve sur les interfaces ProTools HD 192 I/O de Digidesign. Bref, entre les 'preamps’ et les 'convertos’, la carte joue indéniablement dans la cour des grands. Ceci est d’autant plus vrai qu’à l’instar de systèmes professionnels, elle intègre son propre DSP et propose une puissante interface de routing sur lesquels il convient de dire un mot.
Possibilités de mixage et effets
Les drivers – qui s’installent facilement au demeurant – s’accompagnent ainsi d’une table de mixage virtuelle appelée « PatchMix ». Totalement configurable, cette dernière offre un routing customisable à souhait. Comprenez par là que vous pourrez créer de nombreuses pistes virtuelles pour mieux les rédiriger dans votre séquenceur ou vers les effets hardware du DSP.Un des relatifs points faibles de l’ensemble concerne d’ailleurs l’ergonomie de la partie Routing qui peut s’avérer plus que rébarbative : on regrette à ce sujet qu’E-MU n’ait pas opté pour une interface plus graphique utilisant des câbles virtuels, comme c’est le cas sur les plateformes Creamware ou même avec les drivers alternatifs KX pour SoundBlaster. Heureusement, de nombreux 'templates’ (routing pré-configurés) sont livrés prêts à l’emploi. En outre, E-MU a consenti de nombreux efforts pour simplifier la vie de l’utilisateur. Si au lancement de la carte, l’assignation d’effets DSP depuis un séquenceur VST passait par une simili-passerelle ReWire, les développeurs ont finalement sorti le plug-in VST PowerFX qui permet d’accéder aux traitements hardware de la carte de manière transparente. La chose marche au poil même si l’on pourra regretter le fait que les nombreux effets proposés partagent tous la même interface standard.
Les effets fournis sont à la fois variés et d’excellente facture : EQ paramétriques, compresseur, modulations, delay, reverb ou même simulateur de HP : tout y est, pour notre plus grand plaisir. Et rappelons-le : dans la mesure où ces traitements sont calculés par le DSP de la carte et non par le processeur de votre PC, ils sont utilisables avec une latence nulle. Inutile de souligner le confort d’utilisation que cela procure même s’il faut savoir que les ressources du DSP ne sont pas infinies et qu’il faudra souvent jongler entre plugs hardware et plugs natifs pour mener un terme un projet audio complet.
Si l’on s’arrêtait sur cette liste de caractéristiques, l’Emulator X Studio serait déjà une bonne affaire pour 599€. Mais le meilleur reste à venir puisqu’E-MU, un temps l’égal d’AKAI dans le royaume des échantillonneurs matériels, a mis tout son savoir faire dans un sampleur logiciel justement nommé Emulator X, et qui décoiffe sévèrement…
Sampler et sans reproche…
Emulator X est en effet un véritable échantillonneur capable de travailler en 24 bits / 192 kHz et dont les limites ne sont liées qu’à la vitesse de calcul de votre PC, comme toujours avec les logiciels. Les quatre CDs livrés permettent de se faire une première idée de sa puissance. Choisissez votre entrée MIDI, chargez une banque et c’est parti ! Comme pour n’importe quel module sonore, les sons sont de qualité variable mais ils permettent de se faire une idée des performances de reproduction d’Emulator X. Celles-ci sont excellentes et, dans la mesure où comme HALion, Kontakt et Mach5, le sampler d’E-MU gère le Streaming en temps réel depuis le disque dur, vous pourrez utilisez des banques de taille conséquente sans aucun souci.
Ne rêvez tout de même pas : à l’utilisation, sur de gros multi-échantillons « streamés », on sent qu’il faut en avoir sous la pédale en matière de performances du disque dur et de quantité de mémoire. Testé sur un Athlon 2000XP avec 512Mo de Ram, Emulator X s’est ainsi parfaitement comporté dans l’ensemble mais la consommation CPU atteignait souvent les 30%…
Les sons livrés devraient quant à eux répondre à tous les goûts et vous permettre d’aborder une grande variété de registres. On trouve tout d’abord un piano multi-échantilloné qui tient sur deux CDs (1,42 Go) et dont la facture est correcte même si, à mon sens, il ne se hisse pas au niveau du The Grand mis au point par Wizoo pour Steinberg. On dispose ensuite de Beat Shop One, une collection de 275 Mo de kits et de boucles de batterie, d’une bibliothèque de sons Urban d’excellente qualité pour les musique 'actuelles’, de la banque Saint Thomas Strings et d’un bon milliers de presets issu du vénérable expandeur Proteus 2000 : l’occasion pour E-MU de fournir un ensemble General MIDI dont la qualité est hélas assez moyenne (notez que c’est le cas, toutefois, de la plupart des collections généralistes).
Pour conclure sur ce point, on retiendra que les sons les plus satisfaisants sont les plus synthétiques et trafiqués, comme ces boucles de batterie flangées du plus bel effet ou ces nappes aussi grosses que baveuses. Les sonorités acoustiques sont dans l’ensemble moins enthousiasmantes. Cependant, ce détail n’a rien de rédhibitoire dans la mesure ou l’Emulator X, en bon sampler qu’il est, peut accueillir des sons externes d’une part, et peut jouer de ses capacités de synthèse d’autre part.
Du sampling à la synthèse
Bien plus qu’un simple lecteur d’échantillons, Emulator X recèle de véritables outils de synthèse avec 54 filtres morphant de type Z-plane (Voir encadré), des LFO multi-ondes, sans parler des classiques enveloppes d’amplitude et de filtres, etc.
Pour ce qui est des multi-échantillons, l’édition des zones du clavier de déclenchement des échantillons se fait de façon entièrement graphique : difficile de faire plus simple.
En gros, on a cette sensation de disposer de toute la puissance d’un gros échantillonneur matériel avec toute la souplesse et l’ergonomie que peut prodiguer l’informatique… et pour un prix bien inférieur !
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On peut ainsi définir 16 contrôleurs MIDI pour agir en temps réel sur des paramètres de synthèse, ce qui permet d’entrevoir une sympathique utilisation live de l’engin !
Côté édition audio pure et dure, le logiciel ne démérite pas non plus et, sans atteindre l’exhaustivité des usines à gaz que sont SoundForge, Wavelab ou Audition, il devrait satisfaire aux besoins de la plupart des utilisateurs.
Profitions-en d’ailleurs pour nous étonner des logiciels livrés en bundle : si Cubasis VST et Wavelab Lite s’avéraient cohérent dans le contexte d’une E-MU 0404 vendue à 100 €, leur côté amateur, vieillot et leurs limitations cadrent mal avec les fonctionnalités et le public auquel se destine l’Emulator X Studio… Il n’y a rien de grave là-dedans mais, en toute sincérité, vous pouvez vous dispenser d’installer l’un comme l’autre…
Précisons-le enfin : un plugin VST permet d’utiliser Emulator X de façon toute à fait transparente dans un séquenceur. Si la chose réduira la multitimbralité de l’instrument à 16 voies au lieu des 32 du mode Standalone, cela permet au sampler virtuel de se poser comme une alternative intéressante aux ténors du marché, Kontakt et HALion en tête. Cela est d’autant plus vrai qu’en terme d’ouverture, le logiciel d’E-MU n’a rien à envier à la concurrence…
Un sampler ouvert
En effet, E-MU a particulièrement soigné l’acquisition d’échantillons venant de sources extérieures, qu’il s’agisse d’une entrée en Live ou d’un programme d’échantillons dédié à un sampler concurrent. L’acquisition Live passe par une fenêtre dédiée qui permet d’assigner automatiquement des touches de clavier à des régions, elles-mêmes calculées automatiquement par le programme : rapide et sans bavure.
A noter qu’il est également possible d’importer des fichiers WAV par le truchement de cette fenêtre d’acquisition.
Pour ce qui est d’importer des banques de formats différents, Emulator X est livré avec un convertisseur d’échantillons et de programmes d’excellente facture.
Nommé fort logiquement « Emulator X Converter », ce dernier s’avère capable de lire et convertir une grande variété de formats en plus des incontournables WAV et AIFF : Akai (S-1000/2000/3000, S-5000/Z, MPC 3000/2000, MESA), Emagic EXS-24 Mark I/II, SampleCell I & II, GigaSampler, Steinberg HALion I/II, Creamware Pulsar/STS, Propellerhead Recycle 1, ACID et bien sûr E-MU (E3/ESi, Emax II, Sounfonts). Fonctionnant parfaitement, cet utilitaire vous permettra à coup sûr de réutiliser de vieilles (ou moins vieilles) banques de sons ! Il ne lui manque que quelques grands standard à reconnaître pour être exhaustif (Roland, Kurzweil, etc.). Peut-être dans une prochaine version…
Profitons d’ailleurs de l’occasion pour évoquer une délicate intention de la part des concepteurs: Emulator X est capable de scruter l’ensemble des disques pour constituer une bibliothèque d’accès rapide aux échantillons ; on appréciera le souci du détail… Il convient aussi de souligner l’excellente qualité de la doc livrée sur le CD, même si un petit bug empêche son installation et qu’il faudra aller la chercher soit même via l’explorateur Windows.
Conclusion
En commercialisant l’Emulator X Studio à 599€ et l’Emulator X standard à 299€, E-MU place la barre très haut en terme de prix (ou plutôt très bas en l’occurrence). Rien que la partie » interface sonore " et sa pléthore de connectiques vaut les 599€ dans le cas de la version Studio. Si l’on prend en compte la qualité des composants utilisés, l’intégration d’un DSP qui n’a rien d’un faire-valoir, les nombreuses possibilités de routing et la puissance du sampler logiciel Emulator X, qui compte sans conteste parmi les meilleurs échantillonneurs virtuels du marché, il va sans dire que le rapport qualité/performances/prix de l’ensemble est stupéfiant ! Bref, après avoir mis tout le monde d’accord sur l’entrée de gamme avec la 0404, E-MU remet bien des pendules à l’heure dans le milieu de gamme des cartes audio. Quoi que puisse laisser penser le prix de l’Emulator X Studio, le produit sort ici clairement du monde du grand public pour s’adresser à l’amateur averti comme au semi-pro à budget restreint. Bref, après avoir hiberné plusieurs années, le pionnier du sampling E-MU nous revient au mieux de sa forme et, n’en déplaise à la concurrence, il devrait s’installer durablement sur plus d’un PC.